Saint-Julien,? [?] [1650], LE COVRRIER BVRLESQVE DE LA GVERRE DE PARIS, Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé, pour diuertir son Altesse durant sa prison. Ensemble tout ce qui se passa jusques au retour de Leurs Majestez. , françaisRéférence RIM : M0_814. Cote locale : A_9_9.
Section précédent(e)

LE
COVRRIER
BVRLESQVE
DE LA GVERRE
DE PARIS,

Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé,
pour diuertir son Altesse durant
sa prison.

Ensemble tout ce qui se passa jusques au retour de
Leurs Majestez.

Iouxte la copie imprimée à Anvers,
Et se vend à Paris, au Palais.

M. DC. L.

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A MONSIEVR LE MARQVIS D’ALLVYE.

MONSIEVR,

Mon Courrier à son retour du Bois de Vincennes,
ayant desiré se pourmener dans Paris, dont il
estoit si proche, & ayant besoin de quelque asyle dans
cette ville, en vn temps qu’il est defendu à tous hostes
de receuoir aucun Estranger, s’est allé camper chez
vous, d’où il ne sortiroit pas pour le Pape. Vostre naissance
illustre, vostre rang à la Cour, vostre vertu, vostre
bonté, vostre generosite, &c. m’exempteront, s’il leur
plaist, d’vne Epistre dedicatoire, que ie ne sçaurois acheuer,
& qui ne vous feroit pas grand honneur, puis que
vous estes bien au dessus de tout ce que ie pourrois dire.
En vn mot ie vous enuoye mon Courrier, daignez
faire mettre son cheual à l’écurie, & luy dans vostre
appartement ; apres auoir parlé au plus grand & plus
affligé Prince du monde, il peut bien pretendre d’entretenir
vn Seigneur des plus accomplis. Mais de grace
encore vne fois ne m’obligez pas de vous faire vne Epistre
(que ie n’auois pas pourtant si mal commencée, &
dont la premiere periode estoit assez iuste) & n’esperez
pas que i’entreprenne moy seul de vous remercier icy
des bontez & des graces que vous auez partagées à
toute ma famille. Nennidà, il me suffit que ie vous
dédie, sans vous le dire en beaux termes : la verité ne
veut point de fard, & vous la verrez toute nuë dans
les dépesches de mon Courrier, que i’ay chargé de vous
asseurer que ie suis,

MONSIEVR.

Vostre tres-humble, & tres-obeïssans
seruiteur, A. B. C. D. E.

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ADVIS TRES-SALVTAIRE
au Lecteur.

Primò. Ce Courrier bien que venant des Païs-Bas,
est natif de Paris, sur les fonds de Sainct
Paul.

Item, Par le mot Royal, il entend tout ce qui
appartient au Roy ou à la Reine.

Item, Par le mot de la Cour, il entend toûjours
la Cour de Parlement.

Item, Par le mot d’Audience, il entend la
Grand’Chambre, où elle se tient.

En dernier lieu, il parle presque toûjours à
Monsieur le Prince, disant, Vous fistes cecy, &
nous fismes cela. Adieu Lecteur.

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LE COVRRIER BVRLESQVE
DE LA GVERRE DE PARIS,

Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé, pour diuertir son
Altesse durant sa prison.

 


Vovs la terreur de l’Vniuers,
Moy Courier suis parti d’Anuers,
Pour entretenir vostre Altesse,
Et pour diuertir sa tristesse.
Prince, si mon dessein est grand,
Ie prens vostre cœur pour garand,
Et dans vn malheur si funeste,
Ie luy laisse à faire le reste :
C’est luy qui vous consolera,
Qui mieux que moy diuertira
L’ennuy mortel qui vous accable :
C’est luy qui combattra le Diable,
S’il vous tentoit de desespoir ;
Et c’est luy qui doit faire voir
Que vous le vainqueur d’Allemagne,
La terreur de Flandre & d’Epagne,
Riez du sort & de ses coups
Qui sont grands, mais bien moins que vous.
Adonc sur cette confiance
Que ie prends de vostre constance,
Et de vostre religion,
(Car contre la tentation
En prenant vn peu d’eau beniste
Vous la ferez courir bien viste)
Ie viens pour charmer vos douleurs
Iustes dans de si grands malheurs ;
Et connoissant que la lecture
En peut seule faire la cure,
Ie viens auec ce lenitif
Tres propre à guerir vn captif ;
Et pour commencer vne histoire
Toute fraische en vostre memoire
Par la mort du grand Chastillon ;
Voilà vos Dames, tous de bon ;
C’est fait. Dego s’en va Silence.
Paix-là, Monseigneur, ie commence.

 

 


L’An estoit estoit encore tout neuf
De mil six cens quarante-neuf,
C’estoit la cinquiesme iournée
De l’aisné des mois de l’année,
Quand le Roy vint dans le Fauxb.
A l’Hostel iadis Luxembourg,
Et qu’vne Grammaire nouuelle
Le Palais d’Orleans appelle.
Là dans la chambre où s’alictoit
Madame, qui febricitoit ;
Cõment vous portez-vous ma Tante,
Disoit le Roy ; Vostre seruante,
Respondir Madame, Assez mal.
Mais la Reine & le Cardinal,
S’entretenoient dans vne salle
Auec son Altesse Royalle.
Ce qu’ils dirent, ie ne sçay pas,
Car ils causerent assez bas :
Mais dans tout ce qu’ils pûrent dire
Ie n’y vois point le mot pour rire.
Ils parloient de nous assieger,
Fi pour ceux qui veulent manger.
En quel terme, il ne m’importe,
Soit qu’vn d’eux parla de la sorte.
Il faut affamer ces ingrats,
Ces Baricadeurs scelerats ;
Foin de vous, repartit la Reine,
Où courrons-nous la pretantaine
Auec vn peigne en vn chausson ?
Monsieur repeta la chanson,
Ce qu’on peut prendre est bon à rendre ;
Et le succez a fait comprendre
Que tous trois conclurent sans moy,
Qu’il falloit emmener le Roy.

 

 


Ce soir, Prince, tu fis ripaille
Chez vn fumeux pour la bataille
Qu’il perdit deuant Hannecour,
Grammont, le poli de la Cour.
Là changeant d’habit & de linge,
Comme l’on voit sauter vn singe

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Pour la Reine ou le Cardinal,
Prestò, vous voilà sus cheual,
Et tous deux qui ne voyant goutte
De sainct Germain prenez la routte.

 

 


Vnze heures de nuict enuiron,
Vray temps d’Amant, ou de larron,
Monsieur arriua chez Madame,
Et luy dit ; Dormez-vous ma femme ?
Ouy, respondit-elle, ie dors :
Prenez, luy dit-il, vostre corps,
Venez à sainct Germain en Laye.
A sainct Germain, luy dit-elle, aye,
Repettant trois fois sainct Germain ;
Mon cœur, ie partiray demain.
A quoy Monsieur fit repartie,
A demain donc soit la partie ;
Et vint dans le Palais Royal
Auec son confident loyal,
L’Abbé, digne de la Riuiere :
Palais, où l’aube la premiere
Ne treuuant plus leurs Majestez,
Ains seulement des chats restez.
Les vit prés sainct Germain en Laye
Auec Messieurs la Mesleraye,
Le Cardinal, le Chancelier,
Dont le dernier ne peut nier.
Qu’vn peu deuant l’Hostel de Luyne
Le garentit à sa ruïne.
Harcourt, Longueville, Conty,
Et tout le reste estoit party ;
Vne nuict que l’excez de boire
Nous donna presque à tous la foire,
(Car pour en parler franchement
Tout eut depuis le déuoyement,)
Nuict des Rois, mais sans Roy passée,
Nuict fatale, qui commencée
Par l’abondance d’vn festin
Nous laissa la faim sur sa fin.

 

 


Ces nouuelles ne furent sçeuës
Qu’apres les sept heures venuës :
Mais sept heures ayant sonné
Tout Paris fut bien estonné.
La Bourgeoise estoit soucieuse,
La Boulangere estoit joyeuse ;
Tous les artisans detestoient,
Les Escholiers se promettoient
D’auoir campo durant le siege,
Et qu’on fermeroit leur College :
Les Moines disoient chapelets,
L’habitant courroit au Palais,
Le plus zellé courroit aux armes,
Le Maltotier versoit des larmes :
Et tout regardoit à son pain,
Le soupesant auec la main.
C’estoit de Ianvier le sixiéme,
Si ce n’est assez du quantiesme,
C’estoit vn triste Mercredy
Que fut fait vn coup si hardy,
Et que du Parlement les membres
Dispersez par toutes les Chambres,
Dirent qu’il estoit à propos
D’en faire vn seul qui fust plus gros.
Où les Escheuins de la ville
Eurent audience ciuille ;
Les Gens du Roy pareillement :
En suitte on fit vn reglement
Qu’on feroit garde à chaque porte
Nuict & iour de la mesme sorte :
A cela nul ne contredit.
Et de plus, il fut interdit
A tous de tout sexe & tout âge
D’emporter armes ny bagage :
Le reste de ce reglement
Est au Iournal du Parlement.

 

6. Ianv.

 


Ce mesme iour vne charette,
Où fut treuuée vne cassette
Que reclama Monsieur Bonneau,
Tres-pleine d’argent bon & beau,
Parut au pleuple trop chargée,
Dont elle fut sort soulagée.
Et l’on traitta pareillement
Quelque autre charitablement.

 

 


Du depuis les belles Cohortes
De nos habitans fiers aux portes,
N’ont laissé passer vn festu
Sans luy demander, Où vas-tu ?

 

 


Lors fut vne lettre restée
Au Preuost des Marchands portée,
Qui s’adressoit à tout son corps ;
Lettre, où malgré de vains efforts,
On ne treuua raison aucune
Pour ce trou qu’on fit à la Lune.
Portant sur l’aduertissement
Qu’aucuns de nostre Parlement
Ont eu secrette intelligence
Auec les ennemis de France ;

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On a creu que sa Majesté
N’estoit pas trop en seureté,
Et que bien que cela déroge
De faire ainsi Iacques desloge,
Retraitte faite comme il faut
Valloit bien vn meschant assaut.

 

 


Le Ieudy la Cour toute entiere
Resoudoit sur cette matiere :
Mais comme elle estoit au parquet
Il luy vint vn autre pacquet,
Dont elle ne fit point lecture,
Non pas seulement l’ouuerture,
Et dont Messieurs les Gens du Roy
Furent creus sous leur bonne foy,
Disans, que par icelle lettre
On vouloit le Parlement mettre
Et transferer à Montargis :
Mais Messieurs, qui de leur logis
N’auoient point acheué le terme,
Dirent qu’il falloit tenir ferme,
Et qu’on iroit le Roy prier
De vouloir les noms enuoyer
De ceux dont la correspondance
Estoit dommageable à la France,
Afin que l’ombre d’vn gibet
Punist l’ombre de leur forfait.
Et lors les Gens du Roy partirent,
Et selon qu’il fut dit, ils firent :
Mais ils reuindrent non oüis
De sainct Germain peu réjoüis.

