Demophile [1649], DESCRIPTION DES VIES, MOEVRS, ET FACONS DE FAIRE DES PEAGERS, Publicains, Maletostiers, Monopoleurs, Fermiers, & Partisans, non moins facetieuse, naïfve & veritable, que serieuse, & mystique, Composé par DEMOPHILE. , françaisRéférence RIM : M0_1059. Cote locale : A_2_31.
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DESCRIPTION DES VIES,
mœurs, & façons de faire des Peagers, Publicains,
Maletostiers, Monopoleurs, Fermiers,
& Partisans, non moins facetieuse, naïfve,
& veritable, que serieuse & mystique.

IL est malaisé de iuger si les corps de ces gens
sont plus mõstrueux que leurs ames, qu’ils confisquent
souvent à Lucifer, & toute sa troupe
infernale. En voicy la preuve infallible par l’experience,
qui est la plus sage maistresse du monde.
Leurs cheveux par un effet de mollesse sont quasi
comme cheveux de femmes, ainsi que ceux des sauterelles
dans l’Apocalypse, & leurs yeux tiennent
du naturel de ceux des grenoüilles noirs-rouges
sanglans, ou pour mieux dire, de chien, symbole
d’impudence. Aussi sont-ils si effrontez auec leur
front d’acier, que toute la maison d’Israël, ingrate
& refractaire aux commandemens du Seigneur,
n’estoit rien en comparaison : & cette effronterie
signalée, fait qu’ils paillardent apres les idoles de
leurs concupiscences, pressans les vestiges des Iuifs
rebelles dont parle Ezechiel. Ce n’est pas tout, ils
percẽt les maisons par leur vivacité, & clairvoyance,
ainsi qu’vn Prophete fit la muraille du Temple
pour en descouvrir les biens, & les maux. Ce qui est
conforme à la verité mesme, veu que leur nez chasse

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de plus haut-vent que le meilleur chien de chasse,
afin de sousmettre, ou pouvoir sousmettre presque
chacun à leurs exactions par des artifices presque
imperceptibles, voire (ce qui est estrange) si ceux
qui traitent des choses naturelles, m’apprennent
que le Soleil de la nuict, mine, consomme, & ronge
les pierres, ils attirent & tirent, ou plustost exigent
l’huile d’vn caillou, d’vne pierre du pain, bref du
miel d’vn rocher, voire s’ils osoient & pouvoient
ils mettroient des imposts, & subsides sur le chemin
de Paradis, afin que tous ceux qui s’y rencontreroient
(fussent-ils en vertu de leur vœu, profession
d’vne estroite pauvreté, ne manians aucuns deniers)
n’y allassent point sans les payer. Ils ont fait & font
encore des extorsions si tyranniques sur le peuple,
(qu’on voit grever de toutes parts) qu’ils ont fait
souslever plusieurs pays contre la Majesté des Oints
du Seigneur, allumans par tout le flambeau du
trouble, qui de son embrazement a pensé reduire
les mesmes pays en cendre, sans que leurs cœurs
ayent esté attendris, & s’ils osoient piller les morts
(apres auoir pillé les vivans) pour profiter de leurs
suaires, linceuls, ioyaux, cercueils, bieres, caisses,
tombeaux, epitaphes (principalement où il y a de
l’or, & de l’argent) voire prendre iusques sur les
Autels, ils le feroient librement sans avoir pitié ny
horreur de ces ravages abominables. Ils font semblant
d’ignorer que le peuple est comme l’herbe du
Basilic, qui rend vne bonne odeur quand on la manie
doucement, & qui fait des scorpions quand on

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la frotte avec rudesse. Il y a plus, leurs iouës se voïent
rouges ou vermeilles, non pour faire paroistre leur
douceur, & modestie, mais leur courage rude, &
mauvais ou bonne chere, respirans ordinairement
le sang humain ou celuy de la terre (c’est ainsi qu’vn
ancien qualifioit le vin.) Ils ont des dents (qui sont
armes, & flesches) & en ayans trois rangs aussi bien
que le second animal de Daniel, ils brisent les choses
plus solides, & materielles. Leur bouche y contribuë
beaucoup, estant si longue & large, qu’on la
peut comparer à la gueule de ce Behemoth engloutissant
des fleuves, & qui les laisseroit faire ils ne
mangeroient, & n’avalleroient pas seulement des
campagnes, prairies, vignes, bois, estangs, terres,
seigneuries, bourgs, villes, provinces, mais des
Royaumes entiers, voire tout le monde. Leur langue
se trouve aussi double que celle des veaux marins,
plus aiguë qu’vn glaive, venimeuse, & mortelle
que celle d’un serpent à trois fourchons fort deliée,
noire, fretillante, bien preste à donner le coup,
& en vn mot, participe de cet element qui est symbole
de perfidie, & d’inconstance : car ils parlent
ordinairement dans vn cœur, & vn cœur, mais cœur
de pierre, signe d’endurcissement, comme celuy de
ces Iuifs mescognoissans, dont parle Ezechiel en
ses mysterieuses revelations. A cette cosideration
ils posent, & supposent des pertes exhorbitãtes, gardans
le vray registre, & monstrans le faux, afin d’avoir
des rabais, & diminutions du tiers, quart,
quint, ou à estre receus à compter, ainsi que de

