S. T. F. S. L. S. D. T. [1649], LE POLITIQVE BVRLESQVE DEDIÉ A AMARANTHE. Par S. T. F. S. L. S. D. T. , françaisRéférence RIM : M0_2810. Cote locale : C_8_31.
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LE
POLITIQVE
BVRLESQVE
DEDIÉ
A AMARANTHE.

 


RETIRE-toy Muse follastre,
Ne me parle plus de m’ébattre,
En cette maudite saison
N’attends point de moy de chanson,
Ie veux raconter les miseres,
Arriuées pendant ces guerres,
Causées par vn Estranger
Incapable de Gouuerner.
Laisse moy donc petite badine,
Auecque ton humeur Cyprine,
Exhaler vn peu la douleur
Qui me serre si fort le cœur.
Loin de moy toute mignardise,
Et cette belle friandise
Dont ie composois mes discours
Pour faire entendre mes amours.
Adieu veine si rauissante
Qui fit souspirer Amaranthe,
Contre sa resolution
De viure sans affection
Esloigne toy Muse fidelle,
Ne me dy point que cette belle,
Voulust au temps des trahisons
Receuoir aucun de mes dons.

-- 4 --


Quitte moy ma douce memoire
Et ne m’oblige point à croire,
Qu’en ce temps si mal-heureux.
Ie puisse deuenir heureux
Ne me flatte point ma nature
De l’espoir de quelque auanture :
Car ie sçay bien qu’vn ignorant
Fait souuent plus qu’vn trop sçauant.
Fuys, fuys de moy, aymable idée,
Tousiours presente à ma pensée,
D’autres objets troublent mes sens
Qui ne me sont pas si plaisans.
Faut-il entretien agreable,
Que j’ayme plus que bonne table,
T’abandonner pour vn iamais
Si Dieu ne nous donne la paix ?
Quoy donc, ma charmante Maistresse,
Pourray-je bien dans ma tristesse,
Te representer vn tableau,
Qui n’a rien de bon ny de beau ?
Pourray-je bien icy d’escrire,
Ce qui nous empesche de rire :
Non, ma foy, ie ne puis rimer,
Voyant tant de monde pleurer.
Ie n’ay pas assez d’artifice,
Pour dépeindre icy la malice,
De nos Ministres inhumains
Qui contrefont les Souuerains.
Toutesfois ie ne sçaurois taire,
L’estat present de ma miscre,
N’en déplaise au CARDINAL,
Pourquoy nous fait-il tant de mal ?
Pardonne-moy chere Amaranthe,
Mon ame n’estant pas contente,
Agrée ce petit present
Sans penser que ie suis Amant.

-- 5 --


Tu y verras comme j’espere,
Les mouuemens de cette guerre,
Et sur tout l’iniuste rigueur
Qui me priue de ta douceur.
Ie sçay bien qu’vne autre entreprise,
Assaisonnée de ma franchise,
Eust esté plus propre à ton goust ;
Mais quoy ! l’on nous oste tout,
Iusques aux moyens d’exprimer
Ce bel art qui te fait aymer.

 

 


Ie te prie rare Merueille,
De vouloir prester ton oreille,
A ce discours remply de feux,
Non pas de ceux d’vn Amoureux :
Mais de tout vn peuple Chrestien,
Qui pialle pour auoir son bien,
Ou plustost pour sauuer le reste,
A fait publier vn Manifeste.
Mais tout cela n’empesche pas,
Qu’on ne le veüille mettre à bas,
Soit par armes ou autrement,
On veut que nostre Parlement
Authorise cette iniustice,
Et qu’il boiue dans le calice.
Celuy qui est Tuteur des Roys,
Et le protecteur de nos Loix,
N’a pû vaincre par remonstrance
La Maistresse de la Regence :
Et pour se mettre en seureté,
Il a donné la liberté
A tous les prisonniers d’Estat
Pour deffendre son Magistrat :
Il a fait prendre aussi les armes,
A tous nos braues Gensd’armes.
Pour deliurer la pauure France
Des desseins de son EMINENCE :

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Cependant le peuple murmure,
Voyant que cette guerre dure :
L’vn dit tout haut qu’on le trahit,
Sans vouloir estre contredit :
L’autre que le pain est si cher,
Qu’il n’en sçauroit plus achepter.
Vne autre crie que pour la viande,
Il faut payer ce qu’on demande,
Que toutes choses sont sans prix,
Dans la grand’Ville de Paris.
L’autre va dire à sa voysine,
Qu’il n’a ny blé, son, ny farine,
Et qu’il ne sçait où s’adresser
Pour tous ses meubles engager.
Vn autre qui a la panse vuide,
S’esgueule comme vn crieur d’huistre,
Pestant contre là male-faim,
Quand il se voit manquer de pain :
Son compagnon qui a le cerueau,
Plus plein de vin, que n’on pas d’eau,
(Car, graces à Dieu, nous ne manquons,)
De ce bon jus des Bourguignons.
Dit que c’est faute de Police,
Blasmant Messieurs de la Iustice.
I’en vois vn autre tout furieux,
Criant tout haut qu’il vaut bien mieux,
Mourir les armes à la main,
Que d’estre vaincus par la faim.
Son camarade le colere,
Qui ne peut porter sa misere,
Menace d’vn embrasement,
Si l’on n’y pouruoit promptement.
Son voisin qui n’a plus que mordre,
Demande pas mieux que desordre,
Croyant de simples villageois
Deuenir Monsieur le Bourgeois.

 

-- 7 --

 


Enfin comme cette canaille,
Ne cherge qu’à faire ripaille,
Voicy vne troupe d’espions,
Qui ont de bonnes pensions,
Se couler auec adresse,
Au milieu de cette presse.
Pour accroistre cette rumeur,
Ils parlent auecque douceur,
Ils leur font croire qu’on les trompe,
Pour leur faire perdre la honte,
Et tout le respect qui est deu,
Aux gens de cœur & de vertu.
Voyans de la disposition,
Pour esmouuoir la sedition,
Ils les appellent camarades,
Pour faire esclatter leurs brauades ;
Ils leur promettent encor les biens,
De tous nos vertueux Citoyens ;
Et de par son EMINENCE,
Vne authentique Indulgence,
Qui effacera tous les pechez,
Tant des viuans que trépassez.
Ainsi cette troupe mutine,
Qui s’échauffe quand on l’anime,
Estoit sur le poinct de donner,
Qu’aussi-tost on void arriuer,
Vn si merueilleux Conuoy,
Chacun criant viue le Roy,
Viue le Parlement Auguste,
Qui ne veut rien passer d’iniuste.
A l’arriuée de ce conuoy,
Tout le monde demeure coy.
Voyla comme tout se passa,
Puis le peuple se retira,
Vn chacun reuint au logis,
Chargé de pain, soit blanc, ou bis,

-- 8 --


Il n’importe quel qu’il puisse estre,
On ne peut pas tousiours bien estre :
Pourueu qu’on ait dequoy gruger,
L’on peut viure sans grand danger.
Mais à propos de ces espions,
Qui se confioient en leurs talons,
Lors qu’ils pensoient de faire gille,
On les meine à I’Hostel de Ville,
Et là ils sont mis en prison,
Comme personnes de renom,
Attendant que Dame Iustice,
Les abandonne au supplice,
Ou autre moindre punition
Qui responde à leur action.

