Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. QVATRIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_04.
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SVITTE
DV
IOVRNAL
POETIQVE
DE LA GVERRE
PARISIENNE.

Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie.

Par M. Q. dit FORT-LYS.

QVATRIESME SEPMAINE.

 


HA ! le rude mestier que de porter les armes ?
C’est chercher du repos au milieu des allarmes ?
Sacrifier sa vie auecque sa valeur,
Et treuuer dans le froid vne ardente chaleur
C’est destruire vn rien, conquerir vn âtome,
Et s’attacher au crin d’vn insolent fantosme.
O ! grand Dieu conduisez nos mains à cette fois,
Pour combattre les cœurs qui mesprisent nos Loix.

 

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Cher, Lecteur, le desir qui sans fin me transporte,
De te faire sçauoir, comme icy tout se porte,
M’oblige de tracer la suitte de ces vers,
Qui pourront quelque iour voler par l’Vniuers.
Croy, que ce n’est pas peu d’escrire de la sorte,
Et de donner vn fruict dans vne saison morte.
I’aduouë qu’il soit amer ; mais il ne cause pas
A tous ses Amateurs vn scandaleux repas,
S’il est amer au cœur, il est doux à la bouche,
Au leuer du Soleil ou bien quand il se couche
Prens en asseurement ; & tu verras combien,
Pour te desennuyer il te fera de bien.

 

 


Sçache donc, qu’à Paris il entre tous les iours
Des bleds, farines, bœufs & tout autre secours.
Qu’il y vient des moutons & des Porcs à foison :
Mais pour de la marée, elle n’est plus de saison.
Le vin ne manque point : mais le pain est bien cher ;
Toutesfois on n’a plus la peine d’en chercher.
Nostre Seine n’est pas chargée de grands batteaux,
Et Paris est desert de tireurs de manteaux.
On marche hardiment la nuict, soit & matin,
Sans trouuer les voleurs qui sont à S. Germain.
Escoutez, s’il vous plaist, ie n’offence personne,
Car de ce changement vn chacun s’en estonne ;
Et ayme t’on bien mieux de manger le pain cher
Que de se voir au soir d’vn frippon embrocher,
Qui vollant le manteau, abrege ainsi la vie
De celuy qui s’en sert. La Ville est bien munie,
On entend bien crier : demeure, qui va-là :
On ne s’en soucie plus ; on est fait à cela.

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On sonne le tambour pour aller à la feste,
On marche hardiment, on ne craint plus sa teste,
Pour aller au combat, on est tousiours tout prest,
Et le Peuple espouse le commun interest.

 

 


L’on me dit en passant par la Place de Maubert :
Que l’ennemy estoit à Brie-Comte-Robert :
Qu’il s’en vouloit saisir ; mais que la vigilence
De ces bons Citoyens, sortis en diligence,
Les auoient repoussez : Et que leur appareil
Campa prés Lesigny, auant que le Soleil
Fut couché. Aussi tost il fit sommer la Place,
De se rendre en ces mains en obtenant sa grace.
Ils sont sourds à sa voix, & sortent vaillamment,
Dessus les Mazarins qui fuyent honteusement :
Mesme la Garnison de Brie-Comte Robert,
Ayda à leur donner vn si fascheux decert.
Taschant de regagner le lieu de leur retraitte,
En retirant ses gens de peur d’vne deffaitte.

 

 


Parlons de sainct Denis & de sa Garnison :
Et du rusé Mouchard qui fut mis en prison.
Il paroissoit assez qu’il estoit factieux ;
Mais il auoit manqué de bien ioüer ses jeux.
Ce porteur de poulets auoit sort bonne mine ;
Mais l’on cognoist icy quand vn esprit rumine.
Il alloit lestement sans regarder ses pas,
Et n’attendoit rien moins qu’vn asseuré trespas,
S’il estoit descouuert ; & si son entreprise
Venoit à s’esclatter. Aussi-tost il s’aduise
D’arrester vn Paysan, qui sortoit de Paris,
Au milieu du Fauxbourg qu’on nomme sainct Denis.