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Clerc à Maistre (ce sont termes de l’art) sauf à donner
la paraquante à tel ou à tels, à telle ou à telles
qu’il appartient, & la haine qu’ils portent au monde
est si enragée, qu’elle se nourrit de ses souspirs,
& s’entretient de ses pleurs, pour contenter leur insatiable
avarice ; & par un outrage fait à nature, la plainte,
& la crainte d’étre apauvris où ruinez par leurs oppressions,
a esté un crime afin de monstrer jusques à
quel point d’insolence ils en sont venus. Aussi à n’en
point mentir, les Aspics, & les Serpens, ont moins de
fiel, qu’eux capables de commettre des méchancetez
aussi noires, que pourroient faire les esprits de l’abisme.
I’adiouste qu’ils frustrent du droit d’avis par un
trait d’insigne perfidie, injustice, méconnoissance,
fripponerie, & audace : celuy qui leurs aura mis entre
les mains, quelque affaire bonne (où estimée telle
d’eux) apres auoir retenu ses memoires, & instructions,
luy faisans accroire, que Monseigneur le Sur-Intendant
des Finances ne l’aura trouvée de mise, &
pour se garantir de l’asseurãnce qu’ils lui aurõt par fois
baillé par écrit, la feront reussir par un, leur confident,
renversans la proposition par vne subtilité d’esprit,
non moins admirable que frauduleuse ; tellement
qu’ils avalent les mensonges, & les parjures avec
plus de douceur qu’un bon biberon ne feroit un vin
delicieux, où s’ils gardent la parole à un mesme donneur
d’avis, ce ne sera qu’en partie, & quelquefois
apres qu’ils luy auront fait faire plusieurs écritures,
employé le meilleur de ses années, fait divers frais,
interessé sa santé, perdu son temps, &c. ne luy offriront

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pas un verre d’eau froide, afin de gagner la vie eternelle,
sous pretexte que l’affaire n’aura pas reüssi, bref
ils se monstreront prodigieusement avares, & cruels
en son endroit. Et ne se contentans pas d’exercer telle
inhumanité vers un donneur d’avis, s’il leur faut
mettre quelque somme de deniers és coffres du Roy,
ils tâcheront (s’ils peuvent) à mettre, & faire passer
partie de monnoye fausse, alterée, corrompuë, étrangere,
& si quelqu’vn à vne assignation à prendre sur
eux, apres l’avoir tenu en des langueurs, & longueurs
capables de faire perdre patience au miroir de la patience
mesme, luy en feront quicter une partie pour
avoir l’autre, encore faudra-il que le Commis qui
baille l’argent ayt la main graissée, & en d’autre rencontre
pour se depestrer de luy, luy bailleront une assignation
à prendre sur Ianvier, Fevrier, & Mars,
bien qu’il ayt rendu de longs, & fideles services à la
Couronne. Et mettans toutes leurs pensées à fouler
aux pieds la Iustice (ores qu’elle soit la base d’un
Estat) ils excedent les baux, traittez, & marchez
faits par eux avec Nosseigneurs du Conseil d’Estat,
& afin de tromper plus accortement sa Majesté, ils
profiteront de son argent qu’ils mettront sur la Place,
Banque, & plusieurs d’entr’eux sont Financiers Partisans,
& Partisans-Financiers, tenans de la nature
des Centaures. Ce qui est contre la disposition des
Ordonnances, & comme ils ont l’esprit plus noir
qu’un spectre, aussi prennent-ils un forfait. [Forfait
est un terme Partisanesque, & c’est quand un Partisan
prend une affaire pour trois, quatre, cinq, six & sept

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cens milles liures à ses risques, perils, & fortunes,
avec la remise du tiers, quart, quint, &c. suivant la nature
de la mesme affaire.] avec une remise avantageuse
sous un personage déguisé (par eux cautioné) auquel
ils font commettre, pour le faire valoir, des forfaits si
grands en nombre, estranges en leur espece, & deplorables
pour les mal heurs, & desordres qu’ils apportent
à leur patrie, que l’Enfer n’en conseilleroit
point d’autres aux damnez. Aussi l’on sçait trop
mieux qu’ils n’imitent les plus cruels Tyrans de l’Antiquité.
Ils ne faisoient arracher les yeux n’y le cœur
à ceux qu’ils faisoient tourmenter, afin que la liberté
de se plaindre naturellement acquise aux affligez,
leurs restast au moins dans la souffrance de leurs
cruels tourmens, où au contraire ils voudroient que
tous les François n’eussent point d’yeux, ny de cœur
pour ne pleurer, & n’avoir le sentiment des miseres,
& calamitez esquelles ils les plongent. Il y a plus, non
contens de ravir leurs biens, ils les font quelquefois
griefvement exceder, & battre par une rigueur tres-impitoyable.
C’est chose averée d’un chacun ; que s’il
y a tant d’inhumanité en leur proceder, il n’y a pas
moins encore d’irregularité, veu que par une bijarrerie
méchante, & méchanceté bijarre, ils ne se soucient
aucunement de la malediction épouvantable
que le Prophete Evangelique va prononçant contre
ceux qui disent le mal estre bien, & le bien mal, qui
mettent les tenebres pour la lumiere, & la lumiere
pour les tenebres, prennent la chose amere pour la
douce, & la douce pour l’amere ; car tout ce qui est forcé