 

 


Mais laissons-là ces miserables,
S’entretenir de leurs semblables.
Allons faire vn tour par la Ville,
Où chacun à son gré babille,
Des affaires du temps present
Sans demander or ny argent.
Il n’en couste rien pour entendre,
Chacun en prend ce qu’il peut prendre,
Et l’on s’en reuient bien souuent,
Aussi ignorant qu’auparauant.
Ceux qui veulent voir quelque chose,
Soit en vers, ou bien en prose,
Ils payent deux liards du cahier
Sans en rabattre vn seul denier.
Les Imprimeurs font leur profit
Des pieces qui ont le debit :
Les Colporteurs vendent leur peine,
Courans tousiours la pretenteine.
Ie les appelle chansonneurs,
A cause qu’ils sont grands piailleurs,
Auecque leurs longs preambules,
Ie les trouue si ridicules,

-- 9 --


Qu’ils me font tous mourir de rire,
Ne sçachans ce qu’ils veulent dire :
Ils crient comme des perdus,
Sans pouuoir estre entendus :
Ils ont tousiours la gorge pleine,
Iusques à tant qu’ils sont hors d’haleine.

 

 


Ainsi comme ils eurent passé,
Regardant d’vn autre costé,
I’entendis bien d’autres clameurs,
Messageres de grands malheurs.
Cela me surprit grandement,
Sans sçauoir pourquoy, ny comment.
Ie meditois desia la fuite,
Apprehendant quelque poursuite,
Ou que l’ennemy fust entré,
Qui m’eust trouué tout desarmé.
Alors vn homme fort honneste,
Sans chapeau, ny bonnet en teste,
Me dit, Monsieur, asseurez vous,
Vous estes esloigné des coups.
Qu’est-ce donc, dis je, cher amy ?
Pourquoy, ce grand Chariuary ?
Il me respond sont gens des champs,
Qui se plaignent du mauuais temps :
Là dessus nous nous separons,
Camarades comme Cochons :
Il va d’vn costé, moy de l’autre,
En me disant seruiteur vostre.
Aussi-tost ie m’approchay d’eux,
Pour entendre leurs cris piteux,
A voir leur contenance austere
Ie iugeay bien de leur misere :
Mais à les ouyr dégoiser,
Mes yeux se meirent à pleurer,
Mon cœur deuient plus mol que cire,
Perdant toute enuie de rire.

-- 10 --


Voicy à peu prés leur doleance,
Si j’ay bonne ressouuenance :
Car si ie ments c’est apres eux,
Lesquels ne se font jamais gueux,
L’vn disoit que dans sa maison,
Y auoit bonne prouision,
De blé, de lard, & de farine,
Pour s’empescher de la famine.
Vn autre qui auoit esté,
Des plus riches de sa Cité,
Contoit qu’il auoit tout perdu
Sans pouuoir sauuer vn escu.
Vn autre Manant de village,
Grandement sçauant pour son âge,
Monstra qu’il auoit estudié,
En l’escole de son Curé ;
Par vne belle description,
Qu’il fit de son affliction,
Non pas on rime, mais en prose,
Imitant bien l’hypothipose :
Et fit voir en perdant son bien,
Qu’il estoit bon Rhetoricien.
Dispense moy, belle Amaranthe,
De mettre icy cette harangue,
Ce seroit vn triste entretien
Pour vn esprit comme le tien,
Qui ne se plaist à autre chose,
Qu’à lire la Methamorphose :
Ou bien quelque joyeuseté
Qui maintient l’esprit en santé.

 

 


Quelques autres de mesme troupe,
Cherchans quelqu’vn qui les escoute,
Ils faisoient vn si grand sabat,
Que ie croyois d’estre au combat.
L’vn d’iceux s’estant auisé,
Que ie m’estois bien disposé,

-- 11 --


A leur donner vn peu d’audiance,
Ils exercerent ma patience,
En m’entourant de tous costés
Crians comme des enragez.
Ils parloient tous ensemblement,
Sans ordre ny agencement :
Leurs discours n’estoient que redites,
De pertes grandes, ou petites :
Mes sens estoient tous estourdis,
De leur grand bruit, & de leurs cris.
D’ailleurs ne pouuant rien entendre,
A leur jargon, sans plus attendre,
Ie cours vistement au logis,
Craignant encore d’estre repris :
Où dés que ie fus arriué,
Bien ayse d’auoir eschapé,
Ie me iettay dessus mon lict,
Pour donner force à mon esprit.

 

 


Apres m’estre vn peu reposé,
Sentant mon corps tout allegé,
Ie tepassay dans ma memoire,
Vne si pitoyable histoire.
Pour la pouuoir bien exprimer,
Ie raschay de la debroüiller,
En tirant de la diuision.
Vn ordre par la diuision.
Ie commençay de cette sorte,
Par vn qui auoit la gueule forte,
Qui se faisoit bien remarquer,
A son geste, & à son parler.
Auec vn grand souspir deuant,
Puis tout d’vn coup en s’escriant ;
Frapant des pieds contre la terre,
Iuroit, pestoit contre la guerre :
Vne autrefois leuant les yeux,
Regardoit droit deuers les Cieux,

-- 12 --


Et en estendant ses deux mains,
Prioit le Pere des humains.
Soyez, disoit-il, secourable,
A moy, qui suis si miserable :
Mais aussi-tost que la douleur,
Luy representoit son malheur,
Comme s’il fust entré en furie,
Ou bien dans quelque resuerie,
Crioit plus fort qu’auparauant,
Qu’on luy rendit son pauure argent,
Tant il est vray, ce que l’on dit,
Que qui perd son bien, perd l’esprit.
Vn autre qui estoit à son costé,
Aussi défait qu’vn trépassé,
Disoit d’vne estrange façon,
Qu’on l’a chassé de sa maison,
Qu’on luy a pris ses bœufs, ses vaches,
Qu’on a rompu toutes ses arches,
Pour voir s’il y auoit rien dedans
Qui fut propre à ces bonnes gens :
Se payans de toute monnoye,
Ne viuant rien que de leur proye,
Ils cherchent par tout à pillier,
Pour auoir bien dequoy piller.
Celuy-cy à peine auoit dit,
Qu’vn autre parla tout subit,
Faisant vn long denombrement,
De tous ses biens pareillement,
Comme champs, prés, vignes, jardins,
Bois, vergers, maisons & bons vins.
En suite, l’argent monnoyé,
Qu’il n’auoit pas specifié.
Sçauoir, pieces de trente sous,
De cinq, de quinze, & vingt-neuf sous,
Patagons, doublons, ducatons,
Et beaucoup des anciens testons :

-- 13 --


Pistoles de France, & d’Espagne,
Et autres pieces d’Allemagne ;
Là il se t’eust, & me iura,
Qu’il ne luy restoit rien de cela.

