Questier, Mathurin, dit Fort-Lys [1649 [?]], SVITTE DV IOVRNAL POETIQVE DE LA GVERRE PARISIENNE. Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie. Par M. Q. dit FORT-LYS. TROISIESME SEPMAINE. , françaisRéférence RIM : M0_1763. Cote locale : C_4_38_03.
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SVITTE
DV
IOVRNAL
POETIQVE
DE LA GVERRE
PARISIENNE.

Dedié aux Conseruateurs du Roy, des Loix, & de la Patrie.

Par M. Q. dit FORT-LYS.

TROISIESME SEPMAINE.

 


Novs voicy, tout de bon, engagez à la guerre
Dedans vne saison qui engelle la terre :
Nous allons commencer nos penibles trauaux
Sans sçauoir en quel tẽps doiuent finir nos maux.
Nous espousons, vaillans, vne iuste querelle,
Qui ne peut dans les cœurs se rendre criminelle,
Nous cherchons nostre Roy, qu’on nous a enleué
Auant que le Soleil des Roys fusse leué ;

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De le voir parmy nous, nous serions tres-joyeux.
Puis qu’il pourroit tarir les larmes de nos yeux :
Grand Dieu à cette fois, soyez nostre support,
En ramenant le Roy dans Paris à bon port.

 

 


Sus, il me faut tracer le fil de nostre Histoire,
Afin de l’arborer au Temple de memoire,
Sacrifiant, sans fin, à la posterité
Mon trauail, qui contient l’entiere verité,
De ce qui s’est passé de rare & memorable,
Si le Ciel est pour moy quelque peu fauorable.

 

 


Commençons par Lagny & voyons sa surprise
Et comme Mazarin en forma l’entreprise ;
De Persan fut l’outil, ainsi que l’ouurier
Qui en prenant Lagny, s’acquist vn vil Lautier :
Car il auoit promis au Maire de la Ville
La foy, le renuoyant paisible en sa famille.
Mais il ne le fit pas : parce que ces Agens
Luy firent violer le ferme droict des gens :
Protestant qu’il feroit mourir en leur presence,
Ce Maire s’ils faisoient aucune resistence ;
S’ils n’apportoient les Clefs ; laissant la Garnison
Entrer armes au poing dans chacune maison :
Les Habitans forcez pour l’amour de leur Maire,
Pour luy sauuer la vie, jouerent au forçaire :
Ils ouurirent leurs Portes à ce nouueau vainqueur
Qui les auoient trompez d’vn langage pipeur.

 

 


Ce bruit vint aussi-tost frapper à nos oreilles,
En nous faisant sentir des peurs nompareilles ;
Croyant que tout s’alloit perdre en vn moment,
Et qu’il ne falloit plus qu’eslire vn monument.

 

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Pour euiter ce mal, on forme vne armée
De nos Parisiens ; La Ville est allarmée,
Et chacun de bon cœur endosse le harnois
Sans plus rien marchander ny faire le sournois :
Ils vont à Iuuisy en ordre de bataille,
Sans frapper aucun coup, ny d’estoc ny de taille :
On leur donne du vin pour les encourager
Qui seruit bien plustost pour les descourager ;
Car ils beuuoient sans soif, n’ayant aucune chose
Pour manger ; & les vns dessus la terre pose
Leurs armes ; connoissant qu’il y a du danger
De trop boire du vin en vn lieu estranger.

 

 


Ce n’estoit point de Mars qu’ils obseruoient les loix,
Mais trop bien de Bacchus, au moins à cette fois :
Il les sceut bien dompter en broüillant leur memoire
Mais qui leur apprendra dans peu de temps à boire.

 

 


Enfin on les vouloit mener deuant Corbeil
A l’instant que Morphé remply tout de sommeil :
Mais Monsieur de Beaufort, qui a l’ame prudente,
Cogneust bien qu’il feroit vne perte euidente
S’il menoit nos Bourgeois au milieu des hazards,
Qui ne cognoissent rien aux actions de Mars.
Il les renuoya tous le Lundy au matin
Sans frapper aucun coup ny sans faire butin ;
Et puis au Parlement ce grand Cœur eut seance
Et là fut proclamé Duc & Pair de la France ;
Afin de terrasser ce fougeux Cardinal,
Qui à mon grand regret se trouue en mon Iournal

 

 


L’on fit des Caualiers sortir de toutes sortes
Et de l’Infanterie ; On leur ouurit les portes

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A dix heures du soir, pour soudain se vanger
Des actions barbares que fait cét estranger.

