Barthès, J.-J. de [1649], LE RETOVR DV ROY DESIRÉ A PARIS. Par I. I. DE BARTHÉS Ecclesiastique. , françaisRéférence RIM : M0_3531. Cote locale : C_9_82.
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LE
RETOVR
DV ROY
DESIRÉ
A PARIS.

Par I. I. DE BARTHÉS
Ecclesiastique.

A PARIS,
Chez la veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë
d’Escosse aux trois Cramaillieres.

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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LE RETOVR
DV ROY
DESIRÉ A PARIS.

LE iour n’est pas iour quand le
Soleil ne paroist pas ; ses Eclypses
sont tousiours funestes à la
nature, n’estant belle que sous
l’esclat de ses lumieres, & n’ayant
de bonté qu’autant qu’elle
en participe par ses influances.
Les Roys sont sur la terre ce que
cét Astre est dans les Cieux, leur presence & leurs
regards fauorables font le bon-heur de leurs Sujets,
comme leur absence est la cause de toutes leurs infortunes,
& de toutes les disgraces qui les accablent.

Ainsi souhaitter de voir son Prince est vn desir
legitime ; faire paroistre des ardeurs extraordinaires
pour son seruice, c’est deuoir ; Et s’exposer à toute
sorte d’incommoditez pour ioüir de sa veuë, c’est
vn tesmoignagne de respect, d’amour & d’inclination

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naturelle qui est le caractere inuiolable & sensible
de leur fidelité, & vne entiere, parfaite & veritable
protestation de leur obeyssance.

 

Qui respecte sans feinte veut auoir tousiours l’objet
de ses deferances & de ses sousmissions deuant les
yeux. L’amour violent est ennemy de l’esloignement,
l’inclination naturelle est dans la gehenne,
quand elle n’est point satisfaite ; la fidelité recherche
les occasions d’estre recogneuë, & l’obeyssance est
dans ce qu’elle desire quand elle est mise à l’espreuue
par l’execution de quelque commandement.

C’est pourquoy vostre Parlement de Paris qui
est le premier & le plus clair rayon de vostre authorité,
& vostre bonne Ville de Paris, qui est le centre
& l’abregé de vostre Royaume, où tout le bien
de la France entre sans cesse, & en sort par vn flux
& reflux admirable des Prouinces, qui apportent &
retirent ; qui donnent & qui reçoiuent, & par vn
continuel commerce s’entre communiquent abondamment,
& auec plaisir tout ce qui fait besoin à
l’vsage de la vie, ont recogneu que vostre Majesté
pour entretenir cette heureuse liaison, cette intelligence
parfaicte & ce trafic de biens & de cœurs
estoit tellement necessaire qu’ils ont iugé impossible
qu’elle continuast dans son esloignement.

Ce n’est pas au Parlement de Paris, ny à cette
grande Ville que les Prouinces viennent rendre hommage,
c’est à leur Prince ; Et quand vostre Majesté
n’y est pas, ou n’y fait qu’autant de seiour qu’il en
faut pour s’instruire de vostre absence ; Alors ce qui

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estoit admirable n’est plus admirable, le Parlement
n’est qu’à demy Parlement, & la ville de Paris n’est
pas Paris, quand le Roy n’est pas dans son Palais.

 

Le Soleil versant sa lumiere sur tous les globes celestes,
à son Ciel particulier où il fait sa residence,
d’où il modere le froid & la melancolie de Saturne ;
deffend Iupin de ses entreprises ; appaise la colere,
& le feu de Mars ; inspire de bons desirs à Venus ;
empesche les fourbes & les subtilitez de Mercure ;
arreste autant qu’il peut l’inconstance de la Lune,
& par tout où il se joint destourne les mauuais aspects,
& les rend salutaires.

SIRE, Soyez le Soleil des Princes, & de vos
Peuples, communiquant à tous ceux qui portent
Couronne ou qui prennent interest à leur conseruation,
ce que ce Planette, doux, benin & fauorable,
faict à l’esgard des autres qui l’enuironnent, commancez
vostre carriere par ce dessein ; & si quelque
esprit Saturne se rencontre sur vos pas, soulagez
ses resueries, calmez ses inquietudes & le remettez
dans le temperamment de la Iustice & de la
raison.

Iupin estant le Planette des Grands, maintenez
leur authorité, & ne souffrez pas que le mespris diminuë
leur pouuoir ; releuez vn diademe foulé aux
pieds ; ramassez vn Sceptre porté par terre. Vn Prince
doit receuoir, le contre-coup d’vn autre qui est offensé :
l’outrage qu’on leur fait attire l’indignation ;
aux derniers malheurs les remedes extremes : vne
mort iniurieuse, honteuse & horrible commise en la

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personne d’vn Monarque par ses subiets, doit
estre poursuiuie & expiée par plus de sang qu’ils n’en
ont dans leurs veines, & par plus de supplices qu’on
n’en sçauroit inuenter. L’heretique est cruel, & qui
n’est pas fidele à Dieu, le sera encore moins à son Prince.

