Rozard,? [1649], L’ARRIVEE DV COVRIER EXTRAORDINAIRE DES FRANÇOIS, QVI APPORTE BONNES NOVVELLES, & vne Harangue par escrit, faite par vn grand Seigneur, à Messieurs les Preuost, Escheuins & Bourgeois de Paris. ENSEMBLE CE QVI C’EST PASSE à Paris dans ce grand Conuoy. Par le sieur Rozard. , françaisRéférence RIM : M0_392. Cote locale : C_1_43.
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L’ARRIVEE
DV
COVRIER
EXTRAORDINAIRE
DES
FRANÇOIS
QVI APPORTE BONNES NOVVELLES,
& vne Harangue par escrit, faite par vn grand
Seigneur, à Messieurs les Preuosts, Escheuins
& Bourgeois de Paris.

ENSEMBLE CE QVI C’EST PASSE A PARIS
dans ce grand Conuoy.

AVTREFOIS. Mercure le Messager des
Dieux, lors qu’il apportoit de bonnes nouuelles,
il receuoit les acclamations d’vn
chacun, dans le Temple que Cesar Auguste dedia
à Apollon, & les Moissons heureuses de Sardines,
le troupeaux de Calabre, la splendeur de l’Or,
les thresors de la Terre, ny l’yuoire des Indes ne faisoient
pas tant d’impression sur les cœurs, ny de satisfaction
à l’esprit, que les bonnes nouuelles de ce
glorieux messager, qui est encore dans l’estime des

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Peuples, quoy que son éclat semble plustost vne
fiction, qu’vne verité. Mais moy qui suis veritable
Frãçois & ne voudroit dissimuler pour toutes choses,
ie dois estre bien venu dans ma Patrie & lieu natal, qui
est Paris, en luy annonçant de tres-bonnes nouuelles.
I’ay passé par plusieurs Prouinces, & dans les plus celebres
villes de ce Royaume, qui sont prestes de sacrifier
& leurs biens & leurs vies & celles de leurs enfans
pour soustenir vne cause, aussi iuste que celle
d’Abel, lors qu’il demandoit vengeance au Ciel & imploroit
son secours & assistance, contre le fratricide
de son frere.

 

Toutes lesquelles Villes & Prouinces promettent
de prende les armes (si besoin fait) pour appuyer vn
si glorieux party & pour defendre vne si iuste querelle,
protestans de ne donner aucun quartier à celuy qui
en est autheur, en cas qu’il prenne la fuite, ny à ces
complices. Leurs armes sont toutes prestes & ne demandent
que l’occasion de les ioindre auec les nostres,
mesme les plus timides.

Ayant couru qui de çà, qui de là, & approché des
limites étrangere, n’ay rencontré aucun qui n’ait
loüé le zele & generosité de la plus celebre Ville du
monde, & qui donne le mouuement & fait heureusement
subsister toutes les autres, qui est Paris.

Les grands Seigneurs aussi bien que les petits, les
riches & les pauures n’ont d’autre ambition que d’vnir
leurs armes auec les nostres, ainsi qu’ils se sont
vnis auec nous par vne mesme inclination : & pour
défendre les mesmes interests. Ils ont vne saincte émulation

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de participer à l’honneur de nos armes, &
aux Couronnes qui les enuironnent.

 

Dans la varieté & occurrence que i’ay faite, plusieurs
m’ont asseuré qu’ils contribueroient à vn si glorieux
dessein, & se rendroient tres heureux en secondans
vne si haute entreprise, qui ne tend qu’à purger
la France de son oppresseur & Tyran, les enfans à peine
ont-il l’aage de la raison, qu’ils souhaittent les mesmes
aduantages, n’y ayant aucun genre humain, qui
égale celuy de défendre leur vie, leur liberté, & leurs
biens.

On fabrique des armes dans Roüen par où i’ay repassé,
on dispose des munitions, on dépesche les troupes
pour nous secourir, qui viennent de toutes parts,
par l’entremise de cét Auguste, tres genereux, & tres
prudent Prince, Monseigneur de Longueuille, qui a
fait vn Corps d’armée, qui est en marche, sous la conduitte
de son Lieutenant, homme de probité & tres
genereux & experimenté dans le fait de Mars, qui
promet de donner de la peine aux ennemis, le Comte
d’Arcourt a desia experimenté la pesanteur de son
bras.

Cette armée est composée de soldats bien faits &
d’elites, & d’vn grand nombre de Caualiers, qui volontairement
ce sont engagez en cette glorieuse milice.
La Noblesse y a contribué, & les plus Nobles &
belliqueux de cette Prouince s’y sont engagez, & les
Capitaines les plus genereux ont fait serment de fidelité,
& de viure & mourir pour le seruice de la France.

Ils empeschent les viures du costé de sainct Germain

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en Laye, sauf l’iniure du temps ils seroient à
Paris : car ils n’ont pas moins d’impatience de voir
les Bourgeois pour les seruir, qu’eux de voir le glorieux
succez de leurs armes.

 

Mais pour n’estre prolixe & ennuyeux, i’ay fait incerer
en ce narré pour la curiosité du Lecteur, vne harangue
d’vn grand Seigneur Lyonnois, addressée aux
Bourgeois de Paris, conceuë en ces termes.

