Rozard, N. [?] [1649], L’ITALIE VENGEE DE SON TYRAN. PAR LES ARMES des bons François. Par le sieur N. R. Champenois. , françaisRéférence RIM : M0_1732. Cote locale : C_5_69.
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L’ITALIE VENGEE DE SON
Tyran, Pierre Mazarin.

ON ne peut trop louer la vertu, n’y trop hautement
& exalter son excellence, le Philosophe
a eu raison, quand il a dit qu’elle estoit fille
du Ciel veu qu’elle y a pris son origine, & sa naissance,
& si elle a descendu pour ce loger parmy
les hommes, ce n’a esté que par vn écoulement
de bonté pour leur apprendre les agreables routes
& sentiers qui conduisent à la terre de promission
toute fameuse & vberante, fecondes en toutes
sortes de fruicts les plus agreables à la veuë, les
plus excellens au goust, & les plus delicieux que
l’esprit humain ce sçauroit imaginer. Cette mesme
vertu a des Principes tres charmans & des
concerts qui donnent de l’admiration & qui promettent
à leurs sectateurs des ioyes perdurables.
Ce qui luy est opposé, c’est le crime & les deprauations
qui a par vn fatal contre poids, ont pris
naissance dans la classe des demons, dans ces lieux
puans, qui attendent les impies, les predateurs,
les concussionnaires, les incestes, les sacrileges,
les homicides, les Tyrans comme Mazarin ; auquel
appartiennent toutes ces Epithetes comme
au plus insigne, au plus perfide, au plus cruel, &
au plus inhumain, que le Soleil ait iamais éclairé,

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si la vertu promet des recommandations & recompenses
à ceux qui l’ont embrassee auec des
couronnes immortelles, le vice qui luy est incorruptible,
ne promet pas moins de peine & de
tourment à ceux qui l’ont contracté : voila deux
sustantifs, qui contiennent deux grandes extremitez
& espace, l’on fait voir le Ciel a découuert
auec ses beautez. L’autre fait voir vn lieu tres horrible
& formidable qui est l’Enfer, qui n’a pour
habitans que les demons, & les ames damnees
priuees de ses biens, accablez de tous maux. Mazarin,
voila le lieu ou tes crimes horibles, tes
prophanations extremes, tes brigandages sans
exemples, tes cruautez, tes fais d’hostilité,
tes tirannies & inhumanitez t’ont reduits dans
ces cachots obscurs, où ton ame est absorbee par
anticipation, tu n’y vois point les pauures Lazaristes,
ausquels tu as tiranniquement raui la substance :
Mais le mauuais Riche, auquel tu tiendras
eternellement compagnie dans l’actiuite de
ce feu deuorant : Il est bien raisonnable que tu
subisse les mesmes chastimens, veu que tu as esté
plus depraué que luy. Il seroit plus facile d’arrester
le torrent impetueux des eaux, d’épuiser la
mer quoy qu’inmense, d’empescher le mouuement
du Soleil, d oster le brillant aux Estoilles,
de les détacher de leur Throsne, de numerer le
sable & arene de la mer, de pezer le feu, de mesurer
les vents & d’en sçauoir l’origine ; que de
faire vne description de toutes les actions infames,

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poursuittes, sacrileges & abominations,
dont l’ame Mazarine est reuestuë, on la peut mettre
en paralelle auec celle du perfide Iudas, pour
les tromperies desquelles elle c’est seruie pour seduire
falacieusement le prochain, plus cruelle que
Neron dans sa tirannie, plus furieuse & larronnesse
que Mercure, plus sale & vilaine que Venus,
par ta mort le Temple Pauox sera renuersé
n’y ayant plus de crainte parmy les Romains, par
la perte de leur Tyran, bref la mort triomphe de
toy & ses ombres affreux t’intimident mais ce
qui me fait deplorer ton sort, c’est que ceux que
tu as instigué auec toy & qui suiuoient ta cabale,
s’eludent & ce mocque de toy, ils voyent que ta
voix plaintiue est vn echo de tres mauuais augure,
tes pas & tes démarches te vont precipitant & par
tout l’Enfer te suit, aussi tu en porte l’Image aussi
bien que les traits : car ayant effacé ceux que Dieu
y auoit empraint & graué, tu y as substitué ceux
du Demon son ennemy.

 

Si autresfois Rome c’est donné de l’éclat & de
la reputation par les Illustres hommes & esprits
Politiques quelle a produit, on peut dire maintenant
que c’est vne terre maudite, veu qu’elle ne
met au iour que les singes des demons, les Panthees
infernales, des hydres, des cocodrils tres
veneneux, des serpens tres mortiferes, des Lyons
carnasiers, des Arabes, des Vvlcans forgerons
d’iniquité des monstres marins, des proditeurs,
des Babilonnistes & prophanateurs, en vn mot

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des Mazarirsistes qui sont comme sansues, qui
tirent iusqu’à la derniere goutte du sang, ou
comme Corneille d’Esope qui s’enrichit de la
plume d’autruy, ainsi qu’il se voit manifestement
auec la lampe de Diogenes, au sujet que ie traitte,
qui est d’vn de tres pauures de naissance, tres riche
en forfaits, insatiable dans ces desirs, conuoiteux
des choses illicites, auare, ambitieux, ennemy de
l’honneur, oppugnateur de la vertu, la vie scandaleuse
du quel a donné de l’effroy, mesme aux
plus lascifs & desordonnez.

