Anonyme [1652], DISCOVRS FAISANT VOIR Tout ce qui s’est passé deuant & apres la Retraicte du C. Mazarin, tant à Compiegne qu’aux Armées de Messieurs les Princes. En forme d’Entretien, Entre vn Caualier Frondeur & vn Caualier Mazarin: Sur le chemin de Compiegne à Paris. Où se voit l’Histoire de sa mauuaise conduitte iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_1122. Cote locale : B_13_44.
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DISCOVRS
FAISANT VOIR Tout ce qui s’est passé deuant & apres la Retraicte
du Cardinal Mazarin, tant à Compiegne
qu’aux Armées de Messieurs les
Princes.

En forme d’entretien, Entre vn Caualier Frondeur
vn Caualier Mazarin, sur le chemin
de Compiegne à Paris.

Comme les choses du monde sont sujetes
au changement & à la vicissitude des
temps & des Saisons. Aussi dans ces reuolutions
il se rencontre tousiours vn meslange
de joye & de douleur, de déplaisir & de fascherie,
de contentement & de tristesse, de ris
& de pleurs, de repos & de trauail, de tempeste
& de bonasse, vn iour de prosperité &
vne nuict d’aduersité, vn temps de bonheur &
vn autre de malheur, de richesse & d’abõdance,

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de suffisance & de necessité, d’amitié & de
hayne ; le leuer de la faueur & le couchant de
la disgrace & faueur, des delices & des amertumes.

 

Les vns ont sujet de ioye en trouuant les
succez heureux de leurs desirs, les autres
ressentent les reuers de la Fortune,
Deesse marastre, trompeuse, & inconstante,
qui leur fait trouuer la fin de leur bien dans le
commencement de leur desastre. Ainsi prosternez
aux pieds de cette inconstante Maistresse,
laquelle n’est qu’vn soudain & inopiné
éuenement des choses bonnes ou mauuaises,
qui estoit reclamée par les Anciens comme
Deesse, & l’adoroiẽt auec ces Epithetes, d’aueugle,
muable, Reyne de l’Vniuers, ennemie
te de prosperité, ingrate, felonne, impitoyable,
fatale & desloyale.

Ce qui se recognoist bien aujourd’huy entre
la diuersité des personnes & des esprits :
par ce qui s’est passe deuant & depuis la
Retraicte du Cardinal Mazarin, qui est vn
iour de Feste pour les Frondeurs & vn iour
de pleur & de fascherie pour les Mazarins.
C’est le sujet de l’entretien de deux Caualiers,
vn Frondeur, & l’autre Mazarin, sur le chemin
de Compiegne à Paris.

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LE FRONDEVR.

Paroissant auec vn visage guay & riant,
commance à dire, Dieu soit loüé, de nous auoir
enfin deliuré de ce meschant Homme,
qui nous a faict tant de mal, que nous eussions
esté heureux si iamais il n’eust mis le pied en
France, d’où il a banny le repos & causé le
trouble & la ruyne d’vn chacun.

LE MAZARIN.

Monstrant vne face morne, triste & refroignée,
dit c’est l’opinion que vous auez que
Monsieur le Cardinal à son arriuée en France
ait causé les troubles dont vous vous plaignez :
ne sçauez-vous pas que la Guerre qui
auoit suiuy la rupture entre les deux Couronnes,
fut le veritable suiet des troubles & des
maux que la France à souffert, ce n’est poinct
son Eminence qui les a faict naistre, & les
ayant trouuez il ne les a peu faire cesser quoy
qu’il en eust la volonté.

LE FRONDEVR.

Ie ne me trompe point de me resiouïr de
ce qu’il nous quitte, puis que c’est luy qui a
allumé la guerre Ciuile en France à dessein
d’en profiter & de maintenir son ambition
& son authorité, qui couste la vie de tant de
milliers d’hommes.

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LE MAZARIN.

Ce n’a iamais esté le dessein de M. le Cardinal
de se mettre mal auec les François : mais
c’est la jalousie & l’enuie qu’on luy a porté,
qui a faict tomber sur luy toutes les impostures
de ses ennemis qui ne pouuoient souffrir
de le voir dans les affaires, & admis au Ministere,
ce que iamais il n’auoit ambitiõné, mais
il en auoit esté sollicité par le deffunct Cardinal
de Richelieu, qui recognoissant son bel esprit
& son experience aux grandes affaires,
à sa mort le recommanda au deffunct Roy
Louys le Iuste.

LE FRONDEVR.

