Anonyme [1649], RESPONSE AV BANDEAV DE L’HONNEVR EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_3373. Cote locale : C_2_18.
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RESPONSE
AV
BANDEAV
DE
L’HONNEVR
EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS.

M. DC. XLIX.

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RESPONSE
AV BANDEAV
DE L’HONNEVR,
EN VERS BVRLESQVE.

 


ESPRIT furieux & volage,
Qui veux faire vn double visage,
Du portrait de la vraye Honneur,
Et qui crois que tout ton bon-heur,
Dépend de luy faire vne face,
Aduersaire à sa bonne grace ;
Lors que tu formes deux portraits
De l’Honneur, par tes diuers traits
Tu corrompts son illustre essence ;
Sçaches qu’vne race prudence,
Veut & commande qu’en ce temps,
Les esprits forts & inconstants,

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La reuerent comme Déesse,
Et comme la seule Princesse,
Qui domine sur les François,
Et qui par ses diuines loix,
Les contraint & les force encore,
De l’adorer comme l’aurore,
Qui chasse les obscuritez,
Des crimes & des laschetez,
Et qui par sa douce influence,
Gouuerne & regit nostre France.
En vain sont tous tes argumens,
Et tes friuoles mouuemens,
Le Ciel qui conserue son estre,
Promet de la faire paroistre,
Belle & claire comme vn Soleil,
Dessus le poinct de son réueil.
Autresfois dans le paganisme,
On obseruoit cette maxime,
De dresser vn Temple à l’Honneur ;
Crois-tu bien esprit suborneur,
Qu’au milieu du siecle où nous sommes,
Les plus vaillants de tous les hommes,

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Ne luy donnent leurs lauriers vers,
Luy dressant des Temples diuers.
Grand esprit, petit, ou superbe,
Apprends maintenant ce Prouerbe,
Qui dit, que si l’Antiquité
A l’Honneur vn Temple a presté,
Ce siecle fait qu’on edifie,
Selon l’art de Philosophie,
Mille Temples à sa grandeur,
Dans la France plaine d’ardeur,
De la conseruer dans son centre,
A dessein que la crainte rentre,
Dans le cœur de ses Fauoris,
Considere vn peu dans Paris,
L’illustre nombre de nos Princes,
Ou cherche-les dans nos Prouinces,
Qui les detiennent dans leurs seins,
Tu verras que ces grands humains,
Ont dans le fonds de leur poitrine,
Le portrait de l’Honneur diuine.
A t’on iamais veu de nos Rois,
Viure dessous ses douces loix,

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Auec plus d’ardeur que le nostre ;
Ce ieune Prince sur tout autre,
Montre que l’Honneur le conduit,
Et qu’elle luy donne le fruit,
De ses trauaux & de ses peines ;
Ses entreprises seroient veines,
Si l’Honneur ne guidoit ses pas,
C’est elle qui dans ses appas,
A pris le Duc d’Anjou son frere,
Par l’allechement de sa mere,
Cette grande Semiranis,
Que le Ciel en France a commis,
Pour regir durant le bas âge,
De nostre Roy son heritage :
Ie sçay que quelques Libertins,
Des esprits foibles & mutins,
Ont parlé mal de sa Regence,
Qu’ils apprennent que sa prudence,
Qui suit les regles de l’Honneur,
Ne cherche que nostre bon-heur ;
Ie sçay trop bien qu’on blasme encore
Tout son Conseil, & qu’on abhorre

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Auec haine le Cardinal,
Le rendant autheur de tout mal,
Le Ciel logera dans son ame,
Vn desir d’éuiter ce blasme,
Et de rendre nos vœux contents,
Dans l’espace de peu de temps,
Ramenant le Roy dans l’enceinte
De Paris, où la ioye est esteinte,
Ressuscitera de nouueau,
Et mettra la haine au tombeau.
Le bruit court par toute la France,
Que ce Prince qui dés l’enfance,
A fait voir vn si grand esprit,
Comme l’Historien escrit,
A perdu son humeur Royalle,
Qui ne trouuoit point son égale,
Et qui le rendoit sans pareil,
Eclattant comme vn beau Soleil :
Icy le vulgaire se trompe,
Veut-il qu’il sonne à coup de trompe
Les desseins qu’il a dans son cœur,
Il a tousiours sa mesme humeur,

