Questier, Mathurin (dit Fort Lys) [1651], LE MAZARIN ARTIZANÉ, OV L’ARTIZAN MAZARINÉ. Par M. Q. d. F. L. , françaisRéférence RIM : M0_2429. Cote locale : C_11_9.
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LE MAZARIN ARTIZANÉ OV
L’ARTIZAN MAZARINÉ.

DIALOGVE.

Iacquinot.

 


DIEV te gard compere Allotin ;
D’où Diable viens-tu si matin ?
Ta face me semble si blesme
Qu’on la prendroit pour la mort mesme ;
Tu me paroist morne & transy,
Dis-moy, d’où prouient ton soucy ?

 

Allotin.

 


Ah ! Iacquinot, ie ne puis rire
Des propos que i’ay oüy dire
Dans cette ville de Paris ;
Dieu ! que ne suis-je en Paradis.

 

Iacquinot.

 


Hé que dit-on ? Dy m’en l’Histoire,
Ie payeray plustost a boire ;
Entrons de dans ce Cabaret.

 

Allotin.

 


Ma foy, ce lieu n’est pas secret,
Retournons plutost à la ville,
Et tu oyras comme on babille
Du Cardinal Mazarin.

 

-- 4 --

Iacquinot.

 


Peste, cét homme ne vaut rien :
Il a ruyné ma Famille,
Que l’aze & le Diable le quille
Retournons donc,

 

Allotin.

 


Mais ne dis mot
Où tu seras estimé sot :
Nous parlerons à la sourdine,
De la Faction Mazarine.

 

L’Hostesse des trois Masques.

 


Messieurs, de quel vin vous plaist-il ?

 

Allotin.

 


Madame, du fort & plus subtil
Pour me réchauffer la memoire,
Afin d’embellir mon histoire.

 

Iacquinot,

 


Voila du vin, boit la santé
De celuy qui ta presenté
Ce verre net, & dauantage
Fais moy entendre ton langage,

 

Allotin.

 


Ma foy ce vin me semble bon,
Salüons Gaston de Bourbon,
Qui fait maintenant des merueilles
Qui estourdissent les oreilles,
Ce Prince n’est pas Mazarin,
Comme on pensoit ; Il est certain
Qu’il a desir de voir la France
Florir, malgré son Eminence.

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Eminence qui fait du bruict
Pour enleuer le Roy la nuict.
Ainsi qu’il fit l’autre demain
Qu’on crioit le Roy boit, en vain.
Dedans Paris & autres lieux,
On vid vne lumiere aux Cieux,
Qui prognostiquoit du mal-heur
A celuy qui estoit Autheur
De tant de maux & de souffrance
Qu’à enduré depuis la France.
Ie vis cét Astre sur mon toict
Ainsi qu’vn Lezard apparoist
Grauir le plan d’vne muraille,
Et des Fourmis, mis en bataille.

 

Iacquinot.

 


Dis-moy qui estoient ces Fourmis ?

 

Allotin.

 


C’estoient les Bourgeois de Paris,
Qu commencerent à faire garde,
Guet, sentinelle & auant-garde,
Afin d’empescher que le Roy
Ne fust enleué ; Et ie croy
Que la Troupe Mazarinade,
Eust gousté d’vne aspre salade ;
Mais cét Artizan tres finet,
S’enferma dans son Cabinet,
Et ne respondit à personne,
Fusse-t’il Docteur de Sorbonne.
Il dit, Ie vous verray demain :
Mais il fit vn coup de sa main ;