 

 


Pour cét effect l’on vid ce surjon de Lorraine
Auec des Caualiers, se plaisant dans la peine,
Courir sus l’ennemy, luy ostant le bestail
Qu’il nous auoit rauis en gros & en destail,
Puis ils les enuoya en nostre bonne Ville
De Paris. Aussi-tost Monsieur de Longue-ville,
La Noblesse receut qu’amena Matignon
Luy seruant de Conseil, comme de compagnon
Nous auons trop dequoy loüer la Normandie
Puis qu’elle a à ce coup nostre force agrandie :
Nous auons du sujet d’adorer ses Autels
Puis qu’ils peuuent sauuer quantité de mortels
De la mort : Mais voyons la Noblesse Bretonne
Sa posture & façon ; si elle est leste & bonne ;
Si ils pourront finir nos plus fascheux trauaux
Et sur tout si ils ont monté de bons cheuaux :
Il n’en faut point douter ; ils ont trop de courage
Pour ne pas empescher le cours de cét orage,
Ils sont prests d’estouffer la rage Mazarine
Sans le faire plonger trois fois dans la marine ;
Pour esteindre ce feu qui veut brusler Paris
(En se bruslant soy mesme ainsi qu’vn Phalaris)
Ils vont sacrifier leur honneur & leur vie
Pour bien-tost enchaisner la deuorante enuie
De ce fin Cardinal, qui n’ayme que le sang,
Et qui auec Mars tasche à ternir son rang.
Puisse tonner le Ciel pour escraser sa teste
Destruissant à nos yeux ce forgeur de tempeste.

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Las ! aymable Meudon : dy nous, qu’auois tu fait ?
Pour sentir la rigueur de ce Tyran parfait ?
Luy as-tu refusé tes nobles pourmenades ?
Luy as-tu empesché ses noires serenades ?
N’as-tu pas obey à sa traistresse voix ?
Quoy ! as-tu fait au moins l’honneur que tu deuois
A ce desolateur : Helas ! trop ce me semble
Sévre en est le tesmoing qui aussi me ressemble ;
Et qui est comme moy parmy l’affliction
Du desastre causant la desolation
De nos chers Habitans : qui ont quitté les lieux
Où ils viuoient en Paix mal gré les vicieux.

 

 


Mais helas s’en est fait ? Nous ne sçaurions plus rire
De conter nostre mal, c’est alors qu’il s’empire ?
Il nous vaut mieux chercher dés à present la mort
Que d’allonger nos vies auec quelque remord.

 

 


Nous auons veus chez nous des trouppes Polonnoises
Plus cruelles cent fois que ne sont les Turquoises,
Quoy qu’ils soient ennemis jurez du nom Chrestien
Ils sont beaucoup plus doux dedans leur entretien
Que ces Scythes frilleux ; quand ils sont en colere.

 

 


Scythes endiablez ; engencé de Cerbere ?
Hé pourqoy nous faites vous de telles extortions
A celle que l’on tient Reyne des Nations.
Qui t’a fait si hardy, ô ! Sarmathe impudent
De nous venir causer vn si triste accident ?
Le viole est-il parmis parmy ta gent maudite ?
Non, meschant que tu es ? infidelle, hypocrite.
Pollüer les Saincts lieux ; violer femmes & filles
Abattre, & brusler, ruyner des familles,

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Perdre & gaster le bien, & sans aucun soucy
Tuer & saccager des hommes sans mercy ;
Qui ne te disoient rien ; te donnant leur substance
En taschant de souler ta lasche intemperance
Pense tu que le Ciel pardonne tes forfaits,
Et qu’il puisse oublier les maux que tu as faits ?
Non, non tien toy certain qu’il n’a point de clemence.
Pour celuy dont le cœur n’ayme que la vengeance.