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& contrainct ils, le trouuent bon pour eux, & ce
qui est libre, & volontaire (bien que juste, & raisonable)
ils le rebuttent D’où je conclus que si le B. François
de Sales Evesque de Geneve, grand Directeur de
la vie Spirituelle, asseuroit que celuy qui avoit l’esprit
de douceur, & mansuetude, avoit l’esprit de Dieu, eux
à l’opposite ont l’esprit de Beelzebuth, d’Asmodée,
d’Astaroth, & de tous les malins Esprits, puisqu’ils
ont celuy de cruauté, & barbarie, n’ayans rien d’humain
que la figure, & la peau. C’est chose difficile à
croire, mais pourtant fort veritable, qu’ils ont quatre
oreilles, ainsi que l’Apollon des Lacedemoniens, au
rapport de Pierius, & beaucoup plus, où quoy qu’il
en soit, souhaittent d’en avoir, les fermans toutefois
ainsi que l’Aspic à la voix de celuy qui chante, pour
les prendre en esprit de verité, ou verité d’esprit, & à
cét effect font profit de tout ce qu’ils voyent, oyent,
& entendent, tracassans, rodans, courans, ou faisans
tracasser, roder, courir, autour, & dans les
Villes, ruës, places, foires, marchez, hostelleries,
tavernes, cabarets, berlans, reduits, bordeaux, &c.
faisans, chercher ou cherchans, à guise de Lyons rugissans,
quelqu’un pour devorer. Mais ce qui surpasse
encore toute creance, est qu’on leurs void plus de
mains que Briareé, ce qui est dit (si l’on veut en autre
sens) pour leurs commis, facteurs, emissaires,
factotons, mouchars, espions, &c. qualifiez par l’Orateur
Romain avec non moins d’elegance que de
proprieté, en l’une de ses Verrines maids, qu’ils garnissent
fort bien sous un specieux pretexte de garnir celles

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du Roy. Et ce qui est digne de pitié, elles sont
plus rauissantes que celles d’harpies, & leurs pieds
crochus à l’instar de ceux d’vn Gryphontres amateur
de ces metaux, qui n’ayans point de prix le donnent
à toutes choses. On cognoist par là qu’ils thesaurisent
iniquité, & rapine en leurs maisons, maisons,
dis-je, où l’on voit vne marmite boüillante,
non pas en vision comme le Prophete Ieremie, mais
en realité, & pleine de viandes exquises pour contenter
pleinement leur friande gloutonnie. Ce qui
fait croire indubitablement qu’on n’y mange pas le
foing à l’imitation de Nabuchodonosor debouté
des hommes, mais le peuple qu’ils deuorent, ainsi
que l’Escornifleur du railleur Lucian faisoit les mets
delicieux de ceux qu’ils escornifloit. Aussi imitans le
Lyon d’Ezechiel, ils ont appris à deuorer les hommes
auec plus d’appetit que les Israëlites, ne faisoient la
manne au desert, faire des veufues, & des orphelins,
mettre la desolation, & l’espouuante dans les païs,
faire venir les citez en desert ; bref d’operer en sorte,
que la terre auec le contenu d’icelle soit desolée par
la voix de leur rugissement horrible, & plus lamentable
que les lamentations de ce lamentable Prophete,
qui lamenta iadis si amerement la ruïne de la ville
de Ierusalem. Qu’ainsi ne soit, vers le temps des vendanges,
ils font tres-expresses inhibitions, & deffenses
aux manans, & habitans de la campagne, des
hameaux, villages, bourgs, de vendre aucuns raifins,
bien qu’ils n’ayent souvent moyen de faire vendanges,
ou quoy qu’il en soit ayent fort peu de vignes,

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faisans mentir la regle de droict Ciuil, & Canon, portant
que chacun doit estre iuste œconome, maistre,
& dispensateur de son bien, & sans que plusieurs à
l’insceu de ces gens tyranniques en apportent és villes,
on ne mangeroit point du fruit exquis qui fait &
compose ce breuvage, réjoüissant les hommes : &
on prendroit les François pour des Nazareens. Pour
l’eau de la mer cuite par la chaleur du Soleil (s’entend
le sel) ils forcent & contraignent les païsans, & autres
de prendre & d’achepter la moitié, le tiers, le
quint, plus ou moins de sel qu’il ne leurs en faut pour
la provision de leurs maisons : tellement qu’où il est
perdu, où ils n’osent le vendre à peine de grosses
amendes &c. Mais ie ne puis obmettre desleuées de
sommes de deniers effroyablement prodigieuses
qu’ils font en vertu d’Arrests supposez, d’Edicts
feints, faux Roolles &c. La preuve s’en voit dans le
Iournal, contenant tout ce qui s’est passé aux Assemblées
des Compagnies Souveraines de la Cour du
Parlement de Paris en l’année 1648. voicy les propres
termes, page 91.