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Car il alla trouuer la Reine,
Qu’il enchaina dans sa cadesne ;
Il luy broüilla tout son esprit,
En luy ostant son appetit ;
Ie le vis, le Diable m’emporte,
Regarder vne ronde porte ;
Afin de sortir promptement
Pour nous causer tant de tourment.
Il quitta la Reine, & alla
Se reposer cette nuict, là,
Son repos fut insuportable
A toute la terre habitable ;
Car il songea ; Et l’on le croy,
Qu’il deuoit de France estre Roy :
Ce Maquignon, ce detestable,
Cét Estranger abominable,
Donna l’allarme dans Paris,
Plus forte qu’on ne fit jadis.
Chacun ce regardoit pourtant
On en voyoit vn mal-contant,
L’autre disoit : Cét Eminence
Doit-il sortir hors de la France.
L’vn disoit, Il en sortira,
L’autre, Paris s’en sentira,
Puis qu’il est rebelle à la Reine,
Paris, ô bonté souueraine !
Ne demande que le repos,
En exillant plusieurs impots.
Et toy, qu’as-tu entendu dire ?

 

-- 7 --

Iacquinot.

 


Ma foy, rien qui nous puisse nuire :
Car les Bourgeois Parisiens
Ont nuict & jour les armes aux mains,
Pour empescher que l’on ne marque
Le second Rapt de ce Monarque,
Qui est descendu des Gaulois,
Et qui porte le nom François,
LOVYS, est le surjon du IVSTE ;
Qui ne le connoist est injuste ;
Et ceux qui n’ont ce sentiment,
Sont priuez d’vn sain jugement.

 

Allotin.

 


Cher Iacquinot, cette nouuelle
M’a mis du tintoin à l’oreille ;
Ie ne sçay plus ce que ie suis,
Mais ie te prie, Amy, poursuis :
Dis moy, Pourquoy l’on se déguise ;
Est-ce pour r’enforcer Venise ?
Où pour venir le glaiue au poin
Chasser ce Rouge Mazarin.

 

Iacquinot.

 


Ma foy, c’est plustost l’vn que l’autre,
Mazarin, ne ce dira nostre
Cardinal, comme il a fait,
Parce qu’il ce trouue imparfait,
Ayant perdu cette puissance,
Qui le faisoit regner en France.

 

Allotin.

 


Ma foy l’Almanach l’a bien dit,

-- 8 --


Tel ne l’entend pas qui le lit ;
Mais ie sçay bien que mon adresse
En a descouuert la finesse,
Qu’il soit vray ou qu’il soit menteur,
Ie m’en vay t’en nommer l’Autheur.

 

Iacquinot.

 


Hé ! qui est-il ? Ie te proteste
De n’en dire mot, sur ma teste,
Tu me connois assez discret
Pour ne publier vn secret
Quand on l’a mis en ma puissance.

 

Allotin.

 


Dans Paris il a pris naissance,
C’est le Speculateur Questier,
Qui sçait cét Art & ce Mestier.

 

Iacquinot.

 


Mon Almanach est de son nom,
Où il n’y a que le surnom.

 

Allotin.

 


C’est luy qui cache dans ces Vers
Vn Mazarin, tout de trauers,
Luy donnant le nom d’Artizan,
Et non celuy de Courtisan
Car, Iacquinot, ces Eminences,
Ne font qu’alterer nos finances.

 

Iacquinot.

 


Mais, que dit-il, conte le moy,
Ie te jure, & promets la foy
De n’en dire mot à personne :
Car de tout cecy, ie m’estonne,

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Et aymerois mieux voir la Paix,
Que porter vn si pesant faix.

 

Allotin.

 


Prens garde au mois de Février,
Au second vers, non au premier,
Tu trouueras ce mot plaisant
De Mazarin, pour Artizan :
Iette le t, & prens vne m,
Tu rencontreras sur mon ame,
Mettant les lettres de trauers
Que Mazarin est dans ce vers.

 

Iacquinot.

 


Tappe vn peu, il nous faut du vin,
Ie sçay que ce jus est diuin,
Et qu’il échauffe ta memoire ;
Tais-toy, Ne parlons que de boire.

 

L’Hostesse des Trois Masques.

 


Messieurs, Dittes, Que voulez-vous ?

 

Allotin.

 


Du vin puissant & qu’il soit doux.