 

7. Ianv.

 


Le Vendredy premier iour maigre,
Messieurs sur le traittement aigre
Qu’on auoit fait aux Gens du Roy,
Ordonnerent suiuant la Loy
Que la Reine auroit Remonstrance
Sur le plus fin papier de France.
Et parce que le Cardinal
Leur sembloit l’autheur de ce mal,
Qui depuis par son ministere
Leur a bien preuué le contraire :
Ils iugerent mal à propos
Qu’il troubloit le commun repos,
Qu’il emplissoit sa tirelire,
Qu’il hayssoit nostre bon Sire :
Luy manderent que dans ce iour
Il se retirast de la Cour,
Et dans huict de France il fist gille ;
Sinon, en joinct à bourg, à ville
De luy courir sus comme au loup
A qui chacun donne son coup,
Taloche, ou panne, grainguenaude,
Et de luy ietter de l’eau chaude,
Indulgence à qui l’occiroit.
Cependant que l’on armeroit
Pour la seureté des entrées,
Et pour l’escorte des denrées.
Ce mesme iour vinrent icy
Messieurs les Bouchers de Poissy.
Disant que par vne Ordonnance
Le Roy leur a donné vacance,
Et defendu de trafiquer
Tant qu’il cessast de nous bloquer.

 

8. Ianv.

 


Le Samedy neuf fut choisie
De la plus leste Bourgeoisie,
Que l’on pensoit faire sortir,
Mais elle n’y pût consentir :
Neantmoins c’estoit la plus leste,
Iugez-donc par elle du reste,
Et dés ce iour l’on connût bien
Que la meilleure ne vaut rien.
Or ce iour de quelque village
Il vint du pain & du fromage ;
Mais que nous causa de tourmens
Et plus qu’aux plus parfaits amans
L’esloignement d’vne Maistresse,
L’abscence des pains de Gonesse ?
Que quinze cens Colintanpons
Asseurerent estre fort bons,
Comme des Gardes quelque bande
La pinte de sainct Denis grande,
Gardes qui parurent tres-fiers
Aux pauures choux d’Aubervilliers.

 

9. Ianv.

 


Ce mesme iour fut restablie
La taxe du temps de Corbie,
Auec ordre à chaque habitant
De payer vne fois autant,
Que pour iouyr des benefices
Attachez aux premiers Offices,
Les Conseillers mal-agréez,
En six cens trente-cinq créez,
Payeront trois cens mille liures,
Dont ils feront charger les liures.

 

 


Ce iour il n’entra pas vn bœuf,
Mais les vaillans Princes d’Elbeuf,
Et notamment le Duc leur pere,
Fut touché de nostre misere,

-- 8 --


Auec vn joly compliment
Se vint offrir au Parlement,
Pour estre le Chef de l’armée,
Et sa valeur fut estimée.
Cette nuict on fut aduerty
Que le grand Prince de Conty
Auec le Duc de Longueville
Estoient receus dans nostre ville.

 

 


Monsieur d’Elbeuf fit le serment
De General du Parlement
Dimanche du mois le dixiesme.
Monsieur de Conty ce iour mesme
Vint asseurer toute la Cour
De son zele & de son amour,
Et Messieurs firent mine bonne
A cét appuy de la Couronne
Qui sembloit courbé sous le faix.
On fit en suitte deux Arrests :
Le premier, que son Eminence
Obeïroit sans resistance
A l’Arrest que rendit la Cour
Contre elle le huictiesme iour,
Enjoint qu’on prenne prisonniere
Toute la nation estrangere
Autant que nous en trouuerons
A dix postes aux enuirons.
Ordre aux Villes, Bourgs & Villages,
D’en faire de cruels carnages ;
Deffence de luy rien fournir
Que de bons coups à l’aduenir.
Qu’en toutes les places frontieres,
Les Garnisons seroient entieres,
Et de ceux qui contreuiendroient
La vie & les biens respondroient.
Par l’autre Arrest on donnoit ordre
Aux Escheuins de ne desmordre
Des nobles charges qu’ils auoient,
Et de faire comme ils deuoient.
Au Preuost des Marchands de mesme,
Et parce qu’il estoit fort blesme
Depuis que le peuple zelé
Auoit sur luy crié Tollé,,
La Cour donna des sauue-gardes
Pour sa personne & pour ses hardes.

 

10. Ianv.

 


Le Lundy (si ie n’ay menty)
Monsieur le Pince de Conty
Fut receu Generalissime
D’vn consentement vnanime,
Ayant sous luy trois Generaux,
Dont on feroit bien six Heros.
Sçauoir, le Mareschal de la Mothe,
Dont la miné n’est point tant sotte,
Boüillon, & le grand Duc d’Elbeuf,
Qui dans la guerre n’est pas neuf :
Mais quand au Duc de Longueville,
Comme il est d’humeur fort ciuille,
Il refusa de prendre employ,
Et pour nous témoigner sa foy,
Laissa ses enfans pour ostages
Auec sa femme pour les gages.
Et c’est tout ce qui nous resta
De tout ce qu’il nous protesta.

 

11. Ian.

 


Dés lors Mars du party contraire
De celuy de son petit frere :
(Car si Mars estoit contre nous,
Prince, sans doute c’estoit vous.)
Commandoit les Trouppes Royalles,
Qui festerent les Bacchanales,
Et qui respandirent du vin
Iusques sur l’autel de Caluin.
A Charenton, dis je, vos Trouppes
S’enyvrerent comme des souppes,
A vostre barbe, à vostre nez,
Force pucelages glanez,
Où quelques ieunes blanchisseuses
Se treuuerent assez heureuses.
Dans les enuirons vos soldats
Firent de notables degats,
Des assassinats, des pillages,
Des rauages, des briuandages.
Le Comte d’Hercourt à sainct Clon
En fit moins, & tousiours beaucoup,
Nous n’y pouuions donner remede.

 

 


Lors vn President fut fait aide
De Monsieur des Landes Payen,
Qui n’a que le nom de Payen,
Homme vtile en paix cõme en guerre,
Qui sçait iouër du cimeterre,
Et s’escrimen dans vn combat,
Bon Conseiller, & bon Soldat ;
Il auoit depuis ces vacarmes
Sur les bras tout le fait des armes,
Quand Broussel auec Menardeau
Prirent la moitié du fardeau.

 

 


Le Mardy le Conseil de ville
Fit vn Reglement fort vtile,

-- 9 --


Sçauoir que pour leuer soldats,
Tant de pieds comme sur dadas,
L’on taxeroit toutes les portes,
Petites, grandes, foibles fortes.
Que la Cochere fourniroit
Tant que le blocus dureroit,
Vn bon cheual auec vn homme,
Ou qu’elle donneroit la somme
De quinze pistolles de poids,
Payables pour la premiere fois :
Les petites, vn Mousquetaire,
Ou trois pistoles pour en faire :
Hommes chez le Marchand sortans
Et tout fins neufs, & tous battans.

 

12. Ian.

 


Ce iour en leuant sa bequille
Le Gouuerneur de la Bastille,
Qu’on nõmoit Monsieur du Tremblay,
Luy qui iamais n’auoit tremblé,
Vieil Soldat & vieil Gentil-homme,
A Monsieur d’Elbeuf qui le sonune
De luy remettre ce Chasteau,
Respondit tres bien & tres-beau
Qu’il ne luy plaisoit de le rendre,
Et qu’il pretendoit le deffendre.
Mais il ne fut pas si méchant
Que six canons dessus le champ
Ne nous ouurirent cette place
Sans auoir touché la surface ;
Ce n’est pas qu’il ne fissent pouf,
Que la Garnison ne dist ouf,
Qu’elle ne parust sur la bréche,
Qu’elle n’employast poudre & méche,
Que maint coup ne fust entendu ;
Mais c’est qu’il estoit deffendu
Que dans ce beau siege de balle
Aucun costé chargeast à balle
Qu’il n’eust crié, Retirez-vous,
Autant pour eux comme pour nous,
Sur les mesmes peines qu’on donne
Au meurtrier d’vne personne,
Car quiconque eust fait autrement
Auroit peché mortellement
Tout autant qu’en vn homicide.
Vn homme moins vaillant qu’Alcide,
Mais certes plus homme d’honneur,
Broussel, en fut fait Gouuerneur,
Et son fils en cette occurence
Fut pourueu de la Lieutenance.

 

 


Le Mercredy mis sur pied fut
Le premier Regiment qu’on eut :
Sur pied, non i’apperçoy que i’erre,
Les pied, n’en touchoient point à terre ;
Nos guerriers estoient sur cheuaux
Prests à fuyr deuant les Royaux.

 

13. Ian.

 


Ce fut cette mesme iournée
Qu’vne petite haquenée
Apporta de nostre costé
Alexandre ressuscité,
Ce grand Beaufort dont la presence
Nous rendit beaucoup d’asseurance,
Ce Heros, ce fils de Henry,
Ce braue, ce Prince aguerry,
Iusques chez Renard redoutable,
Ennemy juré de la table,
Ce fameux fleau des Ierzais
Quand ils causent comme des iais,
Ce Mars qui bit, qui rompt, qui frappe,
Et perce tout iusqu’à la nappe ;
Ce Prince plus blond qu’vn bassin
Et plus deuot qu’vn Capucin,
Qui mit en rut toutes nos femmes
Les honnestes & les infames,
Baisa toûjours & rebaisa,
Car iamais il ne refusa
Ny Harangere ny Marchande,
Ieune, vieille, laide, galande,
Qui luy cryoit à qui plus fort
Baisez-my Monsieur de Biaufort,
L’vne tendoit vn vilain moufle,
L’autre rendoit vn vilain soufle :
L’vne est alloit ses cheueux blancs,
L’autre ne montroit que trois dents,
Dont l’ebenne estoit suffisante
Pour en faire plus de cinquante,
Il en baisa prés de trois cent,
Toutes d’vn baiser innocent,
Fors vne ieune femme grosse
Qui descendit de son Carosse,
Disant, mon fruict seroit marqué ;
Car dans le baiser applicqué
Au milieu de sa belle bouche,
Il eut vn desir de sa couche,
Et luy demanda rendez-vous,
En la baisant deux autres coups ;
Mais il fut depuis à confeste :
Enfin ayant baisé sans cesse

-- 10 --


Aux lieux publics, dans les marchez,
Maints becs torchez & non torchez,
Il fut descendre chez sa mere
A l’Hostel de Monsieur son pere.

 

[1 mot ill.]
du [1 mot ill.]
de [1 mot ill.]
fort.

 


Ce mesme iour quitta son lict
La Seine qui des siennes fit,
Et se rendit tellement fiere
La belle dame la Riuiere
Qui s’estoit laissée engrosser
(Par qui ie vous donne à penser)
Ie ne sçay si la desbordée
En auoit receu quelque ondée
D’vn Galland appellé le Temps
Qui fit le mauuais fort long-temps :
Mais enfin il est veritable
Que pour sa grossesse effroyable
Deslors il luy conuint chercher
Vn autre lict pour accoucher :
Elle vsa fors bois en couche
Comme ie l’ay sceu de la bouche
De ses marchands mal-satisfais
Qui n’en tirerent pas leurs frais.
Le pauure pont des Thuilleries
Pour en auoir fait railleries,
Fut par elle fort mal-traitté :
Et quelque moulin mal monté
Eut proche du pour Nostre-Dame
Le croc en iambe de la dame
Qui le fit aller à vau-l’eau :
Où firent aussi leurs tombeau
Vingt & cinq tant mulets que mules,
Dont les recherches furent nulles ;
Et dix-sept mal-heureux mortels
Qui dans l’eau s’auouërent tels :
Or cessa sa rage & sa haine
Et promit madame la Seine
D’estre plus chaste vne autrefois,
Le dix-huictiéme de ce mois
Qu’elle parut fort auallée
Et s’est du depuis escoullée.

 

 


Le lendemain au Parlement
Beaufort vint faire compliment,
Où haranguant sans artifice
Il demanda tout haut iustice
D’vn crime noir & supposé
Dont ie suis dit-il accusé.