 

 


En voicy vn autre de mesme bande,
Qui prie aussi que l’on l’entende,
Il vous faira compassion,
Si vous luy prestés attention.
Commençant donc par le detail,
De son grand & petit bestail,
Il les voulust tous contrefaire,
Par le chant, par la voix, & le braire,
Les appellant tous par leurs noms,
Iusqu’au moindre de ses moutons :
La crainte que j’ay d’ennuyer,
Me les a fait tout oublier.
A quoy bon cette crierie,
N’estant pas dans la raillerie,
Ie pense qu’il est superflu
De dire tout par le menu.
Laissons là tout ce tripotage,
Pour parler de son Mariage,
C’estoit vn ieune jouuençeau,
Qui auoit la mine d’hair l’eau :
Il me dit qu’il estoit marié,
Seulement depuis l’an passé,
A vne fille de son village,
Ieune, belle, riche, & bien sage ;
Qu’elle auoit d’honnestes parens,
Encor qu’ils fussent paysans :
Qu’elle estoit si grande menagere,
Qu’elle haïssoit la bonne chere :
Qu’elle prenoit vn si grand soin,
Que rien ne manquoit au besoin :
Qu’encor qu’elle fut villageoise,
Qu’elle valloit vne bourgeoise :

-- 14 --


Qu’elle auoit vn si bon esprit,
Qu’elle fait plus qu’on ne luy dit :
Bref qu’elle estoit si bien faite,
Qu’il l’aymoit plus qu’vne coquette.
La plume me tombe des mains,
Entendant des faits inhumains :
Ce pauure homme en continuant,
Me disoit tousiours en pleurant,
Qu’vn soir comme ils estoient couchés,
Des hommes qui estoient bien armés,
Vinrent auecque grande escorte,
Effondrer leur petite porte :
Aussi-tost qu’ils furent entrés,
Nous comme gens, bien estonnés,
Crions pardon, pitié misericorde.
Sans que pas vn d’eux nous l’accorde.
Nous nous jettons à leurs genoux,
Pour appaiser leur grand courroux ;
Et ne les pouuant pas fleschir,
Ie me resous de bien mourir.
Alors m’estant mis en deffence,
Ils m’entraisnerent de violence,
Hors de ma petite maison,
Disant vous irez en prison,
Me contraignant d’abandonner
Tout ce que j’auois de plus cher.
Helas ! icy la voix me manque,
I’entends ma femme, & ma seruante.

 

 


Cet homme ayant ainsi parlé,
Ie croyois estre deliuré,
D’oüir semblables doleances,
Ennemies des rejouyssances.
Alors vne trouppe de femmes,
Hurlant pour soulager leurs ames,
Ie dis plus sans comparaison,
Qu’vn aueugle pour son baston.

-- 15 --


Cela m’obligea d’arrester,
Pour les entendre clabauder,
La premiere de cette sorte,
Qui n’auoit pas l’ame trop forte,
S’arrachoit si fort les cheueux,
Alleguant qu’il valoit bien mieux,
Finir promptement sa misere,
Que d’estre esclaues de la guerre.
Vne autre qui venoit aprés,
Pleuroit ses parens trespassés,
Elle estoit si inconsolable,
Que rien ne loy sembloit aymable.
La troisiesme qui auoit plus de cœur,
Pour commander à sa douleur,
M’entretient vn peu longuement,
Du sac, ou du saccagement,
De sa Ville, Bourg, & Chasteau,
Ou de quelque autre lieu nouueau,
Nommés-le comme il plaira,
Car pour moy ie le laisse là.
Pour commencer donc ce recit,
C’estoit enuiron la minuict,
Qu’on vint attaquer cette place,
Deffenduë par la populace ;
N’attendant rien moins que cela,
La sentinelle crie qui va là ?
Les assaillans font grand silence,
Pour abuser nostre ignorance,
Et comme ils sont hommes rusez,
Ils passent d’abord nos fossez,
Faisant estat de nous surprendre,
Approchent sans se faire entendre :
Dressent aussi-tost leurs eschelles,
Qui resueillent nos sentinelles.
A ce bruit on donne l’allarme,
Là-dessus tout le monde s’arme,

-- 16 --


De mousquets, de piques, d’hallebardes,
De faux, de pieux, & autres armes :
Mais auant que d’estre assemblés,
Les ennemis estoient entrés :
Les femmes montoient aux fenestres,
Iettant des cailloux sur leurs testes,
Ce qui plus irrita leur rage,
N’espargnant ny sexe, ny âge.
On n’entend rien de tous costés,
Que cris de mourans, ou blessés.
Voyant bien que s’en estoit fait,
L’vn fuyt emportant son paquet,
L’autre tasche de se sauuer,
Auec ce qu’il peut emporter.
Vne autre en file la venelle,
Sans lanterne, ny sans chandelle,
Apprehendant d’estre connû,
Encore bien qu’il fust tout nû.
Il ne restoit plus à forcer,
Que l’Eglise de sainct Leger,
Où quantité de pauures filles,
Qui estoient belles, & gentilles,
S’estoient venuës refugier,
Ayans leur honneur à garder.
Ha ! bon Dieu, faut-il que ie die,
Qu’aussi-tost vne troupe impie,
Sans respecter vostre Maison,
Entra jurant vostre sainct Nom ?
Se jetta sur ces pauures filles,
Qui estoient plus mortes que viues :
Elles voulurent se deffendre,
Mais enfin il se fallut rendre,
Et sousmettre à la discretion,
De leur brutale passion,
Rauissant leur virginité,
Au Temple de la pureté,

-- 17 --


Ha ! pauures filles de village,
Que ferez-vous sans pucelage,
Personne ne voudra de vous,
Vous ne trouuerez point d’espoux ?
Mais quoy, ce n’est pas assez,
Ces Demons, ces Diables incarnés,
Apres vous auoir violées,
Dépoüillées, battuës, escheuelées,
Sans craindre le Dieu immortel
Monterent dessus son Autel,
Prirent tous les ornemens,
Qui se trouuerent là dedans :
Et ce que ie ne sçaurois croire,
L’on dit mesme le Saint Cyboire.
Foullant aux pieds le Sacrement,
En jurant, regniant, blasphemant.
Ayant commis ces sacrileges,
Bruslerent tous nos priuileges ;
Dans tous les quartiers de ce lieu,
Firent allumer vn grand feu ;
Afin de faire consommer
Ce qu’ils ne peurent enleuer :
Emmenant auec leur butin,
Ces pauures filles par la main.
Du milieu de ce grand danger,
I’eus de la peine à me tirer,
N’emportant rien auecque moy,
Qu’horreur, que crainte, & qu’effroy.
Ainsi fust prise nostre place,
Sans qu’on luy fit aucune grace,
Priant celuy qui est Tout-puissant,
De punir ce grand malfaisant.
Apres vn si triste recit,
Criant tout haut qu’elle auoit dit,
La derniere de cette bande,
Sapproche sans qu’on la mande,

-- 18 --


Et sans demander permission,
Piquée contre la nation,
Soit Allemande, ou Polonnoise,
Et mesme contre la Françoise,
Commença si fort à tonner,
Que ie n’osay la regarder,
Tant elle faisoit la furieuse,
La prenant pour vne Meduse,
Ie la laissay crier tout son sou,
Me sauuant par vn petit trou :
I’entray dedans vne boutique,
D’vn homme qui estoit sans pratique,
En quittant là ces paysans,
Pour entendre nos artisans.