 

L’Hostesse.

 


Ie vous en vais tirer moy-mesme.

 

Iacquinot.

 


Que cette Femme paroist blesme,
Elle a senty pour le certain
L’effort du Tyran Mazarin.

 

L’Hostesse.

 


Ma foy, Messieurs, ne vous déplaise
Ie ne vis pas trop à mon ayse,

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Depuis que les Parisiens
Ont deffendu leurs Citoyens ;
Ils ne manqueront de salpestre,
Le Paysan, Soldat veut estre,
Et l’on verra parmy les champs
Plus de Volleurs que de Marchands.

 

Allotin.

 


Mais de cecy, qu’en dites-vous ?

 

L’Hostesse.

 


Ma foy, Monsieur, Dieu est jaloux
De voir que cette Eminence
Ce veut faire adorer en France.

 

Iacquinot.

 


Qu’auiendra-t’il de tout cela ?

 

L’Hostesse.

 


Rien, qu’vne voix, de, Qui va là.

 

Iacquinot.

 


Est ce pour le repos des Princes ?

 

L’Hostesse.

 


Oüy, & celuy de nos Prouinces.

 

Iacquinot.

 


Cher Allotin, tu ne dis mot ?

 

Allotin.

 


Que diray-je ? Vidons ce pot ;
Contons auec nostre Hostesse.

 

Iacquinot.

 


Mais que dit-on de son Altesse ?

 

Allotin.

 


On dit qu’il agit sagement,
Et fait ce qu’il fait prudemment ;

-- 11 --


Parbieu, ce Prince est magnanime,
Il penetre dans la Maxime
De ceux qui troublent cét Estat,
C’est Mazarin ; le dis tout plat
Qui met l’allarme en cette Ville,
Que l’aze & le Diable le quille,
(Ainsi que i’ay dit cy deuant)
C’est vn Ministre imprudent
Qui nous a mis dessous le faix,
Au lieu de nous donner la Paix.

 

Iacquinot.

 


Nous beurons bien encore pinte,
Afin de finir ta complainte.
Et puis apres nous en irons,
Dans mon logis, où nous rirons
De la Faction Mazarine.

 

Allotin.

 


Ma foy, tu portes triste mine,
Ne pense pas quitter ces lieux,
Pour t’enuoller dedans les Cieux,
Tu y seras trop tost ie meure,
Tu as icy quelque demeure.
Adieu, deffens-toy d’vn repas
Qui peut ce causer le trépas.

 

Iacquinot.

 


Adieu, cher Allotin, Adieu ;
Quand te verray ie en ce lieu ;
Afin que nous benuions chopine,
Par la sangoy & par ma pine,
Ie payeray tousiours du vin ;

-- 12 --


Car ie croy que tu es diuîn :
Adieu, Amy, le te conjure
De m’aymer d’affection pure,
Autant auiourd’huy que demain
Afin d’extirper Mazarin.
Ie m’en vay pourmener en Ville,
Où ie sçauray comme on babille,
Et si les armes cette fois
Nous ferons faire amas de poix,
Et de lard pour nostre Caresme ;
Puisse-ie mourir à l’heure mesme,
Cét accident me fascheroit
Parce qu’il est contre le droit.

 

Allotin.

 


Ne crains point d’auoir aucun mal
Au suiet de ce Cardinal,
Il est forcé, ie te le iure
De payer le droict à Nature ;
Ie retourne tost à Paris,
Ne tiens ton Amy à mépris,
Ie te monstreray quelque chose,
Qui à present [1 mots ill.]ie n’ose.
Bien-tost ie publiray la Paix,
Et feray voir aux Portefaix,
Que le bon-temps est reuenu,
Et que celuy qui estoit nû,
Verra sa carcasse vestue :
C’est trop parler dans vne ruë.
Or Adieu donc, cher Iacquinot,
Au reuenir, nous beurons pot.

 

FIN.

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