Anonyme [1649], SVITTE ET SEPTIESME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa sixiesme arriuée iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_07.
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SVITTE ET SEPTIESME ARRIVÉE
DV
COVRIER FRANÇOIS,
APPORTANT TOVTES LES NOVVELLES
de ce qui s’est passé depuis sa sixiesme arriuée
iusques à present

C’Est vne chose tres-certaine que Dieu ayant reconneu
l’endurcissement du meschant en son opiniastreté, &
qu’il luy a refusé son assistance ; non seulement les hommes
se declarent contre luy, mais encores les elemens
semblent luy refuser le secours qu’ils sont obligez de luy
prester : les sacrez Cahiers & les histoires prophanes fournissent assez
d’exemples, mais sans qu’il soit besoin d’en aller chercher ailleurs, l’estat
present de la France confirmera aux siecles futurs la certitude de cette
verité. Le peuple opprimé en toute sorte, les anciens Officiers auilis, &
quasi aneantis par la creation de tant de nouueaux ; les familles les plus
accommodées ruinées par mille monopoles ; les Finances pillées & transportées
hors du Royaume ; les proscriptions, emprisonnemens, &
morts violentes des plus affectionnez seruiteurs du Roy, qui n’ont peu
voir ces desordees sans s’en plaindre, & par ce moyen attiré sur eux l’indignation
de ceux qui les commettoient ; la paix tant de fois refusée ; &
la guerre tousiours continuée, pour sous ce pretexte pouuoir plus aisément
satisfaire à l’auarice des mauuais Ministres, & acheuer la ruine de
ce Royrume ; enfin, la France défigurée & déchirée, ayant perdu cette
ancienne splendeur, que l’abondance luy apportoit, estoient d’assez puissans
tesmoins pour conuaincre de tous ces crimes le Cardinal Mazarin
Autheur de nos desolations : Toutesfois par vne extraordinaire preuue,
Dieu a encore permis que l’Espagne vienne seruir de tesmoin pour conuaincre
entierement ce trouble-repos, sur les mauuais desseins qu’il a
conceus à la ruine de la France. Admirable coup du Ciel, de voir deux
puissantes Couronnes, ennemies & ialouses l’vne de l’autre, pour leur
puissance, s’vnir & s’accorder en vn moment : Estrange changement,
& quasi incroyable, de voir des armes qui s’employoient il n’y a que six
mois pour l’agrandissement de ce Royaume de France, auiourd’huy
portées pour la destruction & ruine entiere de sa ville Capitale, & en
suitte de celle de tout l’Estat ; Et au contraire celles qui en ce temps-là
ne faisoient feu que pour embrazer ce Royaume, les voir auiourd’huy

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toutes prestes pour la conseruatiou d’iceluy Ce sont les offres que fit
l’Archiduc par son Enuoyé à Messieurs du Parlement, auec celles d’vne
ferme Paix : Si bien que nous pouuons à present dire, Pax & Iustitia
osculatæ sunt, que la Iustice & la Paix se sont trouuées, se sont caressées,
& se sont embrassées, que Veritas de terra orta est, la preuue certaine & la
verité des desseins du Cardinal est entierement découuerte, & aussi que
Iustitia de cœlo prospexit, que Messieurs du Parlement meus par des inspirations
du Ciel, ont equitablement prononcé contre ce perturbateur,
& acheueront glorieusement cét ouurage, qui tournera à leur
honneur, & au profit general & particulier de tous les peuples Chrestiens.

 

Ce fut sur les offres & autres declarations faites par l’enuoyé de l’Archiduc,
que Messieurs du Parlement deputerent vers leurs Majestez ; &
que comme ie vous ay dit à la fin de ma sixiesme arriuée, mesdits
Sieurs les Deputez & Gens du Roy partirent le 24. Febvrier, accompagnez
des Archers de la Ville & des Gardes de Monsieur le Mareschal de
la Motthe, qui les quitterent vers le Cours de la Reyne, où ils furent
rencontrez par Monsieur de Saintot Maistre des Ceremonies de France,
auec ordre de les conduire au Bourg de Ruel : Monsieur le Mareschal
de Grammont les receut au dessus de la montagne de Nigeon, dite des
bons Hommes, & les escorta iusques à S. Cloud : Sur le chemin quelques
Caualiers Allemans ayans eu l’effronterie de vouloir faire violence
au Carosse de Monsieur le premier President ; vn d’iceux fut tué sur
la place, & les autres arrestez, pour estre punis de leur temerité. Mesdits
Sieurs les Deputez & Gens du Roy arriuerent à Ruel, où ils furent receus
& regalez, & le lendemain Ieudy 25. en partirent pour S. Germain
en l’aye, où l’apresdinée du mesme iour ils eurent audience de la
Reyne Regente, & de Messieurs les Duc d’Orleans & Prince de Condé,
qui produira auec la grace de Dieu, & le trauail de ces Messieurs, vne
Paix, qui nous rendra la felicité que les estrangers & mauuais François
nous ont ostée il y a si long-temps ; & parce que Monsieur le Chancelier
n’y estoit pas, la response fut remise au lendemain.

