Anonyme [1649], SVITE DV COVRIER DE LA COVR, PORTANT LES NOVVELLES de S. Germain, depuis le 22. Mars 1649. iusques au 29. , françaisRéférence RIM : M0_821. Cote locale : C_1_41_2.
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SVITE DV
COVRIER
DE
LA COVR,
PORTANT LES NOVVELLES
de S. Germain, depuis le 22. Mars
1649. iusques au 29.

A PARIS,
Chez DENYS LANGLOIS, au mont S. Hilaire,
à l’Enseigne du Pelican.

M. DC. XLIX.

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SVITE DV
COVRRIER
DE LA COVR,
PORTANT LES NOVVELLES
de S. Germain, depuis le 22. Mars
1649. iusques au 29.

CE n’est pas sans sujet qu’vn Ancien a dit, qu’il n’y a rien de
certain dans les choses humaines que leur incertitude. Ie
croyois auec tout le monde vous apporter à ce voyage les
heureuses & agreables nouuelles de la Paix domestique concluë
au contentement de tout le monde ; aprés laquelle la
guerre Estrangere ne peut guere durer, ny quand elle dureroit,
nous incommoder beaucoup ; mais quoy que Dieu n’ait pas voulu nous
accorder cette grace au iour que nous l’attendions, il y a grand sujet d’esperer
qu’il exaucera bien-tost, & peut-estre dez demain, les vœux de tous les
gens de bien, comme vous pouuez iuger par la disposition des assaires.

Messieurs les Députez de Roüen, dont l’absence auoit apporté quelque
retardement à l’expedition des assaires dans la Conference, arriuerent à Ruël
le Dimanche 21. de ce mois, au nombre de 16. sçauoir, le President de Criqueuille,
& 5. autres du Parlement, dont il y en a 2. de la Grand Chambre,
autant des Enquestes, & vn des Requestes, & le reste de la Chambre des Comptes,
de la Cour des Aides, des Tresoriers Generaux, & du Corps de
Ville.

Le lendemain ces Messieurs auec les precedens Députez du Parlement de
Paris, & des Princes, se rendirent à S. Germain, où aprés les premiers complimens
rendus, ils s’assemblerent chez Monsieur le Chancelier. Les Députez
du Parlement, & de la Chambre des Comptes de Roüen eurent leur Seance
au dessous de ceux du Parlement de Paris, & de la Reine : les autres en vn second
rang de sieges, qu’il fallut mettre derriere les premiers, & chaque Corps

