Brousse, Jacques [?] / Questier, Mathurin [faux] [1649], LE REVERS DV MAVVAIS TEMPS PASSÉ ET LA LIBRE ENTRÉE DE LA PAIX. DEDIÉ A SES ADORATEVRS. Par Me M. QVESTIER, dit FORT-LYS, Parisien. , françaisRéférence RIM : M0_3545. Cote locale : A_8_21.
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LE REVERS
DV
MAVVAIS TEMPS
PASSÉ.

L’OEIL humain contemple également toutes choses
qui luy peuuent apporter quelque profit ; mesme lors
qu’il se void presque obscurcy, par vne certaine taye
qui luy vient couurit ses paupieres ; il tasche subtilement
de s’opposer à vn tel mal heur, par l’ayde
qu’il emprunte d’vne moins noble partie de son corps, & fait
tant qu’enfin il s’en deliure & reprend sa premiere clarté. Il en
est de mesme icy, cher Lecteur ; Nostre œil a esté depuis vn assez
long temps sous la sombre taye d’vne obscurité outrageuse ; C’est
nostre Roy ; l’vnique œil de toute la France, qui parmy des noires
& effroyables tenebres nous a esté enleué, & transporté en vn autre
lieu de son Corps. Paris s’est trouué orphelin de son vray Soleil ; &
n’a pas toutesfois laissé de contempler à trauers d’vn voile, ses adorables
rayons ! Ses yeux ont tousiours esté comme fichez sur sa personne ;
Sa langue ne s’est point trouuée muette pour annoncer &
chanter ses Royales loüanges. Ses mains n’ont iamais trauaillé qu’à
sa conseruation ; Bref tout ce grand Corps s’est rencontré tellement
vny à sa personne ; que nul ne peut douter de son integrité ? Il
n’y a point de clarté pour vn monde qui choppe à tous momens
parmy les allées de cette grande & admirable Maison, puis qu’on
luy a osté celuy qui l’esclairoit perpetuellement ? Le Ciel s’est mesme

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fasché contre ces desolez Habitans, à cause qu’ils ont laissé enleuer
celuy sur qui il verse incessamment ses faueurs ; Il ne leur a point depuis
voulu monstrer son serain & radieux visage ; Il n’a cessé de
pleurer & lamenter ; versant continuellement des larmes pluuialles,
& des cris Aquiloniens qui sembloient de leurs gemissemens escrouller
ce Chef d’œuure de l’Vniuers. Que si l’on a veu quelques
beaux iours, ce n’a esté que pour voir des afflictions & des infortunes :
Il semble que tout soit bandé contre l’innocence d’vn Peuple
qui ne sçauroit viure sans auoir prés de luy son legitime Seigneur &
Roy ; A-t’on iamais veu la Seine courroucée contre ses chers Nourrissons
de la façon qu’elle l’a esté cette année ; L’Air n’a-t’il pas puis
apres contribué à sa colere, & auons-nous depuis huict ou dix ans
senty vn si rude, si long, & si aspre froid ? Quoy : les neiges n’ont-elles
pas esté plus que suffisantes pour en fournir assez plantureusement
trois Hyuers ? Et n’est-il pas croyable que le Ciel fait cela
pour se vanger de nos pechez ? Ouy, certes, puisque tout semble s’émouuoir
de soy mesme ; & que la tyrannie & ambition d’vn Estranger
est la principale cause de tous ces mal-heurs. Mais, courage, si
l’on nous a dérobé nostre aymable LOVIS pendant l’obscurité
de la nuict ; nous deuons esperer que l’on nous le r’amenera en plein
iour : Et comme ce fut par vn tres-fascheux & mauuais temps ; nous
l’admirerons & adorerons dans vne belle & agreable temperature
d’air. Courage, encore vne fois, chers Compatriots ; Voicy, voicy,
nostre Monarque qui vient chasser & dissiper l’abondance de nos
ennuis. Le voicy, cét Hercule, qui doit dompter les testes renaissantes
de cét Hydre pestilent, qui infecte la meilleure partie de nostre
France. Venez, ô grand Roy, puisque vous nous auez esté donné
du Ciel ; Venez, diuin Enfant, soulager vostre Peuple affligé ; Venez
auec ceux qui vous ayment & cherissent parfaictement. Ne
vous amusez plus parmy les froids deserts d’vn Sainct Germain en
Laye ; il y fait en Esté passablement beau ; mais vostre Paris est
agreable en toutes les saisons de l’année. N’y a-il pas assez long-temps
que vous y estes ? Ie veux bien que vous y alliez & veniez
quand beau & bon vous semblera ; mais au moins, faites comme le
flambeau du iour, abandonnez-le pour quelque moment, & venez
nous échauffer de vos delicats rayons, puisque vous estes nostre
vnique & seul Soleil. Vn chacun vous attend & vous desire ; ne
nous trompez pas, vous serez esbahy d’entendre nos concerts de

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Musique ; qui sans cesse entonneront, Viue le Roy, Viue le
Roy.

