Anonyme [1651], TESTAMENT DV CARDINAL MAZARIN QV’IL A RENOVVELÉ A SON DEPART. , françaisRéférence RIM : M0_3764. Cote locale : B_13_33.
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TESTAMENT
DV
CARDINAL
MAZARIN
QV’IL A RENOVVELÉ
A SON DEPART.

M. DC. LI.

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Testament du Cardinal Mazarin.

N’ayant iamais recognu de puissance au dessus de
la mienne, ie declare des l’entrée de ce mien Testament
que ie ne veux implorer l’assistance de qui
que ce soit, confessant ingenuëment que ie ne pretend
rien au bien de l’autre monde ; & que tout mon dessein
est de reseruer quelque chose qui me reste de celui-cy
à mes plus proches parens & amis, & faire sçauoir
purement & simplement quelle est ma derniere volonté.

Premierement, ie veux & entends qu’il ne soit fait
aucun seruice apres ma mort, n’en ayant iamais rendu
à qui que soit durant ma vie, me contentant seulement
d’vn petit Memorare qui sera dit par mes Niepces dans
Oratoire en memoire des
graces que j’y ay receuës, auquel se trouueront son A,
Despergnon, M. de Mercœur, & le sieur Aurauchini,
autrement dit de Boilesue se trouueront
s’il leur plaist.

Ie ne donne rien à mon nepueu Manchiny, dautant
que la nature le partage aduantageusement d’autrepart,
& qu’il a fait voir en plusieurs rencontres qu’il seroit
vn iour aussi sçauant que moy dans tous les mestiers
honnorables que i’ay fait.

Item, afin que mesdites niepces se sentent de la bonne

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éducation que ie leur ay donnés, & que l’on puisse
remarquer quelque cõformité entre leur vie & la mienne,
ayant aussi recognu par les longues frequentations
que i’ay encore parmy les femmes, que ce bel ordre
des Feüillantines estoit absolument necessaire dans la
France, n’estant pas encore bien estably ; & d’ailleurs
considerant le naturel de mesdites niepces fort propre
à l’agrandissement & conseruation dudit Ordre : I’ordõne
qu’il soit pris la somme de 200000. liures, des deniers
les plus clairs de toutes les ventes que i’ay fait des
Benefices depuis ma promotion au Cardinalat pour
fonder deux Maisons de Feüillantines ; l’vne dans le
Faux bourg S. Surin pres Bordeaux, en grace du peril
dont le Ciel ma deliuré dans ce malheureux siege, &
l’autre dans Paris au lieu & place de mon Hostel, afin
qu’elle ne demeure pas inutile, que ma memoire soit
honorée à iamais dans vn lieu qui le fut autrefois de
ma presence, lesquelles deux maisons seront regies
& gouuernés par mesdites niepces en qualité d’Abbesses ;
Voulant qu’il soit permis à toutes personnes, hommes
& femmes de quelque qualité, & condition qu’ils
soient, d’entrer en tous temps dans leursdites maisons,
declarant qu’elles n’ont esté fondées que pour ce soulagement
& commodité publiques.

 

Item, ie donne à Monsieur sieur de Crigny
mon tempon de cire, tant à cause des agreables
seruices qu’il m’a rendus, qu’à cause de la necessité
qu’il en a, & d’autant que ledit tempon est d’vne composition
si exquise & deliée qu’elle ne peut estre de

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longue durée ; ie veux & ordõne qu’il soit dõné la sõme
de mil escus au Sr Bougriny mon Operateur, à la charge
de fournir & entretenir ledit sieur Crigny de tampons
de pareille estoffe & matiere, desirant apres sa
mort que ce droict appartienne à ses plus proches parens
& amis.

 

Item, & pour faire voir à toute la France que ie n’ay
iamais esté ennemy de la paix, & que ie n’ay souhaitté
que son repos, cõnoissant qu’vne partie des mouuemẽs
qui sont arriuez viennent de la dissention qu’il y a eu
entre ces deux illustres familles des Marigny & de Boilesue,
ie veux & ordonne qu’il soit pris la somme de
20000. liures des deniers prouenans du retour & plus
valeur des Abbayes que i’ay trocquée, pour estre donnés
& déliurés au susdit sieur de Marigny, aux conditions
cy-apres declarées.

