Nervèze, Suzanne de [1649], LE PANEGYRIQVE ROYAL. Presenté à leurs Majestés à Compiegne le 14. Iuillet 1649. Par S. D. N. , françaisRéférence RIM : M0_2670. Cote locale : C_6_48.
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LE
PANEGYRIQVE
ROYAL.

Presenté à leurs Majestés à Compiegne le 14.
Iuillet 1649.

Par S. D. N.

A PARIS,
Chés Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

Auec Permission.

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LE
PANEGYRIQVE
ROYAL.

VENEZ, ô saint Esprit, à l’aide
de ma foiblesse, pour m’inspirer
ce que ie dois dire sur vn sujet
qui vous est si submis, & que
vostre feu enflamme si saintement
des cheres ardeurs de vos amoureuses
communications ; faites-moy entrer, s’il vous
plaist dans les cellules Religieuses par penetration
de lumiere, pour y voir la plus grande
Reine de l’Europe poser sa Couronne & sa Majesté
aux pieds de l’Agneau ; & toute transformée
en son diuin Epoux accepter auec joye
toutes les peines d’vne Regence mal-aisée ;
C’est ou sa Majesté voit les calomnies des mechans
reluire sur son Diadesme Royal, comme
les precieux escarboucles destinez pour le lustre

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de sa Vertu : Puis qu’il est tres-constant
que la malice des hommes est reparée par la
Iustice de Dieu, qui estant le Protecteur de
l’innocence, se sert de leurs dereglemens pour
faire cognoistre ses graces, & manifester son
amour ; & tout ce que le crime a voulu commettre
contre sa bonté n’a fait que rendre ses
œuures plus cogneuës, & toûjours toutes adorables ;
Ainsi lors que sa Majesté Catholique
& exemplaire a esté méconnuë dans ses pieux
effets, le Ciel voyoit son cœur Royal tout épuré
de mauuaise volonté pour son Peuple, &
rempli de tant de charité & de desir de son repos,
que toute raison d’Estat & de diuersité d’auis
post posez, il falloit guerir la playe commune
pour la satisfaire : Apres cela y a t’il quelque
personne qui puisse auoir veu vne humilité
semblable à celle de cette incomparable
Princesse, puis que son abort n’est refusé à qui
que ce soit, & que sa Majesté rend Iustice generalement
à tous ceux qui la luy demandent ;
& comme son esprit agit continuellement pour
le bien de l’Estat, ses belles mains qui ont osté
à la nature ses plus charmantes beautez, ne
sont jamais sans employ ; & ce n’est pas assez
que leur habitude soit à l’alegement des pauures,
il faut encor que leurs ouurages soient

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l’ornement des Autels, l’edification des Ames
Religieuses, & l’étonnement de tous les esprits.
Les Histoires nous ont appris que cette
sainte Infante, de qui sa Majesté est la tres-digne
Niepce, receuoit tous les placets qui luy
estoient, presentez, & la nuit elle les faisoit lire
par quelque personne fidelle, afin de distribuer
ses faueurs à ceux qui les imploroient ; Mais
nostre pieuse Reine encherit sur cette bonté,
puis que sans delay elle voit les tres-humbles
supplications qui luy sont presentées, & accorde
soudain celles qui sont justes ; les Hospitaux,
les Monasteres, les Vefues & les Orphelins se
ressentent de ses bien faits ; sa Majesté a vne si
forte repugnance, au refus qu’il a falu que nos
Seigneurs de son Conseil luy ayent fait voir le
peu de moyen que sa Majesté auoit dans vn siecle
incommodé de continuer les grandes liberalitez
qu’elle auoit commencées pour rompre
le cours de ses dignes habitudes : Il est vray
qu’au temps ou sa Majesté exerce le plus d’austeritez
sur sa Royale personne, elle ne veut
pas que les pauures manquent de nourriture,
elle veut jeusner par excez d’amour & de vertu,
& defend absoluement que la necessité exige
cette submission forcée de ses Sujets. Grand
Dieu, qui auez enrichi cette grande Princesse