 

Vn mal ne s’attache iamais à vne personne, qu’il ny ioigne
vn compagnon auec luy ; De mesme nous voyans priuez de la
digne compagnie de cét Astre Royal qui ne nous promettoit rien
moins qu’vne perpetuelle felicité ; nous fusmes dans cét instant,
comme perturbez d’esprit, de voir que le siege de toutes les Prouinces
Françoises estoit desgarny de la pluspart de ces genereux
Princes ; & que le soustien des pauures s’en estoit exilé volontairement.
Grande Reyne, quel mal auons nous commis contre
vostre Majesté, pour nous traitter de la sorte ? Ce peuple qui
vous ayme plus que soy-mesme, a-il merité vn tel chastiment ?
Vous nous quittez & nous laissez orphelins de vostre Vertu &
grauité ? Mais mal-heur pour nous, c’est durant la nuict que vous
fuyez auec nostre Soleil, comme si nous estions des Triphons
qui eussent osé entreprendre sur vostre grandeur, & vous desposseder
de vostre Trosne ? Non, non, grande Reyne, ce n’est
pas nous qui vous ont mis à la mercy des bestes sauuages, qui se
peuuent rencontrer durant l’obscurité d’vne nuict ; Nous vous
cherissons trop pour ce faire. Si nous eussions esté aduertis de
cette entreprise (car nous sçauons fort bien qu’elle ne vient point
de vous) sçachez que vostre humble & tousiours pliant Peuple,
n’eust pas permis de vous mettre en vn tel danger ? Quoy ! pensez-vous
que nous eussions manqué de cœur, pour nous vanger
de l’ennemy de vostre repos & du nostre ? Et que nous eussions
permis que vostre splendeur nous eut laissé dans vne espoisse obscurité ?
Non, Madame, puis qu’ils n’y à point de Parisiens en cette
Ville, qui eusse negligé à perdre sa vie pour la conseruation
de la vostre. Sus, donc, Madame, Monstrez nous que vous estes
Mere de nostre Roy ; Venez auec luy nous reuoir, ou si ie n’offense
vostre Majesté, permettez à vos fidels seruiteurs de l’aller
querir où vous le retenez ? Sans Luy & Vous, nous ne sçaurions
plus viure ? Que la disgrace qui nous a causé vos esloignemens,
soient maintenant conuertis en joye & liesse ; Que nos Princes
soient bien vnis ensemble, & qu’ils soient vn peu touchez de nostre
amitié. Amitié, ô ! grand Duc d’Orleans ; pour nostre Roy
vostre nepueu. R’amenez-le ; & venez en paix habiter parmy ceux
qui vous ont tousiours respecté & honoré ; Ie croy qu’il n’y à