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Il se iette à son col ; mais l’autre sans defense,
Regarde cestuy-cy ; luy disant ; Tu m’offense ?
Hé ! pour qui me prends-tu ? Tu es vn espion ?
Non, suis ; dit le Paysan, ie me nomme Pion,
De sainct Leu Tauerny, & y fais ma demeure,
Que si cela n’est vray, qu’incontinent ie meure.
Ce drosle sur le champ le contrainct de venir
Deuant le Caporal, afin de maintenir
Cette accusation, & ainsi se deffendre,
Du soupçon qu’on pourroit encontre luy pretendre.
Messieurs, dit le Paysan ; vous sçauez bien mon nom,
Le lieu de ma demeure ; & mesme mon surnom.
Cestuy-cy veut ternir ma bonne renommée ?
Puis en se retournant deuers la cheminée,
Ne voyant plus celuy qui l’auoit offensé,
Il se mist à courir ainsi qu’vn insensé,
Criant à haute voix ; arreste, arreste, arreste ?
Ce diable d’espion qui vaut pis que la peste.
On se saisit de luy, & soudain on l’ameine
Plus viste qu’il ne veut parler au Capitaine.
On visita ses poches ; où l’on trouue des lettres,
Qui firent tost saisir ce beau facteur des traitres.
Aussi tost on le lie ; & à l’Hostel de Ville
On meine ce galand qui en eut trompé mille.
Il nous le faut laisser detester ses pechez,
Car nous allons ailleurs assez estre empeschez,

 

 


Cependant l’ennemy pille, brusle, saccage
Les maisons, les Chasteaux, & mesme le Vilagé
Du Mesnil Madame Ranse, dont les desgats
N’ont pas sçeu estre faicts que par des renegats,

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Qui veulent mal au Roy, ainsi qu’à la Patrie,
Et de qui la vertu n’est que par trop flestrie :
Puis qu’ils ont en horreur, nostre bon Protecteur
De Broussel des Lys fidele seruiteur,
Qui a sceu descouurir quantité de canailles,
Qui beuuoient nostre sang, & mangeoient nos entrailles.
Tout cela monstre bien que ce n’est que vangeance,
Qu’ils veulent ruyner à cette fois la France :
Mais Dieu ne permet pas que ces esprits mutins
Profitent tant soit peu de leurs vols & butins ;
Et veut qu’en peu de temps ils sentent sa Iustice,
Qui conserue les bons & qui hayt l’injustice.

 

 


Enfin voyons sortir le Duc de Beaufort
Et la Mothe Houdancourt, auec du renfort,
De quelques Caualiers pour purger les chemins
De Meaux, que ces volleurs infectoient de larcins.
Ces genereux Guerriers rencontrerent à Bondis,
Des trouppes qui faisoient des bois leur Paradis :
C’estoit des gens bien faits ; & la Caualerie,
N’estoit à mespriser, qu’en cas de vollerie ;
Ie diray qu’ils estoient la plus part Allemands,
Hardis dans les combats, auec des Flamands ;
Leur Chef & conducteur joüa mal son rollet,
Receuant de Beaufort vn coup de pistolet,
Qui dessus son cheual le renuersa par terre :
Seul coup qui fit cesser cette petite guerre,
Faisant des prisonniers vn nombre suffisant :
Qui monstre que ce Duc, est pour eux trop puissant.

 

 


Tandis l’on fit reueuë de quelque Infanterie
Dans la Place Royalle ; ie dis sans flatterie,

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Qu’il les faisoit beau voir ; au moins si ie pouuois
Despeindre ces deux-cy de Cugnac, Villebois :
Car celuy de Conty n’auoit point son pareil ;
C’estoit tous gens choisis ; tous bons pieds & bon œil,
Qui s’estimoient heureux de consacrer leurs vies,
En chassant loing de nous ces infectes Harpies,
Qui causent tant de mal à tant de gens de bien.

 

 


Et en l’apresdinée, or sus ; voyons combien
De Regiments parfaits de leste Infanterie,
Passerent en reueuë, & de Caualerie ;
Leurs noms, sont : de Boüillon, Mattas, & Gratteloup,
Fantasins resolus de faire quelque beau coup.
Du mesme de Boüillon la compagnie des Gardes
A cheual ; promettent de donner des nazardes
Au Mazarin party. Et nostre Protecteur
Auec de Vitry, ce grand Coadjuteur ;
Ne veulent pas manquer de force & de courage,
Pour bien tost estouffer cette insolente rage,
Qui ne paroist que trop dis ie deuant nos yeux,
En faisant obscurcir la lumiere des Cieux.