 

14. Ian.

 


Le iour d’apres il fut fait quitte
De l’accusation susdite.
Lors le trauail recommença
Et le trafic que l’on laissa
Pour prendre la noble Cuirasse,
Eut son tour & reprit sa place :
Le mousquet au croc fut remis.

 

15. Ian.

 


Le Samedy les ennemis
Surprirent par supercherie
Lagny, riche ville de Brie,
Car Persan leur chef arresta
Le Maire qui parlementa
Sur la parole de ce traistre,
Qui menaça de rauir l’estre
Au pauure Maire qu’il reteint,
N’estoit que le Bourgeois atteint
De compassion pour son Maire,
Embrassant vn mal necessaire
Pour sauuer ce vieillard grison,
Receut enfin la garnison.

 

16. Ian.

 


Ce iour mesme vn Abbé tres-digne
Issu d’vne famille insigne
Et nostre Archeuesque futur,
Dont le jugemeut est tres-mur,
Et ce que ie treuue admirable
C’est qu’estant sçauant cõme vn diable
De plus, comme quatre il se bar
Quand il croit que c’est pour l’Estat,
Eut & l’aura pourueu qu’il viue
En Cour voix deliberatiue :
Il fit depuis vn Regiment.

 

 


Le Dimanche le compliment
Du Parlement de la Prouence,
Qui demandoit nostre alliance,
Leu par Messieurs, leurs plût bien fort,

 

17. Ian.

18. Ian.

 


Le Lundy le Duc de Beaufort
Fut fait Pair en pleine Audience,
Où comme tel il prit seance :
En suitte lecture s’y fit
De la lettre qu’on escriuit
A tous les Parlemens de France,
Elle fut pliée en presence,
Et pour la cacheter apres
On fit venir chandelle expres,
Ie pense des huict à la liure ;
On mit dessus, port, vne liure,
Dans cette lettre l’on voyoit
Que le Conseil d’vn mal adroit
Auoit pensé perdre à la Halle
Toute l’authorité Royalle :

-- 11 --


Qu’on tâchoit mal-heureusement
D’aneantir le Parlement,
Ce que pour rendre plus facille
On auoit bloqué nostre ville,
Que Paris embreliquoqué
De se treuuer ainsi bloqué,
Auoit besoin de l’assistance
De tout le reste de la France,
Veu qu’il se confessoit troublé,
D’estre non pas comme en vn bled,
Mais sans bled pris & sans farine,
Fort proche d’auoir la famine ;
Et que s’il ne se repaissoit
Tout le Royaume perissoit.

 

 


Le soir à cheual trouppes fortes
Sortirent par diuerses portes
Pour la seureté des Marchands
Qui portoient des viures des champs.

 

 


Le Mardy du costé de Brie
Sortit auec Caualerie
Le genereux Prince d’Elbeuf,
Ce fut de Ianuier le dix-neuf
Qu’ayant rencontré quelque bande
Des volleurs de nostre viande,
Notamment de cinq cent gorets,
Il prit en main leurs interests,
Et battant ces oyseaux de proye,
Gagna les gorets auec ioye
Que ces animaux par leurs cris
Firent connoistre à tout Paris.

 

19. Ian.

 


Le Mercredy le vingt, nous sceusmes
Par deux lettres que nous receusmes,
Que le vaillant Comte d’Harcourt
Deuant Roüen demeura court,
Bien qu’aux portes de cette ville
Il iurast comme tous les mille :
Cependant que ce Parlement
Ordonna d’vn consentement
Qu’on priroit la Reine Regente
D’estre si bonne & complaisante
De laisser Roüen tel qu’il est
Deffendre seul son interest ;
Et qu’ailleurs dresseroit sa marche
Harcourt, qui vint au Pont de l’Arche
Monté sur vn cheual Roüen,
Sans auoir entré dans Roüen.

 

20. Ian.

 


Dés ce iour pour la Normandie,
Terre belliqueuse & hardie,
Le grand Longue ville quitta
Paris, qui fort le regretta :
La Cour fit deux Arrests en suitte,
Dont l’vn porte que sur la fuitte
De beaucoup de particuliers
Sous des habits de Cordeliers,
Et d’autres personnes sorties,
Que Scaron n’auroit trauesties,
On deffend à grands & petits
De prendre plus de faux habits,
Ny de changer leur Seigneurie,
Ne fust-ce que par raillerie ;
Et par ce que les partisans
Fuyoient en habits de paysans,
Les Ieans se faisant nommer Pierres,
Les Pierres, Paul, si qu’en ces guerres,
Souuent nos portiers par ce dol
Prenoient S. Pierre pour S. Paul ;
Parce que sous vertes mandilles,
Et sous de traistresses guenilles,
Qui receloient maint quart d’escu,
Les Maltotiers monstroient le cu
Sans qu’on le sceust ; tant ces naquettes
Sur leur mesure sembloient faites,
Tant peureux leur mine parloit,
Et tant rien ne les deceloit,
Tant auoit de correspondance
Cét estat auec leur naissance.
La Cour dit qu’on traitteroit mal
Les masques de ce Carnaual
Portans momons hors de la ville
Permis seulement à Virgille
De sortir ainsi trauesty.
Par l’autre Arrest fut consenty
Qu’on gardast la vieille Ordonnance
Pour les soldats ; auec defense
Aux gens de guerre, de voler,
De brusler ou de violer ;
Ains se contenter de l’estappe
Sans à leurs hostes donner tappe :
Et que les biens en patiroient
Des Chefs qui leurs commanderoient,

 

 


Ce iour les Trouppes Polonoises.
Qui ne cherchoient qu’à faire noises.
Au bourg de Sevre & de Meudon,
(Dieu vueille leur faire pardon,)
Commirent sans les violences
Plus d’vn demy cent d’insolences.

-- 12 --


Dieu qu’elles ont fait de cocus
Pendant ce malheureux blocus !
Que cette race Polonoise
En mettant Ville-Iuif dans Ponthoise,
Nous a laissé d’enfans metis !
Qu’il nous en reste de petits
Depuis que les grand, sont en voye !
Iamais le Grec ne fit dans Troye
Ce que dans Meudon elle a fait,
Où sans laisser vn seul buffet
Elle rompit auec rage
Les reliques de ce naufrage,
Entr’autres plusieurs pleins tonneaux,
Tant de vins vieils que de nouueaux.
Action qui fut si vilaine
Que deux de leurs Chefs pour leur peine
Par les habitans de ce lieu
Furent enuoyez deuant Dieu,
Où ie croy qu’ils ne furent guere,
Car Noë se mit en cholere
Sçachant qu’ils auoient mal-traitté
Le ius d’vn fruict par luy planté
Qui le coucha pour recompense.

 

 


Ieudy fut leuë à l’Audience
La lettre que l’on escriuoit
Le plus humblement qu’on pouuoit
A la Mamman de nostre Sire,
Où vous pouuez encore lire
Les raisons que le Parlement
Alleguoit de son armement
Qui sont assez conderables.

 

21. Ian.

 


Vendredy contre les Notables,
Et quelques Escheuins d’Amiens,
Arrest fut contre ces Chrestiens
Rendu sur la plainte ciuille
De l’habitant de cette Ville
A la teste chaude & hardy.
L’Arrest portoit. Du Vendredy
Le vingt-deux de cette année,
Que sur la Requeste donnée
Sous l’aueu du grand Duc d’Elbeuf,
Ce iour là vestu tout de neuf,
L’vn de nos Chefs, illustre Prince,
Gouuerneur de cette Prouince ;
Que le Picard s’assembleroit,
Et d’autres Escheuins feroit,

 

22. Ian.

 


Ce iour il arriua deux hommes
De la capitales des pommes,
Qui disoient que leur Parlement
Auoit enuoyé promptement
A leurs Majestez tres-Crestiennenes
Porter ses tres-humbles Antiennes.

 

 


Samedy le bruict a couru
Que l’Archiduc auoit paru
Sur les asseurances receuës
De nos frontieres dépourueuës,
Dont on tiroit les Garnisons
Pour faire au blocus des cloisons.

 

23. Ian.

 


Le Dimanche & le vingt-quatre
Sortirent tous prests à se battre
Force gens bien-faits, gros & gras
Les cheueux frisez, le poil ras,
En souliers noirs, en bas de soye,
Tels que ceux qui vont tirer l’Oye.
Gageons Prince que tu m’attens
A nommer nos fiers habitans,
Qui contre la pluye & l’orage
N’auoient porté que leur courage,
Et dont ils auoient peu porté
Pour plus grande legereté.
Ouy, ie veux chanter la Iournée
La plus celebre de l’année
Depuis ditte de Iuuisy,
Alors que Bourgeois choisy,
La pluspart la plume à l’oreille,
Iurant Dieu qu’il feroit merueille,
Et portant la fureur dans l’œil,
Marchoit pour assieger Corbeil :
Si la maison du sieur Des Roches
N’en eust empesché les approches,
Sotte & miserable maison,
Qu’on te maudit auec raison !
Iuuuisy malheureux village
Où manqua si peu de courage
Qu’ils en auoient apporté tous,
Sans toy Corbeil estoit à nous.
Le Bourgeois alloit en furie,
Ioint qu’on auoit Caualerie :
Des fantassins & du canon,
Et puis tu me diras que non.
Ah ! maison de Monsieur Des Roches
Que tu nous coustes de reproches !
Pourtant sa sortie eut effet,
Le Pont de Saint Maur fut deffait,
Tandis que nos gens en desordre
Assez bõs chiens s’ils vouloiẽt mordre,

-- 13 --


Le lendemain sont reuenus
Ayant la pluspart les pieds nuds,
D’autres ayant perdu leurs armes,
Et tous pinté comme des Carmes ;
Les vns admiroient le danger
Où l’on vouloit les engager ;
Encor que de cette bataille
Se sentit la seule futaille
Qu’ils percerent de mille trous,
Et dont enfin à plusieurs coups
Ils burent dans cette déroute
Le sang iusqu’à la moindre goute.
Enfin plus moüillez qu’vn canard
Les enfans criant au regnard,
Ils rentrerent dans nostre ville
En faisant vne longue file.
Tantost formans vn entrechas,
Tantost vomissans sur leurs pas,
Dont le grand Beaufort dans son ire
Ne pouuoit s’empescher de rire.

 

24. Ian.
Iournée
de Iuni.

 


Le Lundy ne doit estre obmis
Qu’on sceut qu’en Bretagne vn Commis
De Monsieur de Mesleraye
N’auoit remporté qu’vne baye
Ayant demandé six milliers,
Tant Fantassins que Caualiers.
Que la Cour n’auoit fait response
Sur la demande de ce Nonce ;
Ains deffendu que Chef aucun
Leue Soldats ne fust-ce qu’vn,
Pour Monsieur de la Mesleraye
Contre qui saigne encor la playe
Et le trou qu’il fit au jabot
D’vn crocheteur, veut que Chabot
Qui sous main leuoit gens de Guerre
Ait à dénicher de la terre,
Et cependant qu’aux droicts Royaux
Soit rejoint le droict des billots.

 

25. Ian.

 


Le Mardy le sieur la Raillere
Fut pris en noüant sa [1 mot illi.]
Et mené comme vn espion.
L’on ne cognoist que trop son nom,
Il est Monopoleur en diable,
Autheur de la taxe effroyable
Par qui tant de gens sont lesez
Dessous le faux tiltre d’aisez,
Il fut coffré dans la Bastille
Et fit penitence à la Grille.

 

26. Ian.

 


Le Mercredy l’on eut aduis
Que Messieurs de Lyon rauis
Faisans des accueils fauorables
A tous nos Arrests equitables ;
Retinrent les gens que pour vous
A menoit vn Duc contre nous
Le grand Schomberg qui prit Tortose
Et qui pourroit faire autre chose
Que de seruir la passion
D’vn prodige d’ambition.