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point d’Autels où vous estes, qui soyent chargez des encens & parfums
que l’on vouë à vostre seruice. C’est à Paris où vous deuez
estre adoré ; C’est le lieu qui vous rend absolu par toute la France ;
C’est luy qui vous a produit presque tous vos enfans, & qui
voudroit se mettre en mille morceaux pour conseruer vostre Altesse
Royalle. Tout le monde ne respire que vostre air, & sans
vous, nous commençons d’estre languissans ? Faites, s’il vous plaist,
amollir le courage, à ce couroucé de Condé, monstrez-luy, que
la guerre qu’il liure à sa propre Patrie est injuste ; & que le pretexte
qu’il prend d’vne iniure qu’on luy a fait, n’est pas capable de
causer tant de mal à ses freres, puis que nous sommes tels. De
graces, remonstrez luy qu’il n’est pas tousiours bon d’estre sous
les armes, pour terrasser ses meilleurs amys ; qu’il fait la guerre à
soy-mesme, en croyant vn inique & estranger Conseil ; & qu’en
mettant tant soy peu la main à la conscience il peut, auec vous,
nous renuoyer la bonace, & calmer l’orage qui menasse incessament
des testes innocentes. Ioignez vous comme deux colomnes,
afin de soustenir cét Empire contre les frequentes secousses
des estrangers. Sus donc Monseigneur, Venez auec nostre Roy ;
Sçachant bien que nul ne le peut amener que vous. Nous vous
attendons de pied ferme, & commençons desia d’amasser du
bois (quoy qu’il soit cher) pour faire des feux de ioye à vostre heureuse
arriuée. Ne laissez point derriere Madamoiselle vostre fille ;
afin qu’elle aye & prenne part au contentement que vous receurez
en cette Ville. Paris est vostre delice, venez donc y demeurer.
Il vous souhaitte auec tous les Princes, & grands Seigneurs
qui se rencontrẽt à present auec nostre Roy. Pacifiez-le tout,
& enuoyez pour mener la guerre chez les estrangers qui cause vne
grande partie de nostre mal. Ainsi vous ferez vn merueilleux Reuers
du mauuais temps à vn tout à fait & bon agreable ; Vous serez
cause de nostre resioüissance ; Nous dirons de vous ce que les
Romains disoient d’Auguste. Vous estes nostre Pacificateur & Protecteur.
Et comme nouueaux regenerez en vostre alliance, nous
vous ferons sçauoir tous les iours, que nos affections s’augmentent
& se renforcent en vostre amour. C’est ce que nous esperons
de vostre Altesse ; Et sommes desia tous certains que vous
amenerez bien tost en cette Ville le Roy, la Reyne, le Prince indigné
contre nous, & tous les bons seruiteurs de sa Majesté. Que

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vous exillerez les perturbateurs du repos public, & les ennemis
iurez du Roy & de l’Estat. Dieu le veuille par sa saincte grace.

 

Comme apres le trauail la Nature permet au corps de prendre
son repos ; ainsi, Messeigneurs les Senateurs & Conseruateurs d’vn
Peuple affligé, pretendent-ils de faire. Vn chacun sçait que vous
estes Iuges equitables, dont l’œil ne peut en aucune façon estre obscurcy.
Nous ne sçauons que trop la peine que vous prenez pour
tascher à nous faire gouster ; Que dis ie gouster ? mais plustost manger
vne longue & perdurable Paix. Que vos soins sont infinis, &
vostre amitié sans pareille pour vos enfans. Qu’il n’y a rien qui puisse
interesser vos consciences ; Et que vos Arrests ne soient plustost
venus & prononcez du Ciel, que formez dans vos testes, & annoncez
par vos bouches sur la terre. Qui ne croit cela, se monstre ignorant
en toute autre chose ; sans considerer que vous estes le fort Tymon
sur qui est appuyé la baze de cét Empire François. Ne vous
lassez donc point, Messeigneurs, de nous procurer la Paix ? Monstrez
à tout le monde que les Roys & les Loix ne sont maintenus que par
vostre Iustice ; & que qui choque leurs interests ne demeure iamais
sans punition. Ce seroit peu d’estre les Deffenseurs des innocens, si
au prealable vous ne punissiez les mal-faicteurs & oppresseurs d’iceux ?
Puisque lors qu’on pardonne vn crime on le commet soy-mesme,
il est loisible pour s’exempter de cét opprobre de ne le iamais
pardonner. Ie sçay bien que les Loix ne sont pas si seueres ; &
que la mort ne punit pas tousiours les coulpables ; mais aussi ie suis
certain qu’elles commandent que l’on leur oste la liberté de mal
faite à l’aduenir. Ce n’est pas que ie vous veuille apprendre vostre
deuoir, sçachant tres bien que vous estes les premiers & mieux versez
en toutes les sciences du monde, mais seulement afin que vous
ne vous laissiez emporter à la compassion. N’estes-vous pas assez
certains & asseurez que le peuple viura en paix dés lors qu’il osera
ietter ses regards sur son Roy ? N’aurez-vous pas vn grand honneur
de luy auoir conserué sa Couronne & son Royaume, pour ne
le pas laisser en proye à l’Estranger ? N’estimerez-vous rien cela,
qu’vn monde parfait en toutes choses, vous appellent les Deffenseurs
de leurs iustes causes ? Que les femmes de Paris, vous nomment
Protecteurs de leurs marys & enfans ; Bref, que les Païsans
trouuent leur refuge chez vous, & dans vos maisons, à cause des
meurtres, des vols, des viols, des incendies, des sacrileges, & autres