C’est nostre mal-heur, car si le deffunct
Cardinal de Richelieu eust pensé qu’il l’eust
surmonté en malice, il se fust bien gardé de
le recõmander au Roy, il croyoit auoir trouué
en luy vn homme capable de le suruiure, &
d’estre employé aux grandes affaires, il ne cognoissoit
pas sa perfidie, ses piperies & fourberies,
car comme il sçauoit qu’il auoit rendu
quelques seruices au Pape, il estimoit qu’il feroit
le mesme dãs les employs qu’il auroit dans
le seruice du Roy : mais c’est en celà qu’il a
trompé beaucoup de monde, car se voyant
seul esleué au Ministere, il ne manqua pas de

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faire voir le mestier dont il se mesloit.

 

LE MAZARIN.

A celà ie respond qu’il à fallu que son Eminence
se soit accommodé au temps & à l’occasion,
il a trouué les desordres en France, &
comme il auoit la volonté bonne d’y remedier,
l’on trauersa ses bons desseins & le laissa-on
seul surchargé d’affaires capables d’occuper
les plus grands hommes d’Estat. Sans auoir
trouué parmy les François l’approbation
de ses bonnes intentions, quoy qu’il fist
tout son possible pour en faire voir les effets à
Messieurs du Conseil, ce que voyant il a esté
contraint d’abandonner les affaires au caurant
du temps.

LE FRONDEVR.

Vous auez bien raison de dire qu’il s’est
accommodé au temps & à la Saison qu’il a
trouuée propre & disposée à faire ses affaires,
il est venu dans le trouble, qui est-ce qu’il demandoit,
car durant ce regne tempestueux il
a pesché largement en l’eau trouble, a insolemment
volé les tresors du Roy, & en deux
Années de la Regence il a disposé de trois
cens millions de liures prouenans des imposts
mis sur le Peuple & par lui acceptez, & donné
les moiens de les imposer, sans auoir paié personne,

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que si vous alleguez Messieurs du Conseil
pour tesmoins de ses actions, dites plutost
Messieurs des Finances, & les Partisans
ou Volleurs, qui ont fait de bonnes griueles
auec luy, & se sont tres-bien trouuez de son
appuy pour hardiment & insolemment desrobber,
& luy a esté bien ayse de prendre leur
aduis & se seruir de leurs destours, pour pouuoir
auec eux déuorer toute la substance des
peuples.

 

LE MAZARIN.

Excusez-moy, si ie vous dis n’auoir point
recogneu en Monsieur le Cardinal ce que vous
dites, il s’entretenoit des appointement & des
gages qu’il auoit cõme premier Ministre d’Estat,
lequel pour maintenir sa dignité auoit
besoin de nombre d’Officiers & Domestiques,
pour lesquels il falloit faire vne grande
despense en sa Maison, comme aussi les garde
qu’il a esté contraint d’auoir pour seureté de
sa personne contre les ennemis de sa Fortune.
Que s’il a pris de l’argent à l’Espargne ç’a esté
pour les affaires du Roy, car pour toute autre
chose il s’est entretenu par son bon mesnage,
& du reuenu de quelque Benefices qu’il a, sans
mettre la main aux coffres de sa Majesté : i’ay
hanté en sa Maison, ie sçay vne partie du gouuernement

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d’icelle, & de sa conduite, qui est
toute autre de ce que vous vous imaginez, il
n’a fait aucunes acquisitions, il ne s’est point
chargé d’aucun Gouuernement, ny voulu
auoir des places de seureté au Royaume cõme
auoit le defunct Cardinal de Richelieu,
ny porté d’ambition d’auoir la fonction & les
emolumens de l’Admirauté comme il auoit,
ce qui luy donnoit moyen d’auoir de grands
deniers, comment donc dites-vous qu’il a
tant volé ?

 

LE FRONDEVR.

Il est vray qu’en cela il a esté plus subtil que
defunct le Cardinal de Richelieu, qui faisoit
estat d’auoir de l’argent en abondance, aussi
en falloit-il pour entretenir quantité de personnes
en France & aux pais estrangers pour
le bien du seruice du Roy, & faire payer les
grandes armées que sa Majesté entretenoit en
Allemagne, en Italie & en Catalogne : Ces
grands deniers qu’il prenoit à l’Espargne sont
demeurez en France, il ne les a point emportez ;
s’il a marié ses niepces il ne leur a pas
donné des dots en argent excessifs, quoy que
l’amour naturel le portast à le faire. Mais le
Cardinal Mazarin pour voler plus adroitement
a voulu entreprendre des conquestes de