 

27. Ian.

 


Ce iour nous eusmes asseurance
Qu’vn mouchard de son [3 lettres. ill.]nence
Vint les Chartrains questionner
S’ils se vouloient Mazariner :
Que Chartres entrant en fredaines
Respondit vos fiévres quartaines,
Allez chien d’espion au grat ;
Iugez s’il retourna bien fat,
La ville en estat s’estant mise
De se garantir de surprise.

 

 


Deslors vn Regiment botté
Qui n’en estoit pas mois crotté
Sortit du costé de la Brie,
D’où vint à nostre Boucherie
Le lendemain mouton & bœuf,
Que ce beau Regiment d’Elbeuf,
Ensemble des bleds & farines
Amena des villes voisines,
En aussi grande quantité
Qu’à Paris il en ait esté.

 

 


Ce mesme iour chemin facile
Fut fait des Faux-bourgs à la Ville,
Comme de la Ville aux Faux-bourgs.
Les iours estoient encor tres-cours,
Mais cela ne fit point d’obstacle
Qu’vn second fils second miracle
Ne le iour du precedent du suc
De Monsieur son pere le Duc
De la Duché de Longueville,
Né dis je dans l’Hostel de ville,
Ne fut à sainct Iean baptisé,
Autrement Christianisé,
Ayant la Ville pour Maraine,
Madame de Boüillon Paraine ;
Car ie n’ose dire Parain,
Puis que c’est vn mot masculin :
Et que ce fut Dame la ville
Qui tint le jeune Longueville,

-- 14 --


Et qui le nomma Carolus,
De Paris, & s’il en faut plus,
D’Orleans, s’il en faut encore,
Le Comte de S. Paul que i’honore :
Pour la Ville estant le Feron.

 

 


La nuict deuant qu’il eust son nom
Les Cheuaux legers de Corinthe,
Gens à l’espreuue de la crainte,
Sur le chemin de Long-jumeau
Rencontrerent sous vn ormeau
Cent deux hommes d’Infanterie,
Et deux cens de Caualerie,
Hõmes qui n’estoient pas pour nous,
Sur lesquels & boutte à grands coups
Donna nostre petite Trouppe,
Qui pousse, qui bat & qui couppe ;
Qu’on pousse, qu’on coupe, qu’on bat,
Qui rend, & qui reçoit combat,
Et fait joliment sa retraite,
La partie estant trop mal faite,
Seuigny commandant pour nous.

 

 


Le Ieudy nous apprismes tous
Que dans la terre Prouençale
La procession generale
Que le peuple d’Aix bon Chrestien,
Fit le iour de Sainct Sebastien,
Fut interrompuë en sa file
Par des soldats entrez en ville
Sous l’ordre du Comte d’Alets,
Gouuerneur de la ville d’Aix.
Surquoy la populace fiere
Auec la croix & la banniere,
Le benestier & l’asperges ;
Battit ces gens, & prit d’Alets.

 

[1 mot ill.] Ian.

 


Nous sçeumes aussi qu’à Marseille
L’on auoit joüé la pareille
Au ieune Duc de Richelieu,
Qui mesme auoient fait prisonnieres
Plus des trois quarts de ses Galleres.

 

[1 mot ill.] Ian.

 


Le Samedy trentiesme iour
De l’Ordonnance de la Cour
Les Conseillers Doux & Viole,
Dont la vertu tient comme colle,
Prirent la poste en maniement ;
La Cour leur fit commandement
Due passe-ports ils deliurassent
[illisible.]
Tous deux, ou l’vn l’autre absent, &
(En Latin) le Greffier Guyet.

 

 


Ce iour les trouppes d’Alexandre,
Venant à Bry pour le surprendre,
I’entens vos Trouppes, grand Condé,
Il nous fut à Paris mandé.
Surquoy nostre Cauallerie
Prenant la route de la Brie
Les ennemis fuirent tourner,
Et pas vn d’eux ne ramener ;
Mais bien vne quantité grande
De bleds & de viue viande,
C’est-à-dire, de bestial,
Qui pour renfort du Carnaual
Fut à Paris fort bien receuë,
Et dont la Ville fut pourueuë.

 

 


Lors on tira des Fuzeliers
Des Colonelles des quartiers,
Et de la noble Bourgeoisie,
Il alla quelque Compagnie
Pour faire garde à Charenton.
Tandis qu’on menoit, ce dit-on,
La Garnison faire ses orges
Deuers Ville-neufue S. Georges,
Et d’autre à Briconterobert,
Qu’on craignoit qui fust pris sãs vert.

 

32. Ian.

 


Le Dimanche, Monsieur Tancrede
Fut blessé d’vn coup sans remede,
Blessé dis-je d’vn coup mortel,
L’issu du costé paternel
Du feu Duc de Rohan son pere,
Si l’on en croit sa chaste mere :
Au reste vn enfant tres-bien né
Aussi vaillant qu’infortuné.
Il donnoit beaucoup d’esperance,
Mais le mauuais destin de France
Prit mal à propos le toupet
Contre vn ieune homme si bien fait
Qui portoit toupet sur sa teste,
Comme l’on voit dans sa Requeste.
Voyons donc comme il a pery :
Il reuenoit auec Vitry,
Noirmontier, & d’autre Noblesse
Quand pour sa premiere proüesse,
Et pour acheuer son Romant,
Il rencontra quelque Allemand
De la garnison de Vincenne
[1 ligne ill.]

-- 15 --


Mais il s’engagea trop auant,
Les ennemis estoient deuant,
Qui sans considerer son âge
Le traitterent auecque rage,
Parce qu’il auoit presque occis
De leurs Caualliers cinq ou six :
Ils le chargerent, le blesserent,
Et dans Vincennes le traisnerent,
Où le lendemain son deceds
Finit sa vie & son procez.
Lors on eut aduis veritable
Qu’à S. Germain (chose effroyable !)
Monseigneur, vous auiez nuds mis
Tous les gens que vous auiez pris,
Et que sans balle & sans raquette
Ils estoient en grande disette
Enfermez au tripot du lieu,
N’ayant reconfort que de Dieu.

 

(Madame
de
Rohan
en la
Requeste
que
elle presenta,
dit, que
Tancrede
estoit
par le
toupet
qu’il
auoit.)

 


Le Lundy premiere iournée,
Du second mois de cette année,
Vous fistes le determiné,
Dont il prit mal à Fontenay,
A Sceaux, Palaiseau belle terre,
Où vos barbares gens de guerre
Firent és maisons & clochers
Pis que n’auroient fait des Archers,
Où les volleurs de S. Sulpice :
Car ils prirent iusqu’au Calice,
Pisserent dans le benestier,
Assommerent vn Marguillier,
Des surplis firent chemisettes,
Et beurent le vin des burettes,
Prirent le liure d’Oremus
Qu’ils ne respecterent pas plus.
Le Mardy n’est pas remarquable.
Ieudy quatre. Sortant de table
Où l’on seruit force rosty,
Monsieur le Prince de Conty,
Suiuy d’vn grande cohuë
Fit faire à ses Gardes reueuë,
Où se trouua Monsieur d’Elbeuf,
Qui n’auoit pris qu’vn jaune d’œuf,
Tant son ardeur infatigable
Le laissoit peu dormir à table.

 

2. Fevr.

4. Fevr.

 


Iour que pour nous faire du mal
Sçachant que force bestial
Nous venoit du costé de Brie,
Bled, farine autre drollerie,
Qui sauuoit Paris de la faim,
Et qui rompoit vostre dessein,
Vous pensastes mourir de rage,
Et pour nous boucher ce passage,
Ayant en vain attaqué Bry,
Qui n’estoit vostre fauory
Depuis qu’à vos belles cohortes
Il auoit refusé les portes,
Vous tournastes vers Lesigny,
Chasteau iadis à Conchiny,
Où de la canaille rustique
Ce iour à vos gens fit la nique,
Et quelques soldats au milieu
Venus de Bry voisin du lieu,
Respondirent auec rudesse,
Ie sons vallets de son Altesse,
Ce sera pour vne autre fois.

 

 


Ce fut le cinquiesme du mois,
Que quelques trouppes ennemies
Pour poursuiure leurs volleries,
Et le degast du plat païs,
Prirent leur vol de S. Denis.
Helas ! que tu deus estre en trance,
Pauure Mesnil Madame Rance,
Ce iour c’estoit à toy le dez,
Tes murs n’estoient pas bien gardez :
Ils mirent au fil de leurs lames
Enfans, vieillards, hommes & femmes,
Et firent acte de larrons
Par tous les bourgs aux enuirons.

 

5. Fevr.

 


C’est ce iour, si ie ne me blouze,
Que l’Archeuesque de Thoulouze
Reuint icy de Sainct Germain :
Mais non, ce fut le lendemain,
Nenny, ce fut ce iour-là mesme
Qu’estant allé dés le troisiesme
Y faire predication
De nostre bonne intention,
En guise d’vne remonstrance,
Il ne pût auoir audience,
Et sans qu’on l’oüist, il auint
Que le zelé Prelat reuint.

 

 


Ce iour merite quelque notte,
Puis que le Mareschal la Motte,
Et le vaillant Duc de Beaufort,
Qu’on appelloit frappe d’abort,
Sortis auec Caualerie
Pour purger les chemins de Brie

-- 16 --


Des picoreurs de Saint Denis,
Virent prés les bois de Bondis
Vne forte trouppe & tres-grande
De Caualerie Allemande,
Demander si nos Generaux
Furent aussi-tost à leur dos,
C’est peché mortel que ce doute,
L’Allemand fut mis en déroute,
Apres s’estre bien defendu :
Iusques là mesmes qu’vn pendu
Le Capitaine de la troupe,
(Quand i’y songe ma voix s’étoupe)
Vint tirer à brusle-pourpoint
Nostre Duc, qui ne branla point ;
Mais d’vn reuers de cimeterre
Renuersa ce Reistre par terre :
Les vns disent de pistolet :
Enfin le coup ne fut pas laid,
Le drosle en est au cimetiere,
Et mord fierement la poussiere.

 

 


Le sept. Par vous braue Condé,
Le Duc d’Orleans secondé,
Ayant tiré des voisinages,
Des villes, bourgs, chasteaux, villages,
Autant de Troupes qu’il en put,
Sans que Paris debloqué fut ;
Il fit bien de caualerie
Trois mille, & cinq d’infanterie,
Qui fileront toute la nuit
Vers Charenton à petit bruit.

