Bossancourois, N. R. [1649], L’AVEVGLEMENT ET MELANCOLIE DE MAZARIN PRESENTÉ A MONSEIGNEVR DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT, AVEC VN ELOGE SVR SES TRIOMPHES ET CONQVESTES. Par le Sieur N. R. Bossancourois. , françaisRéférence RIM : M0_470. Cote locale : A_3_1.
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L’AVEVGLEMENT ET MELANCOLIE
DE MAZARIN
PRESENTÉ A MONSEIGNEVR
DE LA MOTHE-HOVDANCOVRT,

AVEC VN ELOGE SVR SES
TRIOMPHES ET CONQVESTES.

Par le Sieur N. R. Bossancourois.

A PARIS,
Chez la vefue IEAN REMY, ruë sainct Iacques,
à l’Image S. Remy, prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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L’AVEVGLEMENT ET MELANCOLIE
De Mazarin presenté à Monseigneur de la Mothe-Houdancourt,
Auec vn Eloge sur ses
Triomphes & Conquestes.

MONSEIGNEVR,

L’excellence de vostre esprit, la bonté de
vostre naturel, la generosité de vostre courage, &
les hauts faits qui vous ont rendus recommandables
par tout le Monde, ne peuuent trouuer d’Eloges assez
energiques, pour exprimer vos grandeurs & les
veritables loüanges qui vous sont deuës, vostre bras
animé d’vn courage inuincible a fait trembler tous
vos rebelles, la Catalogne en a ressenty la pesanteur,
& les ennemis ont esté contrains d’auoüer, que vôtre
espée estoit mortifere : c’est ce qui leur a souuente-fois
fait prendre la fuitte, c’est vostre valeur qui
vous a fait (par tout) moissonné les Palmes & les Lauriers,
& par tous les lieux où vous auez paru, vous
auez remportez de tres insignes Victoires. Et les plus
ennemis de la vertu & de vos eminentes perfections,
sont contrains de publier que vous estes vn Mars tres-redoutables,
& que les Trophées & Couronnes suiuent
vos pas.

Tous les cœurs trauaillent à vous chercher vne

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gloire immortelle, aussi la loüange est vne recompense
qu’on ne peut dénier aux merites, & ceux qui refusent
de la donner, ne sont point capables de la receuoir,
on ne vous peut donc dénier, Monseigneur, ce
qui vous est deub, la France erige des Autels à vostre
memoire, & n’a que des vœux & des souhaits pour
son liberateur : aussi elle seroit reputée tres ingrate,
si elle ne publioit de cœur & de voix, le vif éclat de
vos sublimes qualitez, puis que le Ciel vous a deputé
pour estre vn de ceux qui doiuent participer à la gloire
de sa liberation contre ce felon estranger, ce sanguinaire,
cét inhumain : en vn mot ce Mazarin, qui
par ses laschetez, a attiré les maledictions du Ciel,
aussi bien que ceux de la terre.

 

Son aueuglement a esté bien extreme, veu qu’il a
esté si insatiable & deregle ; que non contant d’auoir
ruiné la France & tiranniquement extorqué tous ses
biens, mais encore fait eludé des Princes, des grands
Seigneurs, mesme choqué le Parlement, auec vn tel
excés de rage & perfidie, qu’il a recherché des voyes
aussi iniques qu’indirectes, pour opprimer l’vn &
perdre les autres. Cette fatale Histoire est en la bouche
d’vn chacun, mesmes à peine les enfans ont-ils
attaints l’aage de la raison, qu’ils sont imbus de ses
malefices ; aussi ce cruel indompté est le scandal d’vn
chacun, la pierre d’achoppement, & le glaiue de la
maudite Babilone.

Dieu vous a suscité, Monseigneur, auec nos autres
valeureux Generaux, pour aneantir cét infernal ennemy
& supprimer ses forces, qui ne sont qu’estrangeres,

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veu qu’il n’est qu’vn lasche, comme ses actions
le témoignent ; il faut confesser qu’il n’appartient
qu’aux ames Nobles reuestuës de la Charité, à faire
des actes heroïques, & de ne se laisser gagner par les
presens, ny corrompre par les promesses. C’est en
ce sens que vous vous estes rendu d’autant plus recommandable
& digne de nos respects & venerations,
que ce monstre effroyable a presenté à d’écouuert
des dons qui ne sont capables de flatter, que
les ames basses & Mercenaires, afin de vous attirer à
son malheureux party & vous faire complice de ses
injustices.

