Saint-Julien,? [?] [1649], LE CINQVIESME COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_05.
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LE CINQVIESME
COVRIER FRANÇOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


Samedy six de Feurier
La Cour voulut que sur papier
Des descriptions fussent faites
Des Tiltres, Contracts, etiquettes
De la Duchesse d’Aiguillon
Trouuez auec vn cotillon
Vne coëffe, de la dentelle
Linge & semblable bagatelle
Plein deux coffres, que l’on surprit
Comme vn quidam de peu d’esprit
Ayant assez mal pris son heure
Leur faisoit changer de demeure
Ces papiers sont tres-importans
Si nous croyons nos habitans
Et selon la pluspart des hommes
Ils font voir des immenses sommes
Des deniers que contre la Loy
La Dame a pris à nostre Roy.

 

 


Il nous est venu dequoy cuire
Que la Boullaye a fait conduire
Des enuirons de Monthlery,
C’est vn Marquis tres-aguerry.

 

 


Dimanche sept il vint en Ville
De moutons & bœufs pres de mille
Sans conter messieurs les pourceaux
Donc i’ay pour ma part trois morceaux,
Ce bestail natif de Champagne
Marcha hardiment en campagne

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Au nez de Lagny, sans qu’aucun
Des Mazarins qui sont plus d’vn
Dedans cette Ville de Brie
Osa sur eux faire sortie.

 

 


En ce temps Declaration
Portant vne interdiction
De nostre Parlement auguste
Sous le nom de Loüis le Iuste
Que du Conseil de S. Germain
Mandia Iulles Mazarin
Qui n’a pour but que de destruire
Tout ce qu’il pense pouuoir nuire
A son ferme establissement
Comme fait ce grand Parlement
Fut à S. Germain publiée
Et sa puissance attribuée
Aux Bailliages de son ressort.
Orleans qui nous aime fort
Ayant sceu que dans ses murailles
Quelques Mazarines canailles
Qui leur seruoient de Magistrats
A cet Arrest tendoient les bras
Et qu’en cachette ces belistres
L’auoient mis dessus leur registres,
A fait sçauoir cet attentat
Aux dignes Tuteurs de l’Estat :
Qui le Lundy huict prononcerent
Que tous les Arrests qu’ils donnerent
De puis le malheureux blocus,
Y seroient registrez & leus.
Mandement que point ne lanternent
Ceux qui dans Orleans gouuernent
Dans leur prompte execution
Sur peine d’interdiction
Et d’en respondre en leur personne
Arrest qui ie croy les estonne.

 

 


Le sept le Prince de Condé

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Du Duc d’Orleans secondé
Ayant tirê des voisinages
Des villes, bourgs, chasteaux, village
Autant de trouppes qu’il en pût
Sans que Paris debloqué fut,
Il fit bien de cauallerie
Trois mille & cinq d’infanterie
Qui fillerent toute la nuit
Vers Charenton à petit bruit,
Lieu dont il auoit connoissance
Qu’vn chef de grande experience
Estoit le fidelle gardien
Et qu’il le deffendroit fort bien.
Lundy huict, l’Aurore esueillée
Le trouua dans vne vallée
Que nous appellons tous Fescamp,
Où le voleur est tres-frequent
Durant tout le temps de l’année
Mais oncque auant cette iournée
Il n’en fut telle quantité
Qu’en ce iour elle en a porté.
En ce lieu leur gros prit sceance
Et se saisit de l’eminence
Tandis que quelque Regiment
Detaché par commandement
Alla pour donner l’escalade
A la malheureuse bourgade.
Auant qu’aucun fut assommé
Par vn Trompette fut sommé
Clanleu Gouuerneur de la place
De la ceder de bonne grace :
Mais il luy dit, le Parlement
Et Monsieur d’Elbeuf mesmement,
A Clanleu l’ont donnée en garde
Il faut qu’il meure ou qu’il la garde
Dés l’heure les assiegeans
Pour faire les mauuaises gens
Occuperent les aduenuës
Que nos canons rendirent nuës,