 

Il n’eut pas plustost atteint l’aage de la raison,
qu’il fit paroistre des actions aussi criminelles
qu’inhumaines, & ne s’estudioit qu’à faire iniure à
ses compatriottes & par des artifices inuentées
par le demon duquel il estoit le suppost, il succedoit
à toutes ces deprauées entreprises, & attrapoit
de toutes mains ; & plus il croyssoit en aage,
d’autant plus il surabondoit en malices, & sçauoit
si bien ioüer son personnage, que les plus fins &
spirituels n’estoient pas exempts de ces tromperie,
sur tout il l’a rendoit tres-celebre dans le métier
infame de Mercure, & par ces artifices, il faisoit
de grand amas. De sorte, qu’ayant attaint
l’aage viril, il s’exerça à negocier sur mer & sur
terre ; & le trafic ayant secondé ces desseins, &
reussi heureusement à ces pretentions, il acquis
quelque reputation parmy les negociateurs, lesquels
l’auancerent par le prest de grandes sommes
de deniers, dans l’esperance qu’ils auoient d’en tirer

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les arrerages : mais ils ne sçauoient pas le prouerbe
François, qui asseure, qui quiconque compte
auant son hoste, compte deux fois : car celuy
plus fin qu’eux voyant ses affaires en bon estat, il
fit banqueroute, & par cette lasche action, il ruina
plusieurs qui luy auoient donné à la bonne
foy, les veilles & les soins qu’ils auoient pris pour
amasser dequoy subuenir à leur negoce, ou pour
mieux dire à leurs familles, qui maintenant sont
dans vne indigence tres déplorable, mais ce n’est
que l’accessoire des torts qu’il a fait : car sa Saincteté
mesme en a ressenty les malins effets, au moyen
dequoy la fait emprisonner, & fait voire l’image
de l’enfer par celuy de la prison, il s’est prostitué és
choses prophanes & sacrées, dépoüillé la vefue &
l’orphelin, butiné sur l’innocent, & ses mains furieuses
& crocheuës ont esté si vastes & si longues,
qu’elles ont porté leur visée iusque sur le
domaine d’Espagne, il me souuient à ce propos
d’Alexandre le Grand qui conquis toute la terre,
par le fait de ses armes & generosité de son bras.
Mais Mazarin pour amasser, acumuler & entasser
& deuenir opulent, il ne s’est seruy pour milice
ny pour plastron que d’inuention & artifice,
& n’y a aucun lieu mesme iusques aux terres les
plus inhabitées, quine ressentent les trais malins
de ces inuentions Sathaniques. Il faut donc dire
maintenant que Dieu a exaucé les exorations &
prieres de tant d’ames deuotes & Religieuses, qui
ont fait des vœux au Ciel pour la liberation des

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opprimez, & pour le soulagement des pauures,
& pour cét effet, par vne voye extraordinaire, il
s’est seuit des Peuples pour exterminer ces Milans
& Veneurs d’enfer, par l’entremise du plus Auguste
& celebre Senat du monde, qui compose
vn corps, dont les membres qui en resultent &
prennent leur vigueur, sont les plus collustrez, les
plus prudens, les plus vertueux & les plus perfectionnez
de l’Europe, & semble que Dieu preside
à toutes leurs actions pour le salut & interest
public, aussi ils en reçoiuent les prieres. Tellement
qu on peut dire qu’à la faueur de cette venerable
compagnie Protectrice des affligez, la cause
du mal sera ostée, & en consequence les malins
effets cesseront, & en recompense, l’air retentira
des loüanges que les bons François feront & le
Ciel des prieres, pour la prosperité de leur illustre
famille, que bien comblez de mil benedictions.

 

Ce discours sera censuré des médisans ennemis
de la vertu, soit par enuie qu’ils portent aux choses
curieuses n’astans exagerées par eux, ou bien
par la stupidité & ignorance qui leur est naturelle.
Enfin, mon dessein n’est que de faire voir auec
des yeux de Linx ou d’Arcus, qu’il n’y a plume
assez diserte, memoire assez feconde pour indiquer
en si petite espace, à ce qui ne peut estre que
par plusieurs Volumes. Au reste la France acceptera
ma bonne volonté, dans le dessein que i’ay
de luy faire voir la source de sa perte, & le souhait
que ie faits pour la guerison de tous ses maux.

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Rozard, N. [?] [1649], L’ITALIE VENGEE DE SON TYRAN. PAR LES ARMES des bons François. Par le sieur N. R. Champenois. , françaisRéférence RIM : M0_1732. Cote locale : C_5_69.