 

 


Le maistre qui n’estoit pas loin,
Homme de grandissime soin,
Croyant que j’auois bien à faire,
De quelque chose necessaire,
Accourust aussi-tost à moy,
Disant qu’il auoit bien dequoy,
Que sa marchandise estoit bonne,
Qu’on n’entendoit plaindre personne,
Qu’il seruoit bien d’honnestes gens,
Qui n’en estoient pas mescontens.
Ayant apporté vne escabelle,
Me prie de m’asseoir sur icelle :
Ainsi donc que ie fus assis,
D’vn ton de voix d’homme rassis,
L’interrogeant de son mestier
Me dit, qu’il estoit Cordonnier.
(Car notés que dans sa boutique,)
Il n’y auoit ny forme, n’istique.
Luy qui s’estoit bien apperceu,
De ce que ie n’auois rien veu,
Pour maintenir sa chalandise,
Me parla auecque franchise,

-- 19 --


Disant, ne vous estonnez pas,
Si ie ne tiens rien icy bas,
Si ma boutique est deserte,
C’est pour me garder de perte,
Car, ie vous asseure, Monsieur,
Que nous n’auons rien de seur,
Par ma foy nous ne faisons rien,
Si ce n’est manger nostre bien,
Et depuis que la guerre dure,
N’auons pas vendu pour du burre.
Moy qui ne veux point achepter,
L’entendant ainsi dégoiser,
Ie compatis à sa misere,
Maudissant aussi cette guerre.
Nous changeons ainsi de propos,
Pendant que ie suis en repos,
Voyant qu’il aymoit à parler,
Ie le priay de continuer,
Et me dire ses sentimens
Touchant ces grands mouuemens.
S’estant vn peu excusé
Sur son incapacité,
Ie dois, dit-il, obeïssance,
Aux gens de vostre importance,
Encore qu’il y ait du danger,
Bien souuent à babiller,
Des affaires de cette nature,
Quant à present ie ne m’en cure :
Car, Nosseigneurs de Parlement,
Souffrent qu’on dise librement,
Tout ce qui nous vient en la bouche,
Pourueu que cela ne les touche.
Escoutez doncques s’il vous plaist,
Ce que ie sçay de l’interest
Du public, ou de la commune,
Selon ma petite fortune ?

-- 20 --


Ie trouue que l’on a manqué,
De n’estre aussi-tost allé,
Le lendemain qu’on eust nouuelle,
Que le CARDINAL, & la REYNE,
Le Roy, & Monsieur d’ORLEANS,
Et plusieurs autres Courtisans,
S’estoient sauués à Saint Germain,
Courir les armes à la main,
Pour rammener nostre Roy,
Et nous remettre en requoy.
La guerre se fust terminée,
Par vne seule journée :
Les passages seroient libres,
Et nous aurions assez de viures,
Sans donner tant à gaigner
A ce pendart de Boullanger,
Et à ce volleur de Boucher,
Qui se font si fort prier.
Ie laisse, dit-il, le reste
A quelque meilleure teste,
Car, pour moy ie ne pretens,
D’estre mis au rang des sçauans.
Aussi tost qu’il eust acheué,
Ie me leuay, & pris congé,
Et pour mon temerciement,
Luy fis vn petit compliment ;
Que si on eust suiuy son auis,
On n’eust iamais bloqué Paris.

 

 


Estant sorty de la boutique,
De cét homme à la Politique,
I’allay de là sans m’arrester
Pour tascher de pouuoir entrer,
Dans la boutique de quelque autre,
Trouuant le Maistre sur la porte,
Me dit, Monsieur, que voulez-vous ?
I’ay des peignes qui sont bien doux,

-- 21 --


Debuis, de corne, ou d’escaille,
C’est moy-mesme qui les trauaille.
S’il vous plaist de vous asseoir,
Il n’en couste rien pour les voir.
Alors ie dis en moy-mesme,
Ie ne veis iamais rien de mesme :
Que ie trouue Paris changé,
Depuis que l’on l’a assiegé :
Car l’humeur de ces artisans,
C’est d’estre rogues & suffisans.
M’ayant parlé courtoisement,
Ie m’assis donc fort librement.
Il m’estalle sa marchandise,
En attendant que ie la prise,
Il me dit, voila qui est bien fait,
Se peut il voir rien de plus net ?
Ouy luy repars ie aussi-tost,
Craignant qu’il ne me prit pour sot :
Non, ie ne croy pas qu’en France,
Y aye ouurier qui nous deuance :
Vostre besogne est si bien faite,
Qu’elle est bonne pour vne coquette,
Ou pour quelque ieune muguet,
Qui a tousiours de l’argent de prest.
Pour moy, il faut que j’auoüe,
Auparauant que l’on me louë,
Que ie n’en ay plus qu’il m’en faut
He, diantre ! c’est là mon defaut :
Car si j’auois à despenser,
Ie le sçaurois bien employer,
Soit en peignes, ou autre chose,
Ie ne dirois pas que ie n’ose.
Mais à present que tout est cher,
Ie n’ay pas moyen d’achepter,
Puis, j’en ay vn en la maison,
Qui est encor assez beau & bon

-- 22 --


L’on ne s’enfarine plus tant,
Comme on faisoit par cy-deuant,
Ce qui engendroit de la crasse,
Sur la teste, & sur la face :
C’est pourquoy ie me puis passer,
En ce temps de me tant peigner.
L’artisan sans plus attendre,
Voyant qu’il ne peut rien vendre,
Enuelloppe aussi-tost ses peignes,
Les met dans leurs estuis, ou guaisnes ;
Et puis se tournant deuers moy,
Elle dit, Monsieur, tout en esmoy :
N’est-ce pas vne chose estrange,
D’endurer que l’on nous mange ?
Seulement pour quelques meschans ;
Qui abusans du nom du Roy,
Ils nous veulent faire la Loy,
Veulent piller toute la FRANCE,
Pour esleuer son EMINENCE,
Mettre les tailles en party,
Pour enrichir ce fauory :
Soubs pretexte de faire guerre,
Tant sur la mer, que sur la terre.
De poursuiure nos grandes conquestes,
Au despens des illustres testes ;
Pour contraindre nos ennemis,
A nous laisser ce qu’auons pris :
Pour leur faire achepter la paix,
Que nous n’auons vouleuë iamais :
Nous l’ayant tant de fois offerte,
A leur dommage, & à leur perte.
Les grands Politiques du temps,
Disent qu’il n’est pas encor temps,
Qu’on ne la sçauroit encor faire,
Sans recommencer cette guerre,

-- 23 --


Qu’il nous faut encor des places,
Pour detourner ces disgraces ;
Pour rendre la France glorieuse,
Par vne paix auantageuse.
Voila le grand raisonnement,
De ce Ministre intelligent :
Voila le sujet de cette querelle,
Qu’il tasche de rendre eternelle
Voila d’où vient tout nostre mal,
Parce qu’il plaist au CARDINAL :
Voila d’où viennent nos malheurs,
Causez par tant de volleurs :
Voila la cause du different,
Du Conseil, & du Parlement :
Voila la source de la guerre,
Et celle de nostre misere.
Voila comme cet homme parla,
M’estonnant bien fort de cela,
Qu’vn miserable Artisan,
Raisonnat mieux qu’vn Courtisan.
Ce pauure s’estant ainsi teu,
Apres auoir jetté son feu,
Ie voyois à trauers ses yeux,
Qu’il estoit grandement joyeux,
D’auoir monstré que son habit
Estoit moindre que son esprit :
D’auoir si bien raisonné,
Sur le present & le passé,
N’estant pas moins satisfait,
Qu’il eust esté d’vn bien fait :
Ce qui fait voir qu’vn patient,
Croit s’alleger en se pleignant.
Pour flatter la passion,
De cet homme plein de raison,
Ie luy dis mon bon amy,
Vostre discours m’a rauy,

-- 24 --


Ie ne me sçaurois ennuyer,
De vous entendre parler.
Mais à propos, est-il bien tard ?
Il me respond dix heures vn quart.
Ho ! ho ! il faut que ie m’en aille,
Ie manquerois la bourdifaille.
Adieu jusques au reuoir,
Seruiteur, Maistre, & bonsoir :
Ie vay faire vn tour au Palais,
Pour voir ce qu’on dit de la paix,
En attendant que le disner
M’appelle pour me retirer.