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mer, il a offert au grãd Duc de Toscane vn million
de liures pour l’isle d’Elbe, afin de prẽdre
Piombino & Portolongono ports de Mer importans
pour y faire exercer les pyrateries sur
les Marchands, & en profiter : N’auoit-il pas
vn Moyne son frere le Cardinal lacquelty General
de la Mer, pour auoir moyen de voller
plus librement les deniers du Roy, sous pretexte
de l’entretenement des armées de Mer ?
& n’y a eu que luy qui s’est enrichy dans les
voleries & pyrateries, dont les millions ont
esté par luy enuoyez aux Banquiers estrangers
& a remply l’Italie de nos Louys & de nos Iustes
d’or. Il a fait des despenses excessiues à
bastir vne Escurie ioignant son Hostel, qui surpasse
celle du Roy. Il a rauy les plus riches &
plus precieux joyaux de la Couronne, & consommé
de grands deniers à faire venir d’Allemagne,
d’Italie, & de Flandres des Peintures
& Sculptures de Marbre, de Bronze, & pieces
antiques & rares, pour contenter son ambition :
Il a donné des millions pour marier ses
Niepces, & disposé des plus beaux Gouuernemens
du Royaume en faueur de ceux qui
les espouseroient. Il a employé des sommes
incroyables à faire leuer des gens de guerre
en Allemagne & Italie pour les amener en

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France, se seruant ainsi de l’argent du Royaume
pour y entretenir la guerre, & ruyner les
peuples. C’est ce que vous ne mettez point en
ligne de compte.

 

LE MAZARIN.

Ie vous ay desià dit, que le reuenu de quelques
Benefices qu’il a sont employez à l’entretien
de sa Maison, que s’il a pris des deniers
de l’Espargne, ç’a esté pour leuer des
gens de guerre és pays estrangers, & maintenir
l’authorité du Roy contre les Princes, &
non pour d’autre sujet, aux guerres qui se font
en Guyenne, en Xaintonge, & icy pres de
Paris, pour les obliger à la Paix, & à rentrer
en leur deuoir.

LE FRONDEVR.

I’ay à vous respondre là dessus, que le Cardinal
Mazarin a entrepris vne chose que le defunct
Cardinal de Richelieu n’a iamais faicte,
qui est de disposer de tous les Benefices de
France, se seruir du nom & de l’authorité du
Roy pour y nommer, & les donner à qui bon
luy semble, ce que le defunct Cardinal ne faisoit
point, & en laissoit la libre nomination au
Roy, mais cestui-cy vsurpe sur le Roy le pouuoir
de nommer aux Benefices, de maniere
qu’il les vend & en fait vn trafic sordide, profane,

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accompagné de simonie & de confidẽce
au premier qui en veut bailler de l’argent,
apres auoir pris les meilleurs pour luy & pour
les siens : De voir vn homme comme luy sous
pretexte d’armer pour le Roy contre les Princes,
r’entrer en France les armes à la main, qui
au iugement de tout le monde, n’a eu autre
dessein par son retour que de mettre le feu par
tout, qui hazarde la Couronne pour se maintenir
dans le Ministere contre les Loix du
Royaume, faire faire au Roy des Declarations
contre les Arrests des Compagnies Souueraines,
& les vœux de tous les bons François,
qui met en proye la vie & les biens des sujets
du Roy. La Fortune publique & particuliere
fait tout son possible pour ruyner la ville de
Paris, en voulant abolir son Parlement, & le
rendre esclaue à sa tyrannie, pretendant mettre
aux liens & aux ceps les plus gens de bien,
pour vouloir maintenir la Iustice, & garentir
le Public d’oppression & de violence : à quoy
il a tousiours porté ses mauuaises pensées.

 

LE MAZARIN.

Vous voulez bien du mal à Monsieur le
Cardinal, en luy attribuant ainsi tous les malheurs
qui trauaillent à present la France, sans

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considerer qu’il n’a rien fait que pour faire valoir
l’authorité du Roy, contre ceux qui vouloient
entreprendre sur elle, sans rendre l’obeyssance
à ses volontez. Il n’a iamais eu autre
intention, & à cause de ce, & que sa Majesté
se trouue bien de ses seruices, on a mis sa teste
à cinquante mille escus, on a proscrit sa personne
comme ennemie de l’Estat & criminelle
de leze-Maiesté, essayé à vnir toutes les Cours
& toute la France contre luy.

 

LE FRONDEVR.