 

7. Fevr.
Siege
de Charenton.

 


Lundy huit. L’Aurore éueillée
Vous trouua dans vne vallée,
Que nous appellons tous Fescamp,
Où le volleur est tres-frequent
Durant tous les mois de l’année :
Mais où deuant cette iournée
Iamais tant il ne s’en compta
Que dans ce iour elle emporta.
Là vostre Gros prit sa seance,
Et se saisit de l’eminence,
Tandis que quelque Regiment
Détaché par commandement,
Alla pour donner l’escalade
A la malheureuse bourgade,
Auant qu’aucun fut assommé
Clanleu par vos gens fut sommé
De leur remettre cette place,
Qui ne leur fit pas cette grace :
Et sur l’heure les assiegeans
De cette brauade enrageans
Occuperent les auenuës
Que nos canons rendirent nuës.
Sans mentir le coup le premier
Les fist plus nettes qu’vn denier ;
Le second rompit quatre cuisses,
Le troisiéme tua deux Suisses.
Nauarre braue Regiment
Lâcha le pied vilainement :
Vingt de ses Officiers à terre
Maudirent mille fois la guerre
Qui les enuoyoit chez Pluton
Deuant vn chetif Charenton.
Vostre Altesse ayant sceu l’escarre
Qui s’estoit fait de Nauarre,
Pensa creuer dans son pourpoint
Pourtant elle ne creua point,
Sur l’esperance de combattre
Le badaut qu’on tenoit à quatre,
Qui comme vn Diable iuroit Dieu
Qu’il vouloit secourir ce lieu.
Il disoit d’elle peste & rage
Cependant qu’auec aduantage
Elle attendoit ceux de Paris
Comme le chat fait la soutis :
Se fiant sur son eminence
Elle auoit grande impatience
De taster le poux au Bourgeois
Qui ne sortit point cette fois.
Il est prudent & crait la touche,
Ioint qu’il n’aime point la cartouche,
Et qu’elle en auoit fait charger :
Paris n’en vouloit point ronger,
Et certes auecques prudence,
(Puis qu’on dit que cette eminence
Se pouuoit aussi peu forcer
Que l’autre se pouuoit chasser.)
Vostre Altesse faisant fanfare,
Commit pour soustenir Nauarre
Chastillon auec du renfort,
Ou plûtost pour chercher la mort :
Car, helas ! au bas de son ventre
Vne balle de mousquet entre,
Sans respecter ce Duc nouueau,
Ieune, vaillant, adroit & beau.
Tost apres vos troupes filerent
Par des jardins qu’elles forcerent.

-- 17 --


Qu’auoit escritte l’Archiduc,
Dont ie vous donne tout le suc,
Du dix Fevrier à Bruxelle
Ie l’Archiduc vous escrits celle
Que vous rend le present porteur,
Ie suis le garand & l’autheur
De tout ce que dira cet homme.
De ce qu’il dit, voicy la somme.
L’Archiduc parle par ma voix,
Il m’enuoye offrir aux François
Vne paix qu’ils ont souhaittée,
Et qu’on a toûjours rejetée.
Lors il se mit à dire mal
Contre Monsieur le Cardinal,
En accusant son ministere.
Et dés qu’il luy plût de se taire,
La Cour dit qu’il mettroit au net
Ce qu’il a dit : ce qu’il a fait.
Et cependant dans la semaine
Qu’on deputeroit vers la Reine
Pour l’instruire de tout cela,
Et prier parce moyen là
De ne faire pas la Normande,
Ains comme la Cour luy demande,
Et qu’à Messieurs les Gens du Roy
Elle donna Ieudy sa foy,
Prendre des sentimens de mere
Pour vn peuple qui la reuere,
Et finir vn triste blocus
Qui ne fait rien que des cocus.

 

8. Fevr.

 


Le Samedy, cent trois charettes
De bleds, & de farines faittes,
Renforcerent nos magasins,
Malgré Messieurs les Mazarins,
Ce conuoy nous vint de la Brie
Au nez d’vne trouppe ennemie,
Et fut conduit par Noirmontier,
Homme sçauant dans le mestier,
Et qui dans cette conjoncture
[2 mots ill.] for bien sa voiture
Des mains du Comte de Crançay
Où le combat fut balancé,
Mais nous eusmes victoire entiere,
Peu de nos gens au Cimetiere
Encor que le choc fut tres chaud,
Monsieur de la Roche-Foucaud
Et Monsieur de Duras le ieune
Blessez par mauuaise fortune.

 

20. Fév

 


Ce mesme iour les Ennemis
Traisnerent canons plus de six,
Dont ils firent batre en ruyne
Le Chasteau de Monsieur de Luyne ;
Lesigny, qui le lendemain
Fut pris & tout son saint-crespin.

 

21. Fév

 


Le Lundy la Trouppe Royalle
Fit Gribouïllette generalle
Aux enuirons de Monthlery :
I’en suis encor tout ahury.
Piller, brusler autour de Chastre,
Battre son Hoste comme plastre
Ce sont ses pechez veniels,
Quels seront ses pechez mortels ?
Enfin ayant sceu que les nostres
Qui viuoient comme des Apostres
Venoient auec elle compter,
Elle voulut bien se hasler :
Et la crainte de rendre compte
Luy fit faire retraitte prompte.

 

22. Fév

 


Ce mesme iour les Deputez.
Du Parlement s’estans bottez
Allerent par mer & par terre
Chercher la Reine d’Angleterre,
Pour mesler ensemble leurs pleurs
Et pour compatir aux douleurs
De cette Princesse affligée
Que les Anglois ont outragée,
Decollant le Roy son espoux.
Bons Dieux, ces peuples sont ils fous
Ensorcelez, melancholiques,
Ypocondres ou frenetiques ?
Ont ils le diable dans les reims
D’occire ainsi leurs Souuerains,
Comme ils viennent de faire à Londre ?
L’enfer les puisse-il confondre.
Mais consolez vous grand Roy mort
Et prenez quelque reconfort
Vostre Majesté n’est pas seulle,
La Reyne Stuart vostre ayeulle
Eut aussi le sifflet coupé :
L’on dit que sans auoir soupé
Ce peuple en qui malice abonde
L’enuoya dormir hors du monde :
Elle est encor à s’éueiller,
Pour vous qu’il a fait sommeiller
Noble Prince illustre victime
De subjets enhardis au crime,

-- 18 --


Et qu’on a veu joüer deux fois
A coupe-teste auec leurs Rois,
Daignez nous dire la lignée
Qu’a vostre femme si bien née
Et fille de Henry le Grand
Vous laissastes lors quand & quand.
N’est-ce pas six, dont la plus grande
Se tient à la Haye en Hollande,
Le Prince de Galles Laisné,
Qui dans l’Escosse est couronné,
Le Duc d’York & sa cadette,
Qui dans Paris font leur retraitte ;
Deux autres qui chez les Anglois
Soûpirent depuis plusieurs mois.

 

 


Le Mardy pour leur asseurance
Nos Deputez à l’Audience
Receurent des passe-par tous.

 

23. Fév

 


Mercredy vingt & quatre tous
Messieurs assemblez appellerent
Les noms de ceux qu’ils deputerent.
Le Premier President Molé,
Apres lequel fut apellé
Monsieur le President de Mesme,
Viole de la Chambre mesme :
En suite de ces trois fut hoc
Menardeau, Catinal, le Coq,
Cumont, Palluau des Enquestes,
Auec le Fevre des Requestes.
Dans le cours Monsieur de Saintot.
Vint au deuant d’eux au grand trot
Auec ordre de les conduire,
Sans qu’il fut permis de leur nuire
Iusques au Chasteau de Ruel ;
Ordre qui pourtant ne fut tel
Qu’estrangere caualerie
N’eust l’audace & l’effronterie
De roder en monstrant les dents
Pres du char de nos Presidens.
Enfin nostre Ambassade arriue,
Et l’on la soula comme griue
A Ruel, d’où le lendemain
Elle partit pour Saint Germain.
Ce mesme iour sur l’asseurance
Que les Royaux en abondance
Par le pont de Gournay filoient,
Et que Bry sieger ils alloient,
(Lors pour le succez de nos armes
Nos Chefsoyiẽt Vespresaux Carmes)
Où sçachans que les ennemis
Deuant Bry le siege auoient mis,
Ils sortirent de nostre ville
Ayant à leur suite vnze mille,
Tant Caualiers que Fantassins,
Si vous demandez leurs desseins,
Les voicy. L’armée ennemie
Estant ce iour-là dans la Brie,
Ils alloient d’vn autre costé ;
Et pour dire la verité,
Nos Chefs dans ces derniers bagarres
Ne firent que ioüer aux barres
Estiez vous deuers Charenton ?
Nous vous cherchiõs deuers Meudon
Et si des deux parties le nostre
Rencontra quelquefois le vostre,
Où l’on fit de petits combats,
Ce fut qu’on ne s’entendit pas,
Ce fut par malheur, ou beueuë,
Par vne rencontre impreueuë,
Par quelques Soldats trop vaillans,
Par des espions vn peu lents :
Par fois dans quelque caracole
Souuent contre vostre parole,
Et toujours contre nos desseins,
Nous en sommes venus aux mains.
Mais pour cette fois nostre aimée
Ne fut iamais plus animée,
Et vous fistes bien d’estre ailleurs
Pour éuiter de grands malheurs.
Or tresve de la raillerie,
Tandis que vous fustes en Brie,
Nos Generaux tenans les champs
Ce iour & les autres suiuans,
Donnerent temps à tout le monde
D’aller & de courre à la ronde,
Cercher infinité de grains,
Dont nos greniers furent si pleins,
Que i’en sçay plusieurs qui creuerent
Des quantitez qui s’y treuuerent.

 

24 Fév

 


Les iours suiuans furent vendus
Selon plusieurs Arrests rendus,
Les meubles de son Eminence,
Qui bien que pleine d’innocence,
Et qu’elle eust protesté d’abus,
Il n’en resta pourtant rien plus.

 

25 Fév

 


Le Vendredy l’on a nouuelle,
Qui pour nous n’est bonne ny belle

-- 19 --


Que le sieur Comte de Grançey,
Sans que nous l’eussions offensé,
Auoit mis vn siege funeste
Deuant Bry, le seul qui nous reste,
Et qu’à l’abord ce Gouuerneur
Nõmé Bourgongne, hõme d’hõneur,
Auoit fait iusqu’à l’impossible,
Percé l’ennemy comme vn crible,
Et bien rabattu son caquet
A coups de canon & mousquet :
Mais qu’en fin vne large bresche,
Le manque de poudre & de mesche,
Et le desespoir du secours,
(Qui ne pouuoit pas auoir cours
A cause des mauuais passages,
Des defilez & marescages
Que nous ne pouuions pas gauchir,
Et que nous pouuions moins franchir,
Praslin tenant les aduenuës)
Faisant sauter Bourgogne aux nuës,
Il auoit fait vn bon traitté ;
Car tel il luy fut protesté.
Mais, las ! ceux qui tenoient le siege
Se seruirent du priuilege
Qui permet à tous les Normans
De ne tenir point leurs sermens,
Puis que contre la foy promise
Ils mirent tous nuds en chemise
La plus grand part ne nos Soldats,
Qui reuinrent les chausses bas.

 

26 Fév

Siege de
Bricontre-robert.

 


Ce fut au cul de la semaine
Que nos Deputez vers la Reine
Au Parlement son reuenus,
Où deuant Senateurs chenus
Et tous nos Chefs à l’Audience
Ayans pris chacun leur seance,
Là de leur deputation
Ils firent exposition,
Et rapporterent que la Reine
Auoit dit, ie n’ay point de haine,
Et si i’osois boire du vin
Nous beurions ensemble demain :
Cependant nommer Commissaires
Qui soient Plenipotentiaires
Tant pour la generale paix,
Que pour descharger de son faix
Le pauure peuple de la France :
Ceux qui vous portent à manger
Pourront passer sans nul danger.
Ce que la Cour treuua tres-iuste,
Et nostre Parlement auguste.
Conclut qu’en vn certain endroit
Des Deputez on enuoyroit,
Et mesme qu’auant leur sortie
La Reine en seroit aduertie.
Pour cet effet les Gens du Roy
S’y firent traisner par charroy.

 

27. Fev

 


Le Dimanche quelque canaille
Dont le feu fut vn feu de paille,
Fit maniere d’emotion
Qui tendoit à sedition,
Elle en vouloit à la soutanne,
Et prit ie croy pour vne canne
Monsieur le Prendent Thoré,
Qui fut à peine retiré
Des griffes de nostre fructiere
Qui le traisnoit à la riuiere.

