Chereau, F. [signé] [1649], LE RETOVR DESIRÉ DV ROY LOVIS XIIII DANS SA GRANDE ville de Paris, , français, latin, grecRéférence RIM : M0_3529. Cote locale : C_9_83.
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LE
RETOVR
DESIRÉ DV ROY
LOVIS XIIII
DANS SA GRANDE
ville de Paris,

A PARIS,
Chez IEREMIE BOÜILLEROT, ruë vieille Drapperie,
deuant le Palais, à l’enseigne de l’Escrevisse.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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PREFACE.

IE n’ay rien dequoy repartir aux mespriseurs des Anagrames,
sinon que ie suis d’accord auec eux, que c’est vn labeur
assez ingrat dedans nos iours, & qu’on ne voit point
de personnes qui en deuiennent plus riches ny plus aduancees. Si
i’ignorois quel en est le raualement parmy les esprits communs,
possible que ce seroit à eux que ie les adresserois plustost, puisque
ie ne suis que de leur nombre : Mais sçachant d’ailleurs que les
grands Genies n’ont pas improuué le dechifrement des Noms non
plus que l’vsage des Emblemes & des Deuises, ie suis contraint de
m’en approcher, & consequemment de me faire vn peu plus que
ie ne suis. Ils sçauent que chez le diuin Platon, la science des noms
n’est ny petite ny peu difficile ; Que selon les Iurisconsultes, les
noms doiuent conuenir aux choses ; & dans la saincte Escriture,
que bien souuent le nom sert de presage pour iuger de l’éuenement
des personnes. Mais sur tout, ils ont connoissance que les rares
entendemens, & mesmes les Roys autrefois y ont pris plaisir.
Quant aux pieces malotruës qu’on leur a presenté sur ce suiet,
Inuentions si miserables & si chetiues, qu’on est contraint d’en
auoir pitié : ie suis d’aduis qu’on leur attache ces blasons qu’ils ont
merité.

 


Turpe est difficiles habere nugas
Ex stultus labor est ineptiarum.

 

C’est à dire en substance,
Qu’il n’y a rien de plus sot qu’vn sot Anagrame. Toutefois,
quand la version ne conuient qu’à la personne, du nom de la
quelle on la void tirée, quand il n’y a rien d’obmis ny de changé,
quand elle fournit autant d’ornemens que de lettres, sans aucune
violence, quand ainsi que dit Pline, la nature est en sa perfection
dans des choses tres-petites, l’Art qui tasche d’en imiter les
ouurages, se fait aussi d’autant plus grand, que plus il s’accommode
à la petitesse.

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SVR LA DEVISE DV ROY,
dans ces Anagrames.

 


Cette Deuise par des nombres,
Où sont des secrets inoüys,
Fait que les Cesars sont des ombres,
Comparez au nom de LOVYS.

 

 


C’est le seul esclat des Monarques
Et pour bons yeux que nous ayons,
Ailleurs on ne voit point de marques
D’vn Chiffre si plein de rayons.

 

 


Si rare en est le caractere,
Et si rauissant les esprits,
Qu’on le prendroit pour vn mystere,
Si l’on en connoissoit le pris.

 

 


Prince, de qui les Armes iustes,
Vont amasser mille Lauriers,
Et qui par des titres augustes,
Serez l’honneur des grãds Guerriers.

 

 


Le Ciel benit vostre courage,
Esleué dessus les humains,
Et vostre nom est vn presage,
Que la Paix est dedans vos mains.

 

LE RETOVR DESIRÉ DV ROY
LOVIS XIIII. dans sa grande ville de Paris.

Sur quatre Anagrames Latins.

 


Ludovicus Borbonnius XIIII.
O lux diuinior bonis Ciuibus.

 

 


Ludovicus Borbonnius Decimus quartus.
O qui decorus vt Sol, dum arcus in nubibus.
O dulcis Rosa, osque jucundum Tribubus.

 

 


Ludovicus Borbonius Decimus quartus.
Sol, qui tardus, eum Ducibus, oro, sub veni.