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de tant de graces, ne permettez pas que la capitale
ville de son Royaume soit priuée plus
long-temps de l’honneur de sa presence ; Et
comme vous nous faites voir que vous estes la
conduite de sa vie, disposez toutes les ames au
respect & à l’amour, pour les actions qu’elle
vouë au bien de l’Estat ; Il est peu de jours
qu’elle ne vous rende le fidele conte qu’elle
vous doit, & peu de sepmaines sans vous receuoir
Sacramentalement ; Si bien, Seigneur,
que de s’en prendre à vne si haute pieté, c’est
vous auoir à partie ; mais ne faut il pas aussi
estre tombé en reprobation de sens d’auoir autre
chose que respect, deference & affection
pour vne Reine si parfaite ; ce n’est pas vn zele
fardé, ny vne bigoterie dangereuse, c’est vne
grande seruante de Dieu, qui obserue tous ces
Commandemens, & beaucoup de preceptes
pour la gloire de son Maistre ; Il n’y a ny excuse
d’amour propre ny de grandeur, qui l’empesche
d’exposer son beau visage au hasle & au
vent, pour suiure à toutes les Processions solemnelles
le Sauueur de nos ames, auec vne
telle edification de toute la terre, que ie m’étonne
qu’il se trouue quelque personne assez
enragée pour oser inuectiuer contre vne Princesse
si Auguste : Mais ie voy bien que le Ciel

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veut augmenter la grandeur de son merite par
celle de sa patience ; tant de pietez ne peuuent
estre sans donner de la terreur aux Demons, &
ce sont ceux qui sont les artisans de toutes les
iniquitez abominables, qui ont voulu heurter
l’inexpugnable rocher des fermetez de sa Vertu,
mais ce sont des vagues inutiles qui se meuuent
en vain, ceux qui esperent en Dieu ne sont
jamais confondus : Viue nostre grande Reine,
puis que toutes ses inclinations ne sont que
pureté & douceur, & que Dieu nous l’a choisie
pour regler la France, oster le vice, & imprimer
la pieté dans tous les cœurs moins portez au
culte diuin & au deuoir ; C’est sa Majesté qui
fait perdre à l’orgueilleux & au superbe ses fastes
de vanité ridicules ; puis que toute sa vie
n’est que naïfueté & humilité, & toutes ses vertus
conduites par vn esprit excellent, & vn jugement
parfait ; Que peut-on souhaitter de
plus accompli que cette diuine Princesse, & en
quel poinct d’erreur se plongent ceux qui s’écartent
des respects qui luy sont deus : Seigneur,
vous qui estes sa conduite & son phare,
ne permettez pas les criminelles obmissions de
vos saintes Loix ; éfacez, s’il vous plaist, le Caractere
de nos maux de vostre misericordieux
souuenir, & faites que ce qui nous reste soit

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employé à vostre honneur, au seruice du Roy,
& à faire voir à la Reine, que le François reprent
de bon cœur ce zele qui a tant demandé
la fecondité que le Ciel luy a tres-liberalement
accordée ; L’homme peut faillir, mais par la
grace du tout-Puissant il se releue de sa cheute ;
ainsi le coulpable recognoist ses manquemens,
se repent de leurs excez, & proteste submission
& zele autant qu’il respirera icy bas : De cette
raisonnable deference le Seigneur en fera l’objet
de ces benedictions, & nous comblera dautant
de felicitez que nous auions merité de disgraces.
Peuple François, receuez cette asseurance
de celle qui vous parle de la part de
Dieu, & qui ne recherche que sa gloire, & vostre
repos dans ce discours, & pendant l’exil de
sa chere patrie, qui est cette Eternité immense,
ou nous deuons sans cesse aspirer, & où il n’entrera
rien de soüillé, de malicieux ny d’impie.
Grande Reine, ne traittez pas vos Sujets innocens,
passionnez & fideles, en transgresseurs de
vos commandemens ; Pardonnez, s’il vous
plaist, au mechant en faueur du bon, & tous
ensemble vniuersellement grands & petits, beniront
vostre regne, & demanderont à Dieu la
conseruation de vos Majestez, & la durée des
prosperitez de la Couronne.

 

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