Anonyme [1652 [?]], RESPONSE AV SEDITIEVX ESCRIT INTITVLÉ LE CARACTERE DV ROYALISTE A AGATHON. , françaisRéférence RIM : M0_3384. Cote locale : B_17_21.
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RESPONSE AV SEDITIEVX
Escrit, intitulé le Caractere
du Royaliste à Agathon.

SI vous estes aussi mal adroit à soutenir
ce que vous pouuez dire dans toute la
suitte du beau discours que vous venez
de donner maintenant au public :
que vous estes mal adroit à faire voir au commencement
de ce Libelle, que vous ayez iamais
eu le veritable Caractere d’vn bon Royaliste ;
la gloire de vous auoir vaincu ne m’esleuera
pas beaucoup au dessus de ce que ie suis, & le
seruice que i’auray rendu au Roy, aux Princes,
& à l’Estat (que vous voulez sacrifier aux passions
& aux interests de tous les Mazarins,) ne
sera pas d’vne nature fort considerable ny aux
vns ny aux autres.

Pour nous montrer que vous estés tres sçauant
en l’art d’amplifier les matieres, vous faites
vn grand preambule de trois pages, qui consiste

-- 4 --

seulement à vous faire demander à l’Agathon
que vous introduisez (pour marquer que
vous auez esté comme forcé de traiter cette
question) si la cause qu’il appuye est accompagnée de
quelque espece de Iustice, afin d auoir vn sujet qui
soit propre à declamer contre la generosité de
deux Princes, que tout le monde doit auoir en
grande veneration, & qui n’exposent amoureusement
leurs biens & leurs vies que pour venger
l’attentat que les ennemis du Roy ont commis
contre sa Maiesté : que pour deliurer sa personne
sacrée de la captiuité où elle est, & que pour
sauuer l’Estat de la formidable tyrannie qui
l’oppresse.

 

Permettez moy de vous dire sur ce sujet, qu’il
n’est point de cause qui puisse estre accompagnée
d’aucune espece de Iustice, si elle n’est appuyée
des loix fondamentales de l’Estat ; Or les
loix fondamentales de l’Estat sont que les Roys
protegeront leurs suiets enuers tous & contre
tous, selon que Dieu & la raison les y obligent,
& qu’aucun Estranger, fut il mesme Prince issu
des plus illustres Potentats de la terre, ne sçauroit
estre ny Tuteur, ny Gouuerneur du Roy
durant sa Minorité, & moins encore Ministre en
aucune façon de pas vn des affaires de cette
Couronne, suiuant en cela le decret de la mesme
Sagesse qui dit, ne transfere point aux estrangers

-- 5 --

les honneurs qui te sont deubs, & ne commets point
tes iours à l’homme cruel, de crainte que les estrangers
ne se fortifient de tes forces, & que le fruit de tes trauaux
ne passe dans vne maison estrangere.

 

Salomon en
ses Preues.

Voyez apres cela de grace, si le party que
vous soustenez peut estre fort raisonnable, puis
qu’il viole impudemment, les armes à la main,
les mesmes voix qui luy deuroient donner cette
qualité : puis qu’il expose nuit & iour la personne
du Roy en des perils tres eminens : puis qu’il
abandonne continuellement l’Estat à la mercy
de ses ennemis : & puis qu’il consacre les
corps, les biens & la vie des suiets de sa Maiesté,
à la fureur & a la cupidité d’vn nombre
infiny de legions espouuentables ? Mais apres
auoir fait demander à vostre Agathon, si la cause
qu’il appuye est accompagnée de quelque espece
de iustice, examinons vn peu si celle que
vous appuyez (qui est à mon aduis la mesme)
peut estre moins iniuste, afin de vous faire le
procez à tous deux ensemble.

Les troubles presens sont à vostre conte, ou
seditions contre le Prince souuerain, ou dissentions des
Princes suiets : mais ie croy que si vous auiez pris
le soin d’estudier ces matieres vn peu mieux que
vous n’auez pas fait, que vous auriez trouué que
ce n’est ny l’vn ny l’autre ; puis qu’il n’y a pas vn
veritable François qui ne soit extremement porté

-- 6 --

à vouloir tout ce que le Roy voudra, pourueu
que cela ne soit pas contraire aux loix fondamentales
de l’Estat, selon qu’il y est obligé
par le serment qu’il en a fait à Dieu : ny pas vn
Prince qui ne soit parfaitement vny auec tous
ceux de son sang, pour donner la paix à tous les
peuples de France.

 

Vous rougissez d’abaisser à ce dernier rang
vne Reyne que la nature & l’Alliance ont couronnée
dans ses ayeuls, dans ses parens, dans son
espoux, & dans son fils : & moy ie rougis de vous
ouyr parler de la sorte.

Aussi touché de quelque espece de synderese,
& pressé de la mesme verité que vous offensez
auec tant d’iniustice, & contre laquelle la parole
eternelle dit qu’homme du monde ne doit
acquiesser en façon quelconque ; vous taschez
de vous retracter (imitant en cette action, mais
de bien loing pourtant, vn des plus grands Peres
de l’Eglise) en disant que le premier est d’vne
tres difficille croyance : que le François qui est nay
pour commander à tout l’Vniuers, se glorifie de disputer
à toutes les autres Nations de la terre, l’obeissance
qu’il doit à ses Monarques ; aussi voyons nous les deux
Camps retentir d’vn mesme cry de viue le Roy ; & la
difference des deux partis n’est qu’en ce que l’vn desire
& l’autre le possede.

Mich. 7.

Page 6.

Il y a deux choses (à ce que vous dites à vostre

-- 7 --

Agaton) à considerer dans le Roy, sa sacrée personne,
& son Auguste qualité, & c’est ce qui abuse
la populace, & l’ignorant, qui ne sçauent pas discerner
le suppost d’auec l’attribut. Et puis en suitte de
cela, vous nous donnez vn exemple qui cloche
beaucoup, & qui est bien esloigné de la chose
que vous voulez prouuer par luy mesme, veu
qu’il y a vne tres grande difference entre le nom
du Roy escrit ou imprimé sur vn morceau de
papier, tres éloigné du suppost personnel &
hypostatique.

 

Page 6. & 7.

Est il homme au monde qui n’ait mille fois
plus de veneration, pour l’inherence concrette
& actuelle du nom attaché en la sacrée personne
du Roy, que pour le nom abstract, distinct,
separé & tres esloigné de son veritable
sujet, par vne necessité de paroistre en beaux
characteres où la nature des affaires le requiert,
ou pour auoir le plaisir de s’en former vne idée,
quelquefois moins raisonnable que fantastique.

Ne sçauez-vous pas, Monsieur, que la personne
sacrée du Roy & son Auguste qualité
sont d’vne inherence, ou pour mieux dire d’vne
indentité si intime, qu’il est tout à fait impossible
de separer l’vne de l’autre, sans destruire absolument
l’vnion essentielle & hypostatique qui
les fait estre ce qu’elles sont pour la conseruation

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de deux choses indiuisibles, & qui doiuent
estre en quelque espece de veneration parmy
les hommes. Et quoy que vous puissiez dire on
ne considere iamais tant le nom du Roy, à la
teste d’vn traité ou d’vne declaration, qu’on considere
la personne & la qualité toutes deux attachées
ensemble.

 

Ouy certes, Monsieur, la qualité de Roy est
tellement essentielle à la personne Royale, qu’il
est impossible que la chose qualifiée puisse estre
sans qualité, ny la qualité sans la chose qualifiée ;
c’est pourquoy le Soleil ne sçauroit estre
sans clarté, ny la clarté de ce Soleil sans l’astre
qui la possede. C’est pourquoy Dieu mesme
ne sçauroit estre sans sa bonté, ny sa bonté diuine
sans la personne où elle est attachée. C’est
pourquoy vostre esprit s’abuse bien plustost en
sçachant discerner le suppost d’auec l’attribut,
par vne speculation trop iniurieuse à la Maiesté
du Prince, que la populace & l’ignorant ne se
sçauroient abuser en leur veritable ignorance.
Et finalement, c’est pourquoy ceux qui se seruent
du nom, du pouuoir, de la qualité, & de la
personne du souuerain, pour establir vne tyrannie
vniuerse, dans toute l’estenduë de son Empire,
ne meritent pas moins que d’estre degradez
de leur dignité, & d’estre en suitte de cela
punis selon la grandeur de leur crime.