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demeura separé. Là Monsieur le Comte de Maure parla de deux choses ; Premierement
d’vne lettre que l’Archiduc Leopold auoit escrite à Monsieur le
Prince de Conty, par laquelle il luy témoignoit qu’il n’estoit point entré en
France pour y porter la guerre, & se préualoir de nos dissensions, mais pour
auancer la Paix, & que pour cét effet si on vouloit accorder vne Surceance
d’armes, & nommer vn lieu où les Plenipotentiaires des deux Couronnes se
deuroient assembler, il estoit tout prest à en faire de mesme : Surquoy Mr. le
Prince de Conty desiroit sçauoir quelle response la Reine trouueroit bon qu’il
fist. La 2. Proposition que ledit sieur Comte fit de la part de Monsieur le
Prince de Conty, & des Generaux de Paris, fut que Monsieur le Cardinal
Mazarin fût exclus du Ministere. Pour le 1. poinct Monsieur le Chancelier
respondit qu’il y auoit sujet de s’estonner, qu’vn Prince qui auoit tant de part
à la gloire de la France, & les Generaux qui disoient ne trauailler que pour le
bien Public, voulussent faire ce tort à la reputation des armes du Roy, & à
l’honneur de la Nation, que de vouloir demander ny Tresve, ny Paix aux
Ennemis, tant qu’ils seroient en armes dans le Royaume, que la Reine auoit
assez tesmoigné le desir qu’elle auoit de la Paix, tant par l’enuoy qu’elle auoit
fait depuis peu de Monsieur de Vautorte à Bruxelles pour cét esset, que par
ce qu’elle en auoit fait escrire à Munster à Monsieur Seruien, & par l’aduis
qu’elle auoit fait donner au Nonce du Pape, & à l’Ambassadeur de Venise,
qui sont les Princes Mediateurs du Traitté, de la disposition où estoit
sa Majesté de conuenir d’vn lieu plus proche, & y enuoyer au plus tost des
Députez, & mesme vn du Parlement, ainsi qu’il auoit esté conuenu par le
Traitté de Ruël. Pour la 2. proposition, à peine ledit sieur Comte eut loisir
de l’acheuer, Monsieur le Chancelier l’ayant interrompu, dit que les seruices
de Monsieur le Cardinal estoient si necessaires à l’Estat, que la Reine
ne le pouuoit congedier sans faire tort au Public. Que Messieurs du Parlement
l’auoient ainsi reconnu, & n’auoient point insisté là dessus dans cette
iudicieuse Conference, qui auoit esté tenuë à Ruël. Là dessus Monsieur le
premier President prit la parole, & en suite Monsieur le President de Mesme,
pour prier Monsieur le Chaucelier de se souuenir qu’ils auoient souuent fait
instance sur ce point, de la part du Parlement en la Conference de Ruël, tant
par la proposition qui regardoit l’execution des Arrests de la Compagnie, entre
lesquels estoit celuy du 8. Ianuier, qu’autrement. Monsieur le Chancelier
repliqua qu’il ne se souuenoit pas qu’ils en eussent parlé en mesmes termes,
& qu’enfin c’estoit vn point vuidé par l’article du Traitté de Ruël, qui portoit
que les Arrests rendus depuis le 6. Ianuier estoient declarez nuls, & comme
non auenus, aussi bien que les Declarations, Lettres de Cachet, & Arrests
du Conseil : Et ainsi ne voulut point admettre cette instance, comme vne
proposition qui restast à vuider. En suitte de cela on leut les Propositions
des Députez de Roüen, qui alloient tant au soulagement du peuple de Normandie
par le rabais d’vn quart de la Taille, & par la reuocation de plusieurs
nouueaux droits & impôts, qu’à la suppression de quantité d’Offices, particulierement

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du nouueau Semestre du Parlement, des cruës de la Cour des
Aydes, & de la Generalité d’Alençon. On renouuella la Tresye pour trois
iours.

 

L’apresdinée Monsieur le Chancelier leut vne lettre de Monsieur Arnaut,
par laquelle il donnoit aduis que l’Archiduc s’estoit retiré vers les Pays-bas,
& que les troupes qui auoient passé la riuiere d’Aisne, l’auoient repassée. Aprés
cela on leut les Propositions de Monsieur de Longueuille, apportées par Monsieur
de Hauctonuille, qui tendoient à supplier la Reine, de faire la Paix generale,
& pouruoir au repos du peuple, & de donner quelques gratifications
à Monsieur de Beuueron, & à Monsieur de Matignon.

Le mesme iour vn Enuoyé du Duc de Lorraine, qui estoit icy, & negocioit
pour son Maistre depuis quelques iours, partit pour luy aller rendre compte de
ce qu’il auoit fait en cette Cour, comme auoit fait le iour precedent vn Courier
qu’on auoit despesché vers ce Prince pour l’obliger à bailler ses troupes à
la Reine pour deux ans. On disoit en mesme temps que le Parlement de Toulouse
ayant receu la Lettre Circulaire, & la remonstrance de celuy de Paris,
qui leur auoient esté inconnuës auparauant, auoit approuué pour son ressort
tout ce qui auoit esté fait par Messieurs du Parlement de Paris, & qu’il auoit
resolu de respondre à la Lettre qui luy auoit esté enuoyée.

Mardy 23. du mois on s’assembla l’apresdinée chez Monsieur le Chancelier,
qui declara sur chaque article des Propositions baillées par les Deputez de
Roüen, ce qu’il croyoit que la Reine pût faire ; & le Cõte de Maure ayant renouuellé
ses deux propositions du iour precedent, receut de pareilles responses. Il
s’attendoit d’auoir la response par escrit à celle qui regardoit la lettre de l’Archiduc
touchant la paix generale ; mais il luy fut dit que la Reine n’auoit point
donné ordre de la bailler par escrit, & qu’il se pouuoit souuenir de ce qui luy
auoit esté dit le iour de deuant : de quoy il pouuoit donner aduis à Monsieur le
Prince de Conty.

