M. L. M. D. [1652], LE PERROQVET PARLANT A LA COVR, Qui descouure les faussetez, artifices & suppositions, commises par les principaux Officiers de Finance. Les moyens d’en retirer plusieurs millions d’or, apres vne bonne & solide Paix; & rendre le peuple comme il estoit du Reygne de Henry IV. Representé au Roy Louys XIV. par M. L. M. D. , françaisRéférence RIM : M0_2749. Cote locale : B_16_43.
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LE
PERROQVET
PARLANT
A LA COVR, Qui descouure les faussetez, artifices &
suppositions, commises par les principaux
Officiers de Finance.

Les moyens d’en retirer plusieurs millions d’or,
apres vne bonne & solide Paix ; & rendre
le peuple comme il estoit du Reygne
de Henry IV.

Representé au Roy Louys XIV. par M. L. M. D.

A. PARIS,

M. DC. LII.

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LE PERROQVET PARLANT
à la Cour, qui descouure les faussetez,
artifices & suppositions, commises
par les principaux Officiers
de Finance.

Les moyens d’en retirer plusieurs millions d’or,
apres vne bonne & solide Paix ; & rendre
le peuple comme il estoit du Regne
de Henry IV.

Representé au Roy Louys XIV. par M. L. M. D.

SIRE,

On cognoist bien à present que
Dieu a vn soing tres-singulier de
ceste Monarchie. Il sembloit es années passées qu’elle
d’eust tomber és malheurs des discordes ciuiles, d’où
il l’auoit tirée par le bras inuincible du Grand Henry
vostre grand Pere, & voicy que par la sagesse & prudence
de ceste incomparable Reyne vostre Mere, il
nous en a heureusement deliurez. Qui ne void donc
que pour accomplir en vous le bon heur de la France,

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il veut tellement benir vostre regne, que les peuples
recognoissent qu’il vous a fait naistre pour le bien
du Royaume, & verser sur vous tant de graces que
vous soyez appellé l’amour & le repos de vos sujets :
Afin aussi que la posterité, rauie au recit de tant de
merueilles que nous promet vostre regne, le puisse
nommer à bon droict le siecle doré, & dire que vous
aurez esté aussi bon que S. Louys, vostre premier
autheur, aussi vaillant que HENRY LE GRAND,
vostre progeniteur : Mais, Sire, parce que tous ces
tiltres à la verité vous seroient communs auec d’autres
Princes, il en reste vn grandement Royal, lequel
nul Prince, nul Roy, nul Monarque n’a peu encores
obtenir. C’est de Dieu dõné, qui vous est destiné,
& est bien necessaire que V. M. l’embrasse d’autant
qu’auec le Sceptre elle tient la main de Iustice :
Que dis-je ? Certes desia elle faict bien cognoistre
qu’elle le doit vrayement meriter : car en ceste si tendre
ieunesse où elle est encores, l’Vniuers remarque
par admiration, Ce qui est sans exemple en tous les
Roys, qui és siecles passez sont en vostre aage venus
au gouuernement de leurs Royaumes, à sçauoir vn
zele ardent à seruir Dieu, vn grand amour à vos peuples,
& sur tout vn affection entiere à la Iustice. Et
de là vient ce sainct mouuement qui procede sans
doute de l’esprit Eternel, que regit celuy de V. M. de
vouloir à l’heureuse entree de vostre Maiorite, donner
liberté aux Estats de vostre Royaume : de se venir
prosterner à vos pieds, les vns pour exposer leurs
plaintes & doleances, comme à leur pere, & les autres
pour vous seruir, comme leur maistre. Aussi

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tous y’accourent, & chacun à l’enuye apporte vne
pierre au bastiment de ce grand edifice de la restauration
de la France en son encienne splendeur & felicité.

 

Or, Sire, outre tant de graces & vertus Royalles
qui reluisent en vous, il n’y en a point qui vous concilie
plus l’amour de tant de peuples que de vous
voir suiure les traces & les pas de ce grand Roy
vostre pere, Roy qui ne se donnoit aucun relasche,
tousiours trauaillant, tousiours recherchant les
moyens d’establir & d’affermir le repos des siens,
le vostre mesme : & sans parler des grandes guerres
qu’il a heureusement menées pour sauuer son Royaume,
ny des belles loix & ordonnances par luy faictes
depuis ceste paix qu’il nous a acquise : (Car cela passe
tout discours, pour la hautesse du subiect.) V. M.
verra icy l’ordre qu’il auoit commencé d’establir pour
la bonne conduitte & legitime administration de ses
Finances, afin d’empescher les abus & maluersations
qui s’y commettent ordinairement par les Officiers
d’icelle, au tres-grand preiudice & dõmage de luy &
de toute la chose publique de son Estat : Ordre qu’il
auoit pris à cœur, (que ie vous donneray en suitte)
comme le nerf de la guerre, mais aussi le pilotis des
affaires d’vn Estat, par le moyen duquel on vient à
bout des plus grandes choses, & les plus fortes difficultez,
sont la pluspart surmontées : aussi faute de deniers
ou par l’abus ou mauuais mesnage d’iceux, tout
va non seulement en desordre, mais en ruine & perdition.

