Anonyme [1649], DISCOVRS MONSTRANT COMBIEN LES PARTISANS ET FINANCIERS ONT TOVSIOVRS esté odieux. ENSEMBLE LA VIE ET FIN tragyque de leur Patron. , françaisRéférence RIM : M0_1128. Cote locale : C_7_51.
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DISCOVRS
MONSTRANT COMBIEN
les Partisans & Financiers
ont tousiours esté odieux.

ENSEMBLE LA VIE ET
fin tragyque de leur Patron.

IE ne doute point que les fauteurs
de ces harpies infernales
ne trouuent mauuais que ie parle
si ouuertement de leurs noires
ou plutost diaboliques actions :
mais ie crois que les flatteries &
les dissimulations sont tousiours dangereuses, lors
qu’il s’agit du seruice du Roy, du salut du public,
& du bien de l’Estat. Car si tous gardoient le silence,

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il ne se rencontreroit personne pour descouurir
leurs fourberies, maluersations, & peculats ;
& si chacun adheroit à leurs pernicieux &
abominables desseins, qui est-ce qui en empescheroit
l’accomplissement ? De plus c’est vne chose
tres certaine & asseurée, qu’il est du Droit diuin
d’estre tousiours fidelle à son Prince, & que le
droit des gens veut que les receleurs soient aussi
coupables que les larrons mesmes, & que ceux
qui ayant eu connoissance du mal ne l’ont point
descouuert, soient aussi griefuement punis que
ceux qui l’ont commis. Le Tragique nous apprend
le mesme quand il dit,

 

 


Qui souffrira vn crime estre fait par autruy
S’il le peut empescher offense autant que luy.

 

Et comme dans les maladies extremes il ne faut
aucunement pallier le mal, de mesme en cette occasion
suiuant cette maxime de medecine, Ie ne
veux rien desguiser, le mal dont toutes les moindres
parties de la France sont atteintes estant
trop grand pour le celer, & trop violent pour le
pouuoir cacher. Et bien que le commun prouerbe
selon le sens litteral semble estre entierement
contraire à mon entreprise, asseurant que la verité
engendre la haine (il ne se doit toutefois entendre
que des meschans & peruers) au contraire
i’espere par ce discours m’aquerir l’estime de tous
les gens de bien, & m’insinuer dans leur bien-veillance,

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puis que tout mon dessein est si conforme à
leurs sentimẽs, qu’il ne tend qu’au seruice du Roy,
au soulagement du pauure peuple, à la conseruation
de l’Estat, & au seul aneantissement de ces
Monstres ; qui nous doiuent estre d’autant plus reformidables
qu’ils sont horribles, & d’autant plus
horribles qu’ils sont dangereux, & qu’ils ne respirent
que le sang & le carnage de tous les François.
Il n’est pas necessaire d’apporter les artifices dont
se sert ordinairement l’Orateur, pour vous faire
voir combien cette maudite race a esté odieuse à
tous ceux qui vous ont deuancé, d’autant que la
seule haine que vous leur portez en est vn tres-asseuré
tesmoignage. Ie ne laisseray pas toutefois
pour vous la confirmer d’auantage de vous alleguer
la coustume qu’obseruoient anciennement
les riches Bourgeois & Marchands, lesquels faisoient
expresses defenses & inhibitions par testament
à leurs enfans de iamais contracter alliãce
ou de se marier auec ceux qui auroient eu le maniment
des finances ; estimant que telles personnes
doiuent estre fuis & abhorrez comme peste,
& separez de toutes conuersations & societez
honnestes. En outre ils apportoient par raison cét
ancien prouerbe qui dit, que celuy qui a mangé de
l’Oye du Roy, quoy qu’il soit cét ans apres, en doit rendre
la plume. D’autres passoient bien plus auant, asseurans
que les Partisans & gens de cette cabale

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estoient comptables iusques au iour du Iugement.