 

28 Fév

 


Le Lundy premier iour de Mars
Ie sus outre de toutes parts
Sans apprendre aucune nouuelle.

 

1. Mars

 


Le Mardy nous receusmes celle
Qu’escriuoit le Duc d’Orleans,
Laquelle ouuerte, on lut dedans
Que c’estoit chose tres certaine
Que la volonté de la Reine
Estoit de fournir tous les iours
Que la Conference auroit cours
De bleds vne quantité fixe,
Ny plus courte, ny plus prolixe,
Tant par iour seulement. Surquoy
La Cour voulut qu’aux Gens du Roy
On eust à porter cette lettre,
Veu qu’ils estoient venu promettre
A leur retour de Sainct Germain
Bien plus beurre que de pain,
Et des passages l’ouuerture,
Ce qui n’estoit qu’vne imposture.
Et qu’ils priroient leurs Majestez
De faire iour de tous costez,
Et de nous ouurir les passages,
Veu qu’ils sont de Dieu les images
Qui ne nous les boucha iamais,
Et qui se dit Dieu de la paix.
Bref, qu’ils rompent la Conference

-- 20 --


D’entrer en aucun pour parler,
Ains commandement d’enroller
Par les Prouinces & les Villes
Des soldats tant que tous les milles.

 

2. Mars

 


Ils reuinrent le trois de Mars
Moins guais que deuãt des trois quarts,
N’ayans pû tirer de la Reine
Rien qu’vne mesure certaine
De muids de bled reduis à cent
Par chaque iour pour nostre argent,
Dont seroit faite deliurance
Moyennant que la conference
Commençast dés le lendemain :
Surquoy Messieurs amis du pain
Conclurent qu’vne paix de verre
Valloit mieux qu’vne forte guerre,
Qu’vn souspir valoit moins qu’vn rot,
Qu’vn casque valoit moins qu’vn pot,
Vne brette qu’vne lardoire,
Coup à donner que coup à boire,
Et que le corps d’vn trespassé
Valoit bien moins qu’vn pot cassé,
Vn Cabaret mieux qu’vne garde,
Vne plume qu’vne hallebarde,
Mourir saoul, que mourir de faim,
Voulans que dés le lendemain
Nos Deputez fussent en voye.

 

3 Mars

 


Ce iour nous eusmes de la ioye
D’apprendre qu’à la fin du temps
Nos soldats faisoient battre aux chãps,
Eux que pour leur long domicille
On nommoit les Soldats de Ville.
Voyons où s’addressa leurs pas,
Ce fut où vous ne fustes pas.
Ils camperent prés de la Seine
En toute bourgade prochaine,
Et se rasseurerent vn peu
Ayant de l’eau contre le feu ;
Auec vn pont sur la riuiere,
Par où pardeuant par derriere
De tous costez, à gauche à droit
S’enfuïr quand l’ennemy viendroit :
Pont que pour garantir d’embusche,
Et d’estre bruslé comme busche,
Bref pour le sauuer de tout tort
Aux deux bouts ils firent vn fort.

 

 


Le Ieudy se borrifierent
Et pour faire accord s’en allerent
Le Premier President Mole
Dont ie vous ay déja parlé,
Monsieur le President de Mesme,
Dont ie vous ay parlé de mesme,
Les Nemonds & les le Cogneux
Presidents au Mortiers tous deux,
Deux Conseillers de la grãd Chambre
Dont la vertu sent meilleur qu’ambre :
Messieurs Longueil & Menardeau
Pour qui ie veus faire vn Rondeau :
Des Enquestes Monsieur la Nauue
Homme de bien ou Dieu me sauue,
Monsieur le Coq, Monsieur Bitau
Monsieur Violle & Palluau :
Monsieur le Febvre des Requestes :
Briçonnet Maistre des Requestes :
Ensuitte vn homme tres prudent
Des Comptes premier President :
Paris & l’Escuyer personnes
Tres vertueuses & tres bonnes
Des Aydes Monsieur Amelot
Premier President fort deuot :
Messieurs Bragelonne & Quatre-hõmes
Qui pourtant ne font que deux hõmes
Pour nostre ville & le dernier
Vn Escheuin nommé Fournier :
Qui tous à Ruël s’arresterent.

 

4 Mars

 


Où le lendemain arriuerent
Monseigneur le Duc d’Orleans,
Et Vous qui n’estiez pas ceans,
C’est Vous Prince que i’apostrophe,
Vous qui faisiez le Philosophe
Et l’homme d’Estat dans Ruël,
Vous qui traittiez de criminel
Vn Corps qui sera vostre Iuge,
(Disons plustost vostre refuge.)
Prince auoüez nous à present
Ce qui vous sembla mal-plaisant
Auant vostre metamorphose,
Que c’est vne agreable chose
De n’estre point pris sans decret,
Et que c’estoit là le secret
Qui pouuoit sauuer vostre Altesse
D’vne captiuité traistresse
Dont on ne se peut garantir,
Et qui vient sans nous aduertir.
Vous voila tombé dans le piege :
Qui l’eust dit que ce privilege

-- 21 --


Que vostre interpretation
A couuert de confusion,
Ce priuilege raisonnable,
Le seul recours d’vn miserable,
De n’estre qu’vn iour en prison
Par tyrannie & sans raison,
Et par vne prompte audience
Pouuoir monstrer son innocence :
Que ce priuilege si doux,
Qui ne sera meshuy pour vous,
Vous eust vn an apres fait faute :
Vous cõtiez bien lors sans vostre hoste.
Mais trefue de moralitez,
Reuenons à nos Deputez,
Qui dés que dedans la Conferance
Ils eurent veu son Eminence,
La regardans à plusieurs fois,
Firent le signe de la croix,
Esbahis de reuoir vn homme
Qu’ils croyoient de retour à Rome,
Et dont les François quelque iour
Auroient regretté le retour.
Mais cependant pour la grimace,
Et pour plaire à la populace
On le pria de s’en aller
Auant qu’on se mist à parler.

 

5. Mars.

Mr le
Prince
contesta
contre
l’article
qui
porte
que
tout prisonnier
sera interrogés
dans le
24 heur

 


Le Dimanche ie vis vn homme
Qui disoit que vers Bray sur Somme
L’Archiduc auoit déja beu,
Et que vers Guise on auoit veu
Voltiger des trouppes d’Espagne ;
Que le Duc Charles en Champagne
Prés d’Auennes se pourmenoit,
Et forces trouppes qu’il menoit.

 

7. Mars.

 


Lundy qu’il estoit inutile
Le Regiment de nostre Ville,
Leué non sans beaucoup de frais
En vn temps qu’on faisoit la paix,
Ioignit l’armée à Ville-Iuifue,
Qui de loin luy criant. Qui viue,
Il creut qu’il estoit déja mort,
Et demanda quartier d’abord.
Il estoit fait de Iansenistes,
D’illuminez & d’Arnaudistes,
Qui tous en cette occasion
Requeroient la confession
Dont ils auoient blasmé l’vsage :
[1 ligne ill.]
Qui demandoit à Dieu tout bas
La grace qu’il ne croyoit pas.

 

8. Mars.

Mõsieur
le Duc
de Luynes
Ianseniste
en estoit
[1 mot ill.]

 


Ce iour la Cour tira de peine
Le grand Mareschal de Turenne
Tenu coupable à Saint Germain,
Pour n’auoir pas presté la main
A la ruïne de la Fronde,
(C’est comme parloit tout le monde
Du party pretendu Royal.)
On disoit de ce Mareschal
Que pour nostre Ville affamée
Il auoit offert son armée.
Nostre Parlement l’accepta,
Et dés ce iour mesme arresta
Que declaration & Bulle,
Toute sentence seroit nulle,
Et tout Arrest fait contre luy :
Ordonnant que dés aujourd’huy
Il reuint s’il pouuoit en France :
Et de plus pour la subsistance
Que cent mille escus il prendroit
Ez Receptes qu’il trouueroit.

 

 


Le Mardy la Cour estonnée
Sur la remonstrance donnée
Par le Procureur General
Que quelqu’vn du party Royal
Fist deliurer l’autre semaine
Sous l’authorité de la Reine
Des commissions à certains,
Aux Damillis, aux Lauerdins,
Aux Gallerandes, aux Courcelles,
De leuer des Trouppes nouuelles.
Ausquels & tous autres deffend
Haute & puissante Cour qui pend
Ceux qui sa volonté violent,
Que plus de soldats ils n’enrollent,
Sans vn Royal commandement
Approuué par le Parlement.
Defense à toute ame guerriere,
Gentilhomme ou bien roturiere,
De prendre employ ny s’enroller,
Sur peine de degringoler
Du haut de Noblesse en roture,
Et de roture en sepulture.
Veut les villes & les bourgs
Courent dessus eux comme à l’Ours,
Qu’ils s’assemblent à son de cloche,
Qu’à pied, qu’à cheual, ou par coche

-- 22 --


Ils courrent apres tels soldats,
Et qu’ils leurs rompent les deux bras.

 

9. Mars.

 


Le dix on sceut qu’en Normandie,
Pour ioindre à l’armée ennemie
Le Barron de Marre leuoit
Le plus de Trouppes qu’il pouuoit :
Mais que Chamboy guerrier habille,
Lieutenant du grand Longueville,
Auec cinq ou six cens cheuaux
Ayant poursuiuy ces Royaux ;
Sceut que dans le Chasteau de Chesne
Ces gens qu’on faisoit pour la Reine
Auoient esleu leur rendez-vous.
Il y courut tout en courroux,
Et par vn plaisant artifice
Faisant faire alte à sa milice
Luy trentiesme quittant le gros
Vint à Chesne tout à propos,
Où sans dire qu’il fust des nostres
Il fut receu comme les autres,
Qui beuuoient tous comme des trous,
Et qu’on tua comme des poux :
Car Chamboy s’estant fait connoistre
Se rendit aisement le Maistre,
Et les prit tous ou les tua,
Comme vn second Gargantua.

 

10. Mars.

 


Le Ieudy vint à l’Audience
Auec des lettres de creance
Que dans sa poche il apporta,
Vn Deputté que deputta
Monsieur le Duc de la Trimoüille
Qui voulant empescher la roüille
De son courage martial,
Monté dessus son grand cheual
Pour le secours de nostre ville,
Auoit leué prés de trois mille
La moitié grimpez sur roussins,
L’autre moitié des fantassins.

 

11. Mars.

 


La nuit les Trouppes ennemies.
Que nous croyions estre endormies,
Vinrent voir ce que nous faisions,
Et virent que nous acheuions
Nostre pont dessus la riuiere,
Ouurage qui ne leur plut guere,
Et qu’elles eussent bien aimé
De voir de loing bien allumé :
Ce fut du costé de la Brie
Que parut leur Cauallerie
Qui vint reconnoistre ce pont ;
Mais son retour fut aussi prompt
Qu’auoit esté son arriuée,
Heureuse de s’estre sauuée,
Puis qu’elle eust biẽ-tost veu beau ieu ;
Les nostres affligez fort peu
D’auoir manqué cette couronne,
Et de n’auoir tué personne,
Veu que c’est vn acte cruel :
Et que l’on traittoit à Ruel.

 

 


D où le lendemain retournerent,
Et des Articles apporterent
Tous nos Messieurs les Deputez
Assez tard, mais assez crottez
Et dés ce iour les deux armées,
Se sont vniquement aimées,
Il n’est pas resté pour vn grain
De Frondeur ny de Mazarin.

