Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.
Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)

SOMMAIRE DES DROICTS DES ROYS
de France, sur le Comté de Bourgongne, Cambresis,
Hainault, Luxemboug, & Genes.

Du Comté de Bourgongne.

LE Comté de Bourgongne faisoit partie du Duché, lors que Charles
le Chauue en inuestit Richard, frere de Bozon : Car il se voit par le
partage que ledit Charles fit auec son frere Louis, Roy de Germanie,
en l’an huict cens soixante & dix, des estats de leurs nepueux, decedez sans
enfans, que la ville de Bezançon, & le Comté de Bourgongne escheurent
audit Charles.

L’Empereur Arnoul estant appellé à la Regence du Royaume, pendant
le bas âge de Charles le Simple, démembra ceste partie de Bourgongne
pour la joindre au Dauphiné, aux Suisses, & à la Sauoye, & en criger le
Royaume de Bourgongne, qui dura enuiron cent quarante deux ans, iusques
à ce que Raoul mourãt sans enfans, laissa pour heriter de sa Cõronne
l’Empereur Henry III. son nepueu. Depuis ce temps là, les Empereurs
ont fait de ce Comté vn fief de l’Empire, s’estans reseruez la ville de Besançon,
capitale du païs.

De la ville de Cambray.

LA ville de Cambray est l’vne des premieres que les François possederent
en la Gaule Belgique, apres auoir passé le Rhin : aussi fut elle
comprise en l’inuestiture du Comté de Flandre, faite à Godefroy, surnommé
Bras de Fer, par l’Empereur Charles le Chauue. Elle estoit escheuë
à Lothaire, fils aisné de Louis le Pie, par le partage qu’il fit auec
ses freres, & escheut-aussi à Lothaire son fils : mais ledit Lotaire estant mort
sans enfans, & Charles le Chauue ayant partagé auec son frere Louis,

-- 33 --

de Germaine : les estats dudit Lothaire, Cambray fut compris au lot dudit
Charles. Souz le regne de Hues Capet, les Empereurs commencerent
d’en receuoir les hommages, comme ils auoient fait auparauant de la
Lorraine, ancien membre de ceste Couronne. Toutesfois ceste Ville,
auec ses appartenances, est retournee plusieurs fois à ses anciens Seigneurs :
Sçauoir, souz les regnes de Philippes de Valois, Louis XI. &
nouuellement Henry III. le Duc d’Alençon s’en estant saisi à son retour
de Flandre : Mais en l’an mil cinq cens quatre vingts quinze, le Comte de
Fuente l’emporta par composition sur les Sieurs de Balagny & de Vic,
pour quelque mescontentement que les habitans auoient receu d’eux.

 

Du pays de Hainault.

LE païs de Hainault est des anciennes dependances de ceste Couronne.
Le Roy Charles le Grand le donna en tiltre de Comté à vn
nommé Albo (comme le recognoist Guicciardin en son Histoire des
Païs-Bas.) Et l’on trouuera par le partage cy-dessus mentionné entre ledit
Charles le Chauue & Louis Roy de Germanie son frere, que le Comté
de Hainault, Hanoïum, demeura audit Charles, auec quatre Comtez
au pays de Brabant : & la troisiesme partie de la Frize, ensemble le
pays de Liege. Cet Albo eut pour successeur Manassier, & cestuy-cy
Regnier au Long-col, les enfans duquel, par la tolerance de nos Roys,
de la troisiesme race, prirent l’inuestiture de l’Empereur Othon, & leur
posterité en a tousiours fait hommage à l’Empire. Il est vray qu’il ne [1 mot ill.]
trouue point de Traitté par lequel nos Roys ayent renoncé aux droicts &
pretentions de ceste Prouince.

Du pays de Luxembourg.

LE Duché de Luxembourg appartient auec plus iuste tiltre à la Maison
de France, qu’à celle d’Espagne. Les Espagnols ne peuuent produire
que la pretenduë cession faite au Duc Philippes de Bourgongne,
par Ieanne de Greuich, Duchesse de Luxembourg, en vertu de laquelle,
il s’empara de ce pays, l’an mil quatre cens quarante trois, selon le recit
d’Oliuier de la Marche, domestique des Ducs de Bourgongne, qui ne parle
ny prés, ny loin d’aucune cession, Mais dit seulement que ceste Princesse
ayant esté chassee par ses subjets, vint demander secours
au Duc Philippes, ce qu’elle obtint : Et fut l’appointement
tel entre le Duc, & la Duchesse sa tante, qu’il entreprendroit

