L. A. P. [1649], LE PANEGYRIQVE DV CARDINAL MAZARINI. Par L. A. P. , françaisRéférence RIM : M0_2662. Cote locale : B_13_66.
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LE
PANEGYRIQVE
DV CARDINAL
MAZARINI.

Par L. A. P.

 


Mazarin tu n’es qu’apparence,
Tu cache sous ton Eminence
Les ennemis de la vertu,
Miserable, à quoy songe tu ?
I’entends les plus enormes vices,
Il faut inuenter des suplices
Afin de te faire mourir,
Puis que tu tasche à nous destruire
Crois-tu qu’on n’oseroit escrire
Pour te faire bien-tost perir.

 

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T’imagine tu que la France
Souffre plus long-temps l’insolence
Qui te rend par tout odieux.
Ouure donc maintenant les yeux
Pour voir que ton ame endiablée
De toute malice comblée
Est plus horrible que l’Enfer,
Tu luy seruiras de Ministre,
Et ce peut estre à iuste titre
Cognoissant si bien Lucifer.

 

 


Tu luy ressemble en bien des choses,
Vos malheurs ont les mesmes causes,
Tu trouue ton contentement
A l’imiter parfaitement,
Si ton orgueil te precipite
Tu ne tomberas pas si viste
Que luy qui estoit bien aislé :
Mais i’oseray pourtant te dire,
Quoy qu’il seruist vn grand Empire
Que iamais il n’a rien volé.

 

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Tu es vn monstre d’auarice,
Il t’en a monstré l’exercice,
Ie crois que tu tiens tout de luy
Que sans son fauorable appuy
Et les effets de sa prudence
L’on t’auroit banny de la France
A cause du bien qu’on t’y veut ;
Que mesme les moindres canailles
T’auroient arraché les entrailles,
Les yeux, la barbe & les cheueux.

 

 


Pour moy ie te le dis sans honte,
Que s’il te falloit rendre conte
A ceux qui sont de mon humeur,
Ie te le dis de tout mon cœur
Qu’auant seulement de t’entendre
Promptement ils te feroient pendre
Pour auoir tant commis d’excez,
Ils t’enuoyeroient droit au suplice
Et lors qu’on t’auroit fait iustice
L’on feroit iuger ton procez.

 

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Va, va, Postillon de la Poste,
Il faut que le Diable t’emporte
Puis qu’on ne te peut plus garder ;
Oseroit-il bien l’hazarder ?
Non, puis que tu luy faisois honte,
Quand il verroit au bout du conte
Qu’il seroit moins meschant que toy.
S’il ne t’emporte, qu’il t’entraisne,
D’eust-il n’en rien dire à la Reyne,
C’est luy qui le dit non pas moy.

 

 


Où pense-tu qu’on te retire,
Quoy, dans l’Espagne ? dans l’Empire ?
A Rome ? à Venise ? en tout lieu
L’on croira bien seruir à Dieu
Si l’on te traite comme en France.
Tu dois penser, pauure Eminence,
Que tous ceux qui t’ont dit adieu,
Te voudrois voir aller au Diable
Pour apres escrire la fable
Que tu fournirois en ce lieu.

 

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Sauue-toy si tu me veux croire,
Puis que il n’y a plus rien à faire,
En France il n’y a plus d’argent,
On t’y refuse pour Agent,
Bref, l’on t’y haït plus que la peste,
Ioüe habilement de ton reste,
Pour sortir sans retardement,
Par le moyen de cette absence
Tu peu euiter la potence
Qu’on te destine au Parlement.

 

 


Efforce toy d’aller bien viste,
De peur qu’on ne suiue ta piste,
Si tu n’en peut venir à bout
On pourra t’attraper au bout
De ta trop funeste carriere,
Mets toy si tu peux dans la biere,
Ce moyen n’est point deffendu,
Car dans vne pareille affaire
Tout le meilleur est de se taire
Pour s’exempter d’estre pendu.

 

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Il ne faut pas que tu te plaigne,
Si l’antiquité nous enseigne
Que pour bien punir les voleurs,
Fourbes, adulteres, menteurs,
On les promenoit sur vn asne,
Et toy qui monte sur la cane
Tu leur peut donc bien ressembler,
Mais leur asne estoit d’Arcadie,
Ton oyseau est de Lombardie,
C’est pourquoy tu dois t’en aller.

 

 


Te faudroit brusler sodomiste,
Ie ne crois pas que tu l’euite
Icy bas ou bien dans l’Enfer,
Car de l’esteindre par le fer
On te feroit grande iniustice
De t’ordonner ce doux suplice,
Il vaudroit bien mieux t’embrocher,
Puis que tous les bourreaux te fessent,
Et ceux que tu as fait expirer par les fesses
N’auront rien à te reprocher.

 

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Tu es des plus abominables,
Le plus insolent des coupables,
On te traitte trop doucement,
Si i’auois le commandement
De satisfaire à ton merite.
I’en ferois si bien la poursuite
Que tu n’en rechapperois pas,
Car afin de t’arracher l’ame,
Le poison, le fer & la flâme
I’employerois pour ton trespas.

 

 


Quant à moy ie te le souhaitte
De la façon la plus parfaite
Qu’on puisse iamais inuenter,
Ie me veux auiourd’huy vanter
De t’auoir fait mourir au monde,
Mais ta malice sans seconde
Y doit viure eternellement,
Puis que ton Roy tu deshonore
Et que tout le monde t’abhorre
Auec tant de contentement.

 

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EPITAPHE.

 


CY gist dessous ce Pauillon,
L’ame insigne d’vn Postillon,
Qui nous faut nommer Mazarine,
Qui fut plus propre à la cuisine,
Plus adroitte à lecher vn plat
Que non pas à regir l’Estat.

 

 


Dans le Printemps de son enfance,
Il y auoit quelque apparence
Qu’il auoit du raisonnement,
Mais quoy son peu de iugement
Nous fait auiourd’huy bien paroistre
Qu’il est entré par la fenestre
Dans l’eminente dignité
Où nous l’apperceuons monté.

 

 


Il me semble que sa fortune
Qui d’vn illustre Postillon
L’a fait reuenir Estallon
Luy deuroit sembler importune,
Ie crois qu’en son tombeau pour vn grand Cardinal,
On n’y trouuera rien que le sors d’vn cheual,
Et s’il si rencontre autre chose
Ce sera par metamorphose.

 

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STANCES.

 


ON ne peut trouuer à redire
Si ie parle si librement,
En parlant veritablement
On n’en peut iamais assez dire.

 

 


Ce morceau semblera friand,
Il ne doit point paroistre estrange,
Car l’on est digne de loüange
De dire vray tout en riant.

 

FIN.

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