Pag. 6.

Hist. du
Pres. de
Thou.

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L’Authorité c’est l’ame des Roys, plus vous
taschez de l’vsurper & plus vous vous mettez au
nombre des parricides. Tout ce qui se fait contre
l’ordre & contre les loix, ne sçauroit estre
fait qu’auec iniustice. L’ordre veut que les Princes
soient les Conseillers honnoraires des Rois
& les loix veulent que les femmes & les estrangers
soient banis du Ministere. Et certes ce
n’est pas assez de sçauoir que le Roy est entre
les mains de certaines gens qui peut estre n’attenteront
pas sur sa vie ; il faut pour n’estre pas
absolument complice de leur crime, armer s’il
nous est possible tout l’Vniuers contre eux, pour
le deliurer de la captiuité où leur audacieuse tyrannie
la peu reduire.

Page 3.

Genes 41.
Silly pour
la Noblesse.

Loy Salique.

Que ne deuons nous pas faire pour celuy qui
est maistre de nos biens & de nos vies, pour
l’Oinct du Seigneur & pour la plus precieuse recompense
de nos vœux & de nos larmes ? Que si
la mature de la cause se peut aisement connoistre
par ses effets, selon les preceptes du
Prince de la secte Peripatetique, il est tres aise,
s’il me semble, de connoistre par ce moyen là
quel est le veritable party que tous les bons
François doiuent tenir, & discerner le bon d’auec
le mauuais par les actions de l’vn & de l’autre.
Et parce que tous les desordres & tous les
malheurs de l’Estat viennent de la prodigieuse
tyrannie qu’on y exerce & qu’on y a exercée,

-- 10 --

examinons ponctuellement les actions des Princes
& les actions des Mazarins pour voir qui en
est la veritable cause.

 

Ie ne parleray pas des horribles attentats
qu’on a commis contre le Roy, contre l’Estat,
& contre les Princes, ce sont des matieres d’vne
discussion vn peu trop longue, pour vn ouurage
d’vne si petite estenduë. Et puis qu’est-il besoin
de le dire ? ne sçait-on pas bien qui sont ceux
qui ont enleué le Roy, qui ont pillé tous ses
thresors, qui ont hazardé & qui hazardent encore
tous les iours sa personne en des occasions,
ou les coups des canons & les coups des mousquets
n’ont non plus de reuerence pour la Majesté
des Roys, que pour les plus malheureux
soldats de la terre ? Ne sçait-on pas bien qui sont
ceux qui ont ruiné l’Estat, qui l’ont accablé de
guerres ciuiles, qui l’ont surchargé de tailles &
de subsides, qui ont volé tous les sujets du Roy,
qui ons assiegé ses places, qui ont massacré ses
bons seruiteurs, qui ont transporté toutes nos
finances en des pays estrangers, qui ont empesché
la paix, qui ont laissé reprendre à nos ennemis
tout ce que nous auions conquis sur eux,
qui ont voulu faire assassiner les Princes du Sang,
& qui en ont fait arrester quelques vns cependant
qu’ils conspiroient contre les autres ?

Histoire
presente.

Et puis comme il le dit fort bien luy mesme
l’aduersion que nous auons pour des estrangers

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est si equitable qu’elle ne fait qu’appuyer les
loix de l’Estat ; c’est pourquoy la guerre que
nous leur faisons ne sçauroit estre que tres legitime.
Tout cela se peut dire sans accuser le Roy
d’estre estranger, & sans borner son regne des
limites de son âge.

 

Il est vray qu’il fut declaré Maieur à l’âge de
quatorze ans par son Parlement luy seant en
son lict de Iustice, & que c’est vn Priuilege
particulier à tous les Rois de France, d’estre
declarez Maieurs en cet âge là, suiuant les anciens
Arrests qui en furent produits audit Parlement,
par Iean du Tillet Greffier de ladite
Cour ; en l’an 1560. mais il est vray aussi que toutes
ces Declarations qui ont esté faites en diuers
temps, & par, & pour diuers Princes, n’estoient
que des dispositions que les peres faisoient
à leurs enfans, approuuées par les Estats,
ainsi qu’il est porté par les Annales de France,
qui se faisoient veritablement de l’authorité
des Souuerains, sans en exclure pourtãt, le Cõseil
legitime des Princes, duquel Charles cinquiesme,
& plusieurs autres Roys n’ont iamais
voulu priuer leurs enfans, afin de ne pas donner
lieu aux flateurs qui se voudroient ingerer
au maniment des affaires de la Couronne,
de s’emparer, comme Mazarin a fait, de
l’authorité Royale, pour trancher du Souuerain,

-- 12 --

& pour voler toutes les finances du Prince
& du peuple. Et pour authoriser encor ces
authoritez sans reproche, le Roy Charles six,
apres auoir fait declarer son fils Maieur, ne
laissa pas de faire administrer les affaires de son
Royaume par Messieurs les Princes du sang,
iusques au vingt-deuxsiesme an de son âge, ainsi
qu’il est porté par les mesme Annales. Et ce
qui fut fait aux Estats tenus à Tours en l’an mil
cinq cens soixante, pour le gouuernement
du Roy Charles septiesme, fait bien voir que
cela n’appartient qu’aux Princes du sang d’estre
appellez au Gouuernement des affaires de
cette Couronne, sans y appeller comme l’on
fait, vn tas de Mazarins, d’estrangers, & gens
de neant, & de sangsuës publiques.

 

Et quoy que les Roys pour estre grands,
n’ayent pas besoin de croistre, que l’enfance &
la ieunesse du Prince ne soit pas vn interregne
d’Estat, que la Maiesté soit tout entiere dans le
berccau ; que son aurore la mette dans la plenitude
de son eclat, aussi bien que sa naissance
dans sa perfection, & sa petitesse dans toute l’étenduë
de sa grandeur ; qu’vn Roy d’vn iour
soit aussi Souuerain qu’vn vieux Conquerant ;
& que cette expression soit accompagnée de
toute la pompe & de toute la magnificence
que la Maiesté de nostre langue le sçauroit

-- 13 --

desirer, nous ne laissons pas d’estre bien fondez
en beaucoup de raison & en beaucoup de
iustice, de croire qu’il n’en est pas de mesme
de l’intelligence & de l’experience (qui doit
estre en la personne du Monarque, pour estre
sencé capable de sçauoir bien gouuerner ses
affaires) car la qualité, la Naissance & la Maiesté,
sont tousiours grandes, illustres & venerables
en la personne du Souuerain de quelque
âge qu’elle soit. Mais l’intelligence & l’experience
sont des qualitez qui ne peuuent estre
qu’en la personne de ceux qui sont extremement
auancez dans l’âge, & qui ont consommé
presque tout le cours de leur vie au maniment
des affaires publiques.

 

Page 9.
& 10.

L’intelligence comme la plus noble & la plus
sublime de toutes les operations de l’entendement
de l’homme, ne sçauroit estre toute entiere
dans le berceau, comme la Maiesté du Souuerain
qui n’est autre chose que la dignité qu’il
possede, veu que la dignité est inseparable de la
personne Souueraine, ainsi que nous venons de
le dire, au contraire de l’intelligence, qui est à
vray dire la plus noble de toutes les connoissances
spirituelles, en vertu de la quelle nous entendons,
nous conceuons, & nous raisonnons, non
pas comme enfans dans le berceau, mais comme
personnes sçauantes, experimentees &

-- 14 --

auancées beaucoup dans l’aage.

