Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], LE IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. QVESTIER, dit FORT-LYS. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_01.
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LE
IOVRNAL
POETIQVE
DE LA GVERRE
PARISIENNE.

Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix,
& de la Patrie.

Par M. QVESTIER, dit FORT-LYS.

A PARIS,
Chez la veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse,
aux trois Cramaillieres.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE
IOVRNAL
POETIQVE
DE LA GVERRE
PARISIENNE.

Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie.

 


LE Ciel estoit serain ; mais tout à coup les vents
Broüillerent le cristal du pur des Elemens,
Dés l’abort que le Roy quitta son domicile :
D’en dire le sujet, il n’est que trop facile.

 

 


L’ignorance regnoit parmy les factieux,
Et on ne voyoit rien que leurs faits vicieux.
Ils croyoient d’vn Paris establir vne Banque,
Mais ils ont veu à clair qu’icy leur foy leur manque.

 

 


Celuy qui dans ce lieu, disoit ; I’ay grand credit ?
S’est bien veu repousser, & sans nul contredit
A rebouché chemin, croyant que la campagne
Luy seruiroit beaucoup mieux qu’vn cheual d’Espagne :
Et qu’il est impossible en formant vn danger
De souffrir prés de nous vn Finet Estranger.

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Qui attrapoit l’argent de nos genereux Princes,
Et qui seul deuoroit nos plus belles Prouinces ?
Qui dominoit sur tout le ieune esprit du Roy,
Qu’il estoit son Azile ; Hé grand Dieu ! Qui le croy ?
Qu’il estoit le Tymon du repos de la France,
Qu’il tenoit enserré dans sa main la balance ;
Que son esprit subtil destournoit les desseins,
Et qu’apres son conseil on n’en viendroit aux mains.
Qu’il dompteroit bien-tost la superbe arrogance
D’vn Paris, soustenu des loix de la prudence.
Enfin nous le voyons condamné desormais
De quitter nostre France & n’y venir iamais.

 

 


Ce fut durant la nuict qui commençoit le iour
Des Roys, que nostre Roy delaissa ce sejour,
Non de sa volonté ; mais bien plustost par force,
Ou du moins par l’appas d’vne subtile amorce ;
Luy mettant dans l’esprit que les Parisiens
Le vouloient mal-traitter sans espargner les siens,
Et qu’il estoit besoin pour sauuer sa personne
De quitter son Paris. Aussi-tost le Ciel tonne ;
Et d’vn vent tout à fait rude & impetueux,
Nous faisoit assez voir qu’vn Roy majestueux
N’estoit plus parmy nous ; & qu’vn conseil barbare
Nous auoit enleué vn si precieux Phare.

 

 


Le iour n’eust pas si tost paru sur l’horison,
Que les Parisiens sont saisis d’vn frisson :
Vne Panique peur s’empara de leurs ames
Qui finit tout à coup, pour faire place aux flammes
De leur iuste courroux : Puis tout soudain l’on oyt
Vn murmure plaintif que le peuple faisoit,

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En disant ; Quoy faut-il nous traitter de la sorte ?
Et l’autre demandoit par où, par quelle porte
Ce Roy donné du Ciel pouuoit estre sorty
En maudissant l’autheur d’vn si fascheux party.
Les femmes demandoiẽt, Qu’est-ce qu’on nous demande ?
Nos fideles maris, payeront-ils l’amande
Quoy nous faut-il mourir pour vn rouge Estranger ?
Quoy faut-il que son ieu cause nostre danger ?
Que son cœur orgueilleux enfanté de l’enuie
Rampe parmy ces lieux pour nous oster la vie ?
Non, non, il faut purger Paris des vicieux,
Et nous appaiserons la colere des Cieux.

 

 


Lors la seconde nuict commença & le vent
Fit beaucoup plus de bruit qu’il n’auoit fait deuant,
Chacun s’en va coucher horsmis quelques gensd’armes,
Qui auec Diane veillent dessous les armes ;
L’on entend bien crier ; demeure, qui va là ;
Caporal, hors de garde ; i’ay veu cy, ou cela ;
Vn blesme Cauallier c’est montré à ma face,
Qui vous voyant venir m’a delaissé la place.

 

 


Cecy causa vn cry ; arme, arme compagnons ;
Et ie vis naistre alors beaucoup de champignons,
Que l’on croyoit pourris au centre de la terre,
Et qui ne demandoient qu’à soustenir la guerre.
Dés lors le Parlement se couurant du bonnet
Qui sçait punir le crime & rendre le franc net,
Quoy qu’il soit oppressé. Si les Cieux sont pour nous,
Nous luy deuons ployer maintenant les genoux.
Non, ce n’est pas au Ciel, c’est vne creature,
Puis qu’il porte sur soy de l’homme la figure.