 

Du Vendredy 4. Septembre.

CE iour sur les huit heures du matin, Monsieur
de Broussel a rapporté vne Requeste pour vn
Sergẽt, cy-deuant employée par Cathelan & Tabouret,
au recouvrement de quelques Taxes, lequel demandoit,
& s’est rendu denonciateur contr’eux, d’auoir
fait des recouvremens sur de faux Roolles, &

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d’avoir desrobé plus de deux millions de livres, dont
il a esté informé, & sur l’information decreté, adjournement
personel contre Cathelan & Tabouret, & de
ce non content, le denonciateur a demandé qu’il luy
fust permis de saisir & arrester leurs effets comme
des gens fugitifs, & qu’ils receloient en des maisons
particulieres. que le denonciateur offroit d’indiquer.
Sur cette Requeste a esté donné Arrest, par lequel il
a esté ordonné que le denonciateur nommeroit à
Monsieur de Broussel Rapporteur, les maisons où il
pretend lesdits Cathelan & Tabouret avoir recelé
leurs effets, pour à la discretion dudit Commissaire y
estre saisis, & arrestez, & en faire apport à la Cour,
ainsi qu’elle jugeroit à propos &c.

 

On n’ignore aussi aucunement qu’ils ont mis le
pied sur la gorge quasi d’vn chacun, & ont reduit à
vne si triste, & rigoureuse necessité les vns, qu’ils ont
esté contraints d’abandonner leur Patrie pour aller
servir és pays estranges en des conditions sordides,
& indignes de leur courage : les autres ont demeuré
dans la France cherchans leur miserable vie, n’ayans
pour retraites que des hospitaux, ou des granges, ou
des mazures, ou des cavernes sousterraines, & obscures
qui leurs ont servy presque de tombeau, comme
s’ils n’estoient plus entre les vivans, & en cette façon
ne viuans pas, mais languissans : leur esprit agité de
mille inquietudes, & à tous momens cõbattu de mille
apprehensions, leurs a rendu la vie plus affreuse que
toutes les morts, puisque leur vie n’estoit pas vie, mais
vne mort vivante ; les vns n’ont eu dans leur pays natal

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bien petitement que l’vsage de cét aliment, non
moins commun que necessaire à l’entretien du corps,
& beuvoient simplement vne boisson, dont l’vsage
est permis à tout le monde, qu’ils mesloient avec leurs
larmes, vsans tres-rarement de ce delicieux breuvage
qui réjoüit les cœurs melancholiques ; les vns ont
esté sur le point de quitter le sejour de leur naissance,
exposez aux oppressions insolentes de ces Demons
incarnez, qui ont exercé en leur endroit des cruautez,
& pilleries que les ennemis de l’Estat ne voudroient
auoir fait, les vns reduits à vn funeste desespoir, ont
eu quelquefois l’envie de finir leurs iours par vn licol,
ou se precipiter dans les rivieres ou des abismes plus
espouvantables que s’ils tomboient du haut des rochers
dans le profond de l’Ocean, pour chercher auec
la fin de leurs iours celle de leurs maux, les autres succombans
sous le faix de leurs afflictions inconsolables
ont perdu patience, & ne pouvans subsister dauantage
ont esté mis avec violence, & animosité en
des prisons, & traictez comme des malfaicteurs, leurs
ayans fait payer malaisément comme Aisez, ce
qu’ils ne pouvoient de leur chef, ou pour d’autres :
tellement qu’il n’estoit loisible de vivre à leur aise,
mais seulement de mourir : voire ces gens barbares
leurs ont souvent envié l’air qu’ils respiroient avec liberté ;
les vns n’ont eu aucune demeure asseurée, mais
ont passé le reste de leurs années allans de pays en
pays comme Egyptiens, & Bohemiens : enfin les autres
dans les bois, & ailleurs ont servy de pasture avec
leurs femmes, & enfans aux bestes farouches : & la

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nuict, qui donne le repos aux hommes, n’avoit pour
eux que des chagrins, & des soucis, qui les rongeoient
comme le ver fait dans vn coffre les habits, &
les forçoient de veiller presque incessamment, & ce
qui a esté inoüy aux siecles precedens, au lieu que
cette Iliade de miseres devoit esmouvoir ces gens de
sac, & de cordes à commiseration, elle les a réjoüy, &
excité à les trauailler encore plus, afin qu’ils fussent cõsommez
de langueur, comme l’herbe des prez que
le Soleil a fanée, ils auoient leur peau flestrie, & leur
visage blesme tesmoignans qu’ils n’avoient plus de
sang dans leurs veines, ny de vie en leur cœur, &
leurs membres estoient aussi desfigurez, & secs que
squeletes. Voila comme ils ont traité depuis plusieurs
années mille & mille, & mille François, qu’ils ont
moins estimé que les bouchers ne font les bœufs, &
les moutons qu’ils tuënt pour vendre à la boucherie.
Nonobstant tout cela, leurs festins ne cedoient en
magnificence à ceux d’vn Lucullus, parfois en impureté
à ceux d’vn Tybere, puisqu’ils y pratiquoient
des impudicitez capables de faire rougir les tenebres
qui leurs servoient de voile. Aussi à vray dire leur chair
estoit comme la chair des asnes (dediez à Priape
Dieu des Iardins) leur flux comme le flux des chevaux
y nageans dans le vin, la chair cuite (& cruë)
leur chaleur faisoit aisémẽt cõnoistre qu’on ne s’y taisoit
pas, ainsi qu’au banquet des sacrifices d’Oreste ;
mais la confusion des langues, & du babil y regnoit
en si haut appareil, qu’elle n’en deuoit rien à celle de
la tour de Babel, y traitans des moyens plus commodes