Ledit iour Mercredy 24. Febvrier sur les nouuelles que Messieurs nos
Generaux eurent, que la plus grande partie des garnisons ennemyes de
S. Denys, Auberuiliers, & autres lieux, auoient défilé par le Pont de
Gournay, qu’ils ont fait restablir, pour aller assieger Brie-Comte-Robert,
firent sortir des troupes, tant de Canalerie que d’Infanterie,
iusques au nombre de quatre mille cheuaux & six à sept mille hommes
de pied souldoyez, outre plus de vingt mille hommes des Bourgeois de
Paris, qui firent vn notable corps d’armée, qui tint la campagne le reste
de ce iour ; pendant lequel, & les deux iours suiuans, l’on fut és Villes &
Bourgs de la France iusques à dix lieuës de Paris, auec si grand nombre
de chariots & charettes, que l’on a amené dans la Ville vne tres-grande
quantité de bleds, farines, & autres sortes de viures ; de sorte que ce

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Conuoy est le plus notable de tous ceux qui y sont arriuez depuis qu’elle
est bloquée ; dont on a vne particuliere obligation à Messieurs nos
Generaux & autres Seigneurs, qui tous ont contribué d leurs propres
personnes pour ce bon effet. Pendant cette sortie ont esté pris prisonniers
plusieurs ennemis, au nombre de plus de 50. qui alloient à la picorée
auec cent de leurs cheuaux, outre leurs Officiers, & entre autres le
Sieur Batilly leur Mareschal de Camp.

 

Le mesme iour 24. le Roy, la Reyne Regente, Monsieur le Duc d’Orleans,
Madame & Monsieur le Prince de Condé, enuoyerent les Duc
Dam-Ville, Commandeur de Souuray, Cheualier de Grammont, Baron
du Fretoy, & le Sieur Flamarin, consoler la Reyne d’Angleterre de
l’attentat & regicide commis en la personne du Roy de la Grand’Bretagne
son mary.

Le Ieudy 25. la Cour nomma des Commissaires pour instruire le Procez
des nommez, la Raillere & l’Aunay-graué, arrestez Prisonniers pour
les raisons dont i’ay fait mention en ma deuxiesme Arriuée.

L’on a procedé cette Semaine à la vente des meubles du Cardinal Mazarin,
suiuant les Arrests de la Cour qui ont esté donnez contre luy.

Le Vendredy 26. il y a eu nouuelles de Brie-Comte-Robert, que le
Comte de Grancey auec les troupes ennemies auoit assiegé ladite Ville,
& qu’aux approches d’icelle, celuy qui commandoit dans la place, a
monstré qu’il sçauoit bien se deffendre ; Car ayant fait tirer quelques
volées du Canon qu’il y auoit, & fait faire descharge à ses soldats, a
causé aux assiegeans vne notable perte de leurs gens qui y ont esté tuez
en cette premiere attaque. Mais ledit Gouuerneur voyant que l’Artillerie
de nos ennemis auoit fait bresche suffisante, & sçachant qu’il nous
estoit impossible de le secourir, à cause de plusieurs défilez par lesquels
il falloit le necessité passer auant que d’y arriuer ; & que le Mareschal du
Plessis Praslin, qui commandoit vn gros des troupes Mazarines, auoit
choisi les postes les plus auantageux sur le passage que nos gens ne pouuoient
esuiter de tenir ; apres auoir sait pour la deffense de cette place
tout ce qu’vn homme de cœur peut faira, a encores obligé le Chef des
assiegeans de luy accorder vne honorable composition, de sortir auec
armes & bagage, ce qui toutefois n’a pas esté executé, puisque les assiegeans,
qui sont profession de n’auoir point de foy non plus que de Dieu,
n’ont pas laissé, contre le droict des gens, de violenter nos soldats, en
ayant tué quelques-vns & despoüillé les autres ; Cruauté qu’à peine les
Turcs & barbares pratiquent contre leurs ennemis : Le seul souuenir de
mille hommes des meilleurs de leur milice qu’ils ont perdu à ce siege,
les ayant prouoquez à cette rage.

