Pontac,? de [signé] [1650], LES REMONSTRANCES DV PARLEMENT DE BORDEAVX, FAITES AV ROY ET A LA REYNE REGENTE, SVIVANT LA COPPIE PRESENTEE au Parlement de Paris par Messieurs de Gourgue President, Monjon, Guyonnet & Voisin, Conseillers & Deputez du Parlement de Bordeaux, le 3. Septembre 1650. , françaisRéférence RIM : M0_3338. Cote locale : D_1_23.
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Tres-humbles Remonstrances faites au Roy & à la
Reyne Regente sur les mouuemens de la Prouince
de Guyenne & de la ville de Bordeaux.

SIRE,

Cette Prouince ioüiroit d’vne prosonde paix si le Duc d’Espernon
ne l’auoit pas troublée par toute sorte de violences
depuis deux ans, pendant lesquels nous auons incessamment
fait effort de porter nos plaintes à Vostre Majesté, pour implorer
sa Iustice, estimans auec raison pouuoir obtenir quelque soulagement
en nos miseres : Et toutes fois celuy qui s’attribuë la direction
de vostre Estat & bien eu le soing de commander à nos
Deputez à Paris de se retirer de la suitte de Vostre Majesté, ou
de leur prescrire le ton & la mesure de leur voix, pour moderer
l’expression de la douleur des peuples, mais il ne s’est iamais mis
en peine d’en mesnager la cause : on a tousiours refusé d’arrester
le cours d’vne persecution si longue que la nostre ; on n’a point
voulu nous oster nostre Persecuteur ; on a deffendu de dire &
prier qu’on le changeast ; on nous a menassez pour l’auoir desiré ;
nos plaintes nous ont esté imputées à crime & à temerité ; &
toute la France sçait qu’il ne nous a iamais esté permis de parler
de nos veritables maux, & toutesfois il nous a esté commandé,
& on nous a obligez de faire à Dijon des remerciements
publics d’vne paix dont nous n’auons iamais senty les aduantages.

Il est vray, SIRE, qu’on nous a souuent presenté le repos
sous les apparences de la paix ; on nous a souuent offert du venin

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dans vne couppe d’or pour le mieux insinuër dans nos entrailles,
& pour nous surprendre plus facilement on a adiousté
dans tous nos Traictez la religion de la parole de Vostre Majesté,
qui doit estre le salut des peuples comme elle est la loy viuante
de l’Estat : mais cette parole de la vaine image de la Paix de laquelle
on a abusé les peuples, a disparu aussi tost & a esté transformée
en la licence de mal faire, & en tous les actes les plus inhumains
que l’infidelité des hommes & que les fureurs de la
guerre peuuent produite, le sieur d’Argenson qui auoit porté
les premiers ordres de la part de V. M. pour arrester le cours de
nos miseres, a veu auec des yeux indifferents, & auec des sentimens
glacez les sacrifices de nos Prestres esgorgez au pied de
nos Autels, la prostitution des filles & des femmes violées en la
presence de leurs peres & de leurs maris dans les balustres du
presbytere, & a veu à la honte de ce siecle le sainct Ciboire où
estoient les particules du sainct Sacrement, apres auoir esté exposé
en vente par les troupes conduites au nom de Vostre Maiesté
par le Duc d’Espernon, estre porté au Palais sur le bureau
de la grand Chambre, & venu demander iustice aux hommes
des impietez commises contre Dieu, pour lesquelles le Clergé
de vostre Royaume a fait ses Remonstrances à Vostre Maiesté
contre le Duc d’Espernon, dans l’esprit & dans la bouche duquel,
comme dans celle du sieur d’Argenson, ces cas execrables,
ausquels les Puissances de la terre ne touchent point, ont
passé pour des fruits de la guerre.

 

Neantmoins, SIRE, cette paix estoit vn ouurage que le
Ciel donnoit à la pieté de Vostre Maiesté, par laquelle il vouloit
benir vos peuples, le Parlement de Paris l’auoit demandée
pour nous, les Princes du Sang qui estoient tous en liberté,
l’auoient iugée iuste & necessaire, Monsieur le Duc d’Orleans
nous auoit escrit qu’il en estoit le garant : Dans ce consentement
vniuersel où il sembloit que le Ciel & la terre se fussent
vnis pour nous acquerir vn titre si raisonnable, il y auoit de l’apparence
que nous en deuions iouyr, nous commençâmes à
craindre lors que nos Deputez nous escriuirent que M. le Cardinal
Mazarin, qui a tousiours esté le Protecteur de celuy qui nous
persecute, & qui fait auiourd’huy dans l’Estat le malheur des

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hommes & des peuples, auoit dit qu’elle nous auoit esté accordee
contre ses sentimens & contre sa volonté.

