Nervèze, Suzanne de [1649], LE PLVS HEVREVX IOVR DE L’ANNEE, PAR LE RETOVR DE LEVRS Majestés dans leur bonne ville de Paris, A Monseigneur l’Eminentissime Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_2803. Cote locale : A_3_77.
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LE PLVS
HEVREVX
IOVR,
DE L’ANNEE,
PAR LE RETOVR DE LEVRS
Majestés dans leur bonne ville de Paris,

A Monseigneur l’Eminentissime Cardinal
Mazarin.

A PARIS,
Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
la Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

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LE PLVS
HEVREVX
IOVR
DE L’ANNEE,
PAR LE RETOVR DE LEVRS
Majestés dans leur bonne ville de Paris,

A Monseigneur l’Eminentissime Cardinal
Mazarin.

QVE toutes nos passions cedent aujourd’huy
à celle de nostre joye,
& que dans l’exces d’amour que
nous auons pour nostre Monarque :
L’honneur de sa presence nous fasse hautement
ressentir tous les contentemens & les
transports que des ames passionnées sont capables
de conceuoir dans le moment d’vne felicité
supréme : MONSEIGNEVR, nous en
deuons la recognoissance à la bonté de vos conseils ;
Puis que c’est vn effet de la promesse que
vous en aués faite à nos desirs, & qu’en degageant

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vostre genereuse parole, & fauorisant
nos esperances, vous donnez à nos fidelités le
glorieux moyen de vous témoigner leur ardeur,
qui refusera desormais à V. E. son cœur,
sa foy, & ses respects, puis que vous les remplissez
tous de douceur & de liesse : Il est vray,
MONSEIGNEVR, que vous signalés vos œuures,
& donnez des nobles matieres aux plus
belles productions des meilleurs esprits du
temps, de publier vos magnificẽces par les belles
cadences d’vne eloquence libre & desinteressée :
Grand & incomparable Ministre, la
terreur des ennemis de l’Estat, & le fidele Agent
de sa gloire, nous vous deuons autant d’actions
de graces, que vous conceuez de desseins
pour la seureté de nos prosperités ; Et si
la faction d’Espagne a secrettement tâché de
vous rendre suspect aux ignorants du siecle.
Les Genies excellens ont veu de plus loin le sujet
de nos dissentions, & obtenu par de feruentes
Oraisons l’aneantissement de ces diuorces,
nous sommes par la misericorde du tout-Puissant
gueris d’vne maladie si fascheuse, les
personnes raisonnables ont apris du Poëte Euripide,
que,

 

 


Lors que le discort regne dans la Cité,
Le plus méchant a lieu d’impunité.

 

Si bien qu’il y a de l’apparence que tout le
monde enuoyera au Ciel les acclamations de

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vostre pieté. Oüy, MONSEIGNEVR, nous benirons
incessamment vos dignes actions, vous
nous ramenés nostre Roy, & procurés la paix
generalle ; Apres cella que pouuons-nous faire,
qu’il ne soit moindre que nos deuoirs ; Cette
paix, l’honneur des vierges, la seureté des riches,
& le repos des pauures, la consolation de
la vefue, & la protection de l’orfelin ; Cette paix,
dis-je, dont le soin sans relâche occupe toutes
vos belles & excellentes pensées ; nous la deuons
attendre des conquestes que V. E. a procurées
à nostre puissant Monarque, parce que nos ennemis
affoiblis, nous serons en possession de
leur imposer des loix, & prendre les nostres de
nostre legitime Maître temporel, & de celuy
qui afermit les Courõnes, & distribuë les dignités
au gré de sa Sagesse adorable & eternelle ;
mais il faut auoüer que pour en meriter la grace
nous deuons renoncer à toutes volontés capricieuses,
& à tout desir brutal ; & nous souuenir
que bien heureux sont les pacifiques, car ils
verront Dieu ; les Dieux de la terre aiment de
mesme ceste qualite à leurs sujets : Pourquoy
donc nous chargerons nous d’vn crime qui
nous rẽd impropres à nostre salut, & coupables
deuãt la Iustice des hommes. Sans doute, MONSEIGNEVR,
comme les grandes maladies dissipent
les mauuaises humeurs d’vn corps cacochisme,
que nos maux passés ont purgé nos imperfections,