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Et il est tres-certain que tous nos enuieux
Changeront de Climat esperant d’estre mieux.

 

 


Ce bruit estoit passé & on se reposoit,
On croyoit estre en paix ; mais le tocxin sonnoit,
Vne legere peur espouuanta les femmes,
Qui disoient : Mon mary, n’esteindez point mes flammes,
Ne me laissez pas veufue ; ie sçay bien que la guerre
Rend le fort & puissant aussi fresle qu’vn verre :
Qu’il est bien mal-aysé dans ces occasions
De vaincre sans former de belles actions.

 

 


L’Arcenal peu fourny des foudres de la guerre,
Voyant son Gouuerneur ramper en autre terre,
Et qu’il ne pouuoit pas resister à l’effort
De nos Parisiens se rendit à l’abord.
On trouua dans ce lieu diuerses Couleurines
Sciées & encloüées ; & dessus les Courtines
Quelques petits canons, ou pieces de campagne
Que ce grand Duc du Maine enuoya d’Allemagne.

 

 


Pour des fusts de canon on en trouua assez,
Et beaucoup de boulets qui sont dans les fossez,
Que l’on pourra auoir apres que la purée
De Bourgongne sera dans la mer emmurée ;
Bref, ce fut vn beau coup qui affermit ces lieux,
Et qui fit vn affront au Finet orgueilleux.

 

 


Voicy vn autre bruict qui nous vint allarmer,
Et qui fit nos Bourgeois en vn moment armer ;
L’on disoit, les Fauxbourgs sont desia mis en cendres,
Et le laict nourricier des enfans ieunes & tendres,
Des meres, qui craignoient de les faire pâtir,
Le transmuoit en eau, les faisant compâtir

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D’vn mal qui ne pouuoit dessus leur innocence
Rencontrer vn sujet que pour leur allegeance.
Quelques-vnes disoient laissons les tous perir,
Et les autres pleurant, nous aymons mieux mourir
Que de voir nostre fruict sorty de nos entrailles,
Entre les lasches mains d’vn million de canailles,
Qui sucçotent sans fin le pur de nostre sang.

 

 


Hé ! grand Dieu qu’est-cecy, quel effroyable estang ?
Seine vous n’estes plus vne douce Riuiere,
La Marne vous fait tort, vous rendant Mer entiere,
La Loire mesmement, afin de vous troubler
A fait ses blanches eaux à ce coup redoubler ;
Ce qui ne se faisoit qu’au cours de neuf années,
S’est parfait dans le temps de quatre matinées :
Et bien que l’on craignist quelque accident de feu
Vne peur saisissoit le monde peu à peu,
Qui regardant les flots s’esleuer de la sorte,
Et entrer aux maisons sans en ouurir la porte,
Disoient, On nous à fait icy vn mauuais tour ?
Mais cela n’empeschoit que le son du tambour
Ne bruyast fortement, & que parmy la ruë
On ne se resioüit de la noble venuë
Du Prince Conty, & d’autres grand Seigneurs,
Dont leurs faits & vertus ie toucheray ailleurs.

 

 


Enfin l’accroist des eaux causa vn grand dommage,
Des Chantiers tous entiers se sauuerent à la nage ;
Quelques-vns se noyans, mesme deux ponts de bois
Escraserent le dos de la Seine à la fois.
Maint Palais Poissonneux en ruïne furent mis
Sans se pouuoir deffendre contre leurs ennemis,

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Les moulins mesmement ne sçeurent esuiter
Ce mal-heur, qu’on ne peut qu’à peine reciter.

 

 


L’on somme en mesme temps la fameuse Bastille
De par le Parlement & des Messieurs de Ville
Du Tremblay rend les clefs, on crie viue le Roy,
Et le peuple aussi-tost appaise son esmoy ;
On leue des Soldats pour la Cauallerie,
Et pour former des corps de bonne Infanterie.

 

 


Nous auons de bons Chefs qui meneront prudents
Cette guerre si bien, que tous les imprudents
Ennemis de l’Estat se trouueront confus,
Ne pouuant sur nos cœurs emporter le dessus.
C’est ce que ie te donne estimant ton merite :
Reçois-le, cher Lecteur, en attendant la suitte.

 

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Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], LE IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. QVESTIER, dit FORT-LYS. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_01.