Entre toutes les actions qui ont decoré sa vie,

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celle qui l’a extremement fait aymer de ses subiets,
admirer des nations estrangeres, C’est la saincte &
iuste resolution qu’il auoit prise à l’exemple de plusieurs
Roys ses predecesseurs, de faire iustice des larcins
& maluersations desdits Officiers de Finances :
Qui des long-temps, mais beaucoup plus depuis son
regne ont attiré l’estonnement de tout le monde,
pour les grandes & monstrueuses richesses, qu’ils ont
desrobées, tant à luy qu’a tous ses subiets. C’estoit
vne entreprise qui sembloit tres-difficile : veu les appuis
& supports que telles gens se sont finement pratiquez
par tout le Royaume, laquelle neantmoins
il me fait commencer vtilement sous son auctorité,
& l’eusse encores plus vigoureusement continuée (s’il
eust pleu à Dieu le nous laisser encores quelques tẽps
pour le bien de l’Estat, faisant punir ceux qui vous retiennent
le grand & pretieux tresor qu’ils ont pris &
osté de plus beaux lis & fleurons de vostre Couronne,
iceluy pris, caché, & obscurcy par fauces & supposées
depences, sous lesquelles ils ont appliqué à leur profit
partie de vostre ancien & sacré domaine, l’engagemẽt
de vos aydes & tailles, Creations d’Offices, leuées de
deniers ordinaires & extraordinaires, emprunts faits
tant dedãs que dehors le Royaume, rentes cõstituées,
tant sur le Clergé, sel, receptes generales, aydes, qu’autres
natures de deniers. C’est, Sire, ce qui fait que toute
vostre France estonnée de leur effronterie, s’escrie
maintenant à vous, vous demande la perfection de
ce grande affaire vous demande iustice de ceux qui
par leurs artificeux larcins luy ont succé le sang, &

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deuoré cruellement les entrailles, dont ils vont auiourd
huy, repaissans leurs delices & voluptez. A vous
estoit reseruee la palme de ceste victoire, le feu Roy
vostre Pere vous en a tracé le chemin Vous portez vn
nom qui vous y oblige : Il vous a esté donné, afin que
comme vous succederez au Throsne de vos sages predecesseurs
de ces grands Amateurs de Iustice S. Louys
& Louys XII. Peres du peuple, aussi vostre Regne
face reuoir à la France le bon-heur de leurs siecles, &
voir en vous, Sire, le tres-glorieux & tres-Auguste
nom de LOVYS LE IVSTE, DIEV DONNÉ.

 

Les Tresoriers de la suitte de la Cour, nommement
ceux de vostre Espargne, SIRE,
ayans par leur auarice & cupidité rompu le
lien des loix, mesprisans les rigueurs d’icelles. Ont
& leurs complices, non seulemant trouué l’inuention
d’espuiser les fonds de vos coffres & de vos predecesseurs,
Mais encores ont rendu la Couronne engagée
& obligée de plusieurs millions d’or par les
moyens, artifices inuentions & desguisemens nommemens
par ceux qui ensuiuent.

Premier, duquel ils ont tousiours allegué le deffaut de
fonds. Et lors que durant le viuant de Louys XIII. vostre
Pere, que Dieu absolue, Nosseigneurs du Conseil, ont desiré
de voir de quartier en quartier le fonds qu’ils pouuoient
auoir en leurs mains. Lesdits Tresoriers dressoient
vn Estat abregé de la recepte & dépence par eux faite,
auquel ils faisoient obmission de recepte & augmentation
de dépence, par la fin duquel il leur estoit tousiours deub
du reste, faute de fonds au commencement & au milieu
l’année, ce qui donnoit lieu aux prests & aduances

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qu’ils foient à leurs Maiestez, sous noms d’autres desquels
ils se remboursoient par leurs mains, ensemble des sommes
notables qui estoient stipulées pour lesdites aduances
& interests d’icelles faites du fond de leurs receptes, par le
moyen dequoy ils couuroient & absourboient tous les deniers
comptans de leur recepte.

