Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. SEPTIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_07.
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SVITTE
DV
IOVRNAL
POETIQVE
DE LA GVERRE
PARISIENNE.

Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie.

Par M. Q. dit FORT-LYS.

SEPTIESME SEPMAINE.

 


SANS plus tarder, Seigneur, enuoyez nous la Paix,
En chassant loin d’icy de la guerre le faix :
Faites nous tost gouster le repos admirable,
Qui peut rendre heureux le pauure miserable.
Qu’il vous plaise, grand Dieu, d’appaiser le couroux
De nos fiers ennemis ; Et qu’vn regne plus doux
Vienne nous soulager. R’amenez nous nos Anges,
Et nous entonnerons vos diuines loüanges.

 

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Tout pensif & songeard, ie me sus pourmener
Au Faux-bourgs sainct Marcel, d’où ie vis emmener
Deux furieux garçons, d’vne grosseur extresme ;
Mais de leurs visages la couleur estoit blesme.
Ma curiosité s’enquesta fur le champ
Qu’ils estoient. L’on me dit : L’vn est Ayde de Camp.
Et cét autre frisé, vn Sergent de Bataille
Celuy là, c’est la Fleur ; & cestuy cy la Taille ;
Ils viennent d’estre pris en ce dernier combat.
Ils estoient tout de sang, sans Chappeau, ny rabat ;
Lors ie dis, en riant ; Si dans la matinée
Ils eussent sçeu gagner vne telle iournée,
Ie croy qu’ils n’autoient pas auancez de si pres.

 

 


Mais escoutons les bruicts que l’on fit tost apres.
Ce fut de Lesigny en Brie, & du Chasteau,
Pris par nos ennemis, quoy qu’il fut fort & beau :
Mais des coups de Canon la longue batterie
Nous rauit ce lieu là. Ie dis sans flatterie
Qu’il y auoit dequoy contenter Mazarin,
Tant en meubles, qu’en or, argent, fer & airain,
Qu’il a fait emporter en toute diligence,
Sans y laisser aucun sujet de negligence.
Cependant à Paris on demande du pain
A bon & iuste prix ; mais helas ! c’est en vain.

 

 


Le pauure murmurant souhaitte que sa vie
D’vne prochaine mort se trouue tost suiuie,
De ne pouuoir l’ayder, le Riche se complaint :
Enfin chacun gemit, souspire, & se plaint ;
Tout le monde se met en deuote priere,
Pour chasser loin de nous ses trouppes meurtrieres ;

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Qui n’ayment que le sang, que le feu, & le fer,
Qui sont venus icy du profond de l’Enfer
Exprez, pour assouuir la rage Mazarine.
Retourne donc chez toy semence Cerberine,
Va voir ton Climat froid sans plus nous tourmenter,
Tu nous as tous gelez ; tu te dois contenter ?
Il est vray que depuis que cette gent mauuaise,
Est venuë en ce lieu, nous n’ont eu aucun aise.
Le Ciel c’est courroucé contre nous viuement,
En nous faisant sentir vn Hyuer vehement,
Qui n’eust point son pareil depuis dix-sept années ;
Et qui se voit sans plus tristes & infortunées.
Mais courage, il ne faut pour cecy s’attrister
Ains genereusement à ce mal resister ;
Esperant que bien-tost nous aurons des douceurs
Qui rendrons esbays nos fidels successeurs.

 

 


Escoutons ce qu’on dit du Duc de Longue-ville,
Car on l’attend dans peu en cette bonne Ville ;
Il est en Normandie & n’est point endormy,
Où il combat prudent contre nostre ennemy.
De Fontaine-Martel, il ruyne les desseins,
Et taille des croupieres aux Soldats Mazarins,
Qui tenoient Quille bœuf ; & leur faisant quitter,
Ils ont veu comme il sçait du deuoir s’acquitter.

 

 


Voicy vn autre chant qui estourdit l’oreille,
C’est de la lascheté la figure cruelle,
De sainct Cloud & Meudon ; voicy les Garnisons,
Qui viennent à Montlhery pour piller les maisons :
Chastres n’est pas exempt de ce fascheux pillage,
Ny aussi ce fort beau, plaisant & bon village,

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Dont ie ne dis le nom, à cause que l’horreur
Que ces Diables y ont faicts donne de la terreur.