 

Toutes ces veritez nous sont si euidemment
enseignées par la Sainte Escriture, qui nomme
ceux qui reçoiuent, qui manient, & qui distribuent
les finances publiques, gens de mauuaise
vie, termes qui contiennent en soy tout ce qui se
peut dire des plus infames scelerats, & vous prendrez
(s’il vous plaist) la peine de remarquer, que
ces noms peagers, publicains, pendars, & paillars,
estoient esgallement odieux au peuple Hebrieu.

Ie sçay qu’ils pensent tirer vn grand auantage
de ce que l’Euangile nous apprẽd, que Nostre Seigneur
estoit ordinairement dans la compagnie
de telles personnes, & partant que nous deuons
plutost les rechercher que les fuyr, estant imitateurs
de ses actions. Mais ne sçauent ils pas bien
que cela donna suiet aux scribes de reietter la doctrine
de nostre Seigneur : car (disoient ils) s’il
estoit homme de bien, & s’il cherissoit l’honneur
il ne se mesleroit parmy des personnes qui sont les
seuls obiets de la haine & de l’horreur de tous les
hommes.

Veritablement ie m’estonne comment ils
osent apporter ce passage pour leur defense, leur
estant tout à fait desauantageux, & ne pouuant
que les confondre. Car peuuent-ils s’imaginer
que Iesus Christ frequentast les Financiers pour

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leur bonne chere, luy qui estoit l’abondance mesme,
ou biẽ à cause de leur vaine & fastueuse apparence,
puis qu’il estoit la simplicité mesme, peut-estre
diront-ils que c’estoit pour aller superbemẽt
en carrosse : mais ils n’ignorent pas que ses actions
nous enseignent tout le contraire. Ce n’estoit pas
aussi pour les entretenir dans leurs propos vains &
inutiles, ny pour les endormir dans leur vices, rien
moins, d’autant qu’il estoit la sagesse mesme, &
qu’il les abhorroit. Mais s’ils alloient vn peu plus
auant, ils trouueroient bientost l’Arrest de leur
condamnation, puis que suiuant le mesme texte
Nostre Seigneur leur dit, Ie suis venu pour appeller
les pecheurs à repentance. Leur voulant apprendre
par ces paroles, que ces paroles que les plus malades
sont ceux qui ont plus grãd besoin du secours
du Medecin, & partant qu’estans les pires & les
plus scelerats de tous les hommes, & qu’à leur esgard
les Diables mesmes, & les damnez estoient
reputez pour des Saincts, ils auoient plus de necessité
d’instructions & de corrections, & que pour
cette seule cause il estoit tousiours aupres d’eux.
C’estoit le desir ardent qu’il auoit de les conuertir,
qui l’obligeoit de demeurer dans leur compagnie,
pour leur tenir les mesmes propos que son Precurseur
tenoit aux soldats : Messieurs, amandez
vous : contentez vous de vos gages, ne foullez, ne
fraudez, n’affrontez, ne pipez, ne trompez, ne desrobez

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personne. Voila, voila les discours dont il les
entretenoit leur remonstrant serieusement la fureur
celeste sur ceux qui n’abandonneroient pas
leur mauuaises inclinations au vice & au peché, &
leurs representant les effroyables iugemens de
Dieu sur ces meschans, qui deuoient estre precipitez
dans vn l’abirinthe de malheurs duquel ils
ne se retireront iamais.

 

Que ces infames & criminels ayent donc d’autres
sentimens du Fils de Dieu, & qu’ils estiment
leurs predecesseurs malheureux, d’auoir negligé
ces enseignemens d’vn tel. Maistre, & que profitans
de leur malheur, ils changent leurs mauuaises
& detestables vies : Mais ce qui doit augmenter
nostre haine enuers cette trouppe infame, c’est
cette horrible inclination Financiere, qui a poussé
le plus infortuné de tous les hommes, a faire l’action
la plus abominable que personne se puisse
figurer. I’entends parler de ce perfide, qui bruslãt
du desir d’amasser des richesses trahit, vendit, & liura
son Maistre entre les mains des Iuifs ses ennemis
Oüy, oüy, c’est ce traistre Iudas Iscariot
insigne larron, ou plustost insigne Patron de nos
Financiers, qui par vne iuste punition fut pendu,
& est eternellement damné.

FIN.

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