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pour ruïner ou incommoder chacun. C’estoient
les plus ordinaires sujets de leurs entretiens, railleries,
& discours. La sensualité y dominant, & la raison y
estant en éclipse par leurs raisons desraisonnables, &
santez souvent malsaines, le Dieu Bachus (auquel ils
aiment à sacrifier) leur deslioit la langue, afin d’y
deschirer la reputation des gens de tout aage, sexe,
condition, mais sur tout des sçavans qu’ils mesprisoient,
bien qu’ils soient les Herauts des grands personnages,
qu’ils font vivre en la memoire de la posterité.
Ie n’obmets aussi principalement celle des gens
de Iustice (bien qu’ils fassent en terre ce que Dieu fait
dans le Ciel) qu’ils apprehendoient, & apprehendent
encore plus qu’ils n’affectionnent, veu que s’ils pouvoient
rendre la Iustice mesme prisonniere, fust-elle
accompagnée de Roys, Ducs, Legislateurs, Presidens,
Conseillers, Advocats, &c. comme l’ingenieux Delben
(qui a fait toute la Philosophie morale d’Aristote
en excellens tableaux) la represente, ils le feroient
franchement, afin de voler avec impunité. Et la cause
de cette particuliere aversion (à ce que i’ay appris) est
qu’ils les ont fait, & font quelquesfois dancer en l’air
par Iean Guillaume, Maistre fort expert en ce genre
de dance heteroclite, somme qu’ils trouvent leur abbaissement
dans la Balance : mais le portans fort haut,
il seroit à desirer en faveur de leur exaltation, que leur
gibet fust de cinquante coudées aussi bien que celuy
du superbe Aman, qui vouloit faire mourir l’innocent
Mardochée. A raison dequoy l’Epaminondas de la
France (dont les traits du visage, & ses armes tesmoignent

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son integrité rare, qu’il accompagne du zele du
progrez d’vn chacun) disoit avec beaucoup de verité
que pour vne pistole de corde (ie dirois encore moins)
il feroit venir vingt millions de livres dans les coffres
du Roy, pourveu qu’ils ne ressemblent point aux tonneaux
des Danaïdes, dans lesquels on met tousiours,
& ne sont iamais pleins pour estre perçez : car de
temps immemorial ces gens ravissans ne se soucient
de cette iudicieuse maxime tirée du Chancelier du
Roy Theodoric, Qu’il n’y a rien de plus pernicieux
que d’estre pauvre dans vn Empire. On peut coniecturer
(afin de retourner à mon discours duquel ie
m’estois vn peu destourné, & pour cause) que les
susdits banquets n’estoient faits parmy les pleurs
comme ceux d’Abraham lors qu’il circoncit son fils
Isaac, parce qu’ils imitoient ces Epieuriens, qui disoient
dans l’Autheur de la Sapience, [Couronons-nous
de roses consacrées à la Deesse des Amours,
avant qu’elles soient flestries. Qu’il n’y ait aucune prairie
où nostre luxure ne passe. Nul de vous soit exempt
de nostre réjouïssance. Delaissons par tout des signes
de liesse : car cette est nostre part, & cette est nostre
sort : foulons le pauure iuste, & n’espargnons point
la veufve &c.] Et si vous lisez le vingt-quatriéme chapitre
de Iob, qui descrit fort elegamment la vogue des
meschans, vous y trouverez leur vie naifvement descrite,
il n’y a que leurs noms à mettre. Cela me fait
croire certainement que leur estomach est aussi gourmand,
avide, & chaud que celuy d’vne Austruche,
l’experience faisant voir iournellement presque à chaque

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instant cette verité, lors qu’ils digerent le fer,
le plomb, l’acier, l’airain, l’estaing, le vif-argent, &c.
mais sur tout l’or & l’argent, pour lesquels ils ont vne
faim, & vne soif plus insatiables que n’eut iamais
Midas aux oreilles d’Asne. Au moyen dequoy il ne
faut s’esbahir si dans leur ventre aussi bien que dans
leur bource, il y a vn infiny (volontaire) pour & en
nature contre nature mesme. Pour le rassassier ils suiuent
le chemin de mensonge, imitans ces faux Prophetes
esquels le dolent Ieremie vit la similitude des
adulteres. Quant à l’esprit ils l’ont sterile (en vertu)
beaucoup plus que sablon de la mer : mais si fertile en
supercheries, cauteles, fraudes, &c. qu’ils prendroient
aisément à la pipée des Diables, desquels ils ont les
griphes, & dauantage souvent les cornes, pour le
port desquelles ils sont obligez à Mesdames, & Mesdamoiselles
leurs femmes, qui tenantes de la Planete
de Venus les logent dans le signe du Capricorne.
C’est pourquoy la conversation de ces Acteons cornus
ou autres de leur cabale ressemble vn sel affady,
plus convenable à corrompre qu’à conseruer les viandes
où il se mesle. Pour faire voir plus manifestement
ces veritez en leur iour, tenez pour certain que s’ils
vous rient c’est coustumierement pour vous faire
pleurer apres : s’ils vous frequentent c’est pour descouvrir
les secrets de vostre interierieur : s’ils vous aiment
(en apparence) c’est pour vous haïr, & trahir
à leurs bons poincts & aisemens : s’ils s’assujettissent
à vous, c’est afin de vous maistriser, & encore mespriser :
s’ils vous gagnent ou taschent de vous gagner,