Parlons auec raison sans chaleur de foye &
sans passion, le Parlement de Paris a-il tort
de consentir, auec Messieurs les Princes, voire
toute la France, de faire executer la Declaration
du Roy, leuë & publiée, & registrée en
l’acte solemnel de la Majorité de sa Majesté en
son Parlement de Paris, le 7. de Septembre de
l’an 1651. portant, Que le Cardinal s’esloigneroit
& sortiroit hors de France, terres &
pays de l’obeyssance du Roy, sans esperance
d’y retourner : Et contre vne Declaration si
solemnelle, estre si hardy & temeraire de porter
le Roy à faire la guerre contre les Princes
de son Sang, apres les auoir retenus prisonniers
durant treize mois en diuerses prisons :
mesprisé les Remonstrances du Parlement de

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Paris, traitté indignement ses Deputez, qui ne
demandoient qu’à pacifier toutes choses par
vne bonne Paix, commettre des impietez &
sacrileges, & des cruautez incroyables par
tout le Royaume, faire attaquer la ville de Paris
auec les armes du Roy à dessein de la ruyner,
& d’en faire vne Troye cendreuse, d’establir
vn Parlement à Pontoise composé de
quelques Officiers du Parlement de Paris par
luy corrompus, & interdire cette auguste
Cour des Pairs sans autre subject que pour
s’estre courageusement opposée aux effects
de ses mauuais conseils, comme elle deuoit
faire pour conseruer l’authorité du Roy, & garentir
l’Estat de tomber en Tyrannie. Apres
cela ie n’ay plus rien à vous dire, sinon, que ie
treuue estrange de ce que vous ne tesmoignez
pas estre bon François, en portant auec tant
de passion les interests d’vn Tyran, de nostre
commun Ennemy, & perturbateur du Repos-Public,
paroles qui me sont eschappées, sans
laisser à vous dire que ie vous suis seruiteur en
cas que vous vous relaschiez & paroissiez veritable
François, seruiteur du Roy, & affectionné
à la Paix de la France.

 

LE MAZARIN.

Monsieur le Cardinal s’est retiré & sorty

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hors de France, pour donner subject à Messieurs
les Princes de poser les armes & entendre
à la Paix. Si les Princes ont esté prisonniers,
ce n’a point esté par ses conseils : le Roy
par sa Declaration a faict cognoistre que ç’a
esté de son mouuement propre : & de fait, lors
qu’il a esté resolu qu’ils seroient mis en liberté,
Monsieur le Cardinal s’est porté en personne
au Havre de grace, portant le commandemẽt
du Roy au sieur de Bar de leur ouurir les portes,
ce qui fut aussi-tost executé ; qu’apres leur
deliurance, si la guerre s’est allumée en France,
en Guyenne, & ailleurs, on ne peut dire que ce
soit par les conseils de Monsieur le Cardinal,
puis qu’il s’estoit retiré en Allemagne, que s’il
est reuenu en France auec armes, c’est par les
ordres expres du Roy, & cette armée leuée à
ses despens estoit pour fortifier celle de sa Majesté
contre Monsieur le Prince, que si les soldats
ont commis des pilleries & des impietez,
cela s’est fait par la liberté qu’ils se donnent
de voller aux pays où ils sont par le peu d’ordre
que les Capitaines qui leur commandent
y mettent pour les empescher, ce qu’ayant
sceu Monsieur le Cardinal, il a tesmoigné en
auoir vn regret tres-grand, & fait tout ce
qu’il a pû pour remedier à ces desordres, si

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aucuns du Parlement de Paris se sont retirez,
ç’a esté pour euiter la furie du peuple sur l’opinion
qu’il auoit qu’ils portoient le party de
son Mminence : Et comme ce sont les testes
principales du Parlement de Paris, le Roy les
voyant empeschez de continuer à rendre lã
Iustice à ses subjets auec pleine liberté a voulu
que le Parlement de Paris eut sa seance à
Pontoise pour administrer la Iustice sans
crainte ny apprehension, sans que Monsieur
le Cardinal ait iamais pensé à les corrompre
pour diuiser ce Parlement & l’establir à Pontoise,
c’est l’instance de ces Officiers intimidez
par tant de menaces qu’il a fait cét establissement,
commandé aux Officiers du mesme
Parlement de Paris de se ioindre auec ceux
qui estoient à Pontoise, & les autres Cours
souueraines de s’y rendre tous ensemble &
auec toute seureté faire leurs fonctions de
Iustice.

 

LE FRONDEVR.