Commission & argent ont esté deliurez à vn Colonnel Suisse, pour
leuer vn Regiment d’Infanterie des gens de sa nation, lesquels sont à
present à Paris, & dont la plus grande partie est de ceux, qui se ressouuenans

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de l’intention qu’ils ont euë en quittant leur païs natal, de venir
porter lesarmes pour l’agrandissement de ce Royaume, ont abandonné
le party de ceux qui en procurent la ruine.

 

Le Samedy 27. Messieurs les Deputez estans de retour de S. Germain
en Laye, sont venus au Parlement, où toutes les Chambres estans assemblées,
& Messieurs nos Generaux presens, fut fait recit de leur deputation,
ensemble de la response de la Reyne, qui tesmoignoit par icelle
qu’elle desiroit vn bon accommodement, que pour y paruenir sa Majesté
souhaittoit que Deputez fussent nommez auec plein pouuoir, afin
de conferer & aduiser à ce qui est necessaire pour le bien de la Paix generale,
& au soulagement des Peuples, & qu’elle promettoit laisser les passages
libres pour les viures qui sont necessaires pour Paris. La deliberation
sur cette response fut remise à l’apresdinée du mesme iour, & encore remise
au lendemain Dimanche vingt-huictiesme, à cause de l’absence de
Messieurs nos Generaux, qui ne peurent s’y trouuer, pour quelque notable
empeschement qui leur estoit suruenu.

Le Dimanche 28. & dernier Feurier il y eut Assemblée du Parlement,
où il fut deliberé sur ladite response de la Reyne, que la Conference seroit
tenuë en lieu seur : Deputez nommez, auec plein pouuoir des
Cours Souueraines, & de la Ville, pour paruenir à l’accommodement
proposé, dont la Reyne seroit aduertie, ce qu’ayant esté fait, &
sa Majesté ayant desiré de voir ledit arresté, Messieurs les Gens du Roy
sont partis pour S. Germain le Mardy deuxiesme Mars, pour satisfaire
à sa volonté, & la prier vouloir permettre la liberté des passages pour
faire venir des viures à Paris, ainsi qu’elle a promis.

Le Cardinal Mazarin voyant que ses forces estoiënt trop foibles pour
reduire la Ville de Paris à sa discretion, & que tant que l’Vnion, la concorde,
& la bonne intelligence se maintiendroient dans icelle, & particulierement
entre Messieurs du Parlement, autres principaux Magistrats,
& le peuple, il luy seroit impossible d’executer ses pernicieux
desseins ; s’est efforcé par l’entremise de quelques gens factieux, qu’il a
gagez exprez, de rompre cette Vnion, & porter le peuple à vn sousleuement
contre ses Protecteurs : mais le soin que les bons & vrays
François ont apporté pour empescher tels desordres, a estouffé ce monstre
de diuision dés sa naissance, empesché l’effet que nostre ennemy en
attendoit, & chacun retenu en son deuoir, a conserué l’intelligence parfaite
qui estoit auparauant. Et tout l’aduantage qu’en pourra tirer cét
ennemy (si ses espions luy sont fidelles) sera de sçauoir l’ardeur, le courage
& le desir que tous nos Citoyens ont de se garantir de ses surprises,
& la confusion qu’il doit auoir que ses fourbes sont inutiles contre les
François.

Le Lundy premier iour de Mars l’on a eu nouuelles de Roüen, que
l’Armée de Monsieur le Duc de Longueville, composee de douze cens

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Gentils-hommes, deux mille autres Caualiers, & cinq à six mille hommes
de pied, & autant qui l’attendoient sur son passage, est en marche,
pour deliurer la Ville de Paris de l’oppression des ennemis estrangers du
Royaume, & que ce qui l’a empesché d’approcher plutost (outre le
mauuais temps de cét hyuer) est qu’il a voulu exterminer les ennemis
que l’on luy auoit opposez dans la Prouince de Normandie, afin qu’aucun
obstacle n’empeschast l’effet du dessein qu’il a tousiours eu, de contribuer
à l’extirpation de la tyrannie estrangere, restablissement des
Officiers, & au soulagement & repos des peuples.

