Anonyme [1649], L’VNION ET ALLIANCE DE L’ESPAGNE AVEC LA FRANCE. AVEC LES PROTESTATIONS du Roy d’Espagne contre Mazarin. Sujet aussi remarquable, que curieux. , français, latinRéférence RIM : M0_3912. Cote locale : C_10_54.
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L’VNION ET ALLIANCE
de l’Espagne auec la France.

Auec les Protestations du Roy
d’Espagne contre Mazarin.

Sujet aussi remarquable que curieux.

AYANS porté mes Meditations sur l’économie ;
sur toutes les creatures qui
font le composé de l’Vniuers, ie n’ay
rien trouué qui ne soit capable de
charmer mes sens & rauir mes esprits. Cette Diuine
Sagesse a donné à chaque espece, les proprietez
conuenables à son estre ; à la Terre la stabilité, à la
Mer son reflux, aux Plantes des qualitez, aux Oiseaux
le volle, & aux Vents la legereté : mais quand
ie regarde fixement ce bel Astre qui fait tous les
prodiges de la Nature, & qui se fait admirer par
l’éclat de sa beauté, sans lequel toutes les belles productions
de la Nature, ne peuuent estre faites, comme
a reconnu Aristote dans le liure des generations,
disant, Sol ac homo generant homines. Ce Ciel
majestueux est tout brillant d’Estoilles, qui font
vn mouuement par vn ordre tres excellent ; c’est
ce qui fait autant adorer qu’admirer l’Autheur de
ce Monde superieur, qui gouuerne ses creatures

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auec vn ordre digne de sa sagesse : l’vnion qui se
rencontre dans cette eternelle conduite, ne peut
estre trop considerée, mesme par la beauté de ces
esprits Angeliques, qui sans cesse forment dans
leurs intelligences des idées suiuies de respects &
venerations à l’endroit d’vne Majesté si adorable,
qui a creé toutes choses pour vne bonne fin.

 

Or ie dis que les moyens qu’elle a donné pour y
paruenir, c’est l’vnion, sans la quelle la Charité, qui
est la Reyne des Vertus, est exilée ; & la Religion,
qui est d’vn culte diuin, ne peut subsister sans elle ;
& quiconque ne la possede, ne peut esperer aucune
entrée au sejour de la gloire : la Foy, quoy que viue,
& l’Esperance sont infructueuses sans ce fondement ;
au terme de l’Apostre.

Les animaux, chacun dans son genre & espece,
par vn instinc naturel conseruent cette vnion ;
c’est pour cela qu’ils ne se liurent aucun combat &
viuent dans le repos. Mais les hommes, qui plus
nobles incomparablement, veu qu’estans intelligens
& participans à la nature Angelique, & portans
l’image & le caractere ineffacable de la Diuinité,
cherchent tous vnanimement la societé ciuile,
soustenuë & appuyée de l’vnion ; c’est cette
eschelle de Iacob, par laquelle les vns montent &
les autres descendent.

L’on ne peut paruenir au sommet de la perfection,
qu’auec cette aimable charité qui vny les
cœurs, diuerty les contentions, fomente la Paix,
chasse les diuorces & inimitiez. En vn mot, c’est

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l’image du Paradis, ainsi que la des-vnion est celle
de l’Enfer.

 

C’est ce qu’à fort iudicieusement remarqué ce
grand Monarque & Roy tres-Catholique, la conduite
aussi bien que la sagesse, duquel ne se peuuent
trop admirer ; car il est à preiuger que ce debonnaire
Prince n’est point autheur de la guerre,
veu qu’il n’a plus forte passion que de s’vnir à la
France par vne bonne pacification, qui est dans le
cœur de ses subjets, aussi bien que le regret d’auoir
demeuré si long temps parmy des troubles qui ont
tout rauagé, & qui n’ont donné aucun repos aux
consciences, si ce n’est en celle de Mazarin & de ses
complices, qui y ont trouué leur satisfaction ; ce
cruel a empesché la Paix, par ses astuces & inuentions
Italiennes & criminelles.

Il a allumé le flambeau de la guerre par tout les
Royaumes, & ses plus chers delices n’ont esté que
d’extorquer les biens, en des-vnissant toutes les
plus fortes amitiez ; mesme son insolence & temerité
extreme, n’ont épargné les testes couronnées
qu’il a couuertes d’épines tres-piquantes, par la
perte & ruïne de leurs Estats.

