Anonyme [1649], SVITTE ET DOVZIESME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT LES NOVVELLES de la Paix, & toutes les autres de ce qui s’est passé depuis sa vnziéme arriuée iusqu’à present. , français, latinRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_12.
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SVITTE ET DOVZIESME ARRIVÉE
DV
COVRIER FRANÇOIS,
APPORTANT LES NOVVELLES
de la Paix, & toutes les autres de ce qui s’est
passé depuis sa vnziesme Arriuée
iusques à present.

COMME il n’y a rien qui puisse dauantage contribuer à
l’affermissement & agrandissement d’vn Royaume, que
l’Vnion & la parfaite intelligence du Souuerain auec ses
Subjets, Aussi entre les plus notables alterations qui luy
peuuent arriuer, il n’y en a point de plus dangereuse que
la diuision & la discorde, qui s’estant vne fois mal-heureusement introduites
dans les Estats les plus florissans, apres mille degasts soufferts
par les particuliers y causent enfin vne desolation & ruine vniuerselle.

Concordia paruæ
res crescunt,
discordia maximœ
dilabuntur.

Omne Regnum
diuisum contra
se, desolabitur.

La France par telles diuisions naissantes, sembloit desia preparer à
toute l’Europe vn theatre funeste pour representer de si sanglantes
tragedies : les degasts & les desordres arriuez és enuirons de la ville de
Paris n’estoient aussi qu’vn crayon des mal-heurs qui accompagnent
ordinairement les guerres ciuiles, & desquelles il n’y auoit aucun bon
François qui n’en souhaittast estre deliuré ; lors que le retour de Messieurs
les Deputez du Parlement nous ayant asseuré d’vne ferme paix,
nous a à mesme temps fait esperer de iouyr des douceurs, que ce beau
nom promet à vn chacun, auec la tranquilité qui en est inseparable.

Nomen Pacis
dulce est, & ipsa
res est salutatis.

Le Mercredy trente-vniesme Mars mil six cens quarante-neuf a
esté enuoyé vne Ordonnance du Roy donnée à sainct Germain en
Laye le trentiesme dudit mois, par laquelle sa Majesté estimant que
pour le bien de son seruice, & le restablissement de la tranquilité de la
Ville de Paris, il est important que les habitans d’icelle continüent à

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faire garde aux portes : Sadite Majesté commande la continuation desdites
gardes, iusques à ce que les choses estans entierement pacifiées,
l’on la puisse leuer sans qu’il en arriue aucun inconuenient.

 

Le mesme iour ont esté leues les Lettres escrites par le Parlement de
Thoulouze au Parlement de Paris, auec l’Arrest rendu audit Parlement
le douziesme de te mois, afin de faire remonstrances au Roy &
à la Reyne Regente, pour l’execution de la Declaration du mois d’Octobre,
& pour le soulagement des subjets de leurs Majestez.

Le Ieudy premier Auril mil six cens quarante-neuf le Parlement a
esté assemblé, où Monsieur le Prince de Conty, Messieurs les Ducs
d’Elbeuf, de Beaufort, de Boüillon, de Luynes, de Brissac, & le Mareschal
de la Motte ont assisté, & ledit sieur Duc de Boüillon, ayant remonstré
tant pour luy que pour lesdits sieurs, qu’ils auoient tousiours
souhaitté la Paix, & qu’ils ne vouloient y apporter aucun retardement
pour leurs interests particuliers : Lecture fut faite des responses que
le Roy auoit fait dresser aux propositions desdits Princes & Seigneurs :
Et en suitte ; Messieurs les Gens du Roy presenterent la
Declaration de sa Majesté sur les presens mouuemens donnée à
Sainct Germain en Laye au present mois de Mars, par laquelle entre
autres choses, Sadite Maiesté a premierement ordonné que tous les
Arrests, Commissions & autres actes decernez, tant par le Parlement
que par les Preuost des Marchands & Escheuins de Paris, qu’autres,
ensemble tous traictez, lettres, escrits depuis le sixiesme Ianuier au
suiet des presens mouuemens iusques au iour de ladit Declaration,
demeurent comme non aduenus sans que personne en puisse estre recherché
ny inquieté. Demeurans neantmoins en leur entier, les Arrests
rendus entre les particuliers, ou auec Monsieur le Procureur General
pour affaires particulieres, mesmes les adiudications par decret,
receptions d’officiers, mesmes ceux de la creation de mil six cens trente
cinq. Secondemẽt, que tous les Arrests donnez au Conseil, & Declaratiõs
publiées en iceluy, & lettres de cachet aussi expediez depuis ledit
iour sixiesme Ianuier, demeurent comme non aduenus, & en consequence,
que la memoire de toutes vnions, traictez, associations, & ce
qui pourroit auoir esté fait pour raison de ce, demeure esteincte & assoupie,
sans que ceux qui s’en sont meslez en puissent estre recherchez,
mesme pour leuée de troupes, prises de deniers publics, & particuliers
& autres choses generalement quelconques : mesmes que les
Princes, Prelats, Seigneurs, & Gentils-hommes & tous autres de
quelque qualité & condition qu’ils soient sans aucun excepte, qui se
trouueront auoir agy ou contribué en quelque sorte ausdits mouuemens,
soient restablis dans tous leurs biens, honneurs, charges, offices,
& benefices, au mesme estat qu’ils se trouuoient audit iour sixiesme
Ianuier, a la charge qu’ils poseront les armes, & se départiront de toutes