 

Mais toutes les promesses qui flattent les sens des
mondains, n’ont fait aucune impression sur vostre
esprit, aussi il n’y a que les Corbeaux qui s’attachent
à la terre, mais les Aigles s’éleuent dans le Ciel pour
contempler les Astres & receuoir leurs benignes influences.

Vous estes le Soleil de la France, Monseigneur,
puisque vous en dissipez les nuages ; & que par vous
son tiran sera eclipsé, ie le vois tout melancolique &
saisi d’effroy à la veuë de tant d’ennemis, qui aspirent
tous à sa perte, aussi celuy qui n’a point fait misericorde,
ne la doit point trouuer : la loy Diuine le
veut, & la naturelle le confirme. Vous auez épousé
les interests du peuple, aussi auez gagné son cœur. Il
attend de vostre magnanité la liberté & son salut, &
vous pouuez attendre de luy son affection & vn desir
inuiolable de vous seruir ; Nous sçauons que les Geans
reuoltez contre le Ciel, furent abbattus par le foudre

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de Iupiter, qui rend les choses steriles, appaise les
orages de la Mer, qui gouuerne sous son Empire les
villes, les Enfers, les mortels & les Dieux, les enfans
de la terre se confians en la grandeur excessiue de
leurs corps & en la force de leurs bras, ont autrefois
donné de la terreur à Iupiter, le voulant deplacer de
son Thrône. Ce sont des fixions poëtiques, ou il n’y
a aucune apparence de verité ; mais vos faits heroïques
sont tellement connus qu’aucun ne les ignore,
& pour le dire en peu de mots, vous estes vn Mars
tres-redoutable, & la suitte de vos iours est vn tissu
de prodiges. La mort, qui est tres formidable qui
donne de la crainte & de la terreur, & qui a vne face
terrible, vous l’appriuoisez, ou pour mieux dire, vous
l’accablez sous la pesanteur de sa faux, c’est ce qui fait
esperer vn tres heureux succés, & ayant vne si bonne
cause, fortifiée par vn si bon Aduocat, le gain est indubitable.
Vostre eloquence, Monseigneur, ce sont
les rudes attaintes que vous liurez à cet ennemy, &
dans ce noble employ vous vous rendez infatigable :
aussi Dieu vous anime & fortifie vos armes qui sont
pour la deffence de son peuple opprimé par vn impitoyable
tyran, & partant l’euenement en sera fauorable,
à sa plus grande gloire, & au contentement de
la France, qui sans cesse vous comble de mille benedictions,
auec des prieres tres-feruentes pour vostre
prosperité.

 

Enfin, Monseigneur, vous estes l’appuy de la
Couronne, l’honneur & le Protecteur de la Patrie,
qui estans sous le pesant faix des affaires Françoises

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qui est le Cabinet où maintenant vous tirez vos sainctes
& studieuses occupations, qui vous donneront
vne eternelle renommée. Vous ne vous rendez pas
moins aimable entre les plus petits, que vostre Vertu
& authorité venerable entre les plus grands. Si ie
n’auois point peur de rendre mon silence criminel
i’imiterois T. Liue, qui dit qu’il vaut mieux ce taire
que de dire peu, mais de rendre ma langue muette ce
seroit vn crime, vous auez trop de bontè pour ne pas
suppleer au default de celuy qui en toute reuerence
& humilité, prie le Ciel vous estre fauorable dans
toutes vos entreprises belliqueuses, & vous estre prodigue
de ces graces. Tout le monde inuoque le Nom
de Dieu pour la conseruation de vostre santé si chere
& necessaire à la France, vous souhaitte toute felicité,
fait retentir l’air de vos loüanges, & le Ciel de ses
prieres. C’est le tribut & l’hommage que vos seules
Vertus exigent de tous les hommes. Et le desir que
i’ay sur tout de vous témoigner, auec combien d’affection,
ie demeure,

 

MONSEIGNEVR,

Vostre tres-humble & tres-affectionné
seruiteur, N. R.

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