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La Vertu qui luy sert de guide,
Et l’Honneur qui luy tient la bride,
Luy font conceuoir des projets,
De maintenir tous ses objets,
Pour le bon-heur de cet Empire,
De mesme qu’vn chacun desire.
Si les Zoïles enuieux,
Et les esprits ambitieux,
Jaloux de nostre illustre gloire,
Veulent remettre en leur memoire,
Le nombre des Princes François,
Ils trouueront comme ie crois,
Qu’ils sont plains d’vn Honneur,
Et que la Vertu qui la seme,
Luit si bien dans leurs actions,
Et dans toutes leurs passions,
Qu’il semble que ces personnages,
La tiennent dans leurs esclauages ;
Ou plustost que c’est la Vertu,
Qui seule à nos Princes vaincu :
Nous voyons encor la Noblesse,
Tant de l’vn que de l’autre sexe,

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Qui ne respire que l’Honneur,
Le seul baze de son bonheur.
Quand à ces hommes dont l’office
Est de bien rendre la iustice,
De mesme que ces grands Guerriers,
Qui sont couronnez de Lauriers,
Ont l’Honneur qui leur sert d’oracle,
Et qui leur fait rompre l’obstacle,
D’vn million de difficultez,
Où tient leurs esprits arrestez.
Tout le peuple qui les contemple,
Tasche de viure à leur exemple :
Si bien qu’en ce siecle de fer,
Nous voyons l’Honneur triompher ?
Ha ! que c’est chose bien estrange,
Quand la medisance se range
Du costé de nos Ennemis,
Sans doute le Ciel a permis,
Qu’elle regne dans cet Empire,
Pour faire endurer le martyre,
A ceux qui viuent dans l’Honneur,
Ou bien le Destin suborneur,

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Et jaloux de nostre fortune,
Est cause de cette rancune.
Ceux qui sont d’vn autre party,
De bon cœur ie les aduerty,
De jetter les yeux dans l’Histoire,
Qui les obligera de croire,
Que iamais les siecles passez,
N’ont point veu l’Honneur dans l’excez,
Reluire au fonds des cœurs des hommes,
Comme dans ce siecle où nous sommes :
Qui ne sera pas esbays,
De voir que dans tous les pays,
Où mesme on voit regner la guerre,
Que l’Honneur tousiours y desserre
Les diuins traits de ses rayons,
L’Honneur veut donc que nous croyons,
Quelle void clairement au monde,
Malgré cette Enuie qui gronde,
Et qui chante comme vn Corbeau,
Que l’Honneur est sous vn bandeau.
France considère de grace,
Comme nostre Royalle Race ;

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Est éprise de sa splendeur,
Voy partout regner sa grandeur,
Mesme dans le trouble des Foires,
Où les actions les plus noires
Ont coustume de se cacher,
Personne ne peut empescher
Cette Déesse de paroistre,
Elle fait son pouuoir renaistre,
Mesme dans le cœur des esprits,
Qui sont de la Superbe épris ;
C’est elle qui regit les Villes,
Qui les fait estre plus ciuilles ;
C’est elle qui charme nos sens,
Et qui rend nos bras plus puissans ;
C’est vne source Souueraine,
Où l’on boit sans aucune peine,
Les delices & les plaisirs,
C’est l’objet de tous nos desirs,
Le Soleil qui luit dans nos ames,
Et qui nous fait viure hors des blâmes,
En vn mot c’est la seule Honneur,
Qui rend auiourd’huy grand Seigneur
L’homme sur ses passions hautes,

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Elle seule excuse nos fautes,
Nos pechez & nos manquements,
Et nous apprend à tous moments,
L’art de bien viure dans ce monde,
En elle le bon-heur se fonde,
Des plus grands esprits de ce temps,
Elle seule les rend contents,
Leur sert de gage & de salaire,
D’aiguillon contre l’aduersaire,
Et de brides dans leurs desseins,
La lumiere échauffe leurs seins,
Et sa douceur leur est si bonne,
Qu’ils l’estiment vne Couronne ;
Ie treuue que l’Antiquité,
Sans doute aueugle a bien esté,
Lorsqu’elle a iugé que Minerue,
Cette qualité se reserue,
De Mere des Armes sans prix,
Et des lettres des grands esprits,
L’Honneur en ce temps nous commande,
De luy donner cette guirlande,
Et croire qu’elle est le centier,
De l’vn & de l’autre mestier.

 

FIN.

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