 

Depuis nous auons tousiours aprehendé, SIRE, qu’elle ne
seroit pas de duree ou qu elle auoit esté permise pour vn plus
grand mal contre nous, & nous le iugeasmes ainsi lors que nos
Deputez estans arriuez prez de V. M. pour luy representer l’estat
de nostre calamité, Monsieur le Cardinal auant de leur permettre
d’estre oüis les esloigna & les renuoya à Senlis par forme
de peine & d’exil, & depuis on les a tousiours traittez de menaces :
dans la prosperité des affaires ils n’ont iamais receu de fauorable
accueil que dans les mauuais succez de la conduite de
Monsieur le Cardinal, qui distinguoit les interests & la fortune
d’vne des plus considerables Prouinces d’auec les interests, de
l’Estat, comme si nous deuions perir par le salut de vostre Royaume
ou nous sauuer par sa perte, qui seroit la derniere de toutes
nos miseres.

Depuis ce temps-là Vostre Majesté estant en Bourgongne
on commanda à nos Deputez de reuenir dans ceste Prouince
sans passer dãs Paris, apres leur auoir permis d’estre à vostre suite ;
on les en chassa tout à coup ; on ne voulut pas que Paris, qui est la
lumiere de la France, les vist reuenir chez eux chargez de vieilles
& de nouuelles miseres, & perdus d’afflictiõ d’vn desny de Iustice,
ils sont encore dans Paris sans auoir peu porter à leurs Collegues
& à leurs Concitoyens aucun soulagement à leurs disgraces, aussi
touchez d’estonnement d’vn si mauuais succez, que M. le Card.
a esté peu sensible à leurs plaintes.

Il ne se sçauroit excuser, SIRE, d’auoir abandonné cette
prouince à la cruauté du Gouuerneur, lequel est bien mal intentionné,
mais il n’est pas assez puissant pour faire durer si longuement
vne calamite qui s’est respanduë dans des pays d’vne si
grande estenduë, laquelle il a fallu appuyer par des armees de
mer & de terre ; sa fortune ne pouuoit pas entretenir si longtemps
vn si grand nombre d’instruments de nostre persecution, si
on ne les auoit puisez dans l’authorite du Ministere, & soustenus
par les forces de l’Estat & de cette Prouince, laquelle on a espuisee
pour sa ruine.

Le Duc d’Espernon n’auoit pas le credit de faire venir [1 mot ill.]

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flotte dans nos ports, dans laquelle M. le Card. par vne trop
auide affectation à le proteger, fit venir vn vaisseau qui portoit
le nom de Iule, qui est le sien, remplissant la mer de mesme que
la terre de la soudaine & outrageuse authorité dont il abuse, &
laquelle il vsurpe contre le bien & le repos de vos peuples.

 

Le Duc d’Espernon, auec tous les mauuais principes de
haine & de vengeance, dont son ame estoit imbeuë, n’eust iamais
esté si hardy de violer cette paix tout seul, il n’en fust iamais
venu à bout, il y eust succombé, comme il a fait, mais auec
plus de honte & auec des marques d’vne plus grande foiblesse, il
n’y auoit que la seule authorité de M. le Card. dans l’Estat, qui
eust pû, ny voulu faire reuenir de la Catalogne, & de la Picardie,
comme il le pratique encores à present, les trouppes qui
estoient si necessaires à la deffence de ces pays-là, & de ces frontieres,
pour nous venir surprendre, & pour nous esgorger au
preiudice de cette paix scellée huict iours auant qu’elle ne fust
enuoyee par ses ordres au Duc d’Espernon qui l’auoit dans la
poche alors, que contre le droit des gens par vne lascheté iniurieuse
à la parole & à la foy de Vostre Maiesté, & par vne deliberation
concertee, on attaqua nos ports & nos faux-bourgs par
mer & par terre, on massacra tant d hommes & on brusla tant de
bastimens qu’on n’auoit pas ozé approcher lors que nous auions
la liberté de nous deffendre.

Monsieur le Mareschal de Prassin, qui eust eu dans vn autre siecle
plus de liberté pour l’exercice de sa vertu, ayant proposé à
Blaye à nos Commissaires des articles de paix, dont il estoit demeuré
d’accord auec eux, laissa eschapper de sa memoire le souuenir
des conferences, & ne voulut iamais conclurre ce qui
auoit esté deliberé sur les aduis qu’il eut de M. le Card. que nous
estions conduits au dernier periode de nos fortunes & de nos
vies. La posterité verra doncques, SIRE, que dans vostre minorité
& sur le point que nous venions de chanter vn Te Deum
pour l’obtention de cette paix, & d’allumer vn feu de ioye public,
pour remercier Dieu de la grace qu’il auoit plû à Vostre
Maiesté accorder à cette. Prouince & à cette ville, nous fusmes
obligez de celebrer les funerailles de nos concitoyens esgorgez
à nos portes en mesme temps, & de voir auec le sieur Aluimar

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qui reuenoit de Blaye auec nos Commissaires, esleuer iusques
au Ciel les flammes qui consommoient ces bastimens sans oser
remuer les bras par le seul respect de Vostre Maiesté, de mesme
que ces Israëlites qui aymerent mieux estre des victimes immolees
à la fureur des ennemis de Dieu, que de violer le Sabat.