 

 


En mesme-temps l’on vid entrer en cette Ville,
Sans desordre aucun, vne trouppe gentille
De bœufs, moutons, & Porcs, qui sans se soucier,
De Champagne venoient pour se sacrifier,
Et seruir d’alliment, à nos nobles Bourgeois,
Ayant franchy Lagny, auec les Villageois,
Sans que la Garnison les osast attaquer ;
Ainsi nous ne sçaurions plus de viande manquer.
De bled, de vin, de pain, ny aussi des herbages,
Car si l’on fait courir des insolents langages,

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Que nous mourons de faim ; ie soustien le contraire,
Et dis que tels discours, sont de nostre aduersaire,
Qui voudroit s’il pouuoit nous donner de l’horreur,
Afin de mieux agir, en sa rage & fureur :
Et ie puis maintenir sans mentir nullement,
Que les chiens, & les chats, ne meurent aucunement.
Pour les chats il y a quantité de souris,
Et les chiens sans soucy, quoy qu’ils ne soient fournis
Pour passer ce temps-cy ; ne laisse pas de viure,
La mort n’est point sur eux. Mais il me faut poursuiure
Ce que i’ay commencé, afin de raconter
Vne Histoire gentille que ie viens d’escouter,
C’est des fameux Marais, & bien proche du temple,
Vn ieune compagnon vne fille contemple,
Et puis en mesme temps luy donne le bon iour,
En luy faisant sçauoir l’excez de son amour ;
Qu’il estoit Cordonnier ; & que durant la guerre,
Son mestier estoit bon ; puis vn agneau de verre
Il tire de son doigt, auec quelques discours,
Il conjure Margot à luy donner secours :
Car ainsi on appelle cette gaillarde fille,
Bien sage neantmoins, leste & tres-gentille ;
Luy dit ; retirez-vous ; Vous estes vn impudent ?
Pour qui me prenez-vous ? Voyez cét imprudent ?
Quel langage il me tient ? Lors ce pauure amoureux,
Vid bien qu’en ces amours il estoit mal heureux.
Il se r’asseure vn peu, & reprenant courage :
Madame, c’est au nom d’vn futur mariage,
Que ie vous faits present de cette bague cy.
Ne me refusez pas ; Prenez-là, mon soucy ?

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Vostre Oncle me cognoist & sçait bien qui ie suis,
Sus ; mon cœur appaisez quelque peu mes ennuis ?
Il pensa la baiser ; mais vn rude souflet,
Empesche le dessein de ce bruslant valet,
Qui ne fait pas semblant, de sentir en son ame,
Quelque fascheux desdain ; Il n’importe sa flamme
Ne se sçauroit esteindre en ce petit moment ;
Le cheual ne craint point les pieds d’vne Iument,
Quand il est eschauffé ; Ainsi ce langoureux
Commença de parler ; Ie suis fort desireux,
D’auoir vostre amitié, Madame, s’il vous plaist,
Prenez ce petit gage ; ou bien, s’il vous desplaist,
Venez auecque moy en choisir chez l’Orphévre,
I’en cognois vn, mamour, qu’on appelle le Févre ;
Ce qu’entendant, Margot, se mist le cœur en joye,
Et riant, mon amy, luy dit Hé ! que ie voye
Cette bague iolie ; Il luy donne à l’instant,
Et Margot remercie, ce pipeur inconstant,
Qui luy disant : A dieu, en luy serant la main,
Mamie, luy dit-il, ie vous verray demain.
Il ne fut pas party d’aupres de cette fille,
Qui pensant contempler cette bague fragile,
Se casse aussi tost qu’elle l’eut mise en son doigt ?
Ha ! traistre, ce dit elle : est-ce en mon en droit,
Qu’il te faut addresser ? Ie jure sur ma vie,
Que tu le payeras ? Il vint reuoir sa mie,
Esperant dés l’abort luy taster les testons :
Mais il y fut receu à grands coups de bastons.

 

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Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. QVATRIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_04.