Le bruit courut ce iour là que le gros des troupes d’Erlach estoit arriué à Ligny
en Barrois, & l’Auant-garde à Retel.

Mercredy 24. Monsieur le Telier fut au matin à Ruel, & l’on croit qu’il dit à
Monsieur le premier President en particulier, que si on vouloit parler dauantage
de l’éloignement de Monsieur le Cardinal, les Deputez n’auoient qu’à s’en
retourner à Paris, S. M. n’en voulant pas ouyr parler : Mais cela n’estant pas
bien asseuré, & Monsieur de Sainctot ayant esté trouuer ces Messieurs, ils se
rendirent l’apresdinée au Chasteau neuf de S. Germain dans l’appartement de
S. A. R. qui n’interuint pas neanmoins dans la Conference, non plus que Monsieur
le Prince, si ce n’est sur la fin, pour exhorter les Députez à terminer les
assaires le plus promptement qu’il leur seroit possible. On ne fit neantmoins
autre chose qu’examiner les moyens de contenter les Deputez de Roüen auec
quelque temperament, sans rien resoudre.

Ce iour Monsieur le Cardinal fut saigné, & ne se laissa point voir.

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Ieudy 25. iour de l’Annonciation on ne traitta dans la Conference que des
des affaires de Normandie, dont la plus difficile est la suppression du Semestre
du Parlement, que les Deputez de ladite Compagnie demandoient absolument,
& qu’on ne voulut accorder de la part du Roy, que pour la derniere creation
faite de ce Regne, en sorte que les Officiers de la premiere creation faite en l’an
I641. par le feu Roy, & depuis reünis au Corps du Parlement de Normandie,
subsistassent. Les Deputez disoient tousiours n’auoir point charge d’entrer en
aucunes offres, iusques à ce qu’enfin sollicitez par ceux de Paris, qui tesmoignerent
ne se vouloir point separer de leurs interests, mais desirer aussi que la
Paix se pust faire à leur contentement, ils se relascherent à offrir de receuoir dix
Conseillers & vn President de ceux de la premiere creation, quoy qu’ils n’en
eussent point de charge, & cela pour n’estre point cause d’vne rupture si preiudiciable
à l’Estat.

Ce iour on eut nouuelles que le 19. de ce mois les Habitans de Poictiers estans
en armes au nombre de huit mille hommes, le Presidial, les Tresoriers de
France, & le Corps de Ville s’estoient declarez pour Paris : & l’on sçeut de
mesme que les Espagnols auoient retiré vne partie de leurs troupes du costé de
Guyse, le reste demeurant prez du Pont à Vere dans le Soislonnois, sous la conduite
du Marquis de Nermonstier, qui auoit sait rompre vne arche du Pont de
son costé, comme les Mareschaux d’Estrée & Du Plessis en auoient fait vne
autre du costé de deça.

Vendredy 26. on sçeut que sur le suiet du renouuellement de la tresue iusques
à Lundy, le Parlement auoit arresté que les Deputez seroient priez d’acheuer
la Conference dans ledit iour. Et dans la Conference du matin on n’auança
rien, les Deputez de Normandie ne voulant point relascher dauantage, &
Monsieur le Duc d’Orleans demandant au moins la conseruation de 17. Offices
de Conseillers & d’vn President : dont le refus obligea son Altesse Royale
d’entrer dans l’Assemblée, & dire que l’on pourroit reprocher à Messieurs de
Roüen d’estre cause que le Traitté de paix seroit rompu, mais qu’il esperoit de
faire vn voyage en Normandie, & d’y restablir l’autorité du Roy. Apres qu’on
se fut leué, les Deputez de Roüen pressez par ceux de Paris, afin qu’on ne leur
imputast pas la rupture, se resolurent enfin de passer quinze Conseillers & vn
President, dont son Altesse Royale tesmoignant n’estre pas contente, Monsieur
le premier President qui auoit esté mandé auec Monsieur le President De-
mesmes par son Altesse Royale, se fit fort de faire payer par sa Compagnie vn
Office des Conseillers, afin de contenter sadite Altesse, qui dit qu’il aimoit
mieux le payer luy mesme, & se contenta de l’offre desdits Deputez de Normandie,
dont les Conseillers qui seront reünis, payeront chacun dix mil liures,
& le President sept mil liures, pour seruir en partie à l’indemnité des supprimez,
auec leurs gages de quelques années.