 

Il est doncques aisé à iuger, MADAME, par les tristes
succez de cette paix, qu’elle n’a esté que le piege dans lequel la
fourberie nous a conduits par les seules voyes de nostre obeissance
inuiolable, & de la confiance que nous auions en la parole du
Roy & en l’authorité de Vostre Regence, & toute la France
sçait bien qu’il a esté intercepte diuerses lettres pendant nos
trefves, qui ont esté les funestes interualles qui ont entraisné
tousiours quelque ruine sur nous, par lesquelles les agents du
Duc d’Espernon luy escriuoient que sa vengeance auoit encores
de l’exercice, & que ce n’estoit qu’vn traitté artificieux pour
desarmer les peuples, qui demeuroient exposez plus facilement
à ses iniures ; ainsi la paix qui est vn bien du Ciel, qui doit estre
respecté, & par le lieu de son origine & par la concession de Vostre
Maiesté, & par le salut des peuples ausquels elle est donnee,
a esté la matiere de tant d’actes d’hostilité que nostre ennemy
a executé sur nous sans peril comme sans mesure & sans moderation.

Et nous ne pouuons, SIRE, representer à Vostre Maiesté
sans douleur qu’apres la premiere paix, que nous appellons la
paix de Leugnan, qui portoit vne amnistie de toutes choses,
& qui estoit plutost vn oubly de nos souffrances que de nos entreprises ;
on a voulu forcer toute cette ville d’accepter vne abolition
pour rendre le Parlement coupable ; On ne vouloit donner
vn titre d’impunité aux actions innocentes des vns, que
pour auoir vn titre de conuiction & de peine contre les autres.
Leur obiet n’estoit pas de faire grace à vos peuples, ce qui est
d’ordinaire aux bons Princes, & plus conuenable à la clemence
de Vostre Maiesté, mais d’exercer des actes de cruauté coutre
vos bons Suiets ; ce qui est naturel à de mauuais Ministres & à
des estrangers.

En mesme temps, SIRE, nous fusmes assiegez dans le Palais,
on vid rouler le canon dans les ruës en pleine paix, & dans

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la quietude de la ville, & le trauail pacifique de l’artisan qui se
trouua effrayé qu’on amenast le canon pour reduire en pouldre
le temple sacré de vostre Iustice, dont les Ministres estoient
desarmez, & les portes ouuertes, pour y admettre tous ceux qui
demandent iustice, à dessein de fulminer vne interdiction generalle
contre le Parlement, & pour en esteindre les fonctions :
ce fut en cette occasion que le Duc d’Espernon se rendit records
de vos Huissiers à la chaisne, qui croyant estre le spectateur
de nostre deffaite & assouuir ses yeux d’vn outrage non encores
pratiqué en France contre vne Compagnie Souueraine, fut
l’ouurier de sa honte ; & vostre Iustice, SIRE, non encores
violee par tant d’attentats & de menaces, demeura ferme & se
vengea ce iour là toute seule par ses regards & par sa dignité.

 

Ce qui s’est pratiqué en cette mesme action de plus extraordinaire,
MADAME, & qui fut particulierement accordé par
M. le Card. à la passion du Duc d’Espernon, fut cette Declaration
donnee en blanc au nom du Roy à ces mesmes Huissiers,
scellee & dattee d’vn iour apres l’interdiction, portant reuocation
pour vne partie des Officiers du Parlement, qui fut remplie
par le Duc d’Espernon dans cette ville du nom de ceux qui luy
estoient le moins odieux. Cet ouurage de diuerses mains, escrit
de diuerses letres, en deux diuers endroits du Royaume, si esloignez
l’vn de l’autre, fut signifié le lendemain de l’interdiction,
&; remis ez mains du Procureur general en ce Parlement ; &
Vostre Maiesté peut iuger par la liaison de ces articles si grossiers,
auec quel mespris de l’authorité Royalle & auec quelle
iniure de la dignité de vostre Regence on a fabrique publiquement
vn crime de faux au sceau, & auec quel abandonnement on
a prostitué l’image du Roy pour satisfaire à la fureur & à la vengeance
d’vn particulier, contre les droits & les priuileges d’vne
Compagnie Souueraine.

Cette protection, MADAME, a tousiours duré d’vne mesme
force auec toute la dissimulation de laquelle vn Ministre
d’Estat pour couurir la desobeissance d’vn subiet contre toute
vne Prouince, bruslee, deuorce, appauurie aux yeux de toute
la France, sans qu on ait iamais voulu l’empescher, parce qu’elle
auoit esté donnee en proye à la cruauté & à l’auarice de cet ennemy

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que M. le Card. desire cõseruer, apres l’auoir retiré de la honte
de la proscription & de l’exil, & apres l’auoit restably dans ses
charges dont il auoit esté priué par vne condamnation donnée en la
presence du feu Roy LOVIS LE IVSTE, de glorieuse memoire, pronõcée
par sa bouche, executée à Paris, pour auoir trahy les interests
de l’Estat : toutes ces actions sont des preuues, SIRE, infaillibles
d’vne affection si forte & si aueugle qu’il est aise d’en tirer cette consequence,
que la desolation entiere de la Prouince despendra tousiours
de la volonté du Duc d’Espernon tout autant que les forces de
l’Estat seront dans la direction de Monsieur le Cardinal.