(MESSIEVRS) Vous laissez à la posterité vne marque
eternelle & vn caractere ineffaçable de vos merites,
aussi bien que de vostre valleur, toutes les plumes
les plus disertes s’occupẽt à tracer par leurs trais,
vos merueilles, qui ne sont pas moins que celles que
publioit l’Oracle au Temple de Memoire : Vous estes
le centre glorieux, qui maintient les lignes de la circonference,
vous estes cét arbre glorieux ; & nous
n’en sommes que les membres, c’est vous qui nous
affranchissez de l’orage qui nous menassoit, & de la
fin mal’heureuse où ce Tyran nous vouloit precipiter,
vous estes les rouës qui nous donnez le mouuement,
les ennemis ne pouuant vous flechir ne font
qu’inuectiuer, & leurs mauuais desseins s’euaporent
aupres de vous comme vne legere exhalaison, ou fumée,
ils croyoient vous intimider par leur cruauté &
barbarie, qu’ils exercent aux villages circonuoisins,
mais ce qui abat leur courage, est de voir vostre constance
fondée dans l’vnion, & que vos nombreuses
sorties qui remplissent les Campagnes, leur font lascher
le pied, mesme l’ombre reflechissant de vos
corps les intimident. Orphée autrefois charmoit des

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Rochers auec sa Lyre chanteresse, & ces doux charmes
& accords faisoient impression sur les esprits les
plus brutes & sauuages. Par Analogie, ie diray que
vous estes le miracle du monde, & l’ornement de l’Vniuers,
& les productions de vos loüables entreprises,
n’ont point de comparaison & attirent le respect
des Peuples auec l’admiration. Vous estes des étoilles
qui brillent & qui font vn agreable iour, aussi vous
empruntez vostre lumiere & vostre éclat, de ces illustres
Senateurs, qui sont comme des Astres, qui vous
versent des benignes influences, ils vous seruent heureusement
d’auspice & de bouclier pour resister à l’attaque
de vos ennemis, il sont les Peres de la Patrie
qui par vne bonté naturelle, défendent vostre heritage,
ny plus ny moins qu’vne geline qui défend ces
poussins des griffes du milan, ces grands magistrats
& illustres Politiques, leurs soins & leurs veilles, ne
tendent qu’à vostre bien.

 

Ce sont des seconds Anges tutelaires deputez de
Dieu, pour la deffense de vos interests, contre ceux
qui les veulent rauir, & tyranniquement extorquer
vos biens, Ces beaux flambeaux dissiperont les nuages ;
& le vif éclat de leur lumiere offusquera les yeux
des ennemis, ils purgeront la France de ces monstres
effroyables, qui l’ont reduitte en vn estat digne de
compassion & tiré toute sa substance : mais cette heureuse
conionction de ses prudens, sages, bons, &
heroïques Magistrats, auec de si nobles & vertueux
Bourgeois & Concitoyens, cette vnion est vn presage
tres asseuré, que Dieu mouue vos cœurs, & les

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rendra victorieux & triomphans : par tout on vous
dresse des trophée, & les acclamations des Peuples
font retentir l’air de vostre gloire.

 

Le Vendredy vingt sixiéme Feurier, Messieurs de
Boüillon & de Noirmontier donnerent ordre, pour
auoit des chariots & charettes, pour faire venir vn
Conuoy, ce qui fut promptement executé, & il sortit
plus de trois mille charettes & chariots, escortez par
l’armée commandée par nos Generaux, fortifiée par
les Compagnies Bourgeoises, qui faisoient vn gros
de plus de quatre-vingt mille hommes, sans preiudice
de la Cauallerie commandée par Monsieur de la
Mothe-Houdancour, ioinct auec Monsieur de Beaufort,
qui ont rendus les chemins de Gonesse & de la
France libres, iusques à Dammartin.

C’estoit vne merueille (qui ne se peut trop admirer)
à voir l’empeschement du Peuple, à courir à ce
grand Conuoy, mesme plus de dix mille de la populace
sortoient auec sacs & hostes, lesquels à la faueur
d’vne si puissante armée, qu’ils ont surgit à bon port :
mais ce qui est admirable, c’est que quatre ou cinq
mille hommes estans sortis, la Ville n’en est point alterée,
& on ne s’en apperçoit non plus que d’vn Atome :
c’est la meditation des Estrangers, & le motif de
leur estonnement.

Les Ennemis ayans aduis par leurs espions des sorties
ordinaires, ils imitent les colimaçons qui ce reserrent
dans leurs coquilles, ou pour mieux dire, ils
mettent des aisles à leurs pieds, afin de mieux gagner
la guerite.

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Ce pompeux conuoy contenoit plus de huict lieuës,
lequel n’est arriué que le lendemain Samedy, sinon
500. ou 600 charettes qui arriuerent la nuict du precedent,
qui contenoit plus de six cent muids de bled,
sans preiudice du pain, farine, poids, moutons &
salé, Ce qui a formé vne grande resiouyssance d’vn si
heureux succez, on en espere encore vn dans vingt-quatre
heures du costé de la Brie, il y a quatre mille
Caualiers que Monsieur de Beaufort y a enuoyé, &
pour fauoriser ce dessein, il aura la mesme escorte &
auec la mesme affection, que celle qui le fait reconnoistre
le Protecteur des opprimés. Ie vous diray à
mon retour de ce voyage de grandes particularitez,
dignes de vos curiositez. A ma premiere poste i’auray
de grandes instructions, que ie communiqueray
par lettre à mon amy Monsieur Rozard, lequel vous
en fera participant : ce seront choses bien remarquables,
& dignes de vostre lecture.

FIN.

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Rozard,? [1649], L’ARRIVEE DV COVRIER EXTRAORDINAIRE DES FRANÇOIS, QVI APPORTE BONNES NOVVELLES, & vne Harangue par escrit, faite par vn grand Seigneur, à Messieurs les Preuost, Escheuins & Bourgeois de Paris. ENSEMBLE CE QVI C’EST PASSE à Paris dans ce grand Conuoy. Par le sieur Rozard. , françaisRéférence RIM : M0_392. Cote locale : C_1_43.