 

L’intelligence est ou pratique ou speculatiue.
Par l’intelligence pratique nous deliberons sur
les matieres les plus difficiles & les plus obscures,
de faire ou ne faire pas ce qui nous vient à la
pensée, sur des conclusions bien establies &
bien concertées. C’est par cette intelligence
que la prudence des Roys & des Princes se trouue
occupée à remedier aux desordres qui menacent
l’Estat d’vne desolation publique, laquelle
consiste en la veritable connoissance de ce
dont est question : au refus ou à l’approbation
des expediens, & à la resolution & au decret de
faire ou ne faire pas ce que nous auons premedité
de faire.

Et par l’intelligence speculatiue (apres auoir
conferé des principes vniuersels) nous recueillons
des conclusions & des consequences de
toutes nos plus excellentes meditations, les
moyens d’establir vne verité tres certaine & tres
infaillible : qui est ce que les Logiciens appellent
Principes, Theses, & Axiomes.

Voyez apres cela si cette intelligence si necessaire
au Souuerain pour bien gouuerner les
affaires de sa Republique, peut estre toute entiere
dans le berceau auec toute la plenitude de
son éclat, aussi bien que la Maiesté & la Souueraineté
du Prince.

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Mais puis que nous n’y pouuons pas trouuer
cette vertu intellectuelle voyons si nous y pourrions
trouuer quelque espece d’experience.

L’experience est vne espreuue desia faite
d’vne ou de plusieurs choses afin d’en auoit vne
connoissance plus parfaite, & afin de les pouuoir
entreprendre vne autre fois auec plus de
sçauoir, plus de prudence, & plus de conduite
qui sont trois vertus intellectuelles, & qui ne
sçauroient estre que dans la teste d’vn homme
tres-intelligent aux mysteres de l’Estat, qui demandent
vne vigoureuse force d’esprit, & vne
experience consommée au maniment des affaires
publiques, dont la connoissance est si difficile,
que la vie de l’homme est trop courte pour
l’apprendre.

C’est pourquoy ie trouue qu’il n’est point
d’esprit, pour viue, & pour forte que son apprehension
puisse estre, qui n’ait de secours en la
conduite de ses affaires. Et c’est pourquoy Henry
le Grand, peu de temps auant sa mort, perpetuellement
déplorable, disoit qu’il commençoit
à sçauoir ce que c’estoit que de regner, &
qu’il ne l’auoit apris que par vne longue experience.
Il est vray que les grands hommes ne se
font que de la main de ceux qui les ont precedez
en cette prudence politique.

Pour ne rien obmettre de ce que l’autheur

-- 16 --

du Caractere Royaliste, dit de plus important
à son Agathon, voyons apres cela qui est plus
amy de la personne sacrée du Roy, ou ceux qui
la tiennent captiue, qui vsurpent son authorité,
& qui volent toutes ses Finances : ou ceux qui
ont esté forcez de prendre les armes, pour la
retirer de l’esclauage où l’a mise cét orgueilleux
& insolent Estranger, qui ne luy laisse qu’vne
liberté imaginaire pour prison, & qui abusant
de son bas âge, se sert audacieusement du nom
auguste de sa Maiesté, pour trancher du Souuerain,
& pour rauager le domaine du Roy, comme
si c’estoit vne terre ennemie.

 

L’vn ne parle que de perdre les Princes, que
de casser les Parlemens, que de ruiner les François,
que d’exposer les Parisiens à la fureur de
ses legions, & que de reduire Paris en cendre.
Et les autres ne parlent que de remettre le Roy
en liberté, que de chasser les tyrans de l’Estat,
& que de redonner la paix à tous les peuples de
France.

Ces diuers sentimens disposent les Princes,
par vne bonté qui n’en eut iamais de pareille, à
pousser l’affaire iusques au bout, afin de remettre
l’estat dans sa premiere splendeur, cependant
que les Mazarins persistent continuellement
dans leurs lasches desseins, & dans leurs
pernicieuses entreprises.

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Certes, si le Roy estoit capable de discerner
le bien d’auec le mal, & d’ordonner, auec vn
empire independant des choses qui seroient
raisonnables à faire, vous verriez bien tost, malgré
la distinction des temps que nous appliquons
à nostre exemple, les Mazarins à bas : car
sa Maiesté, iugeant alors parfaitement bien des
choses, ne laisseroit pas des attentats de cette
importance sans vne seuere punition, si elle ne
vouloit par vne indulgence tres odieuse à toute
la nature creée, en laisser le chastiment à la discretion
de celuy qui doit iuger les plus superbes
tyrans de la terre. Ce qui fait bien voir la
prodigieuse obligation que le Roy, l’Estat, &
les peuples ont à Messieurs les Princes de vouloir
faire par auance, ce que sa Maiesté feroit
à present, si l’aage & l’experience l’auoient mis
en estat de le pouuoir faire.

C’est pourquoy ie tire ma premiere raisõ auec
plus de certitude que vous, non pas de l’exemde
l’escole, qui permet de conclure de l’acte par
la puissance, ou pour parler plus clairement, qui
permet de conclure de ce que le Roy feroit,
par le pouuoir qu’il auroit de le faire ; puis que
c’est vne façon d’argumenter assez foible, &
fondée sur vn il se peut : mais de la necessité
d’agir par la mesme raison qui fait agir tout
ce qui fait vanité d’estre raisonnable. Ie dis

-- 18 --

donc que le Roy dans vn âge plus auancé,
condamneroit l’action de Mazarin, & soutiendroit
celle des Princes. La consequence en est
infaillible. Tout le monde sçait bien ce que la
Reine Marie de Medicis & le Mareschal d’Ancre
ont souffert pour vne pareille occasion.

 

Le feu Roy d’heureuse memoire, prefera sa
liberté aux tendresses de la nature & du deuoir,
& à la vie d’vn Fauory de sa mere. Le Ministre
odieux, n’est qu’vne victime acquise à l’enuie
des grands, & à la haine des peuples Et sans en
oster la qualité d’estranger puis qu’ils sont tous
deux d’vn mesme pays, il obcedoit & abusoit,
comme celuy cy, de l’esprit & de la credulité du
Roy & de la Reine, il esloignoit les Princes du
Conseil, la paix des deux Royaumes, la Iustice
des Parlemens, le repos des familles, & qui
par vn desir insatiable de s’enrichir, imposoit
vn nombre infini de subsides sur tous les peuples
de France, & mil autres crimes que vostre
Mazarin fait, & que ie passe sous silence de peur
d’exagerer vn peu plus qu’il ne faut, des veritez
si odieuses à toutes sortes de personnes.

Ie n’insisteray pas dauantage sur vn point
qui ne peut que mettre en doute l’innocence
de toute la Cour par la certitude de la volonté
du Roy âgé, ie passe à vostre seconde & plus forte
raison, qui la declare criminelle, par la consideration

-- 19 --

de ce que les Rois veulent tousiours,
l’authorité de leurs ayeux qu’elle met si bas,
l’obeissance de leurs peuples qu’elle tire de
leur deuoir, en voulant proteger vn estranger
contre les Princes du Sang, l’abaissement de
leurs ennemis à qui elle laisse reprendre
tout ce que nous auions conquis sur eux, & la
ruine des tyrans de leur authorité, & de la liberté
publique que Mazarin & tout son Conseil
ont si fort aneanties.

 

La nature les fait naistre Souuerains, la Majorité
les met dans la possession de leur pouuoir,
la loy les establit Maieurs à quatorze ans,
qui est vn âge dans lequel ils peuuent expliquer
leur volõté, & disposer independemment
des années, autrement la loy auroit inutillement
trauaillé, le Roy seroit plus Maieur en
vn temps qu’en l’autre, ce qui n’est pas la Maiorité
à quatorze ans, estant la mesure d’vn certain
temps aussi complete qu’à cinquante.