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associations & traictez si aucuns y a, faits pour raison desdits mouuemens,
tant dedans que dehors le Royaume.

 

Troisiesmement, Que les gens de guerre leuez sous les ordres desdits
Princes & Seigneurs seront licentiez, à l’exception de ceux qu’il
plaira à sadite Maiesté retenir.

4. Que tous prisonniers tant de guerre qu’autres qui ont esté
arrestez depuis ledit iour sixiesme Ianuier, seront mis en liberté.

5. Que pendant les années mil six cens quarante-neuf & mil six cens
cinquante seulement, il pourra estre fait emprunt de douze millions par
an seulement, & si besoin est, & lesdits emprunts volontaires, sans
qu’aucun des suiects de sa Maiesté y puissent estre contraints, & pour
ledit emprunt l’interest payé au denier douze, sans que les sommes
dudit emprunt puissent estre employées, que pour les affaires presentes
& non pour les debtes du passé.

6. Que les Eslections de Xaintes, Cognac & sainct Iean d’Angely,
distraites de la Cour des Aydes de Paris y seront reünies.

7. Que sadite Majesté pouruoira au soulagement des contribuables
aux Tailles de l’Eslection de Paris, sans rejetter le soulagement sur les
autres Eslections.

8. Que la Declaration portant la suppression du Semestre du Parlement
de Prouence soit executée aux conditions du traité fait auec ladite
Cour. Et en dernier lieu sa Majesté a supprimé le Semestre estably
en la Cour de Parlement de Roüen, sans qu’à l’aduenir il puisse estre
restably, à la reserue d’vn Office de President, & de treize Offices de
Conseillers, & de deux des Requestes du Palais, qui demeurent incorporez
au Corps dudit Parlement, à la charge de payer par ledit
President soixante-dix mil liures, les Conseillers trẽte mil liures chacun,
& ceux des Requestes vingt mil liures chacun, pour estre les deniers
payez à ceux qui sont supprimez. Apres que ladite Declaration
fut presentée, mesdits sieurs les Gens du Roy en requirent l’enregistrement
& l’execution, Surquoy la Cour toutes les Chambres Assemblées
ayant deliberé, Ordonna que ladite Declaration seroit registrée
au Greffe, pour estre executée selon sa forme & teneur, & outre
arresta qu’il seroit rendu graces à Dieu : & le Roy & la Reyne
Regente remerciez de ce qu’il leur a pleu donner la Paix à leurs peuples,
qu’à cette fin seroient deputez des Presidens & Conseillers
pour faire ledit remerciement, & supplier leurs Maiestez d’honorer
la Ville de Paris de leur presence & d’y retourner : Comme aussi pour
l’execution des choses accordées de tous Messieurs les Generaux, &
outre qu’il seroit donné ordre à la satisfaction & licenciement des
troupes. Ce qui fut publié à son de trompe par les Carrefours de la
Ville & Faux-bourgs de Paris, le lendemain deuxiesme de ce
mois.