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oppressions qui se commettent tous les iours au sujet de la guerre ?
Ouy certes, Messeigneurs, & ne faut point douter que le Tout-puissant,
voyant & cognoissant vos trauaux, ne vous donne à la fin vne
tres-ample recompense. Poursuiuez donc, & ne vous lassez pas, S.
Germain n’est qu’vne petite pourmenade. Ioignez-vous auec nos
Princes, & nous r’amenez le Roy. Ie sçay qu’il sera ioyeux de vous
voir, comme estant sa main dextre ; & qu’il sera bien-aise de venir
reuoir son Paris, auec vous. Que le commun interest vous touche
sensiblement, sans espouser le particulier ; & vous verrez que la benediction
des Cieux tombera sur vos testes. Que le Peuple ne respirera
que vos vertus ; & ne sçaura dire autre chose en son cœur, que
Viue le Roy, Viue les Princes, Viue le Parlement, & que Dieu garde
de mal Nosseigneurs de Ville. N’est-ce pas là vne agreable recompense
de tous les trauaux que vous aurez soufferts ? Quoy ! n’est-ce
pas emporter les Lauriers deubs à vos merites ? Qui sera celuy qui
se rendra si ingrat que de ne pas recognoistre le bien que vous luy
aurez fait ? Quel cœur de roche ne se doit amolir lors que nous ne serons
plus sujets de monter la Garde, que pour la seureté de la personne
de nostre Roy ? Mais enfin qui sera celuy qui osera nier que
vous estes la seule & premiere cause de son bien ; puisque par tout
vous vous rendez vigilans à le conseruer ? C’est ce que nous attendons
bien-tost de vous, Messeigneurs, esperans de vous voir en bon
ordre à l’entrée que vous allez preparer pour nostre Monarque. Ce
sera alors que vous nous ferez oublier les fatigues & les peines, que
nous auons endurées parmy les rigueurs d’vne tres-fascheuse saison.
Vous nous ferez gouster les fruicts delicieux que produit ordinairement
la Paix, & que chassant loin de nous les obstacles qui
la peuuent empescher ; Vous nous remettrez dans le repos, seul object
qui doit enfin consoler nos ames depuis vn si long-temps affligées.
Et bref toute nostre attente est en vous, & ne desirons pas
qu’elle en sorte ; estimant mieux la mort que de vous laisser dans
ies fascheux labyrinthes que peut façonner & construire vn Finet
& rusé Estranger.

 

Vn noble cœur rejette tout ce qui luy semble contraire. Ce dire
franc & ne l’estre pas monstre plustost vne butordise qu’vne
addresse : Et celuy qui entre le dernier au combat auecque prudence
r’emporte bien souuent plus de Lauriers que ceux qui l’ont
premedité auant le temps, se fortifiant sur des paroles niaises &

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friuolles. Les combattans se trouuent honnorez quand on leur dit
qu’ils sont genereux. Chers amis excusez moy, puis que ie sçay
la plus grande partie du mestier de la guerre ; & que vous n’ignorez
point que suiuant le sanguinaire Mars : il vous est possible d’approcher
de celle qui sçait fort bien allentir ses feux, & briser ses armures ;
Ce n’est pas que ie veuille vous contraindre d’estre de nostre
party, en secoüant le ioug de l’obeyssance que vous deuez à
nostre Monarque ; mais comme tous differends ne se terminent
iamais qu’il n’y ayt vne honorable fin ; ie dis que la douceur l’emporte
sur vos courages. Ce n’est pas peu d’estre animez, pour
deffendre son droit ; il faut de plus sçauoit, comment & en quelle
sorte. Ce n’est pas estre Soldat que de porter les armes ; mais c’est
se rendre Capitaine de les sçauoir bien manier pour se deffendre.
Il en est ainsi, genereuse Noblesse Françoise, que lors que l’on vous
pense mespriser, c’est alors que vous faites mieux vostre deuoir sans
crainte de respandre vostre sang, quand il est question du seruice
du Roy & de la Patrie. Que pourray ie dire de vous autres, sinon
que vous estes les aymez de Castor & Pollux, Caualliers aussi discrets
que les armes reluysantes qu’ils portoient pour leur deffence,
& contre leurs ennemis. Ce seroit peu de dire que vous estes le
premier nerf de la main de nostre Monarque, & que vous pouuez
beaucoup en toutes les affaires qui concernent vne indissoluble
Paix ; mais mal-heur pour vous ; c’est qu’il y a parmy nous vne
grande quantité de traistres, qui ne laissent pas en nous affoiblissans
de vous donner le dernier coup de lancettes, afin de nous rendre
auec vous du tout inutilles.