 

 


Messieurs de Parlement ayant le passeport,
Firent leurs Deputez cheminer sans effort,
Vers Sainct Germain en Laye, afin d’oster le faix
Du Peuple ja matté en luy donnant la Paix.
Ce fut (Messieurs Molé, de Mesmes President,
Et Monsieur Violé, Conseiller tres prudent
De la grande Chambre : & dont la vigilence
Se conjoint fortement à son intelligence.
De Cumont, & le Cocq, Catinal, Menardeau,
Tous quatre bien zelez, pour porter le fardeau
Du Peuple : Et de Paluan, Conseillers des Enquestes,
Auec Monsieur le Févre ; Conseiller des Requestes)
Qui furent deputez de ce Senat Auguste,
Afin de bien desbattre vne cause si iuste.

 

 


Messieurs les Gens du Roy sortirent de Paris,
Estans accompagnez d’Archers tres-aguerris,
Et Gardes de Monsieur de la Mothe Houdancourt,
Tous montez à cheual ; s’en reuindrent tout court,
Qui les ayant laissez vers le cours de la Reyne
Où Saintot les receut, c’est chose bien certaine.
Ils furent tous conduicts iusques au Bourg de Ruel
Par luy : & son ordre de ce faire estoit tel.
De Grammont les receut au dessus la Montagne
Des bons Hommes ; tenant tout exprés la campagne,
Afin de les mener, iusques dedans Sainct Cloud,
Sans crainte des dangers ny d’homme ny de loup.

 

 


Mais voicy en chemin quantité d’Allemans,
Caualiers effrontez, yurongnes & gourmans.

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Qui oserent attaquer auec vne violence
Le premier President, & vser de vengeance,
Arrestant son Carrosse, afin de le tuer.
Son dessein ne se peust enfin s’effectuer,
Cestuy-cy fut toiser la longueur de la terre
En faisant, de son corps, vn dangereux parterre.
Les autres furent pris, & pour seruir d’objet
Se laisserent attacher tous vifs à vn gibet.
Pour monstrer que les loix, prudentes & equitables,
Sçauent punir les vices les plus abominables ;
Et qu’il est dangereux de former des cartels ;
Puis que nous sçauons bien, que nous sommes mortels.
Messieurs nos Generaux firent le lendemain
Vn admirable coup pout amener du pain
Aux blocquez de Paris ; faisant vne sortie
Dessus les garnisons, qu’ils sçauoient en partie
Estre de sainct Denis, & de Auberuilliers,
Par trois gros deffillez, sortis à milliers,
Afin de restablir le beau pont de Gournay
Qui leur fut vn mal-heur ; ainsi que ie vous vay
Le descrire icy ; Car leur Caualerie
De quatre mil cheuaux ; auec l’Infanterie,
Constant sept mil hommes de pied tous souldoyez
Et vingt mil Bourgeois de Paris enuoyez,
Qui firent en vn moment vn puissant corps d’armée
Sans que la populace en fusse allarmée,
Il n’y parroissoit pas ; Cependant les oygnons
Eurent fort à souffrir ; deuant ses Champions,
Car sans se soucier ils les tiroient de terre
Et croyoient, ce faisant, faire vne iuste guerre ;

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Là les plus gros poiraux, se trouuerent confus,
Et à leurs amateurs ne firent aucun refus,
De se rendre craintifs, craignant de pis auoir
Mesmes les blettes-raues firent aussi leur deuoir
Se laissant carresser des amis de Bellonne
Sans plus se soucier des enfans de Latone ;
Ha ! que s’il y eut eu quantité de nauets
On y eut veu courir vn nombre de Cadets,
Qui en eussent cueilly pour passer leur Caresme
Des racines de persil, on en eut fait de mesme ;
Mais le froid Boreas empeschoit la saison
Qui fait bien-tost meurir ses racines à foison.
Les autres plus discrets ne s’amuserent pas
Si proche de Paris à faire tant de tracas :
Car ils alloient gaillards auecque esperance
Aux bourgs les plus fameux qui sont dedans la France ;
Et sans se soucier d’vn fatal debris,
Ils vont sans murmurer à dix lieuës de Paris,
Auecque si grand nombre de chariots & charettes
Que presque dans la Ville deux centaines y restes :
Et iamais on a veu vn si fameux Conuoy
Entrer dedans Paris : Et c’est aussi pourquoy
Le pain fut r’amandé de quelque peu de chose.