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Sans mentir le coup le premier
Les fit plus nettes qu’vn denier
Le second rompit quatre cuisses,
Le troisiesme tua deux Suisses :
Nauarre braue Regiment
Lascha le pied vilainement,
Quarante des siens morts à terre
Maudirent mille fois la guerre
Qui les enuoyoit chez Pluton
Deuant vn chetif Charenton.
Le Prince aduerty de l’escarre
Que le canon fait sur Nauarre
Pensa creuer dans son pourpoint,
Mais pourtant il ne creua point
Dans l’esperance de combattre
Le bourgeois qu’on tenoit à quatre,
Qui comme vn diable iuroit Dieu
Qu’il vouloit secourir ce lieu ?
Il dit de Condé peste & rage :
Mais le Prince à son aduantage
Attendoit Messieurs de Paris
Comme le chat fait la souris,
Asseuré sur son eminence
Il auoit grande impatience
De taster le poux au Bourgeois
Qui ne sortit pas cette fois,
Il est prudent & craint la touche,
Ioint qu’il n’aime pas la cartouche
Dont il fit son canon charger,
Paris n’en voulant point ronger,
Le Prince qui faisoit fanfarre
Commit pour soustenir Nauarre
Chastillon auec du renfort,
Mais il l’enuoyoit à la mort :
Car aussi tost au bas du ventre
Vne balle de mousquet entre
Sans respecter ce Duc nouueau,
Ieune, vaillant, adroit & beau,
Et qui deuint en moins d’vne heure

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Grand Predicateur ou ie meure
Puis qu’au iour qu’il est decedé
Il prescha son cousin Condé :
Tesmoin ses paroles dernieres
Qu’il accompagna de prieres
Capables de fendre vn rocher
Aussi ne pût pas s’empescher
Condé de luy donner des larmes
Et trahir le Dieu des allarmes
Ennemy de Dame pitié,
Mais ce furent pleurs d’amitié
A cause de leur parentage :
Cependant reprirent conrage
Les assiegeans & de ce pas
Enuoyerent force soldats
Dans les iardins par les clostures,
Où faisoit quelques ouuertures
Le canon qui foüettoit dedans
Et que tiroient les assiegeans ;
Si bien qu’à la bresche ils monterent
Et par ces iardins ils entrerent
Tant qu’il conuint à nos soldats
Enuironnez de toutes parts
De faire vne retraitte honneste :
Ce ne fut pas sans casser teste
Et donner maints coups dans les reins
De nos Messieurs les Mazarins.
Clanleu deuant qu’il deuint ombre
En tua de sa main grand nombre
Et ne sçachant plus sur quel pied
Danser pour estre estropié
Vers le Pont sans vouloir se rendre
Il se traisna pour le deffendre ;
Enfin blesse de plusieurs coups
Ce braue s’esloigna de nous
Et finit vaillamment sa vie
Par vne mort digne d’enuie,
Ayant mis deuant par quartier
Vn qui luy presentoit quartier

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Charenton se rendit en suitte,
La garnison se mit en fuitte
Et se sauua sur des batteaux
Ce que sçachant nos Generaux
A Picque puce ils resolurent
Et tous d’vne voix ils voulurent
Que Paris fut contremandé
Veu l’auantage de Condê
Qui leur pouuoit sauter en crouppe
Auec sa Mazarine trouppe
Il falloit passer par Fescamp
En bonne foy dittes-moy quand
L’auriez vous fait Messieurs de Ville
Eussiez-vous esté cinq cens mille
Laissez luy prendre Charenton
Puisque le sang de Chastillon
Et de Saligny le carnage
N’a que trop payé ce village
Ieunes Seigneurs prostituez
Parlez donc vous autres tuez,
Braues Officiers de Nauarre,
L’occasion estoit bien rare
Pour y perdre trente de vous ?
Au nom de Dieu reuenez tous,
Et que vos ombres vangeresses
S’attachent nuit & iour aux fesses
De celuy qui vous hazarda
Et par nos mains vous poignarda,
C’est Mazarin que ie veux dire
L’autheur seul de vostre martyre.
Le iour que fut pris Charenton
Condé resuant auec Gaston
Sur l’importance de la perte
Qu’à sa prise ils auoient soufferte,
Sur sa conqueste il raisonna
Et par conseil l’abandonna
Comme pour son trop d’estenduë
Ne pouuant estre deffenduë
Il sort & seulement il rompt

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Le passage qui meine au pont,
Ce fait ses Trouppes defilées
Vers Nogent prirent leurs volées
Nogent sur-Marne que ses gens
Plus impiteux que des Sergens
Surprirent, pillerent, vollerent
Et puis apres se retirerent
A leur poste de S. Denis.