Ce pieux Monarque & tres-Catholique Prince,
proteste que ce funeste Iberien, est vn proditeur
& vn faussaire, qui a suscité par ses malefices des
seditions, & qui a diuerses fois fait rupture des
traittez de Paix ; & que si sa Majesté a vsé de ses
forces Royales, n’a esté que pour maintenir son
Estat, & l’appuyer contre la tyrannie Mazarine :

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que si le Ciel n’auoit secondé ses armes, que ce
Tyrã ne visoit qu’à alterer son Estat, en le dépoüillant
de Naples par la reuolte de ses subjets, afin de
l’assujettir à sa tyrannie & de s’en declarer Roy :
mais Dieu a diuerty son pernicieux dessein, qui
voulant exceder toutes les Loix de la raison, vouloit
éleuer son frere le Cardinal d’Aix en vn degré
sur eminent, luy ayant déja fait porter des Croces,
luy qui n’estoit capable (par la vilité de sa
naissance) qu’à porter des houlettes : neantmoins
triomphant du sort, se seruant des forces du Roy
tres-Chrestien, a intimidé sa Saincteté, la menaçant
de perdre son domaine si elle refusoit le
chapeau Cardinal à sondit frere, comme elle auoit
fait plusieurs fois l’en iugeant indigne.

 

Ce mauuais Ministre est le fleau de toutes les
Nations, ainsi qu’il en a esté l’oppresseur : toutes
les creatures ne buttent qu’à sa perte, afin que par
icelle le negoce soit libre, que les Viateurs y trouuent
leur seureté, les Nautonniers y rencontrent
vn fauorable port, les enfans de Cerés la liberté
de cultiuer leurs terres, & les Iardiniers d’émonder
leurs arbres ; & pour paruenir à vn bien si souhaitable,
vn chacun prend les armes, & semble que
par vne motion secrette, & par vne Prouidence
speciale de Dieu, tous les plus écartez du Soleil,
n’aspirent qu’à sa perte.

Et pour le faire voir plus clairement qu’auec la
lampe de Diogenes, n’y a qu’à considerer cette
Majesté Espagnole, sans discuter dauantage. Cette

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bonté veritablement Royale, n’a t’elle pas enuoyé
expres à ce venerable & respectueux Senat luy faire
offre de son armée ? apres qu’elle a esté suppliée
par Mazarin, luy accorder pour ruïner la France,
& sacrifier à sa rage & à ses furieuses passions cette
illustre Cõpagnée, à laquelle il doit toute veneratiõ.
Cét impie croyoit flechir cette ame Royale par
l’excés de ses promesses, qui estoient fondées dans
l’injustice, voulant donner à ce valeureux Prince
libre accés dans la France, luy rendre toutes les
Places que les armes florissantes des François
auoient acquises à cét Estat, & que par vne triste
Paix il se rendroit absolu, se seruant de la minorité
du Roy, aptes qu’il auroit victimé à sa cruauté
ordinaire cette saincte Societé, qui est l’appuy du
timon, & le Soleil qui éclaire tous les peuples ; ce
sera le mesme qui dissipera tous les nuages & calmera
toutes les tempestes. Ces Augustes Senateurs
seront comme ces astres tres-brillans, qui amenent
vn tres agreable iour.

 

Qui n’est autre que la Paix qui calmera tous
soins, & qui rendra la France plus florissante que
iamais, bien tost à la faueur de ces aimables & respectueux
Magistrats ; elle sera affranchie de toutes
les oppressions Mazarines : l’Espagne aussi bien
qu’elle y apporte ses soins, par les offres qu’elle
fait de contribuer par sa milice à vn employ si
glorieux, qui chassera les troubles, & vnira plus
estroitement les cœurs, mesme les plus sauuages, à
la plus grande gloire de Dieu, par la perte de cét

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inhumain ; Et apres vne bonne Paix generale, qui
couronnera cette heroïque entreprise, les Couronnes
estans vnies, à la faueur de leurs Peuples,
on prendra les armes contre ces execrables Anglois,
qui ont miserablement massacré leur Roy,
qui par cét horrible attentat, ont attiré la malediction
du Ciel & de la Terre.

 

FIN.

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Anonyme [1649], L’VNION ET ALLIANCE DE L’ESPAGNE AVEC LA FRANCE. AVEC LES PROTESTATIONS du Roy d’Espagne contre Mazarin. Sujet aussi remarquable, que curieux. , français, latinRéférence RIM : M0_3912. Cote locale : C_10_54.