 

12. Mars

 


Samedy la Cour assemblée
Parut extrémement troublée
D’apprendre que nos Generaux
N’auoient esté qu’en certains mots
Compris au traitté pacifique,
Sans auoir fourny de replique,
Veu que personne de leur part
N’auoit contesté pour leur part.
Si bien qu’en cette conjoncture,
Il fut dit qu’auant la lecture
De ce qu’on auoit arresté,
Derechef seroit deputé
Pour conferer des aduantages
De ces illustres personnages,
Et de tous les interessez,
Tant qu’ils eussent dit c’est assez,
Qu’on supplieroit le Roy de mettre
En vne seule & mesme lettre.

 


13. Mars.

 


Ce iour on eut aduis certain
Que Monsieur du Plessis-Praslain
Auoit des trouppes ennemies
Fait vn amas des mieux choisies,
Pour s’opposer à l’Archiduc
Qui s’auançoit d’vn pas caduc,
Et de qui la desmarche lente
Ne doit pas moins d’espouuante.

 

 


Le Dimanche, les Deputez
En carrosse estoient ja montez,
Quand Lettre du Roy fut receuë
[1 ligne ill.]

-- 23 --


Portant vne interdiction
De faire deputation,
Que les Articles qu’apporterent
Vendredy, ceux qui confererent,
N’eussent esté verifiez.
Surquoy Messieurs furent criez
Par l’insolente populace,
Qui les poussoit auec menace,
Disant tout haut ie sons vendus,
Ie serons bien-tost tous pendus
S’il plaist au bon Dieu ma commere,
C’est grand pitié que la misere :
Ils auons signé nostre mort :
C’est fait de Monsieur de Biaufort :
Guerre & point de paix pour vn double.
Mais en dépit de ce grand trouble,
Il fut par Messieurs resolu
Que le lendemain seroit leu
Le contenu desdits Articles,
Et qu’auec paire de besicles
On examineroit de prés
S’ils portoient vne bonne paix.

 

14. Mars.

 


Le Lundy. La teste affublée
Nos Chefs estans en l’assemblée,
Lesdits Articles furent leûs,
Et la Cour n’en fit point refus ;
Mais seulement pour la reforme
De quelqu’vn qui sembloit enorme,
Ordonna qu’on deputeroit,
Et qu’ensemble l’on parleroit,
Pour nos Chefs, qui feroient escrire
Ce que chacun pour foy desire,
Pour estre au traicté de Paris
Tous les interessez compris.

 

15. Mars

 


Ce Lundy. Le Courrier du Maine,
Mit nos esprits hors de la peine
Où long-temps ils auoient esté,
Si le Diable auoit emporté
Le sieur Marquis de la Boullaye,
Qu’il asseura pour chose vraye
Auoit paru vers ces quartier
Auecque force Caualliers
Qui sçauoient mener le carrosse,
Et ne cherchoient que playe & bosse.
Que le Marquis de Lauerdin
Fuyant deuant eux comme vn din,
Toute la Mancelle contrée
[1 ligne ill.]

 

La Boullaye
qui
comman
doit les
Cochers
de Paris

 


Le Mardy. Tous nos Deputez
Sous des passe-ports apportez,
Pour la troisiesme fois marcherent,
Et comme il estoit dit, allerent
Pour leurs Majestez supplier
Que du mois d’Octobre dernier
La Declaration receuë
Apres tant d’allée & venuë
Pour le commun soulagement,
Ne souffrist aucun detriment.

 

16. Mars.

 


Le Mecredy. Lettre ciuille
Vint de Monsieur de Longue ville,
Qu’il addressoit au Parlement,
Et qui n’estoit qu’vn compliment,
A qui fit aussi tost responce,
La Cour qui pese tout à l’once.
Or ce iour le Duc de Boüillon
Ayant pris congé du boüillon,
Des medecines, des clysteres,
Et des drogues d’Apothiquaires,
N’estant debout que de ce iour,
Releua la Mothe-Houdancour,
A Ville-Iuifue, où nostre armée
S’estoit déja bien enrhumée.

 

17. Mars.

[8 lignes ill.]

 


C’est ce mesme iour qu’on a sçeu
Qu’au Mans auoit esté reçeu
Nostre Marquis de la Boullaye,
Qui bien qu’il criast holla, haye,
Alte, Marquis de Lauerdin,
L’autre ne fut pas si badin
Que de tourner iamais visage,
Ains courut toûjours dauantage,
Qu’à la parsin nostre Marquis
Ayant force chappons conquis,
Les faisoit cuire en cette ville,
Et que ses gens estoient cinq mille.

 

 


Vn autre aduis bien plus certain,
Fut que le Mareschal Praslain,
Qui d’vne desmarche guerriere
Estoit allé sur la frontiere
Taster le poux à Leopol,
Auoit pris ses iambes au col :
Sans auoir dit ny quoy, ny qu’est-ce,
(Ce qui n’est pas grande proüesse,)
Et qu’estant icy de retour,
Dans leurs Garnisons d’alentour
Ses Trouppes estoient retournées :
Trouppes tres mal moriginées,

-- 24 --


Et qui contre l’accord passé,
D’acte d’hostilité cessé,
Pillerent toute la cheuance
Des deux bourgs à leur bien seance,
Qu’ils treuuerent sur leur chemin ;
Chemin que tenant sans dessein,
Quelque Boullangere badine,
Blanche pour le moins de farine,
Qui venoit de vendre son pain,
Se sentit legere d’vn grain,
Sans argent & sans pucellage,
Horsmis vne qui fut si sage
Que de le laisser à Paris,
Qui n’eut que son argent de pris.

 

[1 mot ill.] Mars

 


Le Ieudy, les Chefs de nos bandes,
Ayant fait chacun des legendes
De tous leurs petits interests,
Commirent à Ruël exprés
Pour porter leurs humbles prieres,
Le Duc de Brissac, & Barrieres,
Le sieur de Bas & de Crecy.

 

 


Le Vendredy dix-neuf, icy
Nous sçeusmes que dans la Gascogne
La Reine auoit de la besogne,
Que le Parlement de Bordeaux
Tout prest à joüer des cousteaux,
Auoit fait armer à nostre aide.
L’action n’en estoit pas laide,
Car le Normand & ce Gascon,
Et le nostre faisoient tricon.

 

[1 mot ill.] Mars

 


Ce mesme iour par vne lettre
Thoulouse nous faisoit promettre
Que nous pouuions tenir pour hoc
Le Parlement de Languedoc,
Qui se declaroit pour le nostre,
Tellement qu’auecque cét autre,
C’estoit vn quatorze bien fait.

 

 


Le Samedy ny beau ny laid,
Ny chaud ny froid, à l’Audience
Nos Generaux prirent seance,
Et-là dirent tous d’vne voix,
Qu’ils auoient donné cette fois
Des propositions à faire,
Mais qu’ils l’auoient crû necessaire,
Monsieur le Cardinal resté,
Pour n’auoir plus de seureté,
Sçachans bien qu’homme d’Italie
Iamais vne offence n’oublie.
Qu’au contraire ils estoient tous prests
D’abandonner leurs interests
S’il luy plaisoit faire voyage,
Sinon, que pour vn tesmoignage
Qu’ils seroient toûjours seruiteurs
De nos Illustres Senateurs,
Ils s’en rapportoient à ces Iuges,
Protestans que dans nos grabuges
Ils auoient armé seulement
Pour le public soulagement.

 

[1 mot ill.] Mars.

 


Ce iour Ordonnance Royalle
Dessus la plainte generalle
Qu’auoient faite nos Escheuins,
Qui n’estoient pas des Quinze-vingts,
Voulut qu’on nous donnast des viures,
Pain & vin, dequoy nous rendre yures,
Et boire en diable à la santé
De sa Chrestienne Majesté,
De toutes parts, par eau, par terre,
Librement comme auant la guerre
Le commerce estant restably,
Et le reste mis en oubly :
Bonne nouuelle pour la pance.

 

 


Lundy vingt & deux, en l’absence
Du vaillant Prince de Conty
Que la fiévre auoit inuesty,
Le Coadjuteur en sa place
Vint au Parlement, de sa grace,
Dire que le iour precedent
L’Archiduc homme fort prudent,
Escriuit au Prince malade
Qu’ayant fait vne caualcade,
Et dit au Mareschal Praslain,
Ie suis sur ta terre vilain,
Pour oster toute deffiance
Qu’il voulut enuahir la France,
Il estoit prest de retourner,
Si la Reine pour terminer
Les differents des deux Couronnes
Vouloit nommer quelques personnes.
Et dit nostre frondant Pasteur
Que Conty prenant fort à cœur
L’occasion aduantageuse
De conclure vne paix heureuse,
Auoit à Ruël deputé
Pour derechef estre insisté
Sur ce que l’Archiduc propose,
Qui meritoit bien vne pose :

-- 25 --


Et qu’il conjuroit nostre Cour
Par son zele & par son amour,
De peser vn peu cette affaire,
Et la paix qu’elle pouuoit faire :
Et qu’il estoit touûjours prest pour luy
D’abandonner dés aujourd’huy
Tout ce qu’il auoit pû pretendre
Si Messieurs y vouloient entendre.
Qu’au contraire si Leopol
Par supercherie ou par dol
Venoit pour pescher en eau trouble
(Dont i’aurois parié le double)
Il declaroit dés à present
Qu’il ne le treuuoit pas plaisant,
Que luy-mesme sur les frontieres
Iroit luy tailler des jartieres,
Et l’accommodant de rosty
Se monstrer Prince de Conty.
Surquoy Messieurs firent escrire
Tout le contenu de son dire.

 

22 Mars.

 


Ce iour on sçeut qu’à S. Germain
On auoit fait accueil humain
Aux Deputez de Normandie,
Qui pour chasser la maladie
Dont nous estions tous menacez,
Y venoient comme interessez
Pour deliberer du remede ;
Que le bon Dieu leur soit en aide.

 

 


Le Mercredy, l’on sçeust qu’Erlac
Estoit clos & coy dans Brissac,
Quoy qu’on nous voulust faire entẽdre
Qu’il venoit nous reduire en cendre.
L’on sçeust que Normands Deputez
S’estoient tous bien fort aheurtez
A l’enuoy de son Eminence,
Et l’on nous donnoit asseurance
Qu’ils ne despliroient leur cahier
Qu’ils n’eust vn pied dans l’estrier.
Mais s’il est vray qu’ils le promirent.
Ces Normans apres se desdirent,
Et certes autant à propos
Qu’il se peut pour nostre repos :
Car qu’on renuoyast pour leur plaire
Vn ministre si necessaire
Comme Monsieur le Cardinal ;
Quelque sot se fut fait du mal,
Et plus sot qui l’auroit pû croire
Qu’vn Prince jaloux de sa gloire
Eut deffait ce qu’il auoit fait
En vn fauory si parfait,
Pour quelque courtaut de boutique
Qui n’aimoit pas sa politique.
Aussi les Deputez Normans
S’ils auoient fait quelques sermens
De ne desplier point leur Roolle,
Ne garderent pas leur parolle,
Et cette fois manquant de foy
Seruirent la France & leur Roy.