 

 


Mais, ô ! Dieu que voicy vne Metamorphose
Bien estrange ; sçauoir, que nos fiers ennemis
Ne veulent pas tenir ce qu’ils nous ont promis ?
Ha ! Brie-Comte-Robert, tu sçais bien maintenant ;
Qu’on ne te deuoit pas traitrer si laschement,
Grancey fut valeureux ; mais sa vertu est morte
Dés l’instant qu’il traitta auec toy de la sorte ;

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Car il ne deuoit pas en oyant ton Canon
Te tenter, pour flestrir son precieux renom.
Il ne te deuoit pas te promettre la foy,
Pour ne la pas tenir en se mocquant de toy.
Que luy sert d’auoir pris Brie-Comte-Robert,
S’il fait les actions d’vn frauduleux Sobert,
Qui trahit sa Patrie en liurant sa gent mesme,
Et qui se vid, enfin, dans le malheur extresme,
D’estre le prisonnier de ceux qu’il auoit faits,
Expiant en leurs mains l’horreur de ses forfaits.
Tu le verras vn iour, pour vne telle injure
Traitter ainsi que toy. Et le Ciel, ie te iure,
Chastira son orgueil, & son ambition,
Et sera mal venu parmy sa nation.
Enfin, tu le verras mesprisé dans les lieux,
Qui ne le contemploient que compagnon des Dieux.

 

 


Cette prise à Paris, causa vn grand murmure :
On disoit : Cette guerre icy trop long-temps dure.
Quoy ! auons du cœur de souffrir ce tourment,
Il nous faut tous sortir, & sans commandement ;
Aller vers l’ennemy, & la teste baissée,
Luy monstrer qu’il a trop nostre force offensée.
Qu’il est temps de monstrer que nous sommes soldats,
Et que nous ne craignons les horreurs des combats :
Sus, donc, ne tardons plus, puis que tout est perdu ?
En ma vie ie ne vis Paris si esperdu ;
Chacun disoit son mot selon sa fantaisie,
Mon ame qui estoit desia toute saisie
De la peur, ne songeoit qu’à son soulagement,
Comment elle pourroit suruiure honestement.

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Car vn chacun disoit : Le Roy est nostre Maistre,
Nous le cherissons tous, & hayssons le traistre
Qui cause nostre mal ; Il fant resolũment,
Qu’il espouse bien-tost vn noir monument.
Il faut, sans plus tarder, qu’il sorte de la France,
Et ainsi nous serons hors de toute souffrance.
Il fait tuer nos freres, & les va despoüillans,
Est-ce là la vigueur de ces exploits vaillans ?

 

 


Ce discours pensa bien causer vn grand malheur ;
Mais vn homme de bien arriua par bon heur
En ce lieu, qui leur dit : Messieurs, la Pacience,
Dans ces tracas presens doit seruir de science.
Nos prudens Senateurs ont les yeux bien ouuerts,
Pour sages descouurir les secrets plus couuerts :
Ce temps-cy ne peut pas durer plus longuement,
Dans peu nous nous verrons consolez amplement ;
Le plus fort est passé, banissons la tristesse,
Et souhaittons la Paix nostre vnique maistresse :
Ainsi nous vainquerons nos plus fiers ennemis,
Les forçant, sans frapper, d’estre nos bons amis.

 

 


C’est ce que ce Vieillard, dit à la compagnie,
Et qui de murmurer leur en osta l’enuie.

 

A PARIS,
De l’Imprimerie de la veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse,
aux trois Cramailleres.

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