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c’est à l’effect de vous perdre : s’ils vous embrassent,
c’est pour vous offençer ou faire mourir, suivans les
pas de ces Philetes, dont Seneque faict mention : s’ils
vous rendent honneur, c’est en intention de vous
deshonorer : s’ils vous applaudissent, c’est à dessein
de vous pelauder (s’entend s’il est possible) s’ils vous
font du bien c’est afin de vous faire du mal : s’ils mangent
& boivent avec vous, c’est pour vous manger &
devora les compagnons d’Vlysse, & la grace plus singuliere
qu’ils vous feront ou pourront faire, est qu’apres
avoir mangé vos parens, aliez, amis, &c. ils vous
mangeront ou tascheront de vous faire manger le
dernier, ainsi que cét ingrat, cruel, & brutal Cyclope
asseura le mesme Vlysse qu’il luy feroit, pour le
remercier du bon vin Maroneen dont il luy avoit fait
present, s’il n’eust euité par sa prudence ce coup fatal
à sa ruine, lui crevant l’œil : Voire puis qu’il faut
attendre toutes choses extrémes de ces gens irreguliers,
inhumains, &c. pour en estre capables ils se
devorent les vns les autres par vn inoüye & prodigieuse
barbarie, ainsi que les grands & gros poissons
font les petits : enfin pour dire beaucoup en peu de
de mots, ce sont (à divers respects) gens de fer, de
feu, d’eauë, de pierre, de chair, de sang, de bouteilles,
de sac, de cordes, &c. soit qu’on l’entende
formellement (c'est à dire, qu’ils ne valent pas grand’chose,
voire rien du tout) ou materiellement qu’ils
aiment outre mesure les sacs & les cordes, pourueu
qu’il y ayt beaucoup d’or & d’argent dedans. Et pour

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l’acquerir, & conserver ils se font si monstrueux, qu’en
leur corps seul ils ramassent la ferocité du lyon, la
volerie de la choüette, la cautele du renard, la malice
du singe, la brutalité du Lestrigon, l’envie du chien,
la gloutonnie du loup, la superbe du paon, la lasciveté
du satyre, la cruauté du tygre, la trahison du crocodile,
& pour faire court la haine, & le venin du serpent
contre l’homme : de maniere qu’ils foulent aux
pieds l’amour de Dieu (avec sa vive image le Prince)
& du prochain. I’ay appris de gens dignes de foy, que
plusieurs d’entr’eux ont asseuré avec vne impieté sacrilege,
qu’il falloit tourner le dos à Dieu (ce sont leurs
termes) durant trois, 4. 5. 6. 7. 8. plus ou moins d’années
pour les sacrifier à l’interest propre, qu’ils adorent
sans craindre le iugement redoutable du Souverain,
duquel ils n’ont pas lettres expediées en la Chancellerie
de son Royaume eternel d’estre au mõde quand
ils voudront retourner à luy. Aussi croyent-ils seulement
en luy par benefice d’inventaire, ou s’ils le connoissent
ils ne le cognoissent, & glorifient pour tel
qu’il est, & ne luy rendent graces, mais ils s’esvanoüissent
en leurs pensées, & leur cœur destitué d’intelligence
est remply de tenebres : Car se disans estre sages
ils sont devenus fols ; & changent la gloire de
Dieu incorruptible, & des oiseaux, & des bestes à
quatre pieds. Et la cause de tous ces desordres criminels,
est qu’ainsi qu’ils n’ont tenu compte de reconnoistre
Dieu, Dieu les a livrez en sens reprouvé, pour
faire choses nullement convenables. Estans remplis
de toute iniquité, palliardise, meschanceté, avarice,