 

C’est auec regret, SIRE, & pour ne blesser pas l’obeïssance & la
fidelité que nous deuons à Vostre Majesté, que nous sommes obligez
à ne vous déguiser pas les soupçons que les peuples conçoiuent,
que leur perte est desia concertée, que Monsieur le Cardinal a formé
le dessein de venir dans cette ville, qu’il presse si viuement, dans
laquelle il pretend faire voir à Vostre Majesté dans son courroux, &
faire sentir la pesanteur de sa main à ceux là mesme sur lesquels elle
a versé ses graces auec tant de tesmoignage d’amour, & auec tant
d’abondance. Et, MADAME, ce qui augmente encore leurs craintes
& leurs deffiances, c’est la vanité que le Duc d’Espernon se donne
que cette ville sera sacrifiée à sa fureur, qu’il y verra restablir son authorité,
& qu’il sera bien-tost rapellé de cét exil artificieux & imaginaire,
pour voir les droits de cette ville abolis & les immunitez
esteintes, desquelles elle a iouy si long-temps, qu’elle a portez
dans vostre Couronne lors de sa dedition, qu’elle a conseruée
sous tant de Roys, & lesquelles les habitans estiment plus cheres
que leur vie.

Mais, SIRE, comme la clemence appuye bien mieux le sceptre
des Roys que la rigueur, & que les Roys ne sont pas les vengeurs des
passions de leurs subiets entr’eux, mais leurs bienfacteurs & leurs peres,
nous esperons de la iustice de Vostre Majesté, qu’elle ne permettra
pas que sous des fausses causes (cette ville qui ne s’est iamais
esloignée de la fidelité qu’elle luy doit, qu’elle a genereusement
conseruée dans tous les siecles passez, & parmy toutes les guerres
ciuiles) souffre vne telle disgrace, pour satisfaire au ressentiment iniuste
d’vn particulier, qui a changé la qualité de Gouuerneur en celle

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de Desolateur de sa patrie, qui a esté si hardy de faire battre de la
monnoye à son coing, à la [illisible] Parlement, & dans cette
mesme ville où se monte [1 mot ill.] de Vostre Majesté,
& qu’il a faite marquer du lieu & du poids differend de la vostre,
afin qu’elle entrast plus facilement dans le commerce ; qui s’attribuë
la qualité de Prince ; qui exige celle d’Altesse, qui n’appartient en
France qu’aux Princes du sang Royal ; qui iuge des appellations
Consulaires au preiudice des Ordonnances & de la derniere Declaration
de Vostre Majesté de l’an mil six cens quarante neuf, pour
l’execution de laquelle le Parlement ayant donné vn Arrest contre
le nommé Malartic, qu’il a continué Consul depuis cinq qu six années
dans la ville d’Agen, contre les statuts & les priuileges de cette
ville-là, & qu’il arme par des considerations qu’il ne seroit pas seant
de dire à Vostre Majesté ; il fit assommer à coups de baston vn Huissier
de la Cour qui alloit pour le signifier ; qui a leué les Tailles à
main armée ; foullé vos subjets par des exactions continuelles, par
les logemens de ses gardes & d’autres gens de guerre, contre la
derniere Declaration de l’an mil six cens quarante-neuf, accordée
particulierement à cette ville, & qui depuis peu de iours a escrit au
Parlement de Tholose vn libelle diffamatoire contre l’honneur de
cette Compagnie qui n’est autre chose qu’vn ramas de tous ses crimes,
dont il a fait l’application sur nous.

 

Ledit Malartic
est beau frere
de Nanon.

Et pour comble de tous ces appareils funestes à nostre vie à nostre
reputation & à nos fortunes, les peuples flottans entre le desespoir &
la resource craignent, & ne peuuent conceuoir que V. M. souffre
que les nopces du Comte de Candale auecque vne niepce de Monsieur
le Cardinal Mazarin soient resolués, pour estre celebrées dans
cette ville, qu’elle en soit l’autel & la victime, & que sa desolation
soit vn des articles & vne des conditions du mariage.

Nous serions affranchis de toutes ces apprehensiõs, & Vostre Majesté
n’eut iamais esté exposée à vn si long & penible voyage, si
Monsieur le Card. eut consenty que le Duc d’Espernon eust esté reuoqué
de ceste Prouince, de laquelle Vostre Majesté a perdu les reuenus
depuis deux ans : cinq ou six mil de vos subjets de tous aages
& de tous sexes, que la trahison, que le fer ou le feu ont deuorez,
eussent conserué leur vie, & iouyroient encores de leurs biens, &

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partie de ceux-là seroient en estat d’exposer l’vn & l’autre pour le veritable
seruice de Vostre Majesté.