C’est à sçauoir, que ledit sieur Marigny prendra en
legitime & loyal mariage Damoiselle Anne Elizabeth
de Boilesue, niepce dudit Aurauchiny, en faueur de
laquelle il sera publié la veille des nopces vingt-cinq
balades, & autant de rondeaux qu’il sera tenu de faire
composer vn Liure infolio, intitulé abiuration dudit
sieur de Marigny, dans lequel il reuoquera & retractera
tout ce qu’il a fait, dit, escrit & pensé contre l’honneur
de mon testateur, & dudit sieur Aurauchiny, qu’à
l’aduenir il ne fera aucuns Rõdeaux, Epigrames, Triolets,
Madrigalles, Balades & Elegies qui puissent estre
preiudiciables à la memoire de l’vn & de l’autre qu’il
ne sera imprimé aucun libelle sans l’approbation des

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Docteurs Mazarinistes ; & en dernier lieu, qu’il sera
tenu de faire mon Epitaphe en trois langues differantes,
pour rendre mon nom plus recommandable à la
posterité.

 

Il ne sera pas besoin de declarer icy que ie donne
mes Singes à Monsieur Cohon Euesque de Dol, ce petit
present luy estant deub, tant à cause du soin qu’il en
a pris iusques icy, qu’a cause de la conformité d’humeur
qu’il y a entre luy & ces cheres animaux ; Mais
d’autant que nostre cher & bien amé le sieur Bentiuoglio
y pouuoit auoir quelque pretention, pour auoir
iceux souuent de leur entretien, & témoigné tousiours
beaucoup d’affection pour toutes les choses que i’estime,
i’ay bien voulu de rechef pour oster toute difficulté,
faire cognoistre ma volonté sur ce sujet.

Item, ie legue audit sieur Bentiuoglio pour luy donner
quelque tainture des bonnes lettres ausquels il est
peu enclin, tous les manuscrits qui se trouueront dans
mon petit cabinet & specialement certain liure escrit
de ma main, intitulé les Vertulles Cardinal, autrement
les diuines qualitez des Instrumens naturels ; Auec vn
petit Traité de la Vertu & Puissance de la Potta & longa
Rotonda.

Item, ie donne toutes mes essences, pastes, pommades,
santeurs, eauës, & autres compositions seruant à
la santé & embelissement du corps humain à la Damoiselle
Giot, comme à la plus capable de distribuer
toutes sortes de drogues, & la plus intelligente au mestier
que i’ay fait autrefois, à la charge que d’ores-enauant

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dans ces affiches elle prendra la qualité d’Operatrice
de son E. à la reserue toutefois de ma boëte de
Cotignat que i’ay destinée il y a long-temps au sieur
Bonneau, iadis Procureur du Roy, attendu qu’il en cognoist
desia la vertu & experience, & ces effets prodigieux,
ce que iceluy donne à condition qu’il en fera
part à ses plus proches parens & amis, & particulierement
au sieur & autres que l’on croit en
auoir besoin.

 

Il seroit inutil de tester quelque choses par ce mien
testament à la Dame de Bregis & Lionne nostre bonne
amye, d’autant que l’vne prend tout ce qu’elle peut
d’autre part, & que l’autre laisse tout prendre.

Ie donnerois aussi quelque chose au sieur Palluau,
n’estoit que sa liberté est si grande qu’il rend aussi-tost
ce que l’on luy donne.

Pour ce qui regarde Messieurs de la Ferté-seneterre
& Bautru, ie ne manquerois pas de leur laisser ce que
i’ay de plus cher au monde, si ie ne les cognoissois
& s’ils n’estoient cognus de tout le monde trop gens
de bien pour suruiure vn amy comme moy.

I’obmets beaucoup de choses qui m’appartiennent
sçachant bien qu’encores que ie n’en dispose pas dans
ce mien testament beaucoup de gens de bien ne laisseront
pas de s’en saisir, & que quelque chose qu’ils prennent,
ils ne prendront pas beaucoup du mien.

Ie ne faits pareillement aucune mention de l’Executeur
de mes volontez, ny du lieu de ma sepulture,
m’assurant que le public s’en chargera.

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Fait à Paris, en mon Hostel, dans mon petit Cabinet,
le Lundy entre vnze heures & minuit,
sixiéme iour de Février mil six cens cinquante &
vn, demie heure auant mon départ dudit lieu, dont
plusieurs personnes de remarques & de consideration
ont signé la minutte auec le sieur le Tellier, &
le sieur Servien mon fidel Emissaire, &c.

Signé, IVLES.

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