 

 


Aussi-tost que ie fus entré
Dans ce grand Palais enchanté :
Ainsi le peut-on appeller
Puis qu’on n’y fait rien que chanter ;
Soit à la mode, ou autrement,
N’importe de sçauoir comment.
Ie fus rauy en admiration,
De voir cette confusion,
d’Aduocats, & de gens d’affaires,
De Procureurs, & de Notaires,
Dans la grand’Salle aux pas perdus,
Tenir des discours superflus.
Estant sorty de cét estonnement,
I’allay m’appuyer sur le banc,
De mon agreable lingere,
Qui cause mieux qu’vne harangere.
Si tost, elle me demanda,
Helas, Monsieur, d’où vient cela,
Que l’on ne nous sçauroit plus voir
Dans ce diuertissant manoir ?
Ce miracle si fort m’estonne,
Qu’on mesconnoit vostre personne.
Alors, ie luy dis franchement,
Que ie n’auois point de l’argent :

-- 25 --


Que ie ne pouuois venir en ce lieu,
Sans y laisser la Croix de Dieu :
Que ie n’y sçaurois plus rien voir,
Sans prendre enuie de l’auoir.
Vrament, dit-elle, vrament, çamon,
Ce n’est pas par cette raison,
Que gens de vostre qualité
Sont atteints de la pauureté.
Tout le monde nous dit de mesme,
Qu’on est reduit à l’extreme,
Qu’on a peine de subsister,
Et qu’on se passe d’achepter.
Cependant nostre Marchandise,
Demeure là sans qu’on la prise ;
Et il nous faut quasi donner,
Ce que nous vendions bien cher.
Luy ayant fait faire silence,
Il faut dis-je, prendre patience,
Le mauuais temps ne peut durer,
Voicy vn secours estranger,
Qui vient pour deliurer la France,
Du fardeau de son EMINENCE ;
Offre ses forces au Parlement,
Pour se joindre ensemblement,
Et à Messieurs nos Generaux,
Pour nous deliurer de nos maux :
Pour faire vne bonne paix,
Qui vous rendra riche à iamais.
Pour défaire ces fauoris,
Qui veulent destruire Paris.
Elle reprit aussi-tost la parole,
Me disant, ce n’est rien qu’vne colle,
Dont on nous veut amuser,
Afin de nous mieux dupper :
Ce qui fait que le monde gronde,
Ne voulant pas qu’on le seconde.

-- 26 --


Ie ne sçay ce qu’il en sera,
Si l’on ne pouruoit à cela :
Le peuple est grandement las,
De se voir desia si bas,
Et qu’on ne se met gueres en peine,
De le tirer de cette gesne.
Cela n’est pas de mon gibier,
Ayant I’esprit si grossier,
Laissons ce soin à qui plus touche,
Et fermons là dessus la bouche.
Elle demeura sans parler,
Ie creus pour se faire prier,
Faisant cette petite pause,
Pour commencer quelque autre chose,
Ce sexe qui ayme à babiller,
Voyant sa langue fretiller,
Qui s’apprestoit pour discourir,
A dessein de me diuertir :
Ie la priay de me deduire,
Quelque conte pour faire rire ;
Et pour recréer mon esprit,
Choisir quelque plaisant recit.
Ayant acheué ma priere,
Elle se donna bien carriere,
Et à moy du contentement,
Quitte pour vn remerciement.

 

 


Voicy son discours tout au long,
Retranchez-le s’il est trop long,
Ou si vous estes de loisir,
Prennez la peine de l’oüir.
Pardonnez à ma curiosité,
Si j’ose prendre la liberté,
Dit-elle, de vous demander,
Pourquoy vous tant attrister ?
Pourquoy ne venez vous icy,
Décharger tout vostre soucy ?

-- 27 --


Et faire comme font les autres,
Qui s’en content les vns aux autres.
C’est icy, le lieu des nouuelles,
Où se debitent les plus belles :
C’est icy, le grand rendez-vous,
Des plus sages & des plus fous :
(Ce n’est pas au rang des derniers)
Que ie vous mets, mais des premiers,
C’est icy, que les Politiques,
Produisent d’exemples antiques,
Pour & contre l’administration,
De ceux de contraire nation :
C’est icy, que l’on dit merueilles,
Et que l’on charme les oreilles ;
Par des propos si releuez,
Qu’ils rendent mes sens estonnez :
C’est icy, que les Visionnaires,
Viennent conter à ces Libraires,
Leurs resueries, & leurs songes
Qui ne sont rien que mensonges :
Enfin, c’est icy, qu’vn chacun
Parle de l’interest commun ;
Et où, tous les beaux esprits
Debitent ce qu’ils ont appris.
Iugez, si vous auez raison,
De vous tenir à la maison ?
Ie ne vous sçaurois iamais dire,
Ce qui fait que l’on les admire,
Parlant des maximes d’Estat,
Mieux que ie ne fais d’vn rabat.
Pour gouster vn peu ce plaisir,
Et satisfaire à mon desir :
Regardés cette Conference,
La mine, & la prestance,
De ces Messieurs les Aduocats,
Qui semblent à des Magistrats.

-- 28 --


Ou plustost aux Legislateurs,
Des Republiques Fondateurs :
Ou à ces sages de la Grece,
Dont ils ont puisé la sagesse.
Escoutés leur raisonnement,
Comme ils parlent sagement,
De cette grande authorité,
Qu’on attribuë à sa Majesté ;
Que quelques-vns dans son Enfance,
Font valoir auec arrogance :
Se couurans de ce grand Manteau,
Pour faire leur jeu plus beau.
Ils nous traittent de rebelles,
Pour mieux remplir leurs escarcelles,
Et ruiner la pauure France,
Sous cette belle apparence.
Ils font accroire à nostre Roy,
Que nous mesprisons sa Loy :
Qu’on en veut à sa personne,
Pour luy oster sa Couronne ;
Et que c’est le Parlement,
Qui brigue le gouuernement.
Ils croyent par cette calomnie,
Mettre à couuert leur Tyrannie,
Iettans sur ses pauures subjets,
Le fondement de leurs projets ;
Afin d’exercer leur vengeance,
Au despens de leur innocence.
Mais graces à Dieu la verité,
Fera voir à sa MAIESTÉ,
Le veritable fondement,
De tout ce grand armement :
A la honte, & au dommage
De ceux qui tirent auantage,
Pendant cette minorité,
D’vsurper tout par cruauté ;