 

 


Le Mardy neuf, on eut aduis
Que vers Senlis l’autre sepmaine,
Mazarin auoit pris la peine
D’enuoyer quelques Regiments
Faire aux Bourgeois ses compliments,
Mais que s’offrants pour les deffendre,
La Ville graces leur fit rendre
Et fermer les portes au nez
Si bien qu’ils s’en sont retournez.

 

 


La Cour voulut que fut suiuie
La taxe du temps de Corbie
Mecredy dix de Fevrier,
Et que chacun eut à payer
Pour l’entretien de nostre armée
La taxe qui fut lors payée.

 

 


Ce iour sortit nostre support,
Le genereux Duc de Beaufort,
Il auoit la puce à l’oreille,
Aussi ce iour fit-il merueille,
Car dés qu’à Charenton il fut
L’ennemy soudain disparut,
Et luy presentant le derriere
Il se sauua sur la riuiere
Dans des moulins proche du pont,
Nostre Heros actif & prompt
Ayant mandé l’artillerie
Pour battre cette infanterie

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Au nombre de deux à trois cent
Receut vn aduis plus pressant
Qui le fit partir au plus viste
Quand il sceut qu’auoit pris son giste
A Linas le fameux Conuoy
Qu’Estampes enuoyoit par charroy
Noirmonstier luy prestant main forte
Mais pour vne plus seure escorte
Nostre Mars à Linas s’encourt
Où suruint la Mothe-Houdancourt
Ils estoient desia dans la voye
Quand vn aduis on leur enuoye
Que le Mareschal de Grammont
Venoit faisant le rodomont
Pour les coupper sur leurs passages :
Nos Generaux prudents & sages
Vinrent en ordre martial
Receuoir ce grand Mareschal
Qui monstra brauement la crouppe
Auec sa Mazarine trouppe,
Bien qu’il eut quatre mille entiers
Tant fantassins que caualliers,
Laissant pour prouuer sa disgrace
Plusieurs Officiers sur la place,
Entre lesquels il dit adieu
Au vieil Maistre de camp Noirlieu
Qui sçauant au fait de le guerre
N’en fut pas moins couché par terre
Quoy qu’armé comme vn jacquemart
Et malgré les ruses de l’art.
Il s’abbatit faisant vne esse
Sous nostre Achille dont l’addresse
Luy porta l’espée au gosier
Ce qui l’empescha de crier
Ce qu’il tesmoignoit par ses yeux
Qu’il roulloit tristement aux Cieux
An qu’il eut fait belle harangue
Mais il auoit en deux la langue

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Qu’il auroit maudit le party
Qu’il s’en seroit bien repenty ?
Qu’il auroit pesté contre Iulle
Qu’il auroit baisé nostre Hercule
Beaufort, dont le trop digne bras
Remplit de gloire son trespas :
Beaufort, dis-ie, qui teste nuë
Sans armes que celle qui tuë
N’ayant qu’vn bufle sur le corps
Affronta ce iour mille morts,
Les poussa, leur dit pis que pendre
Sans qu’elles osassent le prendre,
Ce fut lors que nostre Bourgeois
Fut aux champs la troisiesme fois
Sur le bruit de cette rencontre
Chacun d’eux fort zelé se monstre,
Ils vont, ils volent au secours,
On n’entend rien dans leurs discours
Que viue Beaufort & la Motthe,
Il n’en est pas vn qui ne trotte
Et se trouuent ainsi trottans
Plus de trente mille habitans
De qui l’ardeur fut rengainée
Trouuant la bataille donnée
Et la victoire qui rioit
De ces hommes qu’elle voyoit
Qui vouloient de rage se pendre
Qu’on n’auoit daigné les attendre,
Et qui iuroient parmy les champs
Contre le Preuost des Marchands,
Soit que Madame la victoire
Eut rappellé dans sa memoire
Iuuisy que ces bons soldats
Ont promis de ne passer pas,
Et dont ils estoient sur la routte :
Mais ils reuinrent sans voir goutte
Confondus auec les pourceaux,
Les bœufs, moutons, vaches & veaux