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& reduit nos infirmités à vn temperament
plus sain, en sorte que j’ose asseurer que
la recheutte est impossible. V. E c’est cette belle
ame qui anime les plus sublimes de nos ambitiõs ;
& nous aprendrõs dans la pureté de vostre
heureuse conduitte de regler nos déportemens,
& de les rendre plus sujets à l’enuie qu’au mepris ;
Cette curieuse Biblioteque, où toutes les
nations ont mis en depost ce qu’elles auoient
de plus rare, est vne marque indubitable de la
grandeur de vostre Esprit, & de celle de vostre
courage ; Et quand toutes vos actions ne nous
releueroient pas au dessus de la fortune, & des
choses perissables, cét assemblage des sciences,
sous la direction du plus sçauant homme du
monde, fera reviure vostre Vertu, apres la consommation
des siecles : les bastimens durent
moins que les noms Illustres ; la Comedie n’a
qu’vn moment, la Chasse est autant penible
qu’agreable, le reste des gentillesses & des propretés
de la vie sõt bornées, il n’y a que la vertu,
la gloire de ces habitudes, & les sciences, qui ne
finiront pas mesmes auec le dernier des hõmes.
MONSEIGNEVR, vostre nom Illustre passera
dans la posterité, par cette judicieuse inclination
que V. E. à d’operer pour les auantages du
Royaume, & par exprés celuy des sçauans, qui
trouuent chez vous apuy & estime : Il n’est point
de Prince François ny étrangers, que V. E. n’ait

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aimé. Plusieurs Reines & Souueraines se loüent
de vos conseils & assistances ; dans la Noblesse
& le peuple, tous ceux qui vous ont imploré, se ressentẽt
de cette humeur bien faisante. A quoy nous
deuons voüer beaucoup de respects & de gratitude.
Qu’est-ce donc, MONSEIGNEVR, qui s’opposera
à nos submissions, & à l’enuy ne dressera
mille trophées à V. E. & à ce Iour heureux, ou toutes
nos peines ont leur periode, ne formera par des
cris d’alegresse, les hautes preuues de ses fidelles
sentimens : la diuine Majesté s’est seruie de vos bõtés
pour nous manifester son amour ; & apres des
douleurs inexplicables, nous met dans le chemin
de benediction, de joye & de tranquillité ; Tres-heureuse
Iournée, qui nous rend incapables de soufrance
& d’incommodité. Plaise à cét Estre souuerain
de nous donner vne succession de longue durée,
qui soit le charme de nos ennuis, & l’arbitre
de nos joyes : La France sera la plus florissante Monarchie
de l’Vniuers, si la paix y est maintenuë : Et
comme nous voyons que les Estats ont esté ruinez
par la discorde, nous deuons loüer Dieu de nous
auoir donné des Princes & Directeurs paisibles, vigilans,
& affectionnés à la Couronne. MONSEIGNEVR,
nous trouuons qu’autre fois à Rome Manlius
Lepidus & Fuluius Flaccus estans creés Censeurs,
qui estoit vn Office de Iudicature, pour les
causes des heritages, crimes & debtes, estans ennemis
auant leur élection, s’accorderent, afin que le

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public n’eust point de dispute qui peust troubler
leur quietude ; Ainsi la France glorieuse en ses
faits & en ses possessions, ne doit point entretenir
d’injuste zizanie, qui puisse troubler son bonheur ;
il n’est point de nation qui ne nous redoute :
& nous serons indomptables, si nous gouuernons
nos passions, ou plûtost les empeschons de nous
aueugler dans leur manie. MONSEIGNEVR, c’est
vne leçon que vostre moderation nous donnera,
puis qu’elle n’a jamais receu dechet dans ces habitudes
illustres ; il est encor à parêtre celuy qui se
peut vanter d’auoir cogneu quelque desordre dãs
vos mœurs. Il est vray, MONSEIGNEVR, que
tout est si ajusté chés vous, par vne diuine & miraculeuse
Prudence, qu’il semble que sçait esté l’hõneur
des fleurs de Lys, & le conseil d’vn jeune Roy,
qui vous ait fait naistre pour l’vtilité d’vne Minorité
protegée d’en haut. Apres cette chere fatalité,
nous serons toûjours vnis pour vous voüer nos ardeurs
& nos fidelitez, & inuoquer sans cesse les
graces celestes pour la protection de vos jours, les
contentemens de vostre sublime esprit, & vostre
parfaite santé ; se sont les religieux & fideles empressemens,

 

MONSEIVNEVR

De Vostre EMINENCE

La tres-humble & tres-obeïssante seruante,
SVSANNE DE NERVESE.

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