 

Faites mieux si vous me croyez ; representez à nostre Roy, que
vostre sang & le nostre n’est qu’vn mesme sang, & que comme vous
estes François, nous sommes Parisiens ; Que plusieurs d’entre vous
ont leurs femmes, & enfans, voire mesme leurs Maistresses enfermez
dans cette fameuse Ville ; Dittes luy que vos armes sont tres-bonnes
pour tuer & massacrer des Turcs & non pas des Chrestiens ;
Que vos mains n’ont point accoustumé de se lauer dans le
sang que vous cognoissez ; Que voicy le temps que vous deuez
cueillir des palmes dans l’Idumée, en vangeant l’affront que l’on y
fait au sacré Nom de Iesus ; Et que vous estes tout prest de tẽter toutes
les aduantures qui se pourront rencontrer dans le monde, pourueu
qu’il donne la Paix à son Peuple chery ; Sans doute vous gagnerez

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le cœur de nostre Regente ; lors que vous luy remonstre
rez, que le nom de Reyne de Paix, est de beaucoup plus excellent
que celuy de Guerre ; Qu’il est bien plus seant à sa Majesté d’estre
adorée dans vn Paris, que parmy des deserts, vastes & affreux à
la veuë. Qu’elle y sera rauie d’entendre l’eloquence de nos Predicateurs ;
lesquels tous d’vn mesme accord la conuie de les y
venir entendre. Et enfin, que sa charité augmentera doublement
lorsqu’elle pardonnera les offenses passées. C’est ce que vous deuez
faire, Genereuse Noblesse, & c’est aussi ce que nous attendons
de vous. Nous asseurant que par vostre moyen nous serons
deliurez des peines que l’on souffre ordinairement pour le sujet de
la guerre ; Que nous mangerons du Pain à bon marché ; Que nous
ne serons point contraints de soüiller nos consciences en mangeant
des viandes que l’Eglise nostre Mere nous defend de manger
durant le Sainct Temps de Caresme. Et qu’infailliblement le
trafic se remettra sus ; nous faisant viures les plus heureux & les plus
contents de la terre. Poursuiuez-donc, hardiment vostre entreprise ;
& ne permettez que nous soyons tourmentez desormais ;
quittez les armes, pour vous amuser à pincer vn Luth, nous vous
ferons des chansons toutes nouuelles ; mesme il n’y a pas vn de nos
Poëtes qui ne se promettent de chanter vos loüanges. Venez-donc
nous reuoir sans laisser la Paix derriere vous ; faites là marcher
en teste, mesme deuant vos genereux Capitaines. Ainsi nous
yrons au deuant de vous pour vous accoller la botte.

 

La Saincteté, la Pieté & la Iustice sont trois sœurs qui ne se separent
iamais ; Si l’vne se sent affligée les deux autres la consolent ; &
ainsi font vne admirable liaison, que les temps mesme ne peuuent
déjoindre. La Saincteté dans ce rencontre fait bien souuent des
miracles ; La Pieté fait amolir les cœurs les plus endurcis au mal, en
les rendant doux, humbles & paisibles ; Et la Iustice punit seuerement
ceux qui mesprisent les loix diuines & humaines. Mais ce n’est
pas en temps de guerre que ces trois sœurs ont de la force & de
la vertu, c’est dans la tranquilité & parmy la Paix, qu’elles font valoir
leur talent. Neantmoins elles ne laissent pas de se rencontrer
parmy les Ecclesiastiques, & semble bien qu’elles y veullent incessamment
demeurer ; Elles les conjurent de prier leur Maistre pour
leurs auancements ; & de fleschir leurs genoux pour les mettre en
grace auec celuy qui les peut remettre en credit, en destruisant