 

Cette persecution publique & cette force ouuerte, auoit esté en
quelque façon retenuë, nous estions dans vn repos pareil aux relasches
d’vne [1 mot ill.] intermittante, lors que la cruauté reprit ses premieres
façons d’agir, que le Duc d’Espernon reuint à nos portes,
plus inhumain que iamais, ayant ramassé de nouuelles trouppes
pour nous assaillir, sous pretexte de l’arriuée de Madame la Princesse
& de Monsieur le Duc d’Enguien son fils dans cette ville, & de la
sauue-garde que nous leur auions donnée pour y viure en seureté
sous le bon plaisir de Vostre Majesté, bien que Vostre Majesté eut
approuué publiquement le procedé de cette Compagnie sur ce subjet :
& si cette mesme Princesse & ce mesme Prince, qui est vn enfant
de sept ans, eussent eu la liberté de se presenter à Vostre Majesté
auec les mesmes marques d’affliction & d’aduersité, dont ils parurent
si fort abbatus aux yeux de vostre Parlement, ils eussent facilement
obtenu la grace de Vostre Majesté qu’ils luy eussent demandée,
non seulement par les interests secrets de la nature, & du
sang, qui eussent combatu pour eux dans le cœur de Vostre Majesté,
mais aussi quand elle n’auroit eu à leur égard autre qualité que
celle de leur Roy.

Et toutefois, MADAME, les habitans de cette ville croyent qu’on
tasche d’irriter l’esprit du Roy contre ce mesme sang, qui a l’honneur
d’estre le sien, parce que Monsieur le Cardinal, qui d’vn seul
coup a sait emprisonner trois Princes, & qui les tient captifs depuis
sept ou huict mois sans aucune declaration du Roy contr’eux, sans
aucun soin de iustifier vn procedé si extraordinaire dedans l’esprit
des peuples & des estrangers, ne fera point difficulté de poursuiure
encores, comme il tesmoigne assez ouuertement, cette Princesse &
Monsieur le Duc d’Enguien son fils, iusques dans nos murailles, &
de courir apres les precieux restes de cette branche de la maison de
Bourbon, pour enuelopper, s’il pouuoit, ces personnes si cheres à
l’Estat, auec les ruines de cette ville dans vn mesme tombeau. Nous
leur auons donc donné cette sauue-garde, MADAME, ne iugeant
pas que Vos Majestez eussent trouué à propos que nous eussions accreu
leurs afflictions en leur déniant vn droict d’hospitalité qui est

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commun dans toute la nature : A quoy, SIRE, nous auons esté
portez plus volontiers, que nous auons veu les peuples estre extraordinairement
attendris de leur calamité, & auoir esté touchez par le
souuenir, & par la reconnoissance des bons offices que Monsieur le
Prince leur a rendus auprez de Vostre Majesté pendant nos derniers
mouuemens, desquels Monsieur le Cardinal a fait esclatter le ressentiment
dans la lettre de cachet qu’il a fait porter dans tous les
Parlemens de France, où il ne dissimule point que l’affection que
Monsieur le Prince a tesmoignée au repos de cette Prouince, est vne
des principales causes de sa prison. Que si vn Prince de sang a este iugé
coulpable pour auoir cõtribué à cette paix, parce qu’elle arrestoit
le cours des violences du Gouuerneur, & qu’il ait esté puny de la
prison ; Si c’est vne peine de laquelle on deust punir les Princes
qui sont du sang Royal, qu’on doit conseruer pour les appuis de la
Couronne ; que ne doiuent pas apprehender des Officiers d’vn Parlement,
des Bourgeois, & tout vn Peuple qui l’ont si constamment
poursuiuie.

 

Nous auions bien appris, SIRE, que le Duc d’Espernon auoit
receu des ordres de Vostre Majesté, il y auoit prés de deux mois,
pour aller audeuant d’elle, & pour se trouuer sur sa routte venant
dans cette Prouince, Monsieur le Duc d’Orleans l’auoit ainsi asseuré
dans le Parlement de Paris ; mais aussi il est bien certain que Monsieur
le Cardinal luy auoit donné des ordres contraires pour demeurer
dans la Prouince, ausquels il defera iusques à ce que ledit
sieur Cardinal trouua à propos qu’il partist pour aller à la rencontre
de Vostre Majesté : & c’est ainsi que Monsieur le Cardinal aduançoit
& reculoit nos miseres, selon le mouuement de celuy qui les a
causées ; & nous doutons, SIRE, que Vostre Majesté soit bien informée
de l’estat auquel il laissa la Prouince auant son depart, où
toutes les villes ont esté desolées par ses ordres & par ses garnisons,
où tout a esté reduit au dernier poinct de la necessité.

Ce n’estoit pas, MADAME, faire la guerre à la seule ville de Bourdeaux,
c’estoit rauager & ruiner cette Prouince & incommoder
toutes celles qui luy sont liées d’interest par la necessité du commerce ;
ce n’est pas rendre les seuls Bourdelois malheureux, il ne pou[illisible]
seulement viure de nostre sang & s’engraisser de nos seules