Cecy est confirmé par l’vsage qu’ont fait les
Roys du benefice de cette loy, depuis sa premiere
institution par le consentemẽt des Estats
qui l’ont receuë, des Parlemens qui l’ont verifiée,
& des Peuples qui se sont armez pour
sa defense, contre ceux qui la faisoient seruir de
pretexte à leur ambition : le Roy a-t’il moins de
droit ou de suffisance que ces ancestres, pour

-- 20 --

innouer à son preiudice la forme de son Gouuernement,
& ne se doit il pas ressentir d’vn
affront qu’effleure sa Couronne, & qui diminuë
son authorité, le plus Auguste & le plus
precieux heritage de ses peres.

 

Voila des armes que vous auez pris la peine
de forger vous mesme pour vostre deffense, qui
vous vont couper la gorge. Nous auons dé-ja
respondu par auance à la plus part de ces matieres :
mais nous y allons encore respondre tout
de nouueau, par vne application toute contraire.

Il est vray que la nature les a fait naistre souuerains
& le reste. Mais puis que tout cela, est
& qu’il n’y a rien de plus veritable, ainsi que
vous venez de l’aduoüer vous mesme dans la
quatorziesme page de vostre beau Charactere,
pourquoy est ce donc que vous le tenez captif ?
que vous ne luy laissez pas la liberté de faire le
souuerain ? que vous auez vsurpé toute son authorité ?
que vous vsez de son domaine, comme
d’vn bien qui vous seroit parfaitement acquis ?
que vous obcedez sa volonté ? que vous le
faites parler comme il vous plaist ? que vous
disposez de son nom, de son sein, & de son
seau comme d’vne chose qui dependroit absolument
de vous ? que vous allez contre la loy
qui l’a emancipé à l’âge où il est ? que vous empeschez

-- 21 --

qu’il n’agisse selon les fonctions de sa
Maiorité ? que vous le frustrés du benefice &
des institutions de tous ses predecesseurs ? du
consentement des Estats ? des verifications des
Parlemens ? des seruices & du secours de ses sujets,
armez pour le deliurer de son esclauage,
contre tous ceux qui le font seruir de pretexte à
leur ambition, & que vous le traittez encore à
l’âge de quinze ans, comme on le traitoit lors
qu’il auoit les mains serrées dans vn maillot, la
bouche close par vn teton, & les yeux fermez
par le sein de sa mere nourrice ? Le Roy a-t’il
moins de droit ou de suffisance que ses ancestres
pour innouer à son preiudice la forme de
son gouuernement ; & croyez vous qu’il ne se
ressente pas vn iour d’vne tyrannie qui perd ses
Estats, qui outrage son sang, qui ruine ses sujets,
qui flestrit sa Couronne, qui deshonore sa
Maiesté, qui diminuë sa puissance, & qui semble
hazarder le plus precieux heritage que ses
ayeuls luy ayent laissé, pour tascher d’assouuir
la demesuree ambition qui la possede ?

 

Page 14.

Et puis apres cela, la Reyne, le Cardinal, le
Conseil & toute la Cour me diront que ce qu’ils
en font ce n’est que pour remettre l’Authorité
du Roy dans sa premiere splendeur, les Princes
dans leur deuoir, & les sujets dans leur obeyssance.
Et les Princes, le Parlement & le peuple

-- 22 --

leur respondront qu’ils n’ont armé que pour
maintenir l’Authorité du Roy, & que pour la
retirer des mains d’vn Ministre sans foy, d’vn
Cardinal sans loy, d’vn Ecclesiastique sans Religion,
d’vn vsurpateur sans fin, & d’vn tyran
sans misericorde.

 

Et si cette authorité in dependante décheoit
extremement entre les mains de ces Denys, de
ces Busires, & de ces Agatocles, il me semble
qu’ils en doiuent plustost accuser leurs obstacles
que nostre foiblesse. D’où vient la resistance
que les peuples font aux Mazarins, de la prodigieuse
tyrannie qu’ils ont exercée & qu’ils
exercent encore tous les iours contre les grands
& contre les petits, & de voir que le Roy ne
commande pas ? qui leur donne des lumieres
qu’ils ne peuuent pas naturellement auoir, &
qui leur apprend des mysteres qui sont hors de
leur connoissance ? les estranges oppressions
qu’on leur fait, & le peu d’apparence qu’il y a
qu’vn legitime & si bon souuerain que le nostre
les voulut traiter de la sorte. Et si cela n’estoit
pas, qu’en arriueroit-il ? vn restablissement vniuersel
de toutes choses. Et certes si la populace
qui est comme la mer immobile de sa nature,
n’auoit esté excitée par ces vents estrangers venus
d’Espagne & d’Italie, elle seroit encore
dans ses bornes, & nous serions encore en estat

-- 23 --

de donner les loix de la guerre & de la paix, à
celle qui fait agir les Mazarins pour nostre perte.
Et peut estre apres luy auoir vendu nostre
alliance bien cherement, serions nous vnis, si
la demesurée ambition de ce Ministre d’Estat
n’eut destruit cette mutuelle intelligence, qui
est l’ame de cet Estat, & le destin de sa durée.

 

Espagne.

Ie sçay bien que la vengeance est la satisfaction
de l’iniure receuë aux premieres Baricades
de Paris, & qu’vn monde captif est vne
legere reparation à des tyrans offencez : mais ils
deuoient considerer leur disgrace dans leurs
deportemens, leur ressentiment par ses effets,
& leurs ennemis par leur asile. Faloit il renuerser
le Throsne pour se venger ? faloit-il violer
les loix & la liberté publique pour brauer son
Souuerain en la personne des depositaires de
son authorité, & de ceux sans qui il ne sçauroit
estre au nombre des Testes couronnées ? faloit-il
cabaler de toutes parts, pour perdre les Princes,
les Frondeurs, les Parlemens, & les Peuples,
afin de s’esleuer auec plus de facilité au
faiste d’vne ambition demesurée ? tout le temps
qui s’est escoulé, depuis la prise de Monsieur
de Brousselles iusques à present, ou pour le
prendre dans sa veritable origine depuis le cõmancement
de la Regence, n’a esté employé
qu’à tramer des renuersements intestins, &

-- 24 --

qu’à minuter des conspirations particulieres.
Nous auons veu la superbe des Grands marcher
en triomphe sous le masque d’vne pieté
simulée, se poiter auec vn empressement tresindigne
de leur pourpre, & de leur Escarlate,
à la vindication d’vne iniure mal conceuë.

 

Parlement.

Peuples.

Et si ces esprits qui plient auec beaucoup
d’apparence & peu d’effet sous les veritez de
la foy, & qui frequentent parmy la foule des
Sacremens, par vne detestable hipocrysie, ne
dancent pas à la sortie de ce sacre banquet auec
l’Artizan & la Bourgeoise, ce n’est que pour
cõseruer l’esclat de leurs maiestez dans la haute
splendeur, & pour se rendre plus venerables.
Ce n’est pourtant pas qu’ils ne fassent assez
souuent des Bals, des Ballets, des leux, des Festins
& des Comedies, où le luxe & la pompe,
la somptuosité & la magnificence, ne font
que fouler aux pieds la pure substance du peuple.

Cependant Monsieur le Prince voyant que
la Regence & le Ministere ne viuoient dans
vne parfaite Vnion que pour la perte de l’Estat,
& qu’ils ne pressoient la Maiorité du Roy
que pour rendre leur authorité plus absoluë, &
d’vn autre costé sçachant bien aussi qu’on
n’en vouloit pas moins aux grands qu’aux petits,
& que cette puissance souueraine ne s’eleuoit

-- 25 --

comme vne grosse nuée par les rayons de
l’ambition que pour fondre sur sa personne,
comme celle qui leur paroissoit estre la plus redoutable,
instruit du passé pour l’audenir, ne
manqua pas de songer à son salut, & de se retirer
la veille que son Soleil deuoit paroistre hors
des nuages de son aurore.