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leurs ennemis. C’est donc à vous, ô Anges & Ministres de Dieu
que ces trois humbles sœurs s’addressent, ils ne regneront iamais
sans vous : Et leur importe fort peu les loüanges, & les auantages
que l’on leur donne sans qu’au prealable vous n’en soyez
consentent, estimant mieux se voir gouuerner par vos prudences ;
que de se laisser manier par des esprits brutaux. Puisque c’est dans
la Paix qu’elles agissent, procurez là enuers celuy que vous seruez
auec tant de ferueur & de deuotion. Que vos bouches ne soient
point muettes pour fleschir vn Dieu courroucé contre nous, &
tascher de remettre ces trois sœurs en grace. Que vos cœurs soyent
touchez d’amour, & eschauffez de charité, pour briser les flesches
d’vn Dieu courroucé contre son Peuple. Que vos pensées ne soyent
autres que de le prier de nous enuoyer bien tost la Paix ; Que toutes
vos veilles ne tendent qu’à chasser & destourner loing de nous
la guerre, qui cause que vos Eglises, & vos Autels sont si souuent
polluës & prophanées. C’est estre Sainct que de faire tels miracles ?
Ainsi serez-vous estimez tels si vous nous procurez quelque
bien enuers le Dieu de Paix & de concorde. Il ne tient qu’à
vous que nous ne soyons tous rauis de voir vn changement si admirable,
puis que vos prieres peuuent changer le glaiue en oliuier,
& le sang en laict. Que vous serez glorieux si l’on dit de
vous ; Ils ont ieusné, ils ont veillé, ils ont prié incessamment
pour fleschir ce grand Dieu qui estoit irrité contre nous ; leur sincerité
est la seule cause de nostre bien ; leur deuotion a formé & façonné
la baze de nostre felicité, & leur Charité a tellement eschauffé
les cœurs de nos ennemis, qu’ils ont esté contraints de laisser
tomber les armes desquelles ils nous vouloient frapper ; N’est ce
pas-là assez dequoy vous loüanger ? Ne vous tiendra-t’on pas pour
bien heureux si vous nous moyennez la Paix auec Dieu & les
hommes ? Qui sera celuy qui ne vous honorera & respectera pour
vn tel bien fait ? Y a-il quelque demon dans l’enfer qui vous puisse
destourner d’vne si saincte action. Non, non Messieurs, vos prieres
sont assez feruentes, pour abattre les cœurs qui ne respirent que
l’air de nostre sang ; Vos sainctetez sont assez fortes pour destruire
nos plus cruels ennemis ; Et vos vertus ont le pouuoir de nous ramener
la Paix. Poursuiuez-donc & ne vous lassez pas de la demander
à celuy qui seul nous la peut donner. Ainsi vous serez Saincts
& ferez de merueilleux miracles dont la vertu s’estendra parmy

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tout le monde. Demandant à Dieu la Paix, c’est luy demander nostre
repos ; & le loyer de nos peines & fatigues passées. C’est nous
nourrir d’vn pain qui ne peut preuenir que du Ciel. C’est nous rendre
vnis, & bons amis auec nos freres ; Enfin c’est nous faire gouster
en ce monde les delices des esprits bien-heureux. Priez donc
sans fin puis que vos prieres nous peuuent apporter vn si grand
bien. Tout l’Vniuers sera esbahy quand on sçaura que vous estes
en partie cause que nous auons la Paix ; & que vous auez auec droit
fulminé contre celuy qui en a des long-temps empesché l’effect.
C’est ce qu’vn peuple affligé attẽd de vous, & ce que vous deuez faire.

 

Desia l’Hyuer d’vne ennuyeuse guerre se va passer ; chers & fidels
Compatriots, vos armes sont maintenant plus propres à paroistre
sur vos ratelliers que sur vos corps ; vostre ennemy se trouue
tellement affoibly qu’il commence à ployer le genoüil pour vous
demander humblement pardon de ses offenses. Il vous a fait beaucoup
pastir & endurer, mais en reuanche il vous veut doresnauant
seruir & honorer & vous monstrer que s’il a encore quelque gouste
de sang dans ses veines qu’il le veut prodiguer & respandre
pour vostre deffense & conseruation. Ce n’est pas peu de voir vn
ennemy conuerty de la sorte, & se rendre en vn moment de temps
vostre parfait amy. Les maux qu’il vous a faits, sont autant de roses
qui croistront à ce Printemps dans le parterre de vostre valeur ;
Il vous a fait ieusner afin de vous mieux saouler puis apres ; Il vous
a fait patroüiller dans les bouës durant vne fascheuse saison d’Hyuer,
à dessein de vous rendre le pied feme & sec durant l’aymable
Printemps ; Il vous a fait trembler, pour vous r’assurer durant
les tempestes que peut former vn turbulent Esté. Il vous a fait
veiller, estimant que le sommeil vous estoit nuysible & dommageable.
Il vous à fait tirer l’argent de vos bourses, pour ayder à
souldoyer des Soldats, pour resister à ses violences ; mais son desir
est de les remplir lors que le commerce sera permis ; & pacifiant,
fera retirer ceux qui estoient esleus pour le vaincre & destruire. Autant
de pas que vous auez faits sous les armes, se conuertiront en autant
de degrez pour monter au lieu où se rencontre vne agreable
& sincere Paix. Les cœurs genereux qui ont senty le subtil esguillon
de la mort pour la cause publique ne se fascheront point du
mal qu’ils auront enduré, lors qu’ils sçauront que nous viuons en
amitié & concorde. Les blessez en cette occasion seront glorieux