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mauvaistié, envie, meurtre, noise, fraude, malignité,
detraction, haine de Dieu, orgueil, rapport, vanterie,
invention de maux, sans ordre, sans affection sans misericorde,
sans entendement (à ce qui est des choses
du ciel, & de l’esprit) & plusieurs autres maux, que le
vaisseau d’eslection va descrivant, & qui se peuvent
appliquer à eux : maux, dis-je, qui les rendent dignes
de mort, & n’ayans point connu la Iustice de Dieu,
ils n’ont point entendu que ceux qui les font sont dignes
de mort, mais aussi ceux qui favorisent à ceux
qui les font. Bien que la bonne conscience soit infiniment
souhaittable, neantmoins ce sont des Caïns reprouvez,
qui pour vne escuellée de lentilles (c’est à dire
pour vn peu de bien) renieront librement le Baptesme
qu’ils ont eu, & renonceront au droict de primogeniture
qu’ils ont pouvoir d’avoir en la maisõ du Pere
Celeste. Ils n’ont autre soucy, sinon que le monde
les estime heureux, & quand ils prennent leurs plaisirs,
ils n’aiment d’ordinaire que ceux qui les y entretiennent,
leurs proposans des nouveaux moyens afin
d’y satisfaire, & dans cette satisfaction ils se rendent
pareils aux animaux irraisonnables, qui ne s’arrestent
qu’aux objets du corps. C’est de la sorte qu’ils vivent
en leurs maisons, qui en commodité d’vsage, decoration,
& symmetrie surpassent parfois celles des Roys
basties de la sueur, du sang, & de la substance du peuple,
& tant dedans que dehors ils regardent d’vn œil
desdaigneux le reste des hommes pour avoir le Soleil
des metaux renfermez à foison dans leurs coffres.
Sans doute s’ils faisoient vne serieuse reflexion sur, &

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dans eux mesmes, ils apprendroient qu’ils sont pestris
de l’argille d’Adam, & que la pluspart d’entr’eux sont
d’vne fort basse & obscure naissance, ayãs au reste pour
patron le Thresorier du College Apostolique : car ce
larron-traistre, ou traistre-larron, voloit tousiours
quelque chose de ce sacré depost que Nostre Seigneur
luy avoit mis confidemment entre les mains. Aussi
iront-ils avec luy en ce lieu tenebreux où il y a pleurs
& grincemens de dents : & il m’a esté asseure par gens
d’authorité, dignes de creance, & qui ont beaucoup
de credit en l’autre monde, qu’vn Partisan voulut
dernierement forcer les portes de Paradis (comme
tels gens sont insolens, choleres, prompts, & veulent
tout emporter de haute lutte), mais Monsieur S.
Pierre qui la gardoit luy bailla vn si grand coup de ses
clefs sur la teste qu’il le blessa griefvement, & pour
cette blessure il se retira en haste grondant de despit,
& sur la retraite il fut grippé par cinq ou six Diables,
qui en firent vne gorge chaude, les estimans leurs plus
frians, & delicats morceaux pour estre gros, & gras
de la substance d’vn chacun. Au demeurant si vous
desirez sçavoir quels sont leurs vestemens apres avoir
descrit leurs corps, leurs ames, & leurs esprits) vous
sçaurez qu’ils se vestent d’habits plus mouchetez que
la peau d’vn tygre. Ce qui represente les differens personnages
qu’ils ioüent en la societé civile pour s’enrichir.
Ie leurs en ay veu ioüer de toutes sortes, mais
ils avoient grand’peine à contrefaire celuy d’vn homme
de bien, qui estoit, & est encore parmy eux, presque
aussi rare qu’vn Phœnix, & Diogene le fallot avec

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sa lanterne, auroit autant de peine d’en trouver vn
qu’il avoit à trouver vn homme en plain iour parmy
le peuple d’Athenes. Des mœurs, & façons de faire
si extravagantes, desnaturées, execrables, traversieres,
anomales, animales, &c. ont meu Quevedo à les qualifier
energiquement (enfans naturels des Diables) dont
ils ont l’esprit, le Garzoni à dire (Quando si ragiona di
dacieri par’ che si nomini il Diavolo dell’ inferno, e peggio)
parce que le Diable fuit la Croix, & eux la desirent
passionément quand elle est gravée en la monnoye,
le favory de l’Empereur Severe à les accuser de
temerité nompareille, voulant que les loix animées la
repriment de tout leur possible pour leurs factions &
menées, Suidas à soustenir qu’ils menent vne vie pleine
d’asseurance libertine, exercent vne rapine irreprehensible
(puisqu’avec ruse ils se servent de l’authorité
du Roy, aimé & honoré d’eux simplement par interest,
afin d’appauvrir, & opprimer impunément ses
sujets) ont vne avarice effrontée, & sale, font vne negotiation
desraisonnable, & vn commerce que la honte,
& la modestie n’accompagnent point, finalement
Iean de Salisberi d’asseurer en cette non moins gentille
qu’elegante description des membres du corps
Politique (c’est l’Estat) conferez à ceux de celuy de
l’homme, qu’ils sont les intestins, dans lesquels il y a
ordinairement force excremens. Pour abreger en plusieurs
lieux du texte sacré les publicains, ou partisans,
& les pecheurs sont ioints ensemble par droict de fraternité,
& le plus signalé reproche (ores qu’à tort) que
les Iuifs firent au Sauveur du genre humain en la presence