L’apresdinée il fut parlé des autres assaires de Normandie, & l’on accorda
la suppression entr’autres choses de 17. Offices de la Cour des Aides. En suite

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de cela on traitta des interests des Princes, & Generaux de Paris, mais ce ne fut
qu’en termes generaux, que la Reine se reseruoit de faire des graces, & sans
rien bailler par escrit.

 

Samedy 27. on eut nouuelles de ce qui s’estoit passé au païs du Maine, & des
forces considerables que le Marquis de la Boulaye y auoit pour le Parlement,
auec lesquelles il estoit en marche vers Angers : De sorte qu’on parla d’enuoyer
quelques troupes de ce costé-là sous la conduite du Marquis de Ierzé, comme
aussi d’enuoyer Monsieur le Grand-Maistre de l’Artillerie vers le Poictou.

Dans la Conference on ne parla bien precisément des interests de Messieurs
les Generaux de la part de la Reine, comme les Deputez du Parlement s’y attendoient,
mais on promit d’enuoyer au soir la response à leurs Propositions.
Quant aux articles du Traitté de Ruel, sur lesquels le Parlement auoit ordonné
/> des Remonstrances, on fit esperer aux Deputez 1. que la Reine dispenseroit le
Parlement de venir tenir le Lit de Iustice à S Germain, 2. que S. M. se contenteroit
de la parole des Deputez concernant la cessation des Assemblées pour
cette année, sans exiger qu’on en fist vn article de la Declaration qui se doit
faire pour la paix, 3. Que les assaires du Roy ne pouuant subsister sans les prests
ou auances accordées pour deux ans au denier 12. en l’estat où sont les choses,
S. M. trouueroit bon qu’on les reglast à 12. en millions par an, & qu’on ne forceroit
personne à en faire, 4. Que S. M. pourroit donner les prouisions du Gouuernement
de la Bastille à Monsieur de Broussel.

Mais comme les Deputez furent partis dans l’opinion de reuenir le lendemain
conclure, & signer le Traitté au contentement de tout le monde, on apprit
que le Parlement auoit arresté le mesme iour que ses Deputez se ioindroient
auec ceux des Generaux pour faire coniointement vne nouuelle instance pour
l’éloignement de Monsieur le Cardinal, ce qui fit qu’on douta de la paix plus
qu’auparauant.

Dimanche 28. de Mars iour des Rameaux, Monsieur le Telier, & Monsieur
de Sainctot furent à Ruel, & parlerent aux Deputez : on croit que le premier
porta les responses aux Propositions de Monsieur le Prince de Conty, &
des Generaux de Paris, & representa le danger qu’il y auoit de tout gaster si on
parloit de Monsieur le Cardinal ; & l’on estime que les Deputez firent dessein
de vuider auparauant tous les autres Poincts. Tant y a qu’on sçeut le soit qu’ils
deuoient venir le lendemain matin. Dieu vueille que ce soit pour conclure
vne bonne paix.

Lundy 29. La Paix a esté arrestée le matin à midy, les Deputez estans demeurez
d’accord de tous les Articles de part & d’autre, dont tout le monde a suiet
d’estre satisfait ; mesme Messieurs les Generaux de l’Armée de Paris. Messieurs
les Deputez du Parlement doiuent demain aller à Paris porter la Declaration
qui leur sera enuoyée à Rüel, composée desdits Articles, afin de la faire
publier au plustost.

FIN.

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