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miseres, il auoit estendu ses rauages par tout, Monsieur de la Meilleraye
a aidé aussi à nostre calamité, il y a desia trois mois qu’il a fermé
le passage de la Dordogne, qui est l’autre riuiere qui fournit la
subsistance à cette ville, il a rauagé par des contributions la subsistance
de tous les peuples d’où les possessions respondent à la Dordogne
ou aboutissent à ses riuages. Les priuileges arccordez par les
Ordonnances aux Officiers des Cours Souueraines ont esté violez
par les logemens des gens de guerre qui ne les ont non plus espargnez
que les moindres de la lie du peuple, ausquels on n’a rien laissé,
les pauures païsans mesmes ont souffert des pertes, parce que
l’auarice qui cherche de grands gains ne mesprise pas les petits. Ainsi
quoy qu’on puisse desguiser à Vostre Majesté, SIRE, & aux autres
Prouinces du Royaume, censurant nostre conduite, & imputant
à crime la calamité qu’on nous cause ; c’est tousiours, SIRE,
vostre patrimoine qu’on ruine, ce sont vos subjets qu’on esgorge, ce
sont vos edifices qu’on destruit, vostre sang qu’on verse, & vostre
substance qu’on espuise : & vn iour V. M. croyant dans vn aage plus
aduancé trouuer des villes & des hommes, ne trouuera que des deserts.
Et ce sera le Duc d’Espernon qui aura commencé cette solitude
par l’appuy de Monsieur le Cardinal qui l’acheue auiourd’huy au
nom de Vostre Majesté, qui a tousiours authorisé tout ce qui nous
peut outrager, qui a conduit Vostre Majesté dans la Prouince pour
vous faire spectateur de la ruïne de vos peuples, pour rendre nos
miseres venerables & nostre souffrance necessaire.

 

SIRE, nous auions porté aux pieds de Vostre Majesté à Libourne
le veritable sacrifice de nos cœurs, & de l’inuiolable fidelité de
tous les habitans de cette ville, nos Deputez furent persuadez qu’ils
auoient esté agreez, & ayant destalé à leur retour le fauorable accueil
dont ils auoient esté honorez, nous commencions desia d’estre
pressez par nos souhaits de voir Vostre Majesté dans nos murailles,
pour receuoir par sa presence vn bien, qui comme la lumiere ne partage
point les esprits de satisfaction & de douleur, mais qui fait des
adorateurs par tout, & qui donne à ceux qui la possedent en la
voyant, vne felicité sans enuie : les nuages de ces soupçons mortels
qui affligent les peuples estoient presque dissipez ; on auoit
desia publie dans la ville, & les Chambres assemblées, ces propositions

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par escrit, dont nos Commissaires estoient chargez, ausquels
Vostre Majesté tesmoigna vouloir en adoucir les termes pour vne
preuue de vostre clemence, & de l’entiere iustification de nos deportemens :
mais en mesme temps vn coup fatal ruïna toutes nos ioyes,
& destruisit encores nos esperances, le Palais retentit dans le temps
de cette deliberation, des clameurs des Habitans qui accoururent
en foule, & se plaignirent que contre les termes de l’amnistie proposée
dans cét escrit, Richon natif de Bordeaux Gouuerneur du
Chasteau de Vayres, & liuré par la trahyson de ceux qu’il commandoit,
auoit esté pendu aux halles de Libourne & proche la maison où
Vostre Majesté a pris sa demeure trois iours apres sa capture, par
l’authorité & cõmandement absolu de M. le Card. & disoient qu’au
preiudice de cette amnistie, & contre les droits de la guerre, ils
commençoit de souffrir en la personne d’vn de leurs concitoyens,
au delà de ce qu’ils pouuoiẽt apprehẽder de la cruauté d’vn ennemy
plus barbare : que la premiere ville ou Vostre Majesté a fait du seiour
dans la Prouince, a esté celle là où ledit sieur Card. a fait esleuer
vne potance, que la premiere occasion a esté le premier suplice
exercé sur vn homme duquel le veritable crime estoit le lieu de sa
naissance, que les gibets ont esté les cruels & funestes auspices, auec
lesquels ledit sieur Card. a preparé l’entrée à Vostre Majesté dans
cette ville, ayant changé vos graces en suplices, & la confiance en
desespoir, & que cette action que la politique deuoit auoir pour le
moins arrestée, marquoit vne indignation implacable, & vn dessein
formé d’affermir son authorité sur nos ruines.

 

SIRE, on a acheué le bloccus de cette ville, depuis l’arriuée
de Vostre Majesté dans la Prouince ; on a attaqué nos dehors ; on
sollicite les villes du ressort, & les Prouinces voisines pour fournir
des hommes & des munitions de guerre, & toutes fois M. le Card.
publie qu’il a mené Vostre Majesté dans la Prouince auec vn esprit
de douceur, & pour donner la paix à ses peuples ; les frontieres sont
despouillées de leurs forces pour les faire venir contre ceste ville ; on
attend des troupes de la Cathalogne ; la Champagne, la Picardie
sont ouuertes à l’ennemy de l’Estat sans resistance, & sont deuenuës
des pays de conqueste pour l’Estranger ; vne armée Estrangere va
descendre dans la Normandie ; le Berry est abandonné à vne guerre