 

 


Enfin dedans Paris chacun se tourmentoit
Et ce destin fatal, sans cesse, on lamentoit.
On voyoit par les ruës gemir les vilageoises,
Et leuer les yeux aux plus grosses Bourgeoises :
Les vns s’entretenoient ; d’helas tout est perdu ?
Car le monde en ce temps tout esperdu ;
On ne laissoit pourtant d’amener des farines,
Des bleds, du pain, du vin, sans craindre ces vermines
Qui tenoient la campagne esperant d’affamer
Cette fameuse Ville, qu’on ne peut diffamer :
Car elle à, Dieu mercy, des forces suffisantes,
Pour bien-tost repousser les Cohortes puissantes
De nos fieres ennemis, qui rauagent par tout,
Et qui de leurs desseins ne viendront pas à bout.

 

 


Aussi-tost le bruict vint du Comte de Harcourt,
Que dans le Pont de l’Arche on le tenoit de court
Que Roüen n’auoit voulu luy donner audience
Dedans son Parlement, ny ancune seance.

 

 


Vn peu apres cecy, Monsieur de Longue-ville
Auec des Caualliers sortit de cette Ville,
Exprés pour s’asseurer des places & du Pays
De Normandie, qui rend les esprits esbays

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De tous les confidens du Finet Cardinal
A cause qu’il passa deuant eux par Breual.
Nous attendons icy tous les iours sa venuë ?

 

 


Mais resioüyssons nous ; chantons la bien venuë
D’vn fils qui nous est né, au milieu des trauaux,
Dont le Ciel nous promet qu’il finira nos maux.

 

 


C’est Charles de Paris de l’Illustre famille
Du Pacificateur, le Duc de Longue-ville ;
Il est beau ; & ses yeux nous monstre desia bien
Qu’il doit estre vn iour nostre appuy & soustien.
Qu’il sera grand Guerrier, qu’il domptera la terre
Que le grand Turc tient pour son plus beau parterre.
Qu’il aymera sur tout nostre bon Roy Loüys ;
Qu’il remplira les cœurs de ses faits inoüys.
Qu’il brisera le chef de la vaine arrogance
Et chassera au loing les ennemis de France.
Qu’il aymera les Arts qui regardent les Cieux ;
Qu’il hayra sur tout les esprits vicieux.
Que sans se soucier des appas de fortune ;
Il sçaura bien prudent se la rendre commune :
Et que son esprit prompt gracieux & clement,
Comprendra à l’instant ce qui est excellent.
Qu’il sera tres hardy, mesme dans les combats,
Et qu’il appaisera quantité de debats :
Bref, il est asseuré qu’vn si grand personnage
Surpassera tous ceux qui seront en son âge,
En vertu, en valeur, en bonté, & beauté,
Exempt de tricherie & de desloyauté.
Qu’il viura bien-heureux en ce siecle ou nous sommes,
Et qu’il sera chery & honnoré des hommes,

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Tout ainsi que son Pere il aymera la Paix,
Sus donc, benissons le, & l’aymons à iamais.

 

 


Voicy vn autre bruict qui nous vint interrompre,
C’estoit deux porteurs d’eau, au moins si ie me trompe ;
Ils auoient des crochets pour accrocher leurs sceaux ;
Et ie vis contre terre à chacun leurs cerceaux.
Ils auoient beu du vin plus qu’à l’accoustumée,
Et mesme du tabac auallé la fumée.
C’estoit vn passe-temps de les voir disputer ?
Puis tous deux aux oreilles se vindrent chucheter.
L’vn dit, tu as menty, prends bien garde Baptiste
A ce que tu diras ; Tu es Mazariniste ?
Ta femme me la dit à quatre heures au matin ?
Si elle t’a dit cela ? elle est vne putin.
Ie luy vay demander ? Aussi-tost mon galland,
D’aller trouuer Toynon, se monstre vigilant.
Vien-ça, double putain, as-tu dit à Baptiste,
Que i’estois, comme luy, aussi Mazariniste ?
Hé bon Dieu, mon mary, nenny, respondit elle.
Aussi-tost ces deux cy soustiennent leur querelle.
Les sangles & crochets commence le combat,
Le mary de Toynon son ennemy abbat.
Cecy durant long temps, se frappant de furie
Ie croyois bien de voir entre eux quelque tuerie ;
Mais l’on les mist d’accord pour se faire penser,
Ne se treuuant aucun pour les recompenser
De penibles trauaux soufferts en cette guerre,
Ny du sang qu’ils auoient respandu fur la terre.

 

A PARIS,
De l’imprimerie de la Veufue d’ANTHOINE COVLON, ruë d’Escosse,
aux trois Cramailleres.

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