-- 29 --


Et de bastir sur la rancune,
Les hauts desseins de leur fortune.
Dieu est trop misericordieux,
Pour laisser ces auaricieux,
S’engraisser de nostre substance,
Pour complaire à son EMINENCE ;
Et remporter tous les pillages,
Des Bourgs, des Villes, & villages.
Il est trop grand, il est trop iuste,
Pour ne punir pas cet injuste,
Auec que tous ses complices,
Autheurs de tant d’injustices ;
Et faire perir ces impies,
Qui ont sacrifié tant d’Hosties.
Voulez-vous sçauoir le mystere,
Qui a produit cette guerre ?
Ce sont leurs propres interests,
Qui consistent dans les prests :
Voila le vray Manifeste,
Qui va causer nostre perte :
Le pretexte de diuision,
Qu’on qualifie de rebellion,
Et comme sous vn faux entendre,
L’on pretend de nous surprendre.
Icy, tous ces Messieurs se teurent,
Peut estre de crainte qu’ils eurent,
D’auoir parlé trop librement,
Contre Monseigneur l’EMINENT.
D’auoir descouuert son secret,
Encor qu’il soit bien discret,
D’auoir tiré la verité,
Du milieu de l’obscurité.
Aussi-tost ils se separerent,
Et puis de là se retirerent,
Estans tous demeurez d’accord,
Que nous n’auions point de tort ;

-- 30 --


Et qu’il nous estoit permis,
De s’opposer aux ennemis.

 

 


Cette Conference estant finie,
Ma Lingere qui estoit rauie,
D’entendre si bien parler,
Me pria de m’arrester,
Pour ouyr quelques Procureurs,
Auecque leurs solliciteurs,
A present gens sans practique,
Discourir de la Politique,
De l’interest des fauoris,
De MAZARIN, & de Paris,
Des malheurs des guerres ciuilles,
Qui ont de peuplé tant de villes :
Comment il faut releuer,
Vn estat prest à tomber.
Vn d’entr’-eux qui à sa mine,
Sembloit eminent en doctrine ;
Dit, que les Ministres estrangers,
Ne sont iamais bons mesnagers ;
De la gloire des Potentats,
Estans les fleaux de leurs Estats :
Ils preferent l’vtilité,
Et le gain à l’honnesteté :
Ils n’ont point d’autre visée,
Qu’à satisfaire leur pensée,
Cherchans leur agrandissement
Dedans nostre abaissement :
Leur ame n’est iamais contente,
Sans vne fortune eminente ;
De toutes choses ils font profit,
Pour se maintenir en credit ;
Et non contens de leur salaire,
Par vn commerce extraordinaire,
Vendent les charges & les employs,
C’est ainsi qu’ils vollent nos Roys :

-- 31 --


C’est ainsi que leur soin trauaille,
A prendre jusques vne maille,
Et comme ils viennent de bas lieu,
Ils ne gardent point de milieu.
Ils pensent que leur opulence,
Cachera leur vile naissance ;
Et que par cét esclat trompeur,
On leur doit rendre grand honneur :
Tirent de là leur auantage,
Pour rehausser leur parantage :
Et faire des grandes alliances,
Auec les suprêmes puissances :
Pour assouuir leur ambition.
Qui tend à la domination.
Ils mesprisent la vraye gloire,
Pour vne infame memoire ;
Et rien ne les peut esmouuoir,
Que lors qu’on choque leur pouuoir,
Ils risquent la reputation,
Et la gloire de la nation,
Ne se soucians pas qu’vn Prince,
Soit dépoüillé de sa Prouince ;
Pourueu qu’ils se puissent venger,
Par la famine, & par le fer ;
Et que tout vn Estat perisse,
Faisans que leur desir reüssisse.
C’est ainsi que ces cruels traistres,
Perdent souuent leurs bons Maistres.
En déguisant leurs cruautez,
Sous le nom de leurs Majestez :
Et le fruit de leur ministere,
Pour acheuer nostre misere.
Par là les Estats sont ruinez,
N’estant iamais bien gouuernez,
Par des Ministres si auares,
Incapables des choses rares,

-- 32 --


Lesquels n’ont point d’autre objet,
Que celuy de leur interest.
Tu le vois bien par experience,
Aujourd’huy, miserable France,
Mesme depuis plusieurs années,
Que tes mauuaises destinées,
Ont mis ton sort entre les mains,
De deux Ministres Italiens.
Veux-tu guerir de ce grand mal,
Il faut chasser ce Cardinal,
Qui t’a rauy ta liberté,
Pour te mettre en captiuité ;
C’est là l’vnique moyen,
Pour rentrer dedans ton bien.
Tu n’as point d’autre remede,
Pour luy oster ce qu’il possede ;
Et pour recouurer ton repos,
Qu’en supprimant tous ses imposts,
Qui t’ont si fort trauaillée,
Que tu en és toute troublée.
Ton ieune Roy te tend les bras,
Pour le tirer de l’embarras,
Où tes plus grands ennemis,
Font gloire de l’auoir mis.
Ne differe pas dauantage,
A le vanger de cét outrage ;
Et le remettre dans Paris,
Sur le trosne des fleurs de lys.
Cet homme ayant touché au but,
A l’instant mesme il se t’eut,
Pour oüir vn solliciteur
Qui faisoit le grand orateur ;
Doüé d’vne grande memoire,
Se souuenant bien de l’histoire.

 

 


Quoy, Messieurs, vous vous estonnez,
Si aujourd’huy à nostre nez ?

-- 33 --


Dit-il, on enleue le Roy,
Apres auoir juré leur foy,
Que l’on auoit oublié
Tout ce qui s’estoit passé ;
Et qu’on vouloit que desormais,
Tout le monde vescut en paix.
Sçauez-vous pas que les Ministres,
Durant les mouuemens sinistres,
Promettent tout, ne tiennent rien,
Quand ils ont les forces en main ?
Et qu’il n’y a rien de si friuole,
Que de se fier en leur parole.
Ce n’est pas vn fait si estrange,
Puis que tousiours le monde change ;
Et que sa propre qualité,
Est la mesme instabilité.
Depuis le commencement des nations,
Les frequentes reuolutions,
Ont produit mille changemens,
Par les grands bouleuersemens,
Des Republiques & Monarchies
Qui ont esté aneanties,
Par les folles passions des hommes,
Qui regnent au siecle où nous sommes.
Les Histoires sont toutes pleines,
Des Ministres qui par leurs haynes ;
Et de plusieurs grands Fauoris,
Qui sont honteusement peris,
En poursuiuant la vengeance
D’vne pretenduë offence.
Ils sont morts comme enragés,
De n’auoir pas esté vengés.
C’est ainsi, que la main de Dieu,
Sçait punir en temps & lieu,
Ces hommes de sang & de fer
Pour les precipiter dans l’Enfer.

-- 34 --


Prions-le de tout nostre cœur,
Qu’il nous deliure du malheur,
Et qu’il nous veille proteger
Contre ce Ministre estranger,
Qui jure de perdre la France,
Si on luy oste la Regence.
Grand Dieu ayez pitié de nous,
Et nos pechez pardonnez nous :
Faites que cette tempeste,
Esclate sur la mesme teste,
Et ne souffrez que ces meschans
Triomphent de tant d’innocens.