 

Second, que lesdits Tresoriers voyans que les predecesseurs,
Sire, pour le bien & la necessité de leurs affaires, Ordonnoient
grandes & notables sommes de deniers, & qu’il conuenoit les
payer comptant ou assigner en l’Espargne. Ils disoient aux vns
qu’il n’y auoit aucuns deniers és coffres du Roy, & aux autres,
Qu’ils auoient assigné & deliuré mandemens, pour grandes
sommes lesquelles ne pourront estre acquittées entierement
és receptes generales. Ce qui donnoit suiet aux vns de traicter
par composition : & aux autres de demander leurs assignations,
ausquels estoient deliuré mandemens (apres, toutesfois les assignations
precedentes leuées & acquittées) sur les receptes generales,
les plus chargez d’assignations, & dont les Receueurs
Generaux s’entendoient auec eux. Qui estoit à dire qu’il falloit
composer où auec le Receueur general, ou reuenir à la reformation
reassignation, & par consequent à composition.

Troisiéme, que lesdits Tresoriers voyans que les dons, voyages,
recompences, bienfaits & autres dépences, montoient
grandes & notables sommes, & beaucoup plus que ne montoit
le fonds qui deuoit tomber en leurs mains, & sur lequel ils
pouuoient leuer leur assignations compris, les non valeurs, ils
aduisoient auec leurs premiers Commis (second eux mesmes)
les moyens à tenir & obseruer à leur profit, auant que sortir
hors de leur exercice. Qui estoient que les plus difficiles seroient
assignez pour les faire reuenir vn iour à ladite reassignation
& accõmodation, & aux autres plus faciles & de bonne
affaire, leur dire librement qu’il n’y auoit aucun moyen qu’ils
fussent payez aux Receptes generales pour les raisons susdites :
mais que s’ils se vouloient ayder, ils en seroient payez &
asseurez d’vne bonne partie l’année qu’ils r’entroient en exercice,
mesmes que dés à present il leur en seroit payé quelque
somme. A quoy le particulier assigné entendoit librement &
conuenoit de la somme : pour le payement entier de laquelle

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ils obseruoient & exerçoient l’inuention & artifice qui ensuit.

 

Quatriéme, que lesdits Tresoriers de l’Espargne ayãs veu que
le temps du desordre qui a esté 50 ans & plus, leur estoit fauorable,
& donnoit les moyens à quelques Intendans de comprendre
dans les despences plusieurs faux emplois. Ils forgeoient
sous fausses causes & noms supposez, pour lesquelles
faire comprendre és rolles & auoir acquis, ils ne manquoient
de ruses, artifices & inuentions, par le moyen desquels
ils consommoient partie du fonds clair & net, & pour la
plus grande faisoient des emprunts sous les noms de leurs
amis, dont lesdits Tresoriers de l’Espargne feignoient des receptes
actuelles, comme dit est, qui estoit engager, obliger
& rendre la Couronne redeuable par la recepte.

Cinquiesme, que lesdits Tresoriers non comptans d’auoir
rendu les feux Rois endebtez par telles receptes il les ont encores
rendus redeuables de grandes & notables sommes de deniers
par la fin & closture de leurs comptes.

Voila (SIRE,) par quels moyens vn nombre de Tresoriers
& leurs complices, sangsues, de l’Estat ont principalement depuis
soixante ans endeté & obligé la Couronne de plusieurs
millions d’or, fait vendre & reuẽdre le sacré domaine d’ille, engager
les aydes, causé la creation d’vn grand nombre d’offices,
de rentes constituées, emprunts, leuées de deniers, & autres
imposts qui estoient attendus pour les consommer & absourber
la pluspart en l’abisme de l’Espargne, pour dons remboursemens
de faux prests, debets de comptes & despences
supposées. Dont les pertes & despences auenues par tels desordres
tant inumerables sont inestimables à l’Estat qu’en tous
les ordres d’icy.

FIN.

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M. L. M. D. [1652], LE PERROQVET PARLANT A LA COVR, Qui descouure les faussetez, artifices & suppositions, commises par les principaux Officiers de Finance. Les moyens d’en retirer plusieurs millions d’or, apres vne bonne & solide Paix; & rendre le peuple comme il estoit du Reygne de Henry IV. Representé au Roy Louys XIV. par M. L. M. D. , françaisRéférence RIM : M0_2749. Cote locale : B_16_43.