Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. HVICTIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_08.
SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. HVICTIESME SEPMAINE.
ALORS que nous croyõs voir la fin de nos maux, C’est lors que nous sentons augmenter nos trauaux : Tout le monde est pour nous ; & l’on ne void personne, Qui ne soient Seruiteurs loyaux de la Couronne Françoise. Grand Dieu ; conseruez nostre Roy, Terrassez l’ennemy qui nous remplit d’effroy : Finissez la terreur de cette inique guerre, Et enuoyez du Ciel vostre Paix sur la terre.
Vn sainct iour de Dimanche à huict heures au matin, I’entendis vn discours qui n’estoit pas latin : Mais trop bien bon François. Ha ! nous sommes trahis ? On nous veut affamer ? Les bourgeois de Paris ; Craignant qu’il ne suruint quelque sedition, Comme il aduient souuent, ou vne esmotion Populaire ; soudain se mettent sous les armes, A celle fin d’oster la fougue des allarmes.
Cependant au Palais le monde s’amassoit, Le premier President vn chacun menassoit : Les autres murmuroient ; disant : De cette Ville On pouuoit tost leuer vne trouppe gentille, Pour ietter du secours dans Brie-Comte-Robert, Il parloit hautement ; & d’vn courage ouuert ; Il disoit : On nous vend, comme à la boucherie La chair. Or celuy-là soustenoit la Patrie ; Et n’est pas bien ayse de la voir en tourment, Mais il auoit l’esprit vn peu trop vehement : Car il mordoit ses doigts, & en mouuant la teste, Il nous faisoit bien voir qu’il n’aymoit point la feste, Qui duroit si long-temps. Or sus, mes chers Freres, Auons nous, ce dit il, du cœur pour nos Confreres, Deuons nous endurer vn malheur si pressant, Dittes-le moy de grace ; Que fait-on à present. Les voylà au Conseil, nos Messieurs, ce vous semble, Ie ne dis que cela ; car en ce lieu ie tremble. Ils vont faire la Paix, auec Mazarin, De nos petits enfans il sera le Parain. Il viendra à Paris, par la plus belle Porte, On luy fera entrée, ou le diable m’emporte.
Ha ! Messieurs donnez-moy tant soy peu de loisir, Et ie vous desduiray ce qui nous faudroit faire ; Il est bon de parler, ainsi que de se taire ;
Ie me suis en ce lieu vn peu trop arresté, Il me faut discourir de ce qui est resté De bon ou de mauuais ; en toute la iournée, Et ce qui se passa durant l’apresdinée.
Le matin l’Assemblée se fit au Parlement, Où l’on deslibera pour le soulagement Du Peuple languissant ; que pour la Conference Elle seroit tenuë en vn lieu d’asseurence, Et que les Desputez auroient vn plein pouuoir Des Cours Souueraines ; afin de bien pouruoir
Aussi-tost dans Paris, on vid telle abondance, Que le tout r’amenda. Lors la vigilance De nos Messieurs de Ville ne manqua au besoin, Ayant des pauures gens vn particulier soin, Faisant commandement à tous les Boulangers De cuire des petits pains, pour oster les dangers Que peut causer la faim dans vne Republique ; Et qu’ils en garniroient vn chacun leur boutique, Sur peine d’encourir vn grief chastiment, Couché en tres-bon ordre dedans leur Reglement.
Courage, nous auons de tres-bonnes nouuelles, Depuis l’inuestiture on n’en a eu de telles ; Voicy toute l’armée du Duc de Longue-ville : Qui vient pour secourir promptement cette Ville. Elle est de douze cens Gentils-hommes de nom, Qui viennent acquerir vn glorieux renom : Deux mille Caualiers, & cinq à six mille hommes, Auec presque autant, prés ce lieu où nous sommes, Qui l’attendent pied coy, d’vne façon hardie, A dessein de se joindre à ceux de Normandie : Et comme ils sont tous forts, gaillards & bien dispos, Nous croyons que dans peu nous aurons du repos.
Detestable fureur, faut-il que tu te montre A ce gentil Neüilly : ô ! infernal Monstre, Ta colere, ta rage, & ta brutale main, A-t’elle pû commettre vn cas si inhumain ?
C’est maintenant qu’il faut loüanger nos amys, Et ne point espargner le sang des ennemys, Ils nous ont trop braué ; Sus faisons leur sçauoir, Que le sanglant mestier cognoist nostre pouuoir :
Ce grand Coadjuteur ne manque point de force Pour punir ce mutin, qui sans cesse s’efforce De nous faire du mal, & de nous tourmenter ; Mais nous le verrons tost en ce lieu lamenter : Les pertes qu’on luy fait souffrir à toutes heures, Affoiblissant ses trouppes qu’il tient pour les meilleures.
Aussi-tost rencontrant quarante Caualiers, Il leur donne le choc, les deffait, les abbat ; Et les vns sont tuez & pris en ce combat. Ils laissent leur butin & leurs cheuaux en proye, Que les nostres ont eu pour s’en seruir en joye.
Puis Monsieur de Turenne emmeine du secours, Qui doit venir icy dans dix ou douze iours : Il ne montre que trop par sa grande diligence, Qu’il a pour nostre bien beaucoup de vigilance.
On nous dit que Rantzau a esté arresté A Sainct Germain en Laye, pour auoir contesté Quelque droict specieux, dont il auoit raison ; Et puis sans l’escouter on le mist en prison.
Voyons les Desputez de la grand’Conference, Combien, & qu’ils estoient, leurs noms & preference. Il me faut commencer par ceux du Parlemen ; Ce fut Monsieur Molé, le premier President : Puis les trois qui se sont tousiours rendus soigneux De nous faire du bien, de Mesmes, le Coigneux, De Nesmond, tres-prudens, Presidens au Mortier, Qui n’ont rien de caché, & qui ne soit altier ; De Longueil, Menardeau, qui sont de la grand’Chãbre Conseillers, gens d’honneur, composerent ce membre. De la Nauue, le Cocq, Bitault, Violle, ou Paluau, Des Enquestes esleus, porterent nostre fardeau : Le Févre, Brisonnet, choisis dans les Requestes, Monstrerẽt en ce dessein qu’ils ne choyoient leurs testes.
Le Peuple les conduit ayant les larmes aux yeux, Et ne pouuoient qu’à peine leur dire les adieux : Les Ducs d’Orleans & Prince de Condé S’y rencontrerent aussi ; l’vn estoit bien fondé, Et l’autre contestoit sur le peu d’asseurence Que pouuoit à Paris auoir les Grands de France. Ce qui nous resioüyt, ce fut que Mazarin N’osa du tout monstrer en ce lieu son groin ; Quoy qu’il eut donné ordre à ses gens de campagne, D’aller surprendre Reims, ville de la Champagne, Ils furent repoussez par ses forts habitans, Qui ne tremblent iamais voyans des combattans ; Car ils sont tres-adroits au mestier de la guerre, Et conseruent leur pain en deffendant leur terre.
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Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. HVICTIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_08.