 

C’est à dire :

SIRE, puisque vous estes le Soleil des bons Citoyens, mais
tardif en vostre retour, vostre nom mesme (dans lequel parle la
ville de Paris) vous supplie & vous coniure d’y vouloir sejourner
auec les Princes & les Seigneurs qui vous enuironnent. Vostre visage
est vne rose pleine de douceur pour vos Peuples ; C’est vne

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clarté brillante dans la nuë, faisant l’Arc-en Ciel, symbole de paix
& de resiouyssance.

 

DISCOVRS AV ROY,
Sur le mesme sujet.

SIRE, Le grand Dieu regnant dans les Cieux, dont vous
estes vne viue image dans la Terre, ne dédaigne pas la petitesse,
pourueu qu’il y trouue de l’humilité, c’est assez pour la luy rendre
des plus agreables.

Le seul exemple de nostre Sauueur reduit à des abaissemens extremes,
nous fait toucher au doigt cette verité ; d’où ie tire aussi
cét argument, que vostre Maiesté Royale adorant ce haut principe
& se conformant à ses saintes loix, ne dédaignera pas la petitesse
de ces lignes ny l’humilité de mon offrande.

SIRE, c’est vostre Nom mesme qui s’y represente, On deuroit
luy donner en titre l’Abregé des perfections Royales, d’autant
qu’elles y sont comprises en peu d’espace, auec vne partie des choses
appartenans à la gloire immortelle de vostre nom, digne de
l’Empire du monde.

Vostre nom Royal porte en sa Deuise vn Soleil faisant l’Arc-en-Ciel
dans la nuë : & en suite, Il y a vne suplication pour faire haster
son retour.

L’on trouue dans les metamorphoses que le Soleil deuint autrefois
épris des rares beautez de Leucothée : Que pour elle il s’absentoit
des autres lieux où sa visite estoit necessaire, iusques à souffrir
des plaintes pour ce suiet : & enfin qu’il transmua cette maistresse
dans l’arbre qui porte l’encens.

Les Roys sont des portraits viuans de ce bel Astre & eux-mesmes,
ainsi qu’on disoit de Philippes de Macedone, font l’amour
aux Villes qu’ils ayment & qu’ils caressent. L’on ne doute point
que vostre Maiesté ne porte des affections singulieres à sa grande
ville de Paris : mais aussi vostre Maiesté peut bien croire que Paris
est tout transformé en encent : c’est à dire en adoration pour elle
& en respect pour ses loix & ses volontez souueraines.

Sol qui tardus cum Ducibus, oro, subueni.

Vous estes son Soleil resplendissant, & elle vous supplie à iointes
mains de ne luy pas refuser vostre lumiere. On dit que le point

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du iour chasse les Lutins qui troublent l’ait. Vostre Maiesté, l’Orient
de nos esperances, d’vn de ses rayons & en vn clin d’œil, dissipera
tous les ombrages qui sont à l’entour.

 

Au reste, Paris contient deux choses memorables à l’exclusion
des autres Prouinces : Elle est la capitale, & tout ensemble la Metropole
des François. Mais il ne faut pas obmettre qu’elle est la
plus populeuse Ville du monde : & partant elle conuie son Roy
par luy-mesme & par son nom, n’ayant point de terme plus propre,
d’y vouloir tenir sa Court auec ses Princes, ses Gardes & ses Officiers.
C’est dans les Citez suréminentes qu’vn grand Souuerain se
montre auec plus de gloire & plus de splendeur. Il importe aux
grands Monarques de se plaire dedans les Villes où il y a plus de
celebrité. Ce n’estoient que des flateurs qui disoient que Rome
est par tout où se tient l’Empereur. Le grand Pontife y est quasi
attaché comme vne estoille fixe dans le Firmament, mesmes les
anciens Canons ne permettẽt pas qu’vn Prelat habite en des lieux
où sa dignité est moins reconnuë. Dieu, ce grand Dieu, present
en tous lieux, & interminable, à neantmoins choisi le plus grand
Ciel & le plus peuplé pour sa residence.