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Qui toute la nuit defilerent
Et dans vn si grand nombre entrerent
Par S. Iacques & S. Marcel
Qu’il ne s’en vit iamais de tel,
L’on conta pres de quatre mille
Qui furent receus dans la ville,
De ces nourrissans animaux
Cependant que nos Generaux
Reuinrent rayonnans de gloire
Menant pour masque de victoire
Le Sieur de Ferracier Monbrun
Et d’Alais vn grand homme brun,
Donc Noirmonstier auoit fait prise :
L’vn & l’autre estoient gens de mise
Et Mareschaux de camp tous deux ;
Beaucoup d’autres pris auec eux
Suiuoient : pour la farine zeste,
Elle auoit demeuré de reste
Sans qu’il en vint vn seul boisseau,
Elle coucha dans Longjumeau,
D’où chaque iour on en apporte
Suffisamment auec escorte.

 

 


Ieudy certains du Parlement
Ont parlé d’accommodement
Mais soit qu’ils n’eussent pas puissance
Soit pour la raison de l’absence
De nos Chefs, la Cour a remis
Au lendemain à prendre aduis.

 

 


Le Vendredy douze au matin
Vn Herault appellé Martin
Martin, ou non, il ne m’importe
Mais il s’en vint deuant la porte
S. Honoré faire trois tours
A peu pres comme font les ours :
Ce que voyant le Capitaine,
Il le prit pour homme à quintaine

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Pour vn phantosme ou pour vn fou
Pour Sorcier ou pour lougarou :
Et non pour vn Herault de France
Qui vouloit auoir audience
Apres auoir piroüetté
Il demanda d’estre escouté
A quoy la Cour ne fait responce
Et laisse ce bizarre Nonce
Ordonnant qu’il falloit mander
Nos Generaux pour proceder,
Consentant que le grand la Mothe
Se tienne assis & qu’il ergotte.
Nos Generaux estans venus
Il fut dit qu’on feroit refus
D’entendre le Heraut qui gelle
En attendant tousiours nouuelle :
Et que Messieurs les Gens du Roy
Iroient luy citer vne Loy
Qui leur deffend d’ouurir la porte
A pas vn homme de sa sorte,
Veu qu’ils ne sont point ennemis
Ou Souuerains, Maistres sousmis
Aux volontez de leur Monarque
Responce digne de remarque
Et qui dût rendre bien camus
Le Heraut qui ne tournoit plus.
Veut la Cour qu’ils prennent la peine
D’aller asseurer nostre Reine
Que Messieurs ont fait comme il faut
D’auoir renuoyé son Heraut
Que c’est marque de leur science,
Et point de desobeïssance
Selon qu’il fut dit, il fut fait
Et le Heraut mal satisfait
Se mit dans vne hostellerie
Et son cheual à l’escurie.
Mais pour aller à S. Germain
Monsieur Tallon baisa la main

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Il repassoit en sa memoire
Qu’il n’eut pas seulement à boire
La derniere fois qu’il y fut,
Ce qu’il fit, qu’il se resolut
D’escrire pour son asseurance,

 

 


Samedy le Heraut de France
Auant que plier son pacquet,
Mit sur la barriere vn pacquet
Et fit son bransle de sortie,
Dont la Cour estant aduertie
Laissa le pacquet tout entier
Chez le Capitaine portier.
La Cour par vn autre ordonnance
Voulut que l’on fit violence
Aux Partisans Monopoleurs
Traittans & tous autres volleurs
Que leur taxe n’ont acquittée
Pour l’entretien de nostre armée.
Dit de plus que l’on saisira
Toutes les richesses qu’aura
Le Cheualier de la Vallette
Dont l’inuentaire sera faite
Et qu’on instruira son procez.

 

 


Ce iour treize par bon succez
Nous eusmes plein trente charettes
Dequoy ioüer des margoulettes,
Et nous deuons au grand Conty
Ce Conuoy qui fut garanty
De toute rencontre ennemie,
Et qu’il nous amena de Brie
Ce mesme iour le fils puisné
D’vn potentat infortuné
Fut receu dedans cette Ville
Où sa mamman a pris asyle
Contre la fureur de l’Anglois
Infame bourreau de ses Rois.

 

Fin du cinquiesme Courrier.

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Saint-Julien,? [?] [1649], LE CINQVIESME COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_05.