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duquel le salut de leurs ames fut mis en compromis)
estoit qu’il frequentoit ces sortes de gens, mais
il leurs fit cette response iudicieuse, & salutaire, qu’il
estoit venu sur terre pour appeller à conversion ceux
qui avoient fait banqueroute à la vertu, & non les iustes,
ceux qui joüissoient de la santé n’ayans besoin de
medecin, mais les malades. Quant à moy ie les estimes
pires que l’ennemy commun de Dieu, & des
hommes : car il demande seulement l’ame, & eux
prennent, ou afin de dire mieux, font prendre (& encore
perdre) le corps, l’ame, & les biens presque toûjours
conjointement. Au moyen dequoy on les qualifie
sang-suës, & pestes d’vn pays, pour bastir (ordinairement
parlant) leurs fortunes autant insolentes
que prodigieuses sur l’infortune d’autruy, & à ce sujet
sont plus chargez d’anathemes, & maudissons que
le bouc emissaire du desert qu’on chargeoit en la loy
Mosaïque des pechez du peuple. Mais les mesmes fortunes
ne sont si bien cimentées, vnies, & stables que
nids d’Alcions, qu’on sçait estre à couvert des orages,
& tempestes de la mer : car elles sont plus sujettes au
changement que l’Astre qui preside à la nuict, dont les
Astrologues ont bien de la peine à regler les mouvemens
excentriques & concentriques. Aussi pourra-on
dire de chacun d’eux en leur faillite, & ruïne totale
avec David [I’ay veu le meschant haut exalté, & esleué,
comme les cedres du Liban. Et i’ay passé outre, &
voicy il n’estoit plus, & ie l’ay cherché, & son lieu n’a
point esté trouvé] de façon qu’il ne peut dire avec ce
personnage, qui fut canonisé de la bouche mesme du

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Seigneur, pour estre le plus sainct homme qui fust lors
sur la terre (le mourray en mon petit nid, & multiplieray
mes iours à guise de la palme) mais laisse à la
posterité vne damnable memoire de son nom, & de
sa vie corrompuë, & rapineuse. C’est la verité de ces
dires, que feront paroistre les Conservateurs de l’Estat,
empeschans de tout leur possible que ces ennemis
ne mettent en desolation la Monarchie Françoise.
Ce qui les obligera d’opposer la severité des loix
aux maux infinis qu’ils luy ont procure, & procurent
iournellemẽt pour en arrester le cours malheureux. Ie
les en coniure humblement par tout ce qui est de sacré
au ciel, en la terre, & les en prie avec les plus tendres
ressentimens de mon cœur. Ce sera vne action
digne du spectacle des Anges, & de l’admiration de
tout l’Vnivers. Chacun souspire apres son accomplissement
avec plus d’avidité que la terre alterée par vne
longue secheresse, ne souhaite la pluye. Et afin qu’ils
fassent au plustost cét Arrest avec maturité, deffendant
la cause du peuple, qui a des tendresses admirables
d’amour pour son Roy, fassent si iustement moderer
(par iustice ou charité, ou l’vne & l’autre ensemble)
les charges du passé, que cette moderation rende
sa Majesté secourable à ses sujets, formidable à ses
ennemis, honoré de ses confederez, & necessaire à
tous brossasse dessecher des millions & millions de
larmes (qui sont les sacrifices des supplians) ie prieray
le Roy des Roys qu’il les assiste, authorise, & fortifie
puissamment, faisant reposer sur eux l’Esprit de Sapience,
& d’Entendement, l’Esprit de Conseil, & de Force,

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l’Esprit de Science, & de Pieté &c. car tout ainsi qu’vn
quadran ne sort de rien, sinon quand le Soleil bat dessus,
afin d’y pouvoir apprendre l’heure. De mesme
l’homme ne peut, avoir vne vrave lumiere dans le
commencement, progrez, & fin d’vne affaire, s’il n’est
illuminé du Soleil de Iustice. C’est ainsi que Malachie
qualifioit le Iuge souverain des vivans, & des morts,
Il le fera infailliblement, s’ils sont plus terribles à nos
Anthropophages qu’vne armée rangée en bataille
Quand ces gens de [1 mot ill.], cordes, [1 mot ill.] seront punis suivant
l’enormité de leurs crimes, ils auront tousiours
vn bien qu’ils n’ont pas, sçavoir sa souffrance du supplice,
laquelle comme œuvre de iustice est bonne.
C’est vn sacrifice fort agreable au Dieu des vengeances
que le chastimẽt des meschans [Ie mettois à mort
au matin tous les pecheurs de la terre, dit le Psalmiste
Royal, afin que i’exterminasse de la cité du Seigneur
tous ceux qui font [1 mot ill.]] Ce qui tesmoignera que
ces sages du siecle portent leurs affections, & leurs
motifs au ciel, de mesme que la palme (symbol de
Iustice) son cœur, & sa force à son couppeau. Quoy
faisant, [3 mot ill.] accomplira, [L’ame des [1 mot ill.]
a crié, & Dieu ne les a point laissé aller sans estre
vangez.]

 

Leur malice a aveuglez, &c [1 mot ill.]

La patience des pauvres ne [1 mot ill.] point à la fin [1 mot ill.]

FIN.

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Demophile [1649], DESCRIPTION DES VIES, MOEVRS, ET FACONS DE FAIRE DES PEAGERS, Publicains, Maletostiers, Monopoleurs, Fermiers, & Partisans, non moins facetieuse, naïfve & veritable, que serieuse, & mystique, Composé par DEMOPHILE. , françaisRéférence RIM : M0_1059. Cote locale : A_2_31.