 

Ce qui fut fait, non pas par aucune apprehension
qu’il eut de sa Maiesté, ny par aucune ialousie
qu’il eut de se voir obligé de seruir d’ornement
au triomphe de son Souuerain, selon
que nostre faux Royaliste le dit dans son Caractere,
puis que la bonté du Roy ne sçauroit estre
iamais redoutable, ny à l’honneur, ny à la fidelité
de ce Conquerant, à qui la France a des obligations
si extraordinaires. Et s’il ne se donnoit
pas l honneur de salüér le Roy, c’est qu’il croyoit
que sa Maiesté poussée de l’esprit de ses ennemis,
mépriseroit son salut, ou du moins s’il le
receuoit, qu’il le receuroit auec beaucoup d’indifference.
Les grands cœurs ont grand peine
à s’humilier, & il n’est point de supplice que la
nature de l’homme puisse inuenter, qui leur soit
si odieux, que le peu d’estime que l’on fait de
leur personne.

Et pour le iustifier par la propre déposition
de son accusateur, & du plus grand ennemi qu’il
ait au monde, ce faux Royaliste dit que les premieres

-- 26 --

lettres qu’il écriuit au Roy, ne contenoient
que des témoignages d’obeïssance & de
deuoir ; & sa retraite sembloit plustost éuiter le
differend, que courir à la reuolte. Mais comme
la raison ne sçauroit estre long-temps maistresse
d’vn esprit qui se laisse emporter à la passion,
il dit apres cela qu’il est vray que parmy
les termes de fidelité & de respect assez souuent
reїterez, il y a remarqué peu de sens & beaucoup
de desordre ; comme si vn Prince qui a toutes
les parties d’vn grand d’Orateur & d’vn grand
Capitaine, pourroit auoir des foiblesses de cette
nature.

 

Si ce n’est vne malicieuse inuention de ses
ennemis, c’est du moins vne impudente supposition
de ce faux Royaliste. Il s’attache trop
long-temps à bien peu de chose, pour ne pas
faire voir qu’il parle auec beaucoup plus d’animosité
que de iustice. Et si cette lettre fut la
derniere, & que vous fassiez apres cela vne narration
tres inutile des choses qui se sont passées
dans toutes les rencontres qui se sont faites du
depuis entre les deux partis, sans en dire le suiet,
qui est l’importance du fait dont il est question,
& les pieces sans lesquelles il est impossible
que le monde puisse parfaitement bien iuger
du differend, vous me permettrez bien de
le donner au public, afin d’en instruire ceux qui

-- 27 --

n’en sont pas bien informez, & mesme afin de
faire voir à tous les interessez, la iustice de sa
cause.

 

Il est vray que Monsieur le Prince s’humilia
autrefois iusques à proteger enuers tous & contre
tous cét abominable tyran qui nous cause
maintenant tant de desordres. Et certes il faut
que vous m’aduoüiez qu’effectiuement il ne seroit
pas ce qu’il est, s’il ne l’auoit appuyé pour
le faire ce qu’il ne deuroit pas estre, dans la
ferme croyance qu’il auoit que cét homme
pourroit rendre vn iour de grands seruices à cette
Couronne. Mais du depuis ce grand Prince,
à qui la France a de si grandes obligations, s’estant
apperceu que ce miserable Ministre ne
visoit qu’à s’emparer de l’authorité du Roy, &
qu’à establir vne prodigieuse tyrannie par tout
le Royaume, il s’est absolument démis de sa protection
pour le bien de l’Estat, & changeant l’amour
qu’il auoit pour luy, en vne haine irreconciliable,
il se declare son ennemy mortel, iusques
à le menacer de le perdre.

Et pour cela Monsieur le Prince fit faire vne
recherche generale de sa vie, où il trouua que ce
Ministre auoit volé au Roy & au public, la plus
grande partie des finances de France, sur quatre
vingts quatre millions à quoy il auoit fait
monter tous les ans les tailles & les fermes : sur

-- 28 --

cinquante millions à quoy il auoit fait monter
les Comptans : & sur deux cens soixante millions
qui furent conuertis en Louys d’or, sans compter
ce qu’il auoit pris sur le Domaine du Roy,
sur les decimes, sur les Parties Casuelles, & sur
vne infinité d’autres imposts qu’il a faits sur le
peuple ; lesquelles Finances il enleua hors du
Royaume de France. Il trouua encore qu’il
auoit rompu vn traité de paix tres aduantageux
pour la France, que Monsieur de Longueuille
auoit conclu & arreste dans Munster auec l’Espagne,
afin de se rendre vtile à nostre preiudice.

 

Ce qui obligea veritablement Monsieur le
Prince à l’entreprendre hautement : Mais comme
Mazarin vit qu’il auoit à faire à vn Prince
qui ne cherchoit qu’à se sacrifier pour sa patrie,
& qu’il ne luy pardonneroit pas des crimes si
preiudiciables à cette Couronne ; il cherche à le
mettre mal auec Monsieur le Duc d’Orleans,
auec Messieurs les Frondeurs, auec le Parlement,
& auec le peuple. Mais voyant qu’il ne
pouuoit pas bien venir à bout de ses entreprises
par ce moyen-là, il fait attenter sur sa personne,
& il tasche de le faire assassiner de nuict sur le
Pont neuf, prés de la place Daufine.

Mazarin craignant de porter la fole-enchere
d’vn coup que ce grand Prince auoit éuité auec

-- 29 --

vne dexterité merueilleuse, dit à la Reyne qu’il
le falloit faire arrester au nom du Roy, ou qu’autrement
l’authorité Royalle couroit grand risque.
Cette Princesse qui le croyoit comme vn
Oracle, & qui auoit beaucoup plus d’inclination
pour son Ministre d’Estat, que pour ce
grand Prince, y consent fort volontiers, c’est
pourquoy il fut arresté, & tenu prisonnier l’espace
de quatorze mois, d’où il ne seroit iamais
sorty, sans la puissante vnion des Princes, des
Frondeurs, du Parlement, & des Peuples. Ce
qui le mit en si mauuaise humeur contre ce perfide,
qu’il faut ou que toute la France perisse, ou
qu’il se retire.

 

Voyla Monsieur le faux Royaliste, la cause
de toutes nos guerres Ciuiles, & voila la cause
de toutes nos disgraces qui sont arriuées en
suitte de cela à Monsieur le Prince depuis qu’il
quitta Bourges, iusqu’à son tetour de Bourdeaux
à Paris, & que vous prenez plaisir d’exagerer
aussi bien que le contenu de sa lettre,
auec des termes si emphatiques. Ce que vous
auez voulu absolument obmettre pour ne le
pas iustifier contre toutes les suppositions &
les calomnies Mazariniques. Vous contentant
de faire seulement vne narration innutille des
choses qui se sont passées, pour frustrer Monsieur
le Prince du droit qu’il a de ne pas quiter

-- 30 --

les armes, que ce tyran ne soit banny de
l’Estat, & qu’il ne soit tres-asseuré qu’il n’y retournera
iamais plus de sa vie.

 

Voyez apres cela sans passion, Monsieur le
funeste Politique, si Monsieur le Prince auoit
suiet de se retirer de la Cour ; s’il auoit suiet de
leuer le masque : s’il auoit suiet de deliurer les
Commissions dedans & dehors le Royaume,
pour faire le salut de l’Estat & le sien : s’il auoit
suiet d’imposer des contributions pour subsister
dans vne si sainte & si glorieuse entreprise :
& s’il auoit suiet d’assieger, de piller, & de mettre
le feu à toutes les places qui s’estoient declarées
en faueur du tyran de la cause commune.