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de monstrer leurs playes & cicatrices, disant hardiment ; Voylà ce
que nous auons souffert pour deffendre nostre Roy & nostre Patrie.
Gloire inestimable ? puis que respandre son sang en telles occasions,
est conseruer la vie de ses freres & bons Compatriots.
Courage, les trauaux sont presque finis, le calme veut dominer l’orage ;
Il n’est plus temps de s’affliger, quand la ioye se veut emparer
de nos esprits, & chasser hors de nos cœurs la hayne & la discorde.
Et vous pauures Paysans consolez vos ames, la rigueur de
la guerre vous facilite l’entrée de la felicité eternelle ; Si l’on a violé
vos femmes & vos filles, ce n’est que pour les rendre plus nobles
& plus chastes deuant le trosne de Dieu. Ne pensez pas que
leurs ames en soient moins belles dans l’eternité. Et que d’estre
forcées par des pendarts, leur puisse rauir leur honneur parmy les
hommes. Non, non, mes chers amys, apprenez que necessité n’a
point de loy, & que c’est la force, & la rage de nos ennemis qui ont
causé vn mal qui n’est que pour vous donner apres ces troubles vn
perdurable contentement. Si nos ennemis ont pillé si peu que vous
auiez amassé pour vostre entretien, asseurez-vous que dans peu de
temps Dieu vous le multipliera au double. Que si ils ont insolemment
bruslé vos maisons ; imaginez vous qu’ils auoient besoin de
bois pour se chauffer ; mais consolez vous qu’ils n’ont sceu emporter
la place où elles estoient basties ; Et dites hardiment : Qu’ont-ils
gagné de me ruyner ? En sont-ils deuenus plus riches ? Ces marauts
se voyent maintenant confus, ils n’ont plus aucun lieu de retraitte.
Ma maison est rebastie beaucoup plus belle qu’elle n’estoit auparauant,
& Dieu benit mon trauail manuel, & fait distiller vne grasse
rosée sur les biens que i’ay semez en terre. Il ne m’importe plus
de viure puis que ie vay gouster les delices d’vne sauoureuse & agreable
Paix ; & que ie puis m’asseurer qu’elle demeurera incessamment
auec mes enfans. Mes pertes sont passées, voicy le temps
du gain ; Ie viuray & si ie ne doute point que ie dois voir mes amys
ioyeux & gaillards. La guerre ne peut pas tousiours durer, il est
tres-necessaire que la Paix prenne sa place. O ! adorable Paix, vien
icy nous t’attendons pour t’honnorer ! Nos cœurs desia commencent
à sautiller de ioye quand ils entendent dire que tu es contente
d’habiter parmy nous ! Vien donc & ne craint point d’estre trahie ;
car nous sommes tes vrays Zelateurs ; en quelque lieu où tu puisse
aller : tu ne te rencontreras iamais mieux que parmy nous. Vien