 

 


Ce mesme iour. Fut dit en ville
Que le grand Duc de Longueville
Auoit pour assieger Harfleur
Fait partir sous vn chef de Cœur
Des trouppes dés le dix-septiesme :
Et que ce chef le dix-neufviesme
Par vn tambour nommé la Fleur
Fit sommer la ville d’Harfleur,
Qui luy dit vostre fille Heleine ;
Ie suis seruante de la Reine.
Mais quatre pieces de canon
Luy firent bien-tost dire non ;
Car plus deffaitte qu’vn Cadavre
Ayant dépesché vers le Havre
Dont chacun sçait qu’elle depend,
Pour venir estre son garand
(C’estoient les termes de sa lettre)
Ce Gouuerneur se voulut mettre
En deuoir de la secourir
Et pour l’empescher de perir
Détacha deux cens cinquante hõmes
Qui venoient en mangeans des põmes,
Quand sur le chemin ces mangeans
Treuuent vn party de nos gens :
La peur saisit ces miserables
Qui fuyrent comme des beaux diables,
Nul ne regardant apres soy.
Enfin ils eurent tant d’effroy
Que quand dans le Havre ils entrerent
Les huict heures du soir frapperent
Bien que partis au chant du coq,
Et que Harfleur qui nous est hoc,
Du Havre fust à demie lieuë,
Mais la peur qu’ils auoient en queuë
Leurs fit oublier le chemin,
Tellement que le lendemain
Harfleur nous fit ouurir la porte.
La garnison n’estant pas forte

-- 26 --


Se rendit à discretion.
Apres cette reddition
Nos gens furent faire gogaille
Au Chasteau de Pierre de taille
Du Sieur de Fontaine-Martel ;
Chasteau tres fort, mais non pas tel
Que les nostres ne le forcerent,
Et deux canons n’en rapporterent ;
Sans les meubles & le bestail,
Dont ie ne fais point de detail.

 

 


Le Ieudy, iour que Nostre-Dame
Sceut que de fille elle estoit femme
Par vne Annonciation,
Tout estoit en deuotion
Quand Lettre de cachet venuë
Fit que sceance fut tenuë,
Où quand nos Chefs furent venus
Tous les premiers propos tenus
Furent de sçauoir si la tresve,
Ennuyeuse aux gens de la Greve,
Et qui finissoit ce iour-là,
Passeroit encor au delà :
Tresve qui receut anicroche
Iusques au Lundy le plus proche,
Et compris inclusiuement
Par vn Arrest du Parlement.

 

[5 lignes ill.]

 


Ce iour à la Ferté sur Iouarre,
Vn Mazarin qui disoit, Garre,
Qu’on face place à mon cheual,
Ie viens pour le party Royal
Loger icy des gens de guerre,
Fut accueilly à coups de pierre,
Et de quelque coup de fuzil,
Ie pense que d’vn grain de mil
On eust lors bouché son derriere,
Heureux de retourner arrïere,
Maudissant tout cicatrisé,
Le manant mal ciuilisé,
Qui depuis garda ses murailles,
Crainte du droict de represailles.

 

 


Samedy du mois vingt-sept,
Vostre frere encor tout mal fait
Du reste de sa maladie,
Fit declaration hardie ;
Que celles que iusques à ce iour
Il auoit faites à la Cour
De ne faire aucune demande
Pour luy ny pour ceux de sa bande,
Le Cardinal estant sorty :
Que foy de Prince de Conty
Ces declarations signées
Qu’on auoit iusqu’icy bernées,
Receuroient applaudissement,
Pourueu qu’il pleust au Parlement,
Rendre Arrest, que son Eminence
Eust à denicher de la France,
Parce qu’il ne pouuoit iamais
Autrement conclurre la paix :
Que le feu par tout s’alloit prendre
S’il n’estoit couuert de sa cendre.
Qu’il prioit la Cour d’y resuer
Auant mesmes que se leuer ;
Surquoy la Cour à sa priere
[1 mot ill.] tant sur cette matiere
Qu’apres son resue elle a treuué
Qu’il auoit le premier resué.
Cependant pour faire grimace,
Et pour ne rompre pas en face
De ce Prince qu’elle honoroit
La Cour dit que l’on enuoiroit
Insister sur cette retraitte,
Qui ne s’est pas encore faitte.
Ce iour nous sçeusmes que Ierjay,
Du party contraire engagé,
Partoit de Sainct Germain en Laye
Pour s’opposer à la Boullaye
Qui faisoit merueille en Anjou,
(Car il n’est pas tous les iours fou,
Cõme il n’est pas tous les iours feste)
Et puis ce n’est que par la teste
Qu’il est fol, quand il l’est pas fois
Notamment les onze des mois.

 

27 Mars

 


Or ce Marquis à teste seiche
Estoit entré dedans la Fleche.

 

Ce fut
le II
Decẽbre
qu’on
dit que
M. de la
Boulaye
cria aux
armes.
28. Mars

 


Le Dimãche on sçeut qu’à Bourdeaux
Les coups desia pleuuoient à sceaux,
Le tout pour la cause commune :
L’habitant au clair de la Lune
Auoit pris le Chasteau du Hact,
Et depuis auoit fait vn pact
D’inuestir le Chasteau Trompette ;
Cela n’est point dans la Gazette.
Ce iour mesme il vint vn Courrier,
Qui perdit cent fois l’estrier,
Et se pensa casser la teste
Tant il pressa sa pauure beste.

-- 27 --


On l’auoit fait partir expres,
Parce que le grand Duc de Rets
Auoit dit, Nous sommes deux mille,
Bon iour Monsieur de Longueville,
Ie ne vous ay veu de cet an,
Et cela fut dit dans Roüen.

 

 


Le iour d’apres en l’assemblée,
De diuers soucis accablée
Sçauoir si l’on continueroit
Comme la Reine desiroit
Nostre trefue en son agonie,
Conclut toute la compagnie
Qu’elle auroit liberalement
Vingt & quatre heures seulement.
Apres lesquelles nouueau trouble,
Et plus de trefve pour vn double.

 

29 Mars

 


Ce mesme iour fut deffendu
Par vn Arrest qui fut rendu,
Qu’on n’imprimast plus aucun liure,
Dont le debit auroit fait viure
Quelque miserable Imprimeur,
Et quelque Burlesque rimeur,
Qui comme vn second Mithridatte
Estoit plus friand qu’vne chatte
Au poison qui le nourrissoit
Dans l’instant qu’il le vomissoit.
Glorieux de la medisance
Qu’il faisoit de son Eminence
Il viuoit de son acconit :
Et c’estoit pour lors pain benit
De parler mal du ministere,
De chanter Prince de lanlere,
(Car on parloit presque aussi mal
De vous comme du Cardinal.)
On ne vit onc tant de satires
Ny de meilleurs, ny de pires
Qu’on en fit de vous & de luy,
Et de vous encor auiourd’huy.
La Cour sans expres congé d’elle
Sur vne peine corporelle
Deffendit de rien imprimer,
Ce qui ne fit que r’animer
Cette criminelle manie
Que chacun croyoit assoupie ;
Mais de qui la demangeaison
S’accroist depuis vostre prison.
Le Mardy. La nuict estoit close
(L’homme propose & Dieu dispose)
Lors qu’on ne les attendoit plus
Nos Deputez sons reuenus.

 

30. Mars

 


Le Mercredy Dans l’audience
Le procez de la Conference
Leû qu’il fut haut de bout en bout,
Au lendemain on remit tout.

 

31. Mars

 


Et le premiere d’Auril fut leüe
La Declaration receüe
Qui nous rendit nostre repos,
Dont voicy les poincts principaux.
Nos arrests, escrits & libelles
Ne seront que des bagatelles
De puis le sixiesme Ianuier
Qu’il fut tant perdu de papier
Sans que pour chose aucune faitte
Personne en soit plus inquiette.
Ce que pour nous rendre plus doux,
Le Roy volut que contre nous
Tant de lettres expediées
De Declarations criées
Du costé de sa Majesté,
Tout fust cassé par sa bonté,
Qui prit la place de la haine :
Et dit que sa Mamman la Reine
Dés le premier beau iour d’Esté
Enuoiroit au Fleuue Lethé
Quelqu’vn qui prist de cette eau forte,
Qui fit oublier toute sorte
D’vnions, Ligues & Traittez,
Dont ne seroient inquietez
Ceux qui pour faire telle Ligue,
Non contens de faire vne brigue,
Ont leué soldats, pris deniers,
Tant publics que particuliers,
Qu’on mainteindra dans leurs Offices,
Biens, honneurs, charges benefices,
Au mesme estat qu’ils se treuuoient
Quand les Parisiens beuuoient
La nuict des Rois, nuict qu’ils perdirẽt
Le vray pour mille faux qu’ils firent :
Pourueu qu’ils mettent armes bas,
Et ne s’opiniastrent pas
Aux ligues s’ils en ont aucune
Sous couleur de cause commune.
Tous les prisonniers renuoyez :
Tous nos soldats congediez,
Ce qui fut fait. La Cour ioyeuse
D’vne fin de guerre ennuyeuse,

-- 28 --


L’enregistra, la publia,
Verifia, ratifia :
Et quand elle fut publiée,
Registrée & verifiée,
Dit qu’on priroit leurs Majestez
De rendre à Paris ses beautez,
Sa splendeur & son Eminence
En l’honorant de leur presence :
Ce qui ne se fit pas si tost
Qu’auroit souhaité le Courtaut :
Car le Roy partit pour Compiegne,
Où trois mois il tint comme teigne,
Et ne reuint de tres long-temps
Au grand deüil de nos habitans.

 

31. Mars

1. [1 mot ill.]

[4 lignes ill.]

 


Ainsi la paix nous fut donnée,
Et nostre guerre terminée ;
Ainsi finit nostre blocus,
Ainsi ny vainqueurs ny vaincus,
Nous n’eusmes ny gloire ny honte :
Nul des partis n’y fit son compte,
Le Vostre y souffrit moult ennuis,
Y passa de mauuaises nuicts
Dans vn si grand froid, qu’on presume
Qu’il y gagna beaucoup de r’hume.
Le nostre en fut incommodé :
Le Carnaual en a grondé :
Le Caresme en a fait sa plainte :
Philis, Cloris, Siluie, Aminte,
Y perdirent tous leurs Gallands :
Le Palais n’eut plus de chalands
Le Procureur fut sans pratique :
Le Marchand ferma sa boutique.
L’Arthamene fut sans debit :
Et l’on pensa chanter l’obit
De Lybrahim, de Polexandre,
De Cleopatre & de Cassandre,
Auec celuy de leurs Autheurs,
Leurs Libraires, & leurs Lecteurs.
Le Sermon n’eut plus d’audience :
Le charlatan plus de creance :
L’Hostel de Bourgogne ferma :
La Trouppe du Marais s’arma ;
Iodelet n’eut plus de farine
Dont il peust barboüiller sa mine :
Les Marchez n’eurent plus de pain,
Et chacun plus ou moins eut faim :
Mais si tost que par sa presence
La paix nous promit l’abondance
Que le Roy seul nous redonna
Quand sa Majesté retourna ;
Aussi-tost disparut le trouble :
Plus de miseres pour vn double.
Paris a repris sa beauté,
Tout est dans la prosperité,
Le Marchand est à sa boutique,
Le Procureur à sa pratique,
Les hommes de Robe au Palais,
Les Comediens au Marais,
Les Artisans à leur ouurage,
Les Bourgeois sont à leur mesnage ;
Les bonnes femmes au Sermon ;
Cormier est à son Galbanon,
L’Apotiquaire à sa seringue,
Et Vous, le Vainqueur de Nortlingue,
De Rocroy, de Fribour, de Lens,
L’effroy de tous les Castillans,
Estes dans le Bois de Vincenne,
Dieu Vous y conserue & maintienne
En santé.

 

FIN.

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Saint-Julien,? [?] [1650], LE COVRRIER BVRLESQVE DE LA GVERRE DE PARIS, Enuoyé à Monseigneur le Prince de Condé, pour diuertir son Altesse durant sa prison. Ensemble tout ce qui se passa jusques au retour de Leurs Majestez. , françaisRéférence RIM : M0_814. Cote locale : A_9_9.