-- 34 --

la conqueste de la Duché de Luxembourg, souz tiltre & querelle
d’elle, & se diroit Mambour, & Gouuerneur de la dite Duché, & ordonna,
& assigna pour ladite Duchesse, & pour son Estat, dix mil liures par
an, à prendre sur les meilleurs & plus clairs deniers de son païs ; ce sont les
propres termes du sieur de la Marche, qui tesmoignent que le Traitté faict
entre le Duc de Bourgongne & la Duchesse de Luxembourg, n’estoit
point vne vraye cession, & ne luy donnoit autre droict que la garde, & gouuernement
de ce Duché, souz le nom, & l’authorité de la Duchesse, sa
Tante. Les droicts de nos Roys trouuerront plus de fondement entre des
Iuges equitables, & non passionnez. Le premier est, l’acquisition qu’en fit
Louis Duc d’Orleans, souz le Roy Charles VI. Le second est, la cession
que les Seigneurs de la Mark firent au Roy François I. de leurs droicts
& pretentions audit Duché. Le troisiesme est, le mariage de Marie de Luxembourg,
heritiere de ce Duché, auec Charles de Vendosme, predecesseur
de sa Majesté : en vertu desquels le Roy François, en l’an mil cinq
cens quarante deux, enuoya le Duc d’Orleans, son fils, auec vne puissante
armee, qui s’empara d’Yuoy, Arlou, d’Anuiliers, Montmedy, & Luxembourg :
Mais le depart de ce ieune Prince, qui brusloit d’ardeur de se
trouuer au siege de Perpignan que son pere tenoit assiegé, donna loisir à
l’Empereur Charles le Quint de reprendre la ville de Luxembourg, auec
quelques autres places que le mesme Duc d’Orleans reprist l’annee suiuante,
& y establit pour Gouuerneur le sieur de Longueual. L’an mil cinq
cens quarante quatre, l’Empereur ayant pris en Champagne Sainct Didier,
Ligny, & Commercy : La paix se fit à Soissons, par la quelle il fut dit
que les places que les François tenoient au Duché de Luxembourg seroient
renduës. Mais en l’an mil cinq cens cinquante deux ceste paix estant
rompuë entre l’Empereur, & le Roy Henry II. la guerre commença par le
païs de Luxembourg, où les François reprirent Yuoy, Montmedy, d’Auilliers,
& Thionuille, & eussent forcé Luxembourg de se rendre, si la defaite
de l’armee du Mareschal de Termes par les Espagnols, n’eust r’appellé
en Picardie les forces que le Roy auoit audit Duché. En l’an mil cinq
cens cinquante, la paix de Cambresis se faisant entre les Roys Henry II.
& Philippes II. les François rendirent ce qu’ils tenoient en Luxembourg,
auec plus de quatre cens places, tant en Italie, qu’en Piedmont, Isle de
Corse, & Pays-Bas : Paix honteuse à la France, dont nous ressentons encores
les effects preiudiciables. Il est vray que pour le regard du païs de
Luxembourg les Espagnols ne s’en peuuent beaucoup preualoir, d’autant
que le Roy Henry II. I’ayant conquis, tant pour luy, que pour le Duc

-- 35 --

de Vendôme, il ne pouuoit quitter, par les traittez de Soissons
& Cambresis, les droicts & pretentions d’autruy.

 

Oliuier de la Marche,
és chap. 8. &
10. du liure de [1 mot ill.]
Memoires.

De la Seigneurie de Genes.

L’An 1390. le Roy Charles VI. ayant secouru les Genois
contre les infidelles d’Affrique, ils le supplierent de les
prendre en sa protection : ce qu’il fit. Et en l’an 1438. Charles
septiesme ayant purgé ce Royaume des Anglois, les Genois
craignans de tomber en la subiection des Ducs de Milan, qui se
seruoient de leurs diuisions pour les enuahir, enuoyer ent en
France Pierre Fregose, qui au nom de la Seigneurie ceda au
Roy & à ses successeurs la souueraineté de Genes, auec ses dependances
& appartenances, à condition de les maintenir en
leurs priuileges & franchises : ce qui leur fut accordé. Et à l’instant
Iean, fils de René, Roy de Naples, & Duc de Lorraine,
fut enuoyé pour prendre le serment des habitans, & pour les gouuerner
en qualité de Lieutenant du Roy. Trois ans aprés les Genois
se reuolterent, & chasserent les François : mais la crainte
d’estre punis les fit ietter entre les bras du Duc de Milan, qui leur
promit d’employer ses forces pour leur defense. Sur cela Charles
septiesme decéde, sans en auoir la raison : Et François Sforce,
Prince grandement rusé, pour empescher le Roy Louis vnziesme
d’assister le Duc d’Orleans au recouurement du Duché
de Milan, & de penser à l’affaire de Genes, moyenna le mariage
de Galeas, & marie son fils auec Bonne de Sauoye, sœur de la
Royne de France. D’ailleurs, Louis estant occupé en diuers
temps aux guerres du bien public, & de Bourgongne, & preuenu
par l’hommage que luy fit du Duché de Genes Iean Marie,
fils de Galeas & de Bonne, ne fit aucun effort pour le recouurer :
au contraire, les Genois se lassans de la dominat on Milanoise,
& se voulans assubiettir à ceste Couronne, & receuoir vn Gouuerneur
de la part de Louis, il mesprisa ceste occasion, & se contenta
de l’hommage que le ieune Duc luy en auoit fait. Louis
estant mort, Ludouic Sforce qui auoit vsurpé le Duché de Milan
sur Iean Galeas son nepueu, obtint du Roy Charles huictiesme,
en consideration du secours qu’il luy donnoit pour la conqueste
de Naples, le Duché de Genes, souz l’hommage enuers ceste

