Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], LE IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. QVESTIER, dit FORT-LYS. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_01.
LE IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie.
LE Ciel estoit serain ; mais tout à coup les vents Broüillerent le cristal du pur des Elemens, Dés l’abort que le Roy quitta son domicile : D’en dire le sujet, il n’est que trop facile.
L’ignorance regnoit parmy les factieux, Et on ne voyoit rien que leurs faits vicieux. Ils croyoient d’vn Paris establir vne Banque, Mais ils ont veu à clair qu’icy leur foy leur manque.
Celuy qui dans ce lieu, disoit ; I’ay grand credit ? S’est bien veu repousser, & sans nul contredit A rebouché chemin, croyant que la campagne Luy seruiroit beaucoup mieux qu’vn cheual d’Espagne : Et qu’il est impossible en formant vn danger De souffrir prés de nous vn Finet Estranger.
Ce fut durant la nuict qui commençoit le iour Des Roys, que nostre Roy delaissa ce sejour, Non de sa volonté ; mais bien plustost par force, Ou du moins par l’appas d’vne subtile amorce ; Luy mettant dans l’esprit que les Parisiens Le vouloient mal-traitter sans espargner les siens, Et qu’il estoit besoin pour sauuer sa personne De quitter son Paris. Aussi-tost le Ciel tonne ; Et d’vn vent tout à fait rude & impetueux, Nous faisoit assez voir qu’vn Roy majestueux N’estoit plus parmy nous ; & qu’vn conseil barbare Nous auoit enleué vn si precieux Phare.
Le iour n’eust pas si tost paru sur l’horison, Que les Parisiens sont saisis d’vn frisson : Vne Panique peur s’empara de leurs ames Qui finit tout à coup, pour faire place aux flammes De leur iuste courroux : Puis tout soudain l’on oyt Vn murmure plaintif que le peuple faisoit,
Lors la seconde nuict commença & le vent Fit beaucoup plus de bruit qu’il n’auoit fait deuant, Chacun s’en va coucher horsmis quelques gensd’armes, Qui auec Diane veillent dessous les armes ; L’on entend bien crier ; demeure, qui va là ; Caporal, hors de garde ; i’ay veu cy, ou cela ; Vn blesme Cauallier c’est montré à ma face, Qui vous voyant venir m’a delaissé la place.
Cecy causa vn cry ; arme, arme compagnons ; Et ie vis naistre alors beaucoup de champignons, Que l’on croyoit pourris au centre de la terre, Et qui ne demandoient qu’à soustenir la guerre. Dés lors le Parlement se couurant du bonnet Qui sçait punir le crime & rendre le franc net, Quoy qu’il soit oppressé. Si les Cieux sont pour nous, Nous luy deuons ployer maintenant les genoux. Non, ce n’est pas au Ciel, c’est vne creature, Puis qu’il porte sur soy de l’homme la figure.
Ce bruit estoit passé & on se reposoit, On croyoit estre en paix ; mais le tocxin sonnoit, Vne legere peur espouuanta les femmes, Qui disoient : Mon mary, n’esteindez point mes flammes, Ne me laissez pas veufue ; ie sçay bien que la guerre Rend le fort & puissant aussi fresle qu’vn verre : Qu’il est bien mal-aysé dans ces occasions De vaincre sans former de belles actions.
L’Arcenal peu fourny des foudres de la guerre, Voyant son Gouuerneur ramper en autre terre, Et qu’il ne pouuoit pas resister à l’effort De nos Parisiens se rendit à l’abord. On trouua dans ce lieu diuerses Couleurines Sciées & encloüées ; & dessus les Courtines Quelques petits canons, ou pieces de campagne Que ce grand Duc du Maine enuoya d’Allemagne.
Pour des fusts de canon on en trouua assez, Et beaucoup de boulets qui sont dans les fossez, Que l’on pourra auoir apres que la purée De Bourgongne sera dans la mer emmurée ; Bref, ce fut vn beau coup qui affermit ces lieux, Et qui fit vn affront au Finet orgueilleux.
Voicy vn autre bruict qui nous vint allarmer, Et qui fit nos Bourgeois en vn moment armer ; L’on disoit, les Fauxbourgs sont desia mis en cendres, Et le laict nourricier des enfans ieunes & tendres, Des meres, qui craignoient de les faire pâtir, Le transmuoit en eau, les faisant compâtir
Hé ! grand Dieu qu’est-cecy, quel effroyable estang ? Seine vous n’estes plus vne douce Riuiere, La Marne vous fait tort, vous rendant Mer entiere, La Loire mesmement, afin de vous troubler A fait ses blanches eaux à ce coup redoubler ; Ce qui ne se faisoit qu’au cours de neuf années, S’est parfait dans le temps de quatre matinées : Et bien que l’on craignist quelque accident de feu Vne peur saisissoit le monde peu à peu, Qui regardant les flots s’esleuer de la sorte, Et entrer aux maisons sans en ouurir la porte, Disoient, On nous à fait icy vn mauuais tour ? Mais cela n’empeschoit que le son du tambour Ne bruyast fortement, & que parmy la ruë On ne se resioüit de la noble venuë Du Prince Conty, & d’autres grand Seigneurs, Dont leurs faits & vertus ie toucheray ailleurs.
Enfin l’accroist des eaux causa vn grand dommage, Des Chantiers tous entiers se sauuerent à la nage ; Quelques-vns se noyans, mesme deux ponts de bois Escraserent le dos de la Seine à la fois. Maint Palais Poissonneux en ruïne furent mis Sans se pouuoir deffendre contre leurs ennemis,
L’on somme en mesme temps la fameuse Bastille De par le Parlement & des Messieurs de Ville Du Tremblay rend les clefs, on crie viue le Roy, Et le peuple aussi-tost appaise son esmoy ; On leue des Soldats pour la Cauallerie, Et pour former des corps de bonne Infanterie.
Nous auons de bons Chefs qui meneront prudents Cette guerre si bien, que tous les imprudents Ennemis de l’Estat se trouueront confus, Ne pouuant sur nos cœurs emporter le dessus. C’est ce que ie te donne estimant ton merite : Reçois-le, cher Lecteur, en attendant la suitte.
|
SubSect précédent(e)
|
Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], LE IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. QVESTIER, dit FORT-LYS. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_01.