 

Monsieur le Mareschal de la Motthe-Houdancourt ayant bruslé &
ruiné le Pont de Gournay, que les ennemis auoient fait restablir, les a
obligez, en reuenant de Brie-Comte-Robert, de prendre leur passage
à Lagny, ce qui les a incommodez ; de sorte, que sur l’arriere-garde de
leur démarche, les païsans des enuirons les ayans chargez, il v a eu assez
bon nombre de leurs gens qui y sont demeurez, pour satisfaction de la
violence qu’ils auoient faite à la garnison dudit Brie, contre la foy donnée,
dequoy ils se sont vangez sur le Bourg de Neüilly sur Marne, & autres
villages sur leur route, où ils n’ont non plus espargné les lieux
Saincts & les vierges, qu’ils ont cy-deuant fait en d’autres endroits.

Le mesme iour a esté publié vne Ordonnance de Messieurs les Preuost
des Marchands & Escheuins de Paris, portant inionction aux Boulangers
& Paticiers de cuire des pains d’vne, deux, & trois liures, pour estre
distribuez aux pauures, & en fournir les marchez, suiuant la quantité
des bleds & farines qui leur ont esté deliurez à cét effet.

L’apresdinée du mesme iour vne partie du Regiment de Paris fit
monstre à la Place Royale en presence de Monsieur le Duc de Luynes
Mestre de Camp, où Messieurs les Prince de Conty, le Duc de Beaufort,
& autres Seigneurs se rencontrerent, qui admirerent le bon estat auquel
estoient les huict Compagnies qui faisoient ladite monstre, chacune
composée de cent hommes, tous gens d’eslite.

Le Mardy 2. le Parlement estant assemblé furent apportées deux Lettres,
l’vne de Monsieur le Duc d’Orleans, & l’autre de Monsieur le
Prince de Condé, par lesquelles ils faisoient entendre que l’intention de
la Reyne estoient de donner l’ouuerture des passages du iour de la Conference
commencée, & pour lors fournir à la Ville de Paris certaine
quantité de bleds pour la subsistance de chaque iour seulement : Sur lesquelles
Lettres ayant esté deliberé, fut arresté que l’on depescheroit
promptement vn Courier vers Messieurs les Gens du Roy, pour leur
donner aduis du contenu desdites Lettres qui estoient contraires à la
response de la Reyne, laquelle ils prieroient derechef de satisfaire à sa
parole ; & suiuant icelle donner ouuerture des passages, puisque de leur
costé ils auoient satisfait & deputé pour la Conference, sinon qu’il n’en
seroit faite aucune ; & cependant ordonné que Commissions seroient

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expediées & deliurées pour leuer gens de guerre, & armer incessamment
dans les Prouinces circonuoisines.

 

Le Mercredy 3. Messieurs les Gens du Roy estans de retour de Sainct
Germain, ont rapporté en l’Assemblée, que tout ce que l’on pouuoit
esperer de la Reyne estoit reduit à cent muids de bleds par chacun iour,
qui seroient liurez dés ce iourd’huy, à raison de cent cinquante liures le
muid, à la charge que la Conference se commenceroit dés demain à
Ruel : Surquoy Messieurs du Parlement, qui en toutes leurs actions ont
tousiours traicté auec respect & douceur, en ont encores vsé de mesme
en ce rencontre & accepté lesdites offres, & fait aduertir Messieurs les
Deputez de se disposer à partir demain du matin pour Ruel. Resolution
certes non seulement genereuse, mais encore tres-prudente de cét Auguste
Senat, lequel encore qu’il sçache qu’il y a des armes prestes, tant
dedans le Royaume, que chez les estrangers, pour se ioindre à celle
dont il n’a encore vsé que pour la deffense du Peuple ; Neantmoins s’asseurant
en la pureté de ses desseins, & en l’innocence de ses actions, a
mieux aymé par l’ordre de cette Conference en faire connoistre la candeur,
que de choisir la voye contraire, & par ce moyen, nous faire voir
que par la douceur de sa Iustice, Saluos faciet filios pauperum, & humiliabit
calumniatorem.

Il est permis à Rolin de la Haye, d’Imprimer la suitte du Courier
François cy-dessus, auec deffences à tous autres de l’Imprimer.
Fait à la Chambre des Dépesches ce troisiesme Mars 1649.

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Anonyme [1649], SVITTE ET SEPTIESME ARRIVÉE DV COVRIER FRANÇOIS, APPORTANT TOVTES LES Nouvelles de ce qui s’est passé depuis sa sixiesme arriuée iusques à present. , françaisRéférence RIM : M0_830. Cote locale : C_1_40_07.