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ciuille ; Bordeaux seul, quoy que persecuté, est le seul objet
du ressentiment de la guerre dans l’esprit de M. le Card. c’est
pour cela qu’il s’est fait expedier au Sceau, qu’il change de main
quand il veut, vne declaration de Generalissime de France, qui
ne sont plus que de noms vains, sans corps, sans effet, & ce pendant
il a fait fermer ce Sceau depuis six mois pour les expeditions
des Offices de cette Compagnie, qui est vn nouueau gente d’injustice,
parce que ceux qui ont achepté les Offices demeurent
priuez des fonctions des charges, & du reuenu de leur argent,
sans qu on leur puisse imputer que le malheur du siecle, & la conduite
de M. le Card. qui contre les anciennes Ordonnances & les
termes expres de la Declaration de Decembre 1649. a fait expedier
incessamment des euocations generalles en faueur de ceux
qui auoient commis des cas execrables dans la Prouince pendant
ces mouuemens auec des termes infamants contre l’honneur
de cette Compagnie, qui demeure chargée d’opprobres, &
priuée de sa iurisdiction, par des tiltres où vostre Sceau est appliqué,
& par l’exemption qui est accordee à ces coulpables.

 

Tous ces maux ne sont point comparables à l’outrage dont ledit
sieur Card. a attaqué l’honneur de cette Compagnie dans
l’escrit qu’il nous enuoya, où il cache ses iniures sous les belles
apparences de la paix, où il veut nous faire passer pour coulpables
d’intelligence auec l’Estranger, à mesme que toute la France
& luy principallement qui a des espions par tout, a sceu par
vne cognoissance certaine & infaillible les perilleuses resistances
que nous auons faites pour ne donner pas de tiltre qui pouuoit
chocquer nostre fidelité, & nostre deuoit enuers Vostre Majesté ;
qui sçaura si ledit sieur Card. permet que la verité arriue iusques
à vostre Trosne, que le sang de nos Collegues a esté versé dans
cette occurrence, que nos vies ont esté exposees tout vn iour à la
fureur de ceux qui assiegerent le Palais de vostre Iustice Souueraine,
& vindrent les espées nuës iusques à nos sieges, d’où ils se
retirerẽt plus effrayez que nous, qui ne quittâmes iamais la dignité
ny la fonction de Iuges, nos consciences & nostre liberté demeurerẽt
debout, triompherent de tous ces vains efforts, & quelques
vns de ceux qui auoient esleué leurs armes contre nous, expierent

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leurs criminelles entreprises par leur mort. C’est vne
action, SIRE, aussi heureuse qu’elle est extraordinaire, puis
qu’elle n’a point d’exemple dans les histoires, & que si elle estoit
cognuë dans ses circonstances, ou qu’elle ne fust pas malicieusement
desguisée, nous osons nous promettre qu’elle attireroit au
lieu de reproches de Vostre Majesté, vne recognoissance de nos
seruices, & vne gloire eternelle dans le souuenir de toute la
France.

 

Nous n’auons, SIRE, iamais trempé dans aucun traicté auec
l’Estranger ; nous n’auons point souffert sans accourir aux armes
de vostre Iustice, qui sont les seules que nous auons en main, que
les vaisseaux & les ennemis de vostre Estat soient venus dans
nostre riuiere, nos Arrests & nos Registres que nous auons enuoyez
à Vostre Majesté & les suites, iustifient assez toutes ces veritez ;
& lors que nous auons opposé vne deffence naturelle que
Vostre Majesté a approuuée pour legitime par sa Declaration aux
violences d’vn Gouuerneur qui s’estoit esleué en tyran dans la
Prouince, opprimant vos Subjets & s’attribuant les droits de
vostre Couronne, nous n’auons point mandié vn secours criminel
pour accroistre nos malheurs par des fautes que nous n’auons
iamais esté capables de commettre.

Cette ville, SIRE, deuoit esperer qu’apres vne si longue
souffrance elle attireroit les effets de Vostre Clemence, puisque
vos Lettres partant de Paris l’auoient ainsi marqué ; & nous demanderions,
SIRE, grace à Vostre Majesté si elle nous le commandoit,
quoy que nostre innocence nous permette de luy demander
iustice, nous ferions les coulpables, & offencerions nostre
propre innocence, afin de vous paroistre plus sousmis. Mais,
MADAME, à mesme temps que nous demandons la paix,
M. le Card. nous declare la guerre : nous auions obtenu l’entremise
du Parlement de Paris, ils nous auoient fait cette faueur
d’enuoyer leurs Deputez à Vostre Majesté. SIRE, Monsieur
le Card. a estouffé leurs voix & leurs remonstrances, & au lieu
qu’elles deuoient esclater publiquement, puis que nos miseres &
celles de l’Estat sont publiques, elles ont esté enseuelies dans le
secret, ils n’ont eu la liberté de parler qu’à huis clos ; Les compliments