 

 


Ayant finy là sa priere,
Vn bon vieillard qui estoit derriere,
Fit vne grande exclamation,
Pour tesmoigner son affliction :
Puis d’vne voix articulée,
En se monstrant à l’assemblée.
Ce n’est pas, dit-il, sans raison,
Que ie puis faire comparaison,
De ce regne si miserable,
A la Ligue si fort semblable ;
Que le nombre des malheureux,
Surpasse celuy des heureux.
Quand ie me represente les miseres,
Qui sont causées par ces guerres,
Ie ne voy rien deuant mes yeux,
Qu’horreur, & carnage en tous lieux.
Combien de Prouinces ruinées,
Combien d’Eglises prophanées,
Combien de prises ou sacs de Villes,
Combien de pertes de familles,
Combien de gens dans les prisons,
Combien de lasches trahisons,
Combien de places bruslées,
Combien de femmes violées,

-- 35 --


Combien de sang respandu,
Combien de mal entendu,
Combien de freres contre freres,
Combien d’enfans contre leurs peres,
Combien de Princes mescontans,
Combien de petits tyrans,
Combien de malheur inoüis,
Pour contenter leurs appetits.
Voila les fruits des diuisions,
Voila les faits de nos passions.
Dieu vueille appaiser son ire,
De peur que n’ayons encor pire.

 

 


Ce bon homme du temps passé,
Apres auoir ainsi exposé,
Les maux des guerres intestines,
A ses voisins, & aux voisines.
Vn ieune drolle d’esueillé,
Qui estoit vn peu esceruellé,
S’estant trouué dans la meslée,
Dit ainsi sa ratelée ;
Où est donc cette generosité,
Qui a deffendu la liberté,
De la Couronne de France
Contre toute violence ?
Où est la valeur de nos peres,
Qui conquirent tant de terres,
Subjuguerent le Leuant,
Et firent trembler le Ponant ?
Chasserent les Goths & Sarrazins,
Moins à craindre que les Mazarins,
De la France, & de l’Espagne :
Mirent l’Empire en Allemagne,
Que possedoit cette nation,
Qui cherche nostre perdition.
Si ces exemples ne suffisent,
La nature & les loix nous disent,

-- 36 --


Ce qu’il faut faire, Messieurs,
Pour perdre tous ces volleurs :
Pour releuer l’Estat penchant,
Que leur rage va détruisant.
Allons, Messieurs, prenons courage,
Que tardons nous dauantage :
Allons les armes à la main,
Deliurer nostre Souuerain,
Nous mesme, & toute la France,
Des griffes de son EMINENCE.

 

 


Aussi-tost l’heure de midy,
Ayant sonné Adieu vous dy ;
Vn chascun s’en alla chez soy,
Se disant seruiteur du Roy.
Ma lingere me fit arrester,
Vn peu de temps pour l’escouter ;
Ce que ie fis par complaisance,
Plustost que par reuerence.
Ne pensant alors qu’à disner,
Estant venu sans desiuner ;
Ie demeuray sans repartie,
Regardant tousiours la sortie.
Dites moy en bonne verité,
Monsieur, n’auez-vous pas esté,
Grandement satisfait d’entendre,
Ce que vous venez d’apprendre ?
N’auoüerez-vous pas que le Palais,
Vous verra souuent desormais ?
Que c’est vn lieu diuertissant,
Encor qu’on n’ait point d’argent :
Qu’il n’y a point de tristesse,
Qui ne se change en allegresse ;
A voir tous ces gens d’affaires,
Parler de toutes nos guerres.
Mais ils sont bien plus plaisans,
Quand ils se mettent sur le temps,

-- 37 --


Qu’ils expliquent les Propheties,
De Nostradamus inepties,
Des Almanachs les predictions,
Qui ne sont rien que fictions :
De tout cela ils font des fausses,
Qui vous feroient chier dans vos chausses.
D’où pensez vous que ces Courriers,
Qui se debitent à milliers,
Viennent, apportant des nouuelles,
Qui ne sont pas toutes fidelles ?
Leur voyage, & leur arriuée
Se font en vne matinée.
C’est icy, que dessus nos bancs,
On fait les Courriers Allemans,
Ceux qu’on appelle Polonnois,
Et tous les Courriers François :
Mille autres petits ordinaires,
Sans parler des extraordinaires.
Mon ventre me faisant la guerre,
Ie dis adieu à ma lingere.

 

 


Dites-moy, Monsieur l’Amiral,
Ie me trompe, le Cardinal ?
Hazard, nostre Amirauté,
Vaut bien vostre qualité,
Pour n’estre pas le titulaire,
Vous en estes le proprietaire,
Mais laissons-là ce fait à part,
Pour parler de vostre depart,
Que ie n’ose appeller fuite,
Pour iustifier vostre conduite.
Dites-moy quels sont vos moyens,
Pour vous venger des Parisiens ?
Quel grand crime ont-ils commis,
Pour vous faire tant d’ennemis ?
Que ne les laissez-vous en paix,
Rendre la Iustice au Palais ?

-- 38 --


Pourquoy leur retenir leur bien,
Puis qu’ils ne vous demandent rien ?
Qu’ils vous laissent la liberté,
D’agir à vostre volonté :
Sous les noms du Roy & des Princes,
Pour piller toutes ses Prouinces.
Vous deuriez estre content,
Sans attaquer le Parlement,
Qui peut dans la Minorité,
Vous oster cette authorité.
Vous deuriez estre satisfait,
De tout le bien que l’on vous fait,
Pour soulager la pauure France,
Qui va tomber en decadence,
Si vous restés le vainqueur,
De Paris qui est son Chef,
Si vous abbattez son Chef,
Tout est perdu, s’en est fait.
Il vous sera bien facile,
De vous faire Roy de Sicile,
Ayant espuisé nos finances.
Qui sont les nerfs des Puissances.
Dites moy, que pensez vous faire,
Ayant allumé cette guerre ?
Croyez-vous que les François,
Qui ayment si fort leurs Roys,
Veuillent perdre leur Empire,
Pour vous apprester à rire ?
Pour releuer vostre credit,
Qui s’en va petit à petit.
Nos peuples ne sont plus gruës,
Vos finesses sont cousuës,
De sil blanc, chascun les voit,
Si ce n’est ceux qu’on deçoit,
Par promesses, ou presens,
Estans de vos Partisans.

-- 39 --


Nous ne sommes plus si fous,
Que l’on se jouë de nous :
Nous sçauons toutes les ruses,
Par où l’on drappe les buses :
Nous sçauons l’art de regner,
Sans qu’on le vienne enseigner.
Machiauel, auec ses maximes,
Est moins estimé que nos rimes.
Quand vous auriez la Cour Romaine,
Vous auriez encor de la peine,
Auecque toutes ses souplesses,
Vsant mesme de vos caresses,
De nous pouuoir desabuser,
C’est solie que d’y penser.
Gardez vos subtilitez,
Pour tromper des hebetez :
Nous ne sommes plus badauts,
Nous connoissons nos deffauts :
Portez ailleurs vos coquilles,
Nous ne sommes plus faciles,
Pour nous laisser enjoller,
A qui nous veut cajoller.
Le pot aux roses est découuert,
Taschez de vous mettre à couuert :
La mine est esuentée,
On lit dans vostre pensée :
Ignorez-vous que les Prouinces,
Sont contre vous, & les Princes,
Qui ont pris vostre deffence,
Au moins c’est vostre creance.
Croyez moy, retirez-vous,
Vous n’aurez plus de jalous,
Vous serez en seureté,
Et viurez en liberté :
Vous pourrez faire grand’chere,
Vous mocquant de la misere,