Vous n’auez garde de confesser que ce pretendu
Parlement de Ponthoise n’est composé
que de quelques Officiers de celuy de Paris,
recogneus affectionez au party Mazarin, pour
en ce Parlement estably par abbrege y faire
subsister son innocence comme il a fait, sçachant

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tres-bien que le Parlement de Paris &
qui la declaré criminel de leze-Maiesté, qui
la proscrit & banny hors de France, suiuant la
Declaration du Roy ne le iustifiera iamais cõtre
sa conscence, contre ses Arrests donnez auec
si grande cognoissance de ses crimes, &
contre l’honneur d’vne Cour si Auguste, pour
verifier sans contredit ny modification, les
Edicts & les Declarations de sa Maiesté, conceus
& dictez par les Ministres Mazarins, & remettre
facillement les Partisans en credit comme
ils l’esperent.

 

LE MAZARIN.

Il est vray que si Monsieur le Cardinal a
poursuiuy la iustification de son innocence au
Parlement de Pontoise, ce n’a point esté qu’auec
commandement exprez du Roy, qui s’est
tousiours loüé de sa conduite, & des bons seruices
qu’il luy a rendus en toutes sortes d’occasions,
comme il se voit par sa Declaration
derniere, ne desirant point l’esloigner auec le
blasme que ses ennemis luy donnent iniustement
& sans suiet, disant & publiant qu’il s’est
tres-mal conduit & gouuerné en son Ministere,
& que les estrangers ne prissent de là subjet de
le décrier, comme ennemy de la France &
perturbateur du repos public, & que le Roy

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l’esloignoit hors son Royaume, terre & pays
de son obeïssance pour contenter ses peuples
qui luy attribuent iustement la cause principale
de nos troubles, cõme s’estant tousiours
opposé à la paix generale ; ce qui pourtant ne
se trouuera point, au contraire, il l’a tousiours
poursuiuie & conseillee, pourueu que l’authorité
du Roy demeurast en son integrité, force
& vertu, comme il est raisonnable.

 

LE FRONDEVR.

Le peuple a grand subiet de se plaindre de
luy en cela, car pour monstrer que le Cardinal
Mazarin a empesché la conclusion de la
paix generale, il se voit qu’au mesme instant
que Monsieur le Duc de Longueville & Monsieur
le Comte d’Auaux auoient la plume à la
main pour la signer, le sieur Seruient (duquel
il s’est tousiours seruy comme iustement propre
à executer ses mauuaises volontez) produisit
vn ordre particulier qu’il auoit de s’opposer
& empescher que la paix generale ne se
conclut & ne se signast, ce qui mit toute l’Assemblée
des Plenipotentiaires en grand trouble,
de voir qu’apres que tous eurent demeuré
d’accord des difficultes proposees, & icelles
resoluës, n’y ayant plus qu’à conclurre.
Cét obstacle se presenta qui rompit toute

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l’Assemblee, tres-mal conte d’vne telle contradiction.
Dauatage encore que le Cardinal
se soit retiré à Boüillon il ne laisse pas d’enuoyer
iournellement au Conseil du Roy, composé
de ses adherans, les ordres de ce qu’ils
auront à faire pour mal-traitter Messieurs les
Princes, le Parlement & la ville de Paris, faisant
publier des Amnisties & abolitions conditionnées
de tout ce qui s’est passé durant ces
troubles, à la reserue de ceux qu’il veut perdre,
& faire desarmes les Princes trois iours
apres sa publication, afin qu’ayant posé les
armes & congedié leur armée, il soit plus aisé
au Cardinal, restant seul armé, de les perdre
quand il reuiendra en France auec de nouuelles
forces : Ce que Messieurs les Princes pressentant
ont fait venir les armées auxiliaires
pour leur deffense, ruiner le party Mazarin
qui est contr’eux & establir la paix generale,
pour le commun desir de la Chrestienté & le
soulagement des peuples languissans & gemissant
dans l’oppression & dans la misere que
les guerres luy font souffrir, & auec cela ie
prends congé de vous & vous remercie de
vostre Entretien.

 

FIN.

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Anonyme [1652], DISCOVRS FAISANT VOIR Tout ce qui s’est passé deuant & apres la Retraicte du C. Mazarin, tant à Compiegne qu’aux Armées de Messieurs les Princes. En forme d’Entretien, Entre vn Caualier Frondeur & vn Caualier Mazarin: Sur le chemin de Compiegne à Paris. Où se voit l’Histoire de sa mauuaise conduitte iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_1122. Cote locale : B_13_44.