Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. SECONDE SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_02.
SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. SECONDE SEPMAINE.
IL t’en faudroit beaucoup pour te rassasier, Vn grand bois ne se peut en vn moment sier : Ce n’est que commencer vne penible affaire, Qui dans cette Saison se pourra bien parfaire, Si nostre Defenseur regarde de ses yeux Les cœurs humiliez qui habitent ces lieux.
L’on ne cognoist que trop que ce n’est pas la faute De nos Parisiens ; quoy que leurs voix soit haute ?
Pour suiure mon Iournal, ie vous feray sçauoir, Que chacun s’apprestoit de rendre son deuoir ; De conseruer son Roy, ainsi que la Patrie, Et ioindre la valeur auecque l’industrie.
Le Prince de Conty, espousant l’interest Du Peuple ; dit, Messieurs, me voicy, ie suis prest De respandre le sang enclos dedans mes veines, Pour vous mettre en repos, & vous oster des peines Qui semblent menasser vn monde tout entier, Par le mauuais Conseil d’vn Finet maltotier.
Puis ce grand Duc d’Elbeuf, vray surjon de Lorraine, Fut receu General par la Cour Souueraine, Au Palais de Paris ; Et la Mothe Houdancourt, Auecque de Boüillon ; pour le faire plus court Furent faits Generaux de nos belliques armées ?
Dé-ja l’on void par tout des trouppes bien formées, Pour leuer des Soldats il est besoin d’argent, Le Bourgeois d’en trouuer se monstre diligent. Le premier Regiment fut de Cauallerie, Qui fut bien-tost suiuy de fresche Infanterie ; En mesme temps l’on dit le grand Duc de Beaufort Est venu nous trouuer auec quelque renfort, Pour se purger des faits que la loy Mazarine Luy auoit imposez, pour luy causer sa ruïne : Lessieurs du Parlement le renuoyerent absous, Maissant au Cardinal la carte de dessous :
Cependant à Paris le bon pain de Gonnesse, Ne vint point ; ny aussi le Pere Corbeillard ; L’on crie apres du pain, & non apres du lard, Car, graces au bon Dieu, nous auons plus de Porcs Qu’il n’en sçauroit entrer de deux ans dans nos corps ; Ce n’est pas qu’il n’y ayt des bleds en abondance, Et des farines aussi ; mais c’est l’intemperance Du Peuple, qui se croit éuiter le danger, Et en se fournissant ne manquer de manger.
Cecy fit murmurer quantité de personnes, A qui l’on auoit fait cesser toutes besongnes Trauaillant pour auoir leur pain quotidien, Comme faisoit iadis ce grand Comedien, Dont l’esprit se troubloit pour soustenir sa vie : Mais qui sçeut triompher dans sa faim de l’Enuie.
Ce peuple ainsi saisi d’vne soudaine peur, Oublia tout à coup sa pristine valeur, Ils se delibererent d’en auoir, à quel prix Que ce soit, il en faut ; pour n’estre point surpris De la faim, qui desia semble attaquer leurs ames Ternissant le teint frais des plus gentilles Dames.
Vn chacun se fournit le moins mal qu’il peut ; On ne s’enqueste pas s’il bruyne ou s’il pleut : Les vnes vont chercher des pois de toute sorte, Et les autres des feues ; tout est bon, il n’importe.
Le Riche cependant fait le bon mesnager, Il ne peut, ce dit-il, le pauure soulager, Il met hors de chez soy les bouches invtiles, Et sçait bien mettre au feu ses pois & ses lentiles ; Il se passe de peu, conseruant son argent,
Mais les pauures à Dieu adressent leurs prieres Sçachant qu’il a le soin des enfans & des meres : N’ignorant que la Reyne à trop d’humilité Pour souffrir prés de nous quelque inhumanité : Et que son naturel, son cœur, ny son courage Ne l’obligeront point de commettre vn outrage Contre vne gent paisible, qui luy dresse des vœux Que iamais en tels temps, ne feroient nos nepueux.
La Ville est sous les armes, ainsi que la Cité, Et on voit des Gensd’armes dans l’Vniuersité, Resolus de tailler dés le premier abbord, L’Autheur de ce party, luy laissant le remord De nous auoir appris à deffendre la terre Qui ne pouuoit souffrir en elle aucune guerre.
Quel employ donna t’on à ces nouueaux Guerriers Afin de les couurir de quelques vers Lauriers ? Les vns furent garder la porte sainct Anthoine, Par laquelle il entra grand quantité d’Auoine. Les autres conseruant celle de sainct Bernard, N’y trouuerent iamais aucun fascheux hazard :
Nesle fut aussi tost munie de bons Soldats Qui pensoient l’ennemy rencontrer dans leurs plats : Car ce n’estoit que jeu, au moins ce leur sembloit, En croyant qu’estant là nostre ennemy bransloit ; Et qu’il n’estoit besoin pour soustenir la guerre, Que de remplir le ventre, & de vuider le verre.
La Porte que l’on void, & que l’on nomme Neufue, De ses chers gardiens ne se trouua point veufue : Car ils monstrerent bien qu’ils n’estoient endormis Quand ils sçeurent venir pres d’eux nos ennemis.