Considerez tous les Estats de la terre, depuis
le commencement des siecles iusques à present,
il n’en est point qui puisse excuser les perfidies
d’vn Ministre si criminel, & si funeste au
Roy, à l’Estat & aux Princes. Quels actes d’hostilité
n’a-t’il pas faits par tout où il a passé contre
des peuples innocens, & contre les veritables
deffenseurs de la liberté publique. Si quelques
mauuais Politiques François ont condamné
les armes de Monsieur le Prince pendant
l’esloignement de ce fameux & abominable
criminel, c’estoit parce qu’ils ignoroient le passé,
& que les mysteres de l’aduenir leur estoient
incomprehensibles. Le present iustifie des opinions

-- 31 --

qui vous sembloient autrefois si erronées
& si criminelles, & c’est ce qui fait iustement
conclure que le sousleuement de Monsieur le
Prince est & sera aussi équitable, aussi legitime,
& aussi necessaire dans son milieu & dans sa fin,
qui’l l’a iamais sceu estre dans son principe, parce
qu’en effet le Cardinal est reuenu, & parce
que quand il s’en iroit tout presentement, il
reuiendroit encore, tant que la Reyne aura le
Roy à sa deuotion, & tant que sa Maiesté ne se
seruira que d’vn Conseil Mazariniste.

 

Si les causes de l’emprisonnement de Monsieur
le Prince, estoient telles que vous venez
de les exposer dans vostre Libelle, vostre con
sequence ne seroit pas mal tirée : mais puis
qu’elles sont d’vne nature toute contraire à celles
de l’esloignement de Mazarin, ainsi que
nous venons de le verifier par ce que nous venons
de dire vous ne trouuerez pas mauuais s’il
vous plaist que ie les mette au nombre des discours
perdus, & que ie condamne vostre sentiment
par le mespris d’vne proposition si fallacieuse
que la vostre.

Page 23. &
24.

La reponse à sa troisiéme preuue de l’iniustice
du party de Monsieur le Prince est comprise
dans la réponse que ie viens de faire à sa deuxiéme.
Si la Guyenne, la Xainctonge, la Champagne,
l’Isle de France, la Brie, la Beausse, &

-- 32 --

tout le reste de l’Empire François, & encore plus
si bon luy semble ont rougy des flottes d’Espagne,
ce n’a esté que pour bannir les tyrans de
l’Estat, & pour appuyer l’équite de sa cause. Est-il
iuste qu’vn Estranger issu de la lie du peuple
vienne chasser les Princes du Sang de chez eux,
& reduire tous les peuples à la besace ? a moins
d’estre pris pour vn Mazarin, & pour vn criminel
de leze Maiesté, il est impossible de soustenir
le contraire.

 

Monsieur le Prince est innocent de tous les
genres de crime dont accuse ce mal-heureux
Politique. Il ne songe qu’à chasser les tyrans de
l’Estat, qu’à nous redonner la paix, qu’à remettre
la France dans sa premiere splendeur, & qu’à
deliurer le Roy de l’esclauage où il est, au contraire
de Mazarin qui ne songe qu’à plonger la
France dans vn deluge de sang & de feu, pour
soustenir le fondement de sa fortune.

Ces raisons, genereux François, si vous ouurez
les yeux à la verité, vous tireront aisement
du doute où vous estes de la iustice des deux
partis qui nous diuisent, & termineront l’indifference
qui vous enseuelit dans le repos au
beau milieu de nos guerres ciuiles. Se peut-il
trouuer vn party plus iuste que celuy qui est appuyé
des loix ? N’est-ce pas ce qui doit occuper
le mesme rang dans l’Estat Politique que ce qui

-- 33 --

doit occuper la raison dans la nature humaine.
Donc comme la raison est cette Diuinité sans
laquelle l’homme ne seroit plus vn Dieu mortel,
mais vn sepulchre viuant, inuesti de confusion
& de tenebres ; aussi pouuons nous dire
qu’il n’y a point d’Estat qui se puisse maintenir
autrement que par les loix qu’on y a establies.
Nous auons desia fait voir que les loix ne veulent
point d’Estranger au maniment des affaires
d’Estat, & que les Roys sont obligez de tenir le
serment qu’ils ont fait à leurs peuples en se mettant
la Couronne sur la teste, s’ils veulent que
les peuples demeurent dans l’obeїssance qu’ils
leur ont promise, il faut donc inferer de là, que
les loix sont pour nous, & qu’il n’y a point
de party plus iuste que celuy de Monsieur le
Prince.

 

Page 26.

C’est pourquoy vous n’auez nul droit de luy
contester le sien, ny de croire que l’équité de sa
cause ne puisse pas excuser les moyens dont il se
sert pour chasser vn tyran d’vn Estat, où ce grand
Prince a des pretensions si legitimes. N’est-ce
pas vn crime digne d’vne punition exemplaire
de dire que la guerre presente soit vne
querelle de courtisan, puis qu’il y ya du salut
de l’Estat, du repos public, & de la liberte du
Roy, obsedé par les pratiques & les menées
d’vne conspiration Estrangere & Mazarinique ?

-- 34 --

ie ne voy pas par aucune raison d’Estat, ny par
aucune maxine Politique, qu on puisse mettre
en vne iuste balance, le party de la Reyne,
auec le party du Prince, ny qu’on ait lieu de
disputer à celuy cy l’équité de sa cause. La Reine
est Mere du Roy & chef de son Conseil, ie l’aduoüe :
mais ie ne voy pas que quoy qu’elle ait
esté reconnuë telle par le premier acte de Iustice
qui a signalé la Maiorité du Roy en presence
des grands du Royaume, & de tout le
Parlement, qu’elle ait aucun droit pour cela
de vouloir maintenir vn Estranger dans le Ministere,
contre les loix fondamentales de l’Estat,
& moins encore vn tyran, hay vniuersellement
de Dieu & des hommes. Cela ne sçauroit
estre vn caprice de la volonté de Monsieur
le Prince, puis que le Ciel & la terre luy
demande raison de l’iniure qu’ils reçoiuent
en la personne du Roy, de l’Estat & du peuple.

 

Apres cela, qu’elle loy peut assuiettir tout
l’Vniuers aux iniustes volontez d’vne Reyne,
qui ne considere dans tous les desordres de
l’Estat que ses propres interests & sa seule fantaisie,
au preiudice des Princes & des peuples.
Ceux-cy veulent venger le tort qu’on leur fait
en éloignant la cause de tous les malheurs des
François, & la Reyne le veut conseruer pour se
maintenir dans le gouuernement de affaires.

-- 35 --

Ceux cy veulent que la Reyne chasse toutes
les sangsuës publiques du Conseil, & la Reyne
ne le veut pas, parce qu’elle craindroit apres
d’en estre chassée. Enfin il faut faire du bien à
tous, & ne faire iamais mal à personne si l’on
veut estre permanent dans les affaires, & si l’on
ne veut pas contraindre l’exemple de l illustre
Marie. La France perd bien plus en perdant
ses peuples, ses thresors & son repos, que la
Reyne ne sçauroit perdre quand elle perdoit
son Ministre, & mesme la presence d’vn fils
qui ne luy sçauroit estre plus cher que les autres
le sont à celles qui les ont mis au monde,
que par la qualité qu’il possede. Il n’est pas
croyable que Messieurs les Princes puissent
iamais passer pour des successeurs anticipez, &
moins encore pour les postumes. Les François
sont trop zellez pour la Maiesté de leur Souuerain,
& les Princes n’ont point des enfans
qui soient en estat de donner des batailles, sans
le consentement de leurs peres.