SIRE, toute l’Europe reconnoist que Paris est comme le
Ciel de la Frãce : C’est le milieu de vos Prouinces & de vos Estats :
C’est vn Phare eslevé dans la Mer des tracas du Monde, dans lequel
vous esclairez de toutes parts, sauuant les vaisseaux qui y
abordent : Et c’est encore d’où vous eslancez le tonnerre sur vos
Ennemis, quand leur obstination vous y contraint. C’est en ce
lieu là particulierement qu’vn bon Peuple soubmet volontiers sa
liberté franche, & qu’il respecte les Edicts & les Ordonnances de
son Prince. Quand le milieu se trouue affermi dedans luy mesme,
les extremitez d’vn Royaume en sont plus fortes. Paris est
comme le Poinct d’vn grand Cercle : Mais on peut adiouster, Qu’il
ressemble à la peau de cuir qui se recoquille : Pour empescher
que les bords ne s’embarassent, il faut arrester le pied sur le milieu.
Ce fut l’advis que receut Alexandre le Grand d’vn Gymnosophiste,
estimé pour son haut esprit, Enquis par le Prince. Quel
estoit le moyen plus court de bien gouuerner vn Empire, il fist apporter
vn grand cuir tout recoquillé : Et puis, Mets le pied, dit-il,
sur vn des bords. A quoy Alexandre obeïssant, aussi tost la piece
vint s’envelopper dans elle mesme ; & l’ayant reïteré sur les autres
bords, la mesme incommodité reuenoit tousiours. Enfin, il

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luy dist, Arreste le pied sur le milieu. Ce qu’estant fait, toute la
piece se tint en deuoir, & sans plus se replier, comme elle faisoit
auparauant. Instruction non moins ingenieuse que politique,
pour dire que le pied de Roy est necessaire dans le centre & dans
le milieu du Royaume, pour empescher que la frontiere ne soit
affoiblie, ou bien qu’elle ne se rebelle.

 

SIRE, Ie ne mets toute la force de ce raisonnement sur des
lettres & sur des poincts. Vos actions Royales & vostre Retour,
expliqueront mieux vostre Deuise que tous les discours, pour accomplis
& entiers qu’ils puissent estre. Toutesfois on peut inferer
quelle doit estre la felicité de vostre Regne, puis qu’il n’y a pas
iusques aux Poincts & aux Lettres de vostre nom qui ne tesmoignent
que vous estes le plus grand Monarque de l’Vnivers, &
des plus dignes d’y commander, puis que vous portez la lumiere
en vostre visage. Ainsi vostre Majesté est comme vn Astre qui va
dissipant les tenebres & ostant le desordre & l’obscurité du milieu
de toutes les contrées qu’elle visite. En suite dequoy vostre presence
Royale est vn Soleil faisant l’Arc-en-Ciel,

O qui decorus vt Sol, dum arcus in nubibus,

Qui selon la Sainte Escriture est le symbole de la Paix & de la réjoüissance
de tout l’Vnivers : mais signamment en vostre ville de
Paris apres les deluges & les inondations qu’elle a souffertes.

O dulcis Rosa, osque iucundum Tribubus.

C’est vne Rose delicieuse & vn Printemps agreable, apres tant
d’hyvers. Et c’est vn visage fauorable, vne face Angelique & pleine
de douceur apres tant de rigueurs & tant de coleres que quelque
maligne influence a versé dessus nos testes.

O lux diuinior bonis Ciuibus.

En fin, c’est vne Beauté & vne Clarté diuinement envoyée pour le
soulagement des bons François, ne respirans apres Dieu que l’honneur,
le seruice & la submission qu’ils veulent rendre à vostre Majesté,
tousiours heureuse & florissante.

F. CHEREAV Mançois, Ecclesiastique.

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A MONSEIGNEVR,
Monseigneur le Premier President au Parlement
de Paris : Sur le iugement des Anagrames
pour le retour du Roy.

ANAGRAMMA.
MOAAOΣ
OMAAOΣ

Hoc est, Per omnia æquabilis & iustam vndique
trutinam appendens.

 


Temperat æquali Præses jura omnia lance,
Quantum vel sapiens ponderet ipsa Themis.
Hinc cum fit librili pondere, quidni
Temperet æquali fronte vel hæc leuia ?

 

F. CHEREAV, Ecclesiastique.

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