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Le soir du mesme iour premier Auril, en resiouyssance de cette
Declaration qui nous donnoit la Paix tant desirée, l’on fit des feux
dans les ruës de ladite Ville & Faux-bourgs de Paris, & les Officiers
de la Ville firent retentir les Canons & les Boëttes pour en donner
aduis aux lieux circonuoisins.

Le Vendredy deuxiesme nouuelles sont venuës de Laon, que l’Archiduc
a fait aduancer son armée vers ladite Ville & vers Crecy, village
qui en est à trois lieues, où il a fait camper le long de la riuiere
d’Aisne, & que Monsieur le Mareschal du Plessis Praslin est de l’autre
costé de ladite riuiere, auec plusieurs troupes de l’Armée du Roy,
en attendant encores d’autres, pour faire reculer ledit Archiduc, qui
est allé trouuer le Duc Charles, qui a aussi fait camper ses troupes entre
Marle & Veruins, & que les habitans de Laon se sont mis en estat
pour repousser ces troupes ennemies, en cas qu’elles voulussent entreprendre
quelque chose sur leur ville, comme pareillement ont
fait ceux de la ville de Reins, ayant braqué leurs Canons sur les murailles
de leur ville, & apresté leurs armes à mesme dessein.

Le Samedy troisiesme, l’on a eu nouuelles de Calais que le sieur
Destrades à present Gouuerneur de Dunquerque, au lieu du Mareschal
de Rantzau, auoit enuoyé en ladite ville de Calais Madame la Mareschel
de Rantzau, & qu’elle est logée chez les Religieuses de l’Hospital.

Comme aussi de Roüen, que Monsieur de Matignon est venu trouuer
Monsieur le Duc de Longueville, & que leurs troupes auoient
esté mises en garnison en plusieurs endroits de la Prouince.

Le mesme iour la Cour des Aydes de Paris, a fait registrer au Greffe
la susdite Declaration du Roy, donnée sur les presens mouuemens ensemble,
les autres Declarations y enoncées, & a arresté qu’il seroit
rendu graces à Dieu, & le Roy & la Reyne Regente remerciez par
Deputez de ladite Cour, qui en outre prieroient leurs Maiestez de
pouruoir au soulagement des Villes, Bourgs, & Parroisses dependantes
d’autres Eslections que celles de Paris, qui ont souffert des pertes
à cause des passages, & logemens des gens de guerre.

Le mesme iour les prisonniers qui estoient detenus au Chasteau de
la Bastille, ont esté mis en pleine liberté.

Le Lundy cinquiesme lendemain de Pasques, l’Armée leuée pour
le secours de Paris a fait monstre generale, & tous les gens de guerre
payez & en suitte licentiez, sauf quelques Regimens de Caualerie
qu’il a pleu à sa Maiesté de retenir, ayant à cette fin baillé nouuelles
Commissions à leurs Chefs, pour aller ioindre Monsieur le Mareschal
du Plessis-Praslin.

Le mesme iour Messieurs les Princes de Condé & de Conty, & Madame
la Duchesse de Longueville s’entreuirent à Chaliot, où Monsieur
le Duc de Boüillon fut salüer Monsieur le Prince de Condé.

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L’apres-disnée du mesme iour, le Te Deum a esté chanté en l’Eglise
de Nostre-Dame, Cathedrale de la Ville de Paris, où Messieurs des
Cours Souueraines, & Officiers de la Ville ont assisté, & en suitte les
Canons de la Ville & de l’Arsenal ont tiré plusieurs fois, & le soir des
feux allumez par les ruës de la Ville & Faux bourgs.

Le Mardy sixiesme, Messieurs les Deputez du Parlement sont partis
de Paris pour aller à sainct Germain, pour remercier le Roy & la
Reyne Regente, suiuant ce qu’il auoit esté arresté par la Compagnie.

Le Mercredy septiesme, mesdits sieurs les Deputez sont reuenus
de Sainct Germain en Laye à Paris.

 


Pax optima rerum
Quas homini nouisse datum : Pax vna triumphis.
Innumeris potior ? Pax eustodire salutem,
Et ciues œquare potens.

 

Fin des courses du Courier François.

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