Puis de sainct Honoré la Porte excellente, Se rencontra, pour lors, prompte & diligente A ne laisser passer, ce qu’on croyoit, sous main, Subtilement porter au Chasteau sainct Germain.
Richelieu, & ses gens auoient les yeux ouuerts Pour surprendre, prudents, les carts-d’escus couuerts Qu’vn maltotier ne pûst auec raison débattre.
Passons outre ; & voyons, si celle de Mont-martre Estoit en seureté : Ouy, car l’on n’y vid pas Des soufleurs de Tabac y prendre leurs repas. Vn chacun se tenoit dessus la deffensiue, Esperant qu’il falloit vser de l’offensiue.
Ceux-là firent fort bien : Voyons de sainct Denis La Porte en passant : & si ils sont fournis De tout ce qu’il leur faut, pour soustenir l’allarme, Et si ils sont prests quand on crie, arme, arme. Ouy ; car en vn moment ils se mirent en bataille, Resolus de frapper, & d’estoc, & de taille ;
Sainct Michel ne fit pas vne action si belle, Leur Corps de-Garde fut desgarny de chandelle.
Sainct Iacques n’auoit point de bois pour se chauffer : Mais le vin d’Orleans les sçeut bien eschauffer.
Ceux-là de sainct Martin passerent la nuictée, Quoy que leurs factions ne fussent limitée : L’on n’y fit aucun bruict ; sinon que l’interest D’vn drosle, à qui l’on dit : Amy tenez vous prest ; Ayez les armes en main pour faire sentinelle. Il respond fierement : Tu me la baille belle ; Commande à tes valets : Sçay tu bien qui ie suis ? Lors son Sergent luy dit : Vn Escureur de Puits ? Par Dieu, tu marcheras ? ou de ma Hallebarde Ie toucheray soudain sur ta Iuppe blafarde. Aussi-tost dit : Il ruë vn coup si bien à point, Qu’il fit voller en l’air la poudre du pourpoint Qu’il auoit sur dos ; Lors l’Abonnisseur d’eau, Se sentant mal traitté, mit la main au cousteau, Afin de se vanger de son Sergent sur l’heure : Mais l’on mist les hola. Icy trop ie demeure, Il nous les faut laisser vuider leurs differends, Puis que semblables jeux nous sont indifferends.
Voyons vn peu le Temple, auec la Conferance, Et si l’on doit en eux vser de preferance : Non, ils estoient prudens, & gardoient sagement Leurs Portes, & leurs murs auecque iugement.
Il nous faut maintenant pourmener de là l’eau, Et voir en passant sainct Victor, sainct Marceau,
Sainct Germain est veillant, & ne quitte sa prise, Abbaissant le caquet à quelques estrangers, Qui ne peurent qu’à peine éuiter les dangers Où ils s’estoient fourrez. Et la Porte Dauphine, Sceut fort bien retenir celle qui fit la fine, S’estant, pour se sauuer, en homme desguisé.
Mais Bussi ne fut pas du tout si aduisé, Puis qu’il laissa passer deuant son Corps de-Garde Quantité d’Escus d’or en guise de Moustarde.
Or voylà nos Guerriers occuppez desormais, A bien garder les Portes de nostre Paris ; Mais Il faut d’autres Soldats ; & dés le lendemain, Pour empescher le vol que l’on eust fait du pain, Chacun se met en haye, & parmy les dangers, Afin de conseruer Messieurs les Boulangers, Qui se voyant gardez vendent leur pain bien cher, A cause qu’on n’en peut qu’à peine approcher. Le plus fort l’emporte ; On ne marchande plus : De dire : C’est trop cher ; ce sont mots superflus. Ma Commere, c’est moy : Ie ne cognoy personne, Mon pain est pour celuy qui plus d’argent me donne. Enfin c’estoit pitié de voir les pauures gens, A qui les Boulangers n’estoient point indulgens.
Cecy dura cinq iours ; Puis vn commandement De Messieurs de Ville fut suiuy promptement : Portant que tous Bourgeois se tiendroient sous les armes, Pour aller au deuant du pain, que les Gensd’armes Du contraire party empeschoit de venir : Mais comme l’on ne peut prejuger l’aduenir, Nos Bourgeois y ayant esté deux fois de suitte, Et l’ayant amené par leur bonne conduitte, Il y eut du debat à la troisiesme fois : La Ville sainct Marcel arresta nos Bourgeois, Disant : Qu’ils auoient droict de demander leur part Du pain, dont nos Soldats s’estoient mis au hazard De leurs vies. Et afin d’en auoir mieux, les traistres Auoient mis des pauez sur toutes leurs fenestres, Afin de saccager nos gens en repassant, Et prendre leur Conuoy qui estoit tres-puissant. Mais ils furent estonnez de voir la resistance Que leur fit nos Guerriers : Neantmoins l’assistance, Bon-gré, mal-gré qu’elle eut, leur laissa enleuer Quatre Charettes pleines de pain, pour s’esquiuer Des dangers que ces gens imprudens & mutins Leurs auoient preparez, n’aspirans qu’aux butins.
C’est ce que ie te puis maintenant presenter, La suitte en peu de temps te pourra contenter.
A PARIS, De l’Imprimerie de la Veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse, |
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