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donc encore vne fois ; nous te dresserons des Autels ; La guerre n’a
point fait encore encherir l’encens ; il y en a assez en cette ville pour
parfumer tes sacrifices ; Ne croy point que nous soyons si ingrats
que de te refuser. Le plus pauure d’entre nous t’offrira volontairement
sa maison, pour t’y heberger ; & se plaira de t’offrir continuellement
son humble seruice. Ne seras-tu pas bien ayse de te voir
cherie & honorée d’vn Peuple qu’il y a si long-temps qui ne t’a veuë
ny contemplée. Ta ioye ne s’augmentera-elle point, quand tu sçauras
que le Roy, la Reyne Regente ; Monseigneur le Duc d’Orleans,
le Prince indigné, & tous les grands Seigneurs, seront reuenus
en cette Ville pour t’adorer ? Ouy ; certes, & ie croy que tout
ton plaisir sera de les y voir en bonne prosperité & santé, rendre
les actions de graces à Dieu pour vne telle & presque incroyable
tranquillité. Que nous faut-il plus si tu te range de nostre costé ?
L’ennemy redoutera nos forces, lors qu’il entendra dire que l’aymable
fille du Ciel aura auec ardeur embrassé nostre party. Où
est la crainte qui menasse de saisir nos esprits ? Elle ne se rencontre
plus parmy nous, à cause que l’on nous fait apprendre, comme
par force le mestier de la guerre. Nos ennemis se treuuent
maintenant vaincus ; & sans coup frapper nous emportons sur
luy la Victoire, qui nous auoit esté promise dés vn siecle d’années.
O ! heureuse & tres-aymable Paix ? O ! Deesse incomparable ? O !
Vertu excellente ! qui quitte son Palais du Ciel pour se venir loger
auec nous sur la terre ? Admirable reuers du mauuais temps
passé ? Porte par où tous les bons François doiuent passer, pour
gouster les delices d’vn miel agreable & sauoureux ? Descendez
donc vistement ; afin de nous faire reuiure. Nous sommes desia
a demy morts ; mais nous sçauons fort bien que vous auez le pouuoir
de nous guerir en nous resuscitant. Puis que c’est par le
moyen de tant de genereux guerriers (qui toutesfois s’estimeroient
beaucoup plus heureux de viure sous vos loix, que sous
celles de ce sanguinaire Mars) que vous daignez nous venir visiter :
Faites qu’ils prennent tous part à vostre triomphe : Et tout
ainsi qu’ils sont les protecteurs, & deffenseurs des innocens contre
la rage d’vn ennemy estranger ; Faites que nous soyons tesmoins
des belles actions qu’ils ont produites pour nous conseruer
la vie. Que si ils ont enduré des peines & des fatigues pour
nostre sujet ; Faites que nos vœux, & nos souhaits les recompensent

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en quelque chose ; nous permettant de publier leur renommée
par tout l’Vniuers, & faire en sorte que leurs noms soyent perpetuellement
grauez au Temple de memoire, pour y estre veus
& admirez de nos nepueux ; & reuerez parmy les infinis siecles
aduenir. C’est ce que nous desirons de voir en nos iours, ô ! alme
Paix ? C’est vostre viue douceur que nous cherchons ? C’est le repos
de nos Princes & Seigneurs ; & la tranquillité d’vn monde
tout entier, qui ne respire autre air que celuy que Dieu leur a
donné pour Roy. Venez donc auec nous, & ne nous mesprisez
pas. Vous serez esbaye de nous entendre chanter ce motet ;
Seigneur sauue nostre Roy pendant le iour de tribulation ; & exauce les
prieres des cœurs feruents qui t’inuoquent en iceluy.

 

FIN.

ADVERTISSEMENT AV LECTEVR.

Cher Lecteur, tu seras aduerty que t’ayant fait present de mon Iournal
Poëtique de la Guerre Parisienne, comme aussi de mes Visions
Nocturnes, l’on me menasse de les contre faire ; & ainsi me desrober mon
trauail. C’est ce qui me retarde de te faire les suittes tant de l’vn que de
l’autre ; Toutesfois ie ne laisseray pas de continuer ; mais ie te prie au moins
de n’en point achetter d’autre Impression que de celle de la Veufue d’Anthoine
Coulon ; ny de plus petite lettre ; car iceux seront contrefaits ; Et
comme ie n’ay pas eu le temps de les bien amplifier ; ie te promets qu’ils
seront augmentez de plus de moitié à la seconde impression. Ne laissant
donc pas de continuer, à la priere de mes plus Visions, où tu verras naïfuement
despeint ce qui nous peut aduenir de mauuais, en tous les mois
de la presente année 1649. Comme aussi ma cinquiesme Sepmaine de la
Guerre Parisienne ; & ainsi ie tascheray en continuant de contenter ta curiosité.
Adieu.

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Brousse, Jacques [?] / Questier, Mathurin [faux] [1649], LE REVERS DV MAVVAIS TEMPS PASSÉ ET LA LIBRE ENTRÉE DE LA PAIX. DEDIÉ A SES ADORATEVRS. Par Me M. QVESTIER, dit FORT-LYS, Parisien. , françaisRéférence RIM : M0_3545. Cote locale : A_8_21.