 

C’est pourquoy le Cardinal n’auoit que faire
de sortir de sa solitude, ny employer à la leuée
d’vne armée les liberalitez du Roy, que ce
Ministre a tirées luy mesmes de la plus pure
substance des peuples il auroit bien mieux fait
d’écouter cette prudence ingratte & timide,
qui luy conseilloit le repos, qu’il pouuoit trouuer

-- 36 --

par tout ailleurs, auec vne glorieuse subsistance,
par le moyen des prodigieuses voleries
qu’il auoit faites à la France : que la demesurée
ambition qui luy a fait dissiper vne partie de ces
thresors qu’il aime tant, en vn amas de gens de
guerre. Et par ce moyen là il ne se seroit pas exposè
au sort des armes ny aux iustes punitions
de Dieu & des hommes. Il faut qu’il sçache
qu’il est reuenu dans vn pays, où par vn priuilege
particulierement affecté à la liberté publicque,
tous les subiets du Roy ont droit sur
la vie d’vn tyran Estranger, aussi bien qu’vn
veritable liberateur sur vne teste si criminelle
que la sienne.

 

Il pouuoit bien penser qu’il ne feroit que
chercher par plusieurs dangers vn tres grand
peril, ayant appris par sa propre experience
qu’vn precipice est tousiours voisin de la grandeur :
qu’vne fortune éclatante est vne aduersité
masquée, & que l’enuie n’a iamais que des
funestes regards pour la personne quelle enuisage.
Ie m’estonne que son courage, estant de
la nature qu’il est, n’ait extremement balancé
entre la crainte & l’asseurance, & qu’il se soit
porté à considerer également l’vn & l’autre,
il a creu que sa fidelité, qui est de la couleur de
Monsieur de Vendosme, seroit la veneration
du soldat : son restablissement, le regne de la

-- 37 --

Maiesté : mais il n’a pas creu que sa mort seroit
le plus bel vsage de savie. Il a armé & il est venu,
& cependant il ne laisse pas d’estre vn scelerat,
& la Reyne vne parjure, tandis que Monsieur
le Prince a l’applaudissement des ordres du
Royaume, pour n’auoir iamais violé son serment,
ny la foy de l’Estat comme luy, ny dans
l’abandon des Catalans, ny dans son intelligence
auec l’Espagne. En effet son retour ne
sçauroit estre que tres funeste à toute la France,
puis qu’il nous redonne vn Estranger chargé
de la haine du peuple, des imprecations du
Senat, & du dessein de tout perdre, il est vray
qu’en tout cela l’on ne parle non plus du Roy
que s’il n’y en auoit pas, puis que toute la France
sçait bien que tout ce qui se fait de sa part, ne
se fait que par l’ordre de son infidelle Ministre.

 

Ces accusations sont si odieuses, que ses
luges mesmes creuent de l’entendre, de peur
qu’ils ont que pour le punir équitablement, ils
ne soient obligez d’inuenter de nouueaux supplices.
Ie sçay bien que quand il seroit encore
plus coupable, qu’il n’est, qu’i n’y a pas moins
d’iniustice à le condamner sans l’oüyr que de
l’oüyr sans luy rendre iustice. Quelque priuilege
qu’il puisse auoir en vertu de son Caractere,
puis que les Papes qui sont sans comparaison
esleuez dans vne dignité bien plus

-- 38 --

éminente n’ont pas esté exemps du chastiment
des loix, ny du iugement des hommes du monde.
Les Parlemens ne sont establis que pour
rendre la iustice à toute sorte de personnes, &
s’ils ne le font pas, ils n’en sont comptables qu’à
Dieu & aux Roys, & non pas aux tyrans ny à
leurs complices.

 

Theod.
Hist. Eccl.
l. 2. Plat. in
liberio Pro.
cop. l. 1.
de Belgot.

Pour verifier les crimes de Mazarin, il ne faut
qu’escouter les clameurs publiques, les cris
des mourans, les souspirs des François, & les
desordres & les gemissemens vniuersels de
toutes les creatures de l’Europe. Et si cela ne
suffit pas, prenez la peine de lire ce nombre infiny
de libelles qui ont esté faits contre luy, &
vous y trouuerez dequoy à vous faire auoir en
abomination le party que vous soustenez, auec
moins de raison & de iustice que d’adresse. La
verification de ses crimes demande vn peu plus
d’estenduë que cét escrit n’en a pas, & ie vous
promets de donner cette satisfaction au public
dans peu de iours, puis que vous en ignorez, &
pour l’instruire & pour vous satisfaire, aussi
bien que pour iustifier ce nombre infiny de calomnies
que vous imposez au sauueur de l’Estat,
& au plus Auguste Senat de la terre.

Sçachez, s’il vous plaist, qu’il n’en est pas de
mesme des Declarations des Rois, que des testamens
& des codiciles ; principalement quand

-- 39 --

la premiere cõtrarie la derniere : car la premiere
marque la veritable & absoluë volonté du Souuerain
sans aucune difficulté, & l’autre marque
son inuolonté, son irresolution, & son inconstance :
Or les inuolontez, les irresolutions, &
les inconstances, ne sont que des imperfections
de la veritable & absoluë volonté ; C’est pourquoy
il n’y a personne au monde pour si peu raisonnable
qu’elle puisse estre, qui ne sçache parfaitement
bien qu’vne volonté premiere, absoluë,
souueraine & independante, ne doiue
estre en tout temps, en tous lieux & en toute
saison, preferée à des inuolontez, à des irresolutions
& à des inconstances dependentes.

 

Ouy certes, Monsieur, les choses parfaites
doiuent auoir quelque espece de preéminence
& de prerogatiue sur les imparfaites. Les imperfections
sont des vices à corriger dans toute
la nature crée. Se desdire ou se retracter d’vne
premiere Declaration si solemnelle & si authentique,
receuë & authorisée par le plus auguste
Parlement de France, sous quelque pretexte
que ce soit, c’est choquer la Iustice, renuerser
les Loix, & destruire entierement tout
ce qu’il y a de plus saint & de plus venerable
dans toute la societé des hommes. En vn mot,
ceux qui conseillent sa Maiesté marquent leur
lascheté, leur malice, leur mauuaise foy, & leur

-- 40 --

ignorance. Les paroles & les declarations des
Roys doiuent estre inuiolables, & conformes
à celles de ce Souuerain, de qui ils se disent estre
les Lieutenans, s’ils veulent que leurs sujets leur
rendent la mesme veneration qu’ils doiuent
rendre à ses viuantes images : ou autrement
point de parole, point de foy, puis que l’accident
ne sçauroit auoir vn estre existant sans le
concours de sa matiere. La parole, c’est la
pierre fondamentale sur laquelle la foy du
croyant, bastit toutes ses esperances. Outre
cela selon le Maistre de l’escole, le propre de la
volonté c’est d’estre libre, & de ne pouuoir iamais
estre contrainte, ou autrement elle ne seroit
pas volonté, de sorte que si la volonté du
Roy estoit libre lors qu’il a fait sa premier Declaration,
portant que Mazarin seroit bany de
l’Estat, & qu’il ne reuiendroit iamais plus en
France, le moyen que sa Maiesté nous puisse
faire voir maintenant qu’elle a perdu cette liberté,
en vertu de qui elle agissoit, sans faire
voir qu’elle est à mesme temps esclaue, puis
qu’il n’y a point de milieu entre l’estre & le
non estre d’vne mesme chose. Et si sa volonté
est maintenant esclaue, en se retractant de sa
premiere Declaration par vne seconde, il faut
de necessité que le retractement demeure nul
& de nulle efficasse ; puis que toute personne

-- 41 --

qui n’est pas libre, ne sçauroit rien contracter
dequoy elle ne se puisse faire releuer, selon
qu’il est porté par les loix, par les statuts, par
les coustumes, & par les ordonnances de ce
Royaume ; & quand bien elle ne le voudroit
pas faire, ceux qui ont interest en la cause le
peuuent faire en son nom, puis que le vouloir
& le ne vouloir pas, ne sçauroient estre employez
pour vne mesme chose. Donc le Roy en
faisant voir par sa premiere Declaration qu’il
vouloit que Mazarin fut chassé de l’Estat comme
nous venons de dire a fait voir pareillement
aussi qu’il ne pouuoit plus vouloir le contraire
de ce qu’il a voulu par vne Declaration si solemnelle
& si authentique que celle qu’il a faite à
la veuë de Dieu, des Anges, & des hommes.
Il n’est pas permis aux Roys, quelques souuerains
qu’ils puissent estre, de monter sur le
thrône de la Iustice pour ce moquer impunement
de leurs Declarations, puis que leur Maiesté,
leur honneur, leur bonne foy, l’estime
qu’on fait d’eux, & la seureté publique, si trouuent
engagées. Plus ils sont esleuez au dessus
du reste des mortels, & plus ils sont obligez de
seruir d’exemple. Il n’y a ny condition ny raison
qui les puisse exempter de tenir la parole qu’ils
ont si solemnellement donnée à tout vn peuple.