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le publient, SIRE, les miseres ne se racontent que
dans le silence & à cachettes ; on ne sçait ce qu’ils ont dit à
Vostre Maiesté ; c’est l’vsage & la façon d’agir de M. le Card.
qui fait tousiours reuiure les maux, & fait mourir les plaintes ;
ils n’ont pas paru si tost à Vostre Cour qu’on les a contraints
de partir ; trois ou quatre heures ont fait leur arriuée, le
temps de leurs remonstrances, leur repos & leur congé ; &
c’est la fin d’vne deputation si celebre, d’vn voyage si long,
des motifs si considerables, qui sont les miseres vniuerselles
de l’Estat, & les particulieres de cette Prouince, des esperances
de Bordeaux, de celles de tous les peuples qui voyent iuger
leur cause en la nostre qui en estoient le subiet, & des
soings que nos Deputez auoient apporté de delà pour les promouuoir :
ainsi Monsieur le Cardinal a esloigné & rompu
la paix, parce qu’il a esloigné ceux qui estoient envoyez
pour en estre les Mediateurs, & qui pouuoient
contribuer par leur entremise, au repos de l’Estat &
de cette Prouince : & pour nous oster la communication
auec les Deputez de Paris, on nous auoit fait exactement
fermer tous les passages, en sorte qu’ayant enuoye en Cour
le Greffier de la grand’Chambre, auec ordre de leur donner
vne lettre de nostre part, on ouurit la lettre contre la foy du
secret, on l’a retenuë, & à nostre Greffier aussi, pendant huict
iours contre le droict des gens ledit sieur Card. ne voulut iamais
permettre qu’il les suiuist, parce qu’il craignoit qu ils
ne reuinssent, & qu’il ne vouloit pas qu’ils receussent les preuues
de nostre recognoissance, de laquelle il a estouffe les tesmoignages
par vne si extraordinaire violence.

 

Voila, SIRE, la nuë deduction de nos souffrances, &
les tres humbles Remonstrances que nous croyons deuoir
estre obligez de faire à Vostre Maiesté sur l’estat de cette
Prouince, & de cette Ville, lesquelles nous supplions tres-humblement
Vostre Maiesté de receuoir, comme vne pure
expression de la verité, & comme des Preuues tres-certaines
de nostre fidelité inuiolable au seruice de Vostre
Maiesté. Nous auions conceu, SIRE, toute la ioye que

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peuuent auoir des bons & des fideles subiets de son approche,
elle a esté troublee par celle de M. le Card. qui est la cause
vniuerselle de tous nos maux, qui nous presente tousiours des
obiets de deffiance, d’indignation & de desespoir, qui attaque
auiourd’huy cette ville à force ouuerte, qui menace desia nostre
posterité, comme si l’auenir estoit dedans ses mains, qui desguise
à tout le Royaume nos iniures, & qui peut auiourd’huy
tout entreprendre sur nous au nom de Vostre Maiesté, parce
qu’il agist dans la plus reculee partie du Royaume, où personne
ne le peut contredire, où il est seul (quoy qu’estranger)
aupres de Vostre Maiesté, de tant de Princes & de Ministres,
qui ont part à la direction de l’Estat, qui sçait que tout le reste
du Royaume est dans vne perte, ou dans vn peril visible, &
estime cette ruine pour vne chose indifferante, pourueu qu’il
puisse acheuer la nostre, destruisant ainsi vostre Estat par ses
mains ou par celles de l’Estranger. Et Vous, MADAME, que
Dieu a comblé de tant de graces & de vertus, & qui n’estes
pas moins digne d’estre la mere des Peuples, que Dieu vous en
a iugee pour estre la mere d’vn si grand Roy, nous auons suiet
d’esperer que Vostre Maiesté sera animee d’vne protection
particuliere en faueur de cette ville, où vous auez pris cette
qualité de Reine, où vous auez receu les premieres acclamations
& les premieres benedictions de ses peuples, qui vous
demandent auiourd’huy vn fauorable mouuement de vostre
puissance, vne Paix qui ne soit pas vne occasion de la perte
de cette ville, & qui affermisse la reputation de vostre Regence.

 

Nous supplions, SIRE, tres-humblement Vostre Maiesté
de croire que nous contribuërons tousiours tout ce qui
dependra de l’authorité des charges qu’elle nous a commis
pour l’entiere execution des Commandemens de Vostre
Maiesté, que c’est le seul obiet de nos desirs, & d’employer
nos vies pour le bien de vostre seruice. SVPLIANT vostre
Bonté, qui est la plus esleuée & la plus glorieuse de toutes
les qualitez des Rois, de vouloir soulager les maux qui nous
affligent depuis vn si long temps, & de prendre la protection

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de cette ville contre les ennemis de vostre Estat, qui
sont ceux qui nous persecutent.

 

Leuës & arrestée : à Bordeaux en Parlement, les Chambres assemblées,
le vingt-troisiesme iour d’Aoust mil six cens cinquante.

Collationné

Extraict du Registre secret de la Cour
de Parlement de Bordeaux,

DE PONTAC

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SubSect précédent(e)


Pontac,? de [signé] [1650], LES REMONSTRANCES DV PARLEMENT DE BORDEAVX, FAITES AV ROY ET A LA REYNE REGENTE, SVIVANT LA COPPIE PRESENTEE au Parlement de Paris par Messieurs de Gourgue President, Monjon, Guyonnet & Voisin, Conseillers & Deputez du Parlement de Bordeaux, le 3. Septembre 1650. , françaisRéférence RIM : M0_3338. Cote locale : D_1_23.