-- 40 --


Mesme auoir des Comediens,
Soit François, ou Italiens.
Enfin, c’est vostre meilleur,
Et croyez que c’est le plus seur.
Le Roy pour vos grands seruices,
Vous lairra vos Benefices ;
Il vous a trop d’obligation,
Par cette derniere action,
Qui a fait connoistre à la France,
Ses forces, & sa puissance,
Le zele, & la fidelité
De tout vn peuple reuolté.
Non contre son Souuerain,
Mais contre vostre dessein,
Qui estoit de perdre la France,
Pour venger vostre EMINENCE.
Il n’a plus besoin d’Alliés,
Pour faire de si grands progrés :
Depuis le siege de Paris,
Nos Bourgeois sont aguerris :
Ils sçauent l’art de la guerre,
S’escriment du cimeterre,
Font l’exercice du mousquet,
De la pique, & du pistolet ;
Entendent les commandemens,
Et gardent tous bien leurs rangs,
Les cochers, & palefreniers,
Sont deuenus Caualliers,
Montez comme des saints Georges,
Ils vont bien coupper des gorges.
On les prend à leurs regars,
Pour des Mars, ou des Cesars,
Tant ils sont braues & fiers,
Guare, tous vos estafiers.
Nostre Milice Bourgeoise,
Menace la Polonnoise,

-- 41 --


De défaire tous vos gens,
Tant François que Allemans ;
Quoy qu’ils ne soyent que frondeurs,
Ils feront peur aux ligueurs.
Si vous perdés la victoire,
Ie crains fort pour vostre gloire,
Messieurs nos enfarinés,
Vous feront vn pied de nez.
Il faut pourtant que j’auouë,
Ce dequoy chacun vous loüe,
Que pour vn petit de mal,
La France en general,
Vous doit vn remerciement,
Pour ce grand sousleuement :
Pour cette belle entreprise,
Que l’on nomme grande sottise.
D’auoir enleué le Roy,
Sans trompette, ny hautboy,
D’auoir donné l’occasion,
Aux peuples d’vne émotion,
Pour chasser vostre EMINENCE,
Hors du Royaume de France.
Vous voyez bien maintenant,
Que vous estes vn ignorant,
Vn Politique burlesque,
Bouffon, plaisant & grotesque.
Vostre mestier est de joüer,
Piper les dez, cartes manier,
Sans vous mesler de Ministere,
Ny de troubler toute la terre.
Voyla comme bien souuent,
Pour n’estre pas preuoyant,
L’on perd la vie & l’honneur,
Par vn excez de rigueur.
Croyant de perdre cét Estat,
Par vn infame attentat,

-- 42 --


Vous nous fournissez deux Moyens,
Qui en seront les vrais soustiens ;
Ie veux dire la vaillance,
Iointe auecque la prudence :
Ne s’estant point trouué d’hommes,
Depuis les troubles où nous sommes,
Que vous auez suscitez,
Qui ne se soient employez,
Aux armes, ou à la Politique,
Suiuans le desir qui les pique.
Vous auez fait plus de soldats,
Sans qu’ils ayent veu les combats,
Que les Gaules, & Allemagnes,
N’ont fait en plusieurs campagnes,
Vous auez fait de la politique,
Vne science si pratique,
Qu’elle n’est plus celle des Roys,
Mais celle de tous nos Bourgeois.
Encore vn coup retirez-vous,
Nous n’auons plus besoin de vous,
Nous auons plus de Politiques,
Que vous n’auez de mirlifiques.
Adieu, Monsieur le MAZARIN,
Vous qui faisiez tant le fin ;
Adieu, le grand Politique,
Qui pretendoit nous faire nique ;
Adieu, l’Illustre CARDINAL,
Qu’on tient icy pour animal,
Adieu, donc, haute EMINENCE,
Qu’on ne verra plus dans la France ;
Le bon Dieu vous vueille toucher,
Afin que puissiez amander.

 

 


Voila mon vnique Amaranthe,
L’image que ie te presente,
Des miseres de nostre temps,
Si contraires aux vrais Amants,

-- 43 --


Que ie ne suis pas capable,
Amaranthe trop aymable,
De t’enuoyer rien de meilleur,
Estant outré de grand douleur.
Dis moy, que pourrois-je faire,
Ne voyant rien que misere ?
Le moyen de me resioüir,
Si ie ne puis plus joüir,
De la presence de tes charmes,
Pour faire tarir mes larmes,
Et rendre à mon cœur abattu,
Vn bien qu’il croit desia perdu.
Excuse moy, mon Amaranthe,
Si ce discours ne te contente,
Tu sçais bien qu’esloigné de toy,
Ie ne puis rien faire de moy,
Qui ait la grace, & la gentillesse,
Qu’il faut pour plaire à sa Maistresse.
Que si autrefois dans mes vers,
Selon que les sujets diuers,
Me fournissoient de la matiere ;
l’empruntois de toy la lumiere :
Pour me guider dans ces detours,
Qui ont fait naistre nos amours ;
Excitant en nous vn plaisir,
Qui estoit selon mon desir,
De rendre ton affection,
Egalle à ma passion.
Aussi-tost que ta belle bouche,
Eust prononcé, ton mal me touche,
La liberté de m’exprimer,
Se fit entendre pour t’aymer.
Du depuis toutes mes pensées,
Venoient de ces belles idées,
Que mon imagination,
Formoit sur ta perfection.

-- 44 --


Ce n’estoit pas grande merueille,
Si ie chatoüllois ton oreille,
Par vn discours plus doux que laict,
Que m’inspiroit ton beau pourtraict.
Ie ne trouue plus si estrange,
Que lors que ie parlois d’vn Ange,
Ma poësie parust si belle,
Ayant vn si parfait modelle :
Ie ne pouuois iamais faillir,
Quand j’en eusse eu le desir.
O cruelle, & douce memoire,
Ne me parle plus de la gloire,
D’entretenir vne beauté,
Qui fait nostre felicité.
Cruelle, puisque seulement,
Ce qu’autresfois m’estoit present,
Tu me le fais voir en idée,
Ie veux dire ma bien aymée.
Douce, qu’en me voyant souffrir,
Tu me permets le souuenir.
Que ie deteste les Autheurs,
Qui sont cause de mes douleurs,
Plus pour ma belle Maistresse,
Que pour le pain de Gonesse.
Ha cruels ! ha sanguinaires !
Si vous aymez si fort les guerres.
Allez porter ailleurs vos armes :
Faites déloger vos gensd’armes,
Le Dieu d’Amour dans ses combats,
N’a que faite de coutelas,
Mais, qu’est-ce, bon Dieu, que j’entens ?
Ne me trompez vous point mes sens ?
L’on cric que la Paix est faite,
Que tout le monde s’appreste,
A rendre graces au Tout-puissant,
Adieu, j’y cours en finissant.

 

FIN.

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S. T. F. S. L. S. D. T. [1649], LE POLITIQVE BVRLESQVE DEDIÉ A AMARANTHE. Par S. T. F. S. L. S. D. T. , françaisRéférence RIM : M0_2810. Cote locale : C_8_31.