-- 42 --

Et s’ils sont Roys, il faut qu’il considerent aussi
qu’ils ne sont esleuez & maintenus à cette dignité,
que par le commun consentement des
peuples. Hors de cela, ils sont dans la mesme
categorie que le reste des hommes. Enfin si la
Declaration du Roy estoit iuste, raisonnable,
& selon Dieu lors qu’ils l’ont faite, il faut de necessité
qu’elle le soit encore presentement ; puis
quelle est tousiours appuyée de la mesme iustice
& de la mesme raison qui luy donna l’estre.

 

Ce sont des foibles suppositions, & des raisons
mal estudiées de dire que le Roy fut contraint
de donner sa Declaration contre Mazarin,
pour estre reçeu Maieur. Qui est ce qui
pouuoit refuser à son legitime souuerain, ce
qui est le priuilege de ses ayeulx, le terme de
son Authorité, le Caractere de son pouuoir,
& que la naissance, l’âge, les loix, le droit de ses
predecesseurs, & la fidelle passion des François,
arracheroient des mains de la plus abominable
rebellion, si la necessité le requeroit pour luy
en faire vn eternel sacrifice ? Estoit-il necessaire
que le Roy se remit en tutelle, & qu’il vsât de
fraude, de fourbe, de tromperie & de deception,
pour se rendre plus absolu ; pour auoir
vne chose qu’on ne luy sçauroit contester, &
qu’il pouuoit absolument auoir de luy mesmes ?

-- 43 --

sont-ce des vices en la personne d’vn Roy qui
puissent passer pour vne prudence bien deliée ?
Et faut-il qu’il soit obligé de tourner le dos aux
decrets de Dieu, pour tourner le visage aux
volontez des hommes, mais puis que la seconde
blesseure deuoit destruire l’effet du premier
remede : que la punition du retour deuoit effacer
la grace du depart, & que la Declaration du
Roy contre Mazarin ne faisoit rien ny pour le
Prince, ny pour les peuples, qu’auez vous
donc tant à clabauder contre vn procedé,
qui n’est fait à ce compte là qu’à vostre aduantage.
Pourtant la crainte que nous auions de le
reuoir bien tost de retour, n’estoit pas si mal
fondée, que nous n’en ayons veu quelque
temps apres cela des effets dont toute la France
se seroit bien passée : & ses actions nous
ont bien montré du depuis que les attributs
qu’on luy donnoit de fourbe, de parjure, de
sedicieux, & & de tyran, ne luy estoient pas
donnés auec iniustice.

 

La constance dont la Reyne se sert, pour
maintenir le Mazarin, est bien plus vicieuse
& plus funeste à l’Estat, que la constance dont
le Parlement se sert, pour maintenir l’Arrest
qu’il a donné contre ce perfide. C’est le deuoir
du sage, qui veut faire constamment ce à quoy
il est obligé, de se retirer à propos d’vn sentiment

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iniuste, passionné, mauuais & pernicieux
à qui que ce puisse estre : & c’est vne tres grande
cruaute que le Souuerain exerce à l’endroit
de ses subiets, de vouloir retenir vn tyran dans
le Ministeriat, apres luy auoir donné vne parfaite
connoissance de ses prodigieuses tyrannies.
Et quand vostre Maiesté auroit vne ferme
croyance qu’il seroit le plus innocent des
hommes, si l’oppinion commune, si le sentiment
de tous vos peuples, & si la voix de Dieu
repugne à cette pensée, voyant qu’il est la veritable
cause de toutes les horibles conuulsions
dont cette pauure France est agitée, il est raisonnable
que nous ayons cette obligation à
vostre bonté, si vous ne voulez pas que nous
l’ayons à vostre iustice, de le chasser de l’Estat,
afin de donner la Paix vniuerselle à toute cette
grande Monarchie. Et si vous ne le faites
pas, Sire, vostre Maiesté se peut bien asseurer
de voir ce pauure Royaume dans vne desolation,
d’où il ne se pourra peut estre iamais releuer
que par vn prodigieux miracle.

 

Auguste, Vespasien, Tite, Antonius Pius,
& plusieurs autres, se sont bien humiliez aux
volontez de leurs subiets, quand ils ont eu
des Fauoris qui ne leur ostoient pas ageables,
& Mazarin sera-t’il si fort attaché à vostre Maiesté,
que ny la misere publique, ny vn souleuement

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vniuersel, ny la crainte de Dieu ne l’en
puissent pas separer en façon quelconque. Il
n’y a point d’opiniastreté qui aille contre le
bien public qui ne soit extremement vicieuse,
c’est pourquoy il n’est point de Pilote, doüé
de prudence, qui ne doiue changer auec succez,
la route qu’il continueroit auec peril, s’il
vouloit resister à la violence de la tempeste qui
le pousse : & c’est pourquoy le Roy, la Reyne,
& tout leur Conseil, se deuroient accommoder
au temps & aux affaires, & donner quelque
chose aux miseres publiques. Le Roy n’a-t’il
point d’autre intention que le bien de ses
peuples, & le repos de son Estat, qu’il chasse
Mazarin hors de France, & ainsi sa Maiesté
estouffera la semence de la guerre qui abandonne
nos Prouinces au pillage de tant
d’hommes armez, & le Royaume à la mercy
des ennemis de cette Couronne. Ne me dites
pas apres cela qu’vn traicté de Paix auec ses
subiets, est vn exemple de mauuaise consequence,
il n’y en a point de quelque nature
qu’elle puisse estre, qui ne soit mille fois meilleure
qu’vne meschante guerre.

 

A Dieu ne plaise, Sire, que la consideration
d’vn si mauuais Ministre, vous face exposer
le patrimoine de Charlemagne & de Saint
Louys, & hazarder l’ouurage de douze siecles,

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& de soixante & quatre Monarques, en des
perils si manifestes. Tout vostre Royaume est
en feu, & vous feignez de distiler vne goutte
de rosée pour l’esteindre. Sortez de ces confusions
d’esprit, Sire, & reprenez ce cœur de
Pere de vos peuples, que Dieu vous a donné
en vous donnant à eux Faites de grace, comme
dit nostre Royaliste, que le passé ne soit
plus qu’vne illusion ou qu’vn songe imaginaire :
& à l’imitation qui se fera de ce renouuellement
de l’Vniuers, lors que les Astres retourneront
dans leur premier estre, remettez
chaque chose au lieu naturel où elle estoit à
la naissance de nos troubles, & vous verrez
apres que Mazarin sera chassé de tous vos
Estats, vostre Maiesté dans sa premiere authorité,
les Princes à la Cour & dans le Conseil, &
vos Peuples dans vne parfaite obeissance,
puis que Dieu le veut ainsi pour le salut vniuersel
de toute cette Monarchie.

 

FIN.

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Anonyme [1652 [?]], RESPONSE AV SEDITIEVX ESCRIT INTITVLÉ LE CARACTERE DV ROYALISTE A AGATHON. , françaisRéférence RIM : M0_3384. Cote locale : B_17_21.