 

Si les courages martiaux s’efforcent de porter
vostre Majesté au sang & au feu ; faites leur entendre
que la diuine Iustice espargne ses foudres, ne punissant
pas les Ennemis aussi-tost qu’ils l’ont offensé ;
qu’il y a de l’honneur & de la gloire de chastier
en pardonnant ; se recognoistre coupable est vn
grand tourment à vn bon cœur, & cét adueu est vne
grande satis faction à celuy qui est offensé : Vne parole
indiscrette ne doit point estre suiuie de la ruine
d’vn païs ; & c’est vser de trop de rigueur de rendre
cent combats, pour en tirer la raison & la vengeance :
La raison n’est pas raison quand elle enuelope
l’innocent auec le coulpable ; & la vengeance qui
va au delà du crime est vne espece de cruauté.

S’il se presente à vostre Majesté quelque ame
impure, qui soit engagée aux plaisirs indiscrets, ne
permettez pas qu’elle en approche ; sanctifiez les
levres & les cœurs de ceux qui ont l’honneur de
vous aborder ; & croyez qu’vne parole sale est vn
mauuais entretien, n’y ayant que les ames lasches,
& les esprits detrempez dans les voluptez infames,
qui agreent d’estre diuertis aux despens d’vne vertu,
que par excellence, & par admiration on appelle
honneur.

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Bannissez les Mercures, qui n’ont de science que
pour déguiser le vray ; de l’adresse que pour vser de
tromperie ; de subtilité que pour seduire : de qui l’equiuoque
est le jargon ; les mots à double entente
l’estude continuel, & la supercherie vn exercice &
vne profession recherchée auec autant d’artifices
qu’il en faut pour dérober les infidelitez, les perfidies
& les trahisons aux yeux de tout le monde ; du moins
faites leur cognoistre que vous n’estes pas aueugle,
dés lors ils changeront d’humeur & de conduite, où
l’estime qu’ils conceuront de vos lumieres les escartera
de vostre Cour : Le vice recognu perit ; l’iniquité mise
à nud a honte de soy-mesme : Vn fourbe des couuert
se retire sans dire mot ; & quelque adroit qu’il soit, il
a peur de soy-mesme. Enfin la deffiance qu’on a de
son procedé, sousleue son credit au poinct qu’on n’y
adjouste aucune foy, mesme quand il dit vray.

L’inconstance & l’inegalité sont des defauts blasmables
en toute sorte de personnes ; d’où vient que
ce Planette est injurieux : Et quand on veut dire vn fol
au dernier degré d’extrauagance, on l’appelle lunatique,
changeant à tout vent, à tout rencontre, à toute
humeur, pour estre trop complaisant à autruy ; il ne
l’est iamais à soy-mesme : ce sont des hommes à toute
sorte de visages, se formans à la disposition d’vn
chacun ; dans cette diuersité ils se gehennent eux mesmes
pour se rendre agreables.

Vostre Majesté doit faire paroistre vne fermeté
admirable dans ses paroles : c’est la parole d’vn Prince
qui maintient son Estat & ses peuples dans la sousmission.

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Vostre Maiesté doit estre constante en ses desseins ;
qui n’est point arresté dans ses aduis, n’en accomplit
pas vn ; il commance tousiours, & ne finit
iamais.

Vostre Maiesté doit estre égale en ses actions &
en sa conduite ; qui est inconstant dans le cours de sa
vie, ne peut acquerir de repos.

Enfin Dieu seul doit estre l’obiet des complaisances
& des agréemens de vostre Maiesté, ne recherchant
que ce qui luy plaist, & est aduantageux à son honneur
& à sa gloire, vtile & profitable à son Estat.
Ainsi puis que Dieu vous a donné à la France comme
vn miracle d’vne sterilité feconde. Par vn heureux
retour vostre Maiesté se donnera toute à luy, &
receuant les hommages de vos peuples, vous luy rendrez
les vostres.

SIRE, si dans Paris, qui est le petit & le grand
Monde, vostre Maiesté peut instruire ses subiets de
toutes ces veritez, & leur donner enuie par vostre
exemple, qui est vne loy viuante, d’acquerir toutes
ces vertus. De grace vostre Parlement & vostre peuple
de Paris n’ont-ils pas raison de rechercher vostre
venuë auec ardeur ; de desirer vostre veuë auec passion,
& de receuoir vostre Maiesté auec applaudissement,
& tesmoignages d’allegresse, par des ressentimens
plus grands que s’ils auoient acquis l’Empire
de tout le monde, en vous possedant ; ayant tout ce
qu’ils souhaittant, ils seront heureux. Venez donc,
SIRE, pour entendre les acclamations de tous vos
subiets en vne seule ville, qui fait quasi le tout de vostre

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Estat. On y crier a si hautement, Viue le Roy,
que l’Allemagne, la Flandre, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre,
& les terres plus esloignées entendront
cette voix publique ; & malgré qui s’en ayent en
rendront l’Echo aussi glorieux à vostre Maiesté, que
s’il vous recognoissoient pour leur Souuerain. La
Reine Regente sera rauie de vous voir dans ce triomphe :
Et toute la Cour suiuant vostre Maiesté aduoüera
qu’il n’y a point de force ny de puissance qui agisse
sur les cœurs, comme la presence & la bonté d’vn
Prince, qui honore ses peuples, en receuant les preuues
de sa fidelité & de son obeïssance.

 

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