-- 36 --

Couronne, le Traitté en fut fait à Verceil l’an mil quatre cens
quatre vingts quinze : par lequel il fut dit que le Duc de Milan
seruiroit le Roy, de Genes, comme de son fief, & pour asseurance
donneroit deux ostages, & mettroit le Chastelet es mains
du Duc de Ferrare pour le donner au Roy, en cas de forfaicture.

 

L’an 1478
le sieur
d’Argenton
alla en
Italie pour
receuoir ces
hommage.

En l’an mil cinq cens les Genois voyans les heureux progrez
que Louis douziesme faisoit en Italie, ils se redonnerent à luy, &
obtindrent abolition du passé, receuans pour Gouuerneur Philippes
de Rauasteins, parent du Roy. Mais en l’an mil cinq cens
sept vn Teinturier nommé Paul de Noüis, ayant crié liberté par
la ville de Genes, les seditieux, conduits par ce tribun, chasserent
la garnison françoise : ce qui cousta la vie à Paul, & aux
principaux chefs de la rebellion, aprés que la ville se fut volontairement
remise en son deuoir.

Depuis ce temps-là Genes demeura tousiours en l’obeïssance
françoise, mesmes enuoya des troupes souz la conduite du
Seigneur de Prie, pour se ioindre à l’Armee du Roy François
premier, lors qu’il passa en Italie pour la conqueste du Duché
de Milan. Mais André Dorie ayant quitté le party du Roy pour
seruir Charles le Quint, il fut suiuy de la reuolte des Genois, qui
assiegerent la garnison françoise qui tenoit le Fort de la Lanterne,
& aprés deux ans de siege ils le receurent à composition,
par faute de munitions. Les Genois prirent pour pretexte de
leur rebellion que le Roy, pour les tenir en bride, auoit transporté
à Sauonne la Gabelle du sel. C’est pourquoy ayans repris Sauonne
ils demolirent la forteresse, & comblerent le port de pierres
pour la mieux tenir en subiection : & pour leur seureté ils se
mirent en la protection de Charles le Quint, & sont tousiours
demeurez en celle de ses successeurs Roys d’Espagne, qui se sont
vtilement seruis pour la conseruation de leurs Estats en Italie, &
l’affoiblissement des Estats voisins, tant des Galeres & Vaisseaux
de Genes, que de ses tresors & richesses, souz tiltre d’emprunt,
mais en effect pour ne rendre qu’à discretion, tesmoin la reduction
que fit le Roy Philippes II. des dix huict millions qu’il leur
deuoit, au nombre de douze.

-- 37 --

Sub2Sect précédent(e)

Sub2Sect suivant(e)


Baltasard, Christophle [1645], TRAITTÉ DES VSVRPATIONS DES ROYS D’ESPAGNE, SVR LA COVRONNE DE FRANCE, Depuis le Regne de Charles huictiesme. ENSEMBLE VN DISCOVRS SVR LE COMMENCEMENT, progrez, declin, & démembrement de la Monarchie Françoise, droicts, & pretentions des Roys Tres-Chrestiens sur l’Empire. AVGMENTÉ D’VN SOMMAIRE DES DROICTS de ceste Couronne, sur les Comtez de Bourgongne, Cambray, Haynault, de Genes & Luxembourg. ET LES VICTOIRES ET CONQVESTES DES ROYS LOVIS XIII. dit le IVSTE, & de LOVIS XIV. dit DIEV-DONNÉ, sur les Espagnols, & les Austrichiens, en Italie, Alsace, Flandres, Luxembourg, & Comté de Bourgongne, Catalogne & Roussillon. Par C. BALTASARD. , françaisRéférence RIM : Mx. Cote locale : D_1_6.