Saint-Julien,? [?] [1649], LE DIXIESME COVRRIER FRANCOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_10.
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LE DIXIESME
COVRRIER
FRANCOIS,
TRADVIT FIDELLEMENT
en Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez CLAVDE BOVDEVILLE, ruë des Carmes,
au Lys Fleurissant.

M. DC. XLIX.

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LE DIXIESME
COVRIER FRANCOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


Mercredy dix-sept on a sceu
Qu’au Mans auoit esté receu
Le grand Marquis de la Boullaye,
Et que c’estoit chose tres-vraye
Qu’ayant fait fuir l’Abbé Costard
Deuenu soldat sur le tard,
Et qui depuis peu dans le Maine
Battoit le tambour pour la Reine,
Ensemble l’Euesque du Mans
Qui contre son deuoir armans
Troussa ses venerables guestres
Quand le Marquis auec cent Maistres
Dedans le Mans mesme est entré,
Hors la ville estant demeuré
Son gros de sept à huict mille hommes
Qui luy sont creus comme des pommes,
Et qui luy viennent trois à trois,
En suitte de quoy les bourgeois
Auoient tous crié de plus belle,
Viue le Roy, viue Brusselle.

 

 


Autre aduis que celuy du Mans,
Est que Praslain auec ses gens
Que i’auois dit en ma derniere
Estre allé deuers la frontiere
Taster le poux à Leopol,
A pris ses iambes à son col,
Sans auoir dit ny quoy ny qu’est ce,
(Ce qui n’est pas grande proüesse)
Et qu’estant icy de retour,

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Dans leur garnisons d’alentour,
Ses trouppes s’en sont retournées,
Trouppes tres-mal moriginées
Et qui contre l’accord passé
D’acte d’hostilité cessé,
Ont fait tres-grande violence
En deux Bourgs à leur bien-sceance
Sur le chemin de leurs quartiers ;
Outre que ces grands maltoutiers
Ont aux Boullangers de Gonesse
Osté l’argent auec rudesse,
Comme ils reuenoient de Paris :
Ce qu’il leur fit faire grands cris,
Estant venus sur l’asseurance
Qu’ils auoient de la surseance.
Ieudy dix-huict : trois autres iours
L’on sceut que la trefue auoit cours,
Durant lesquels la Conference
Au lieu de reculer, s’auance ;
De ses fruits on a ressenty.

 

 


Ce iour le Prince de Conty
Et les Generaux de nos bandes
Ayant fait chacun des legendes
De tous leurs petits interests,
Voulurent que se tinssent prests
Le Duc de Brissac, & Barrieres
Crecy, Debas, ames guerrieres,
Pour les faire entendre à Ruel ;
Où leur bon plaisir estoit tel
D’auoir des personnes qui plaident
Et qui de langue leurs aident,
Mais tousiours vnanimement
Auec Messieurs du Parlement.

 

 


Le Vendredy des lettres bonnes
Nous vinrent des terres Gasconnes :
Portant que la Cour de Vordeaux

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Et le reste de ces costeaux
S’estoient declarez à nostre aide ;
L’action n’en est pas tant laide
Puisque cet hardy Parlement
Pour le nostre arme puissamment ;
Ce ne sont point des Gasconnades :
Il fit l’autre iour Barricades,
Et par la Garonne iura
Que le Cardinal perira.

 

 


Le mesme iour vne autre lettre
De Thoulouze nous vint promettre
Que nous pouuions tenir pour hoc
Le Parlement de Languedoc ;
Et qu’il a fait vne Ordonnance
Portant vne expresse deffence
De reuenir à nos guerriers
Qui fort peu chargez de lauriers
En trouuant la couronne chere
En ces beaux païs de lanlere,
Par vne horrible trahison
Abandonnoient leur garnison :
Esperant pouuoir mieux en France
Faire monstre de leur vaillance
Qu’ils ne firent à Lerida,
Ces Catalans se trompent dà,
S’ils pensent nous prendre sans moufles
Vrayment ce sont de bons maroufles.
Le Prince est assez empesché,
Parbieu son cheual a bronché.

 

 


Samedy vingt Messieurs de Ville
Qui faisoient vne longue fille,
Furent receus au Parlement
Pour receuoir l’ordre amplement
De la procession bannalle,
Qu’on fait tous les ans generalle,
A tel iour que le iour present,

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A cause du retour plaisant
De Paris en l’obeïssance
De Henry quatre, Roy de France :

 

 


Ce mesme Samedy le vingt
Le grand Prince de Conty vint,
D’Elbœuf, Boüillon, Beaufort, la Mothe
Faire declaration haute,
Deuant nostre auguste Senat
Qu’ils n’auroient iamais fait vn plat
De propositions à faire,
S’ils ne l’auoient creu necessaire
Le Cardinal estant resté
Et qu’ils n’auoient tous deputé
Que pour prendre leur asseurance
Si Mazarin demeure en France,
Qu’au contraire ils estoient tous prests
D’abandonner leurs interests,
En cas que de France il déloge,
Que si pourtant cela deroge
Au vouloir de nos Senateurs
Dont ils sont fort les seruiteurs
Ils s’en rapportent à ces Iuges,
Et protestent qu’en ces grabuges
Ils ont armé tant seulement
Pour le public soulagement,
Dont ils ont signé tous vn acte
Qu’ils desirent que l’on empacte
Au Greffe de ladite Cour,
Estant seellé de leur amour,
Ce que Messieurs leur accorderent,
Outre qu’acte ils en deliurerent,
Mesme le firent coppier
Pour aux Deputez enuoyer :
Or du Prince le petit frere
Dit à la Cour que son beau-frere
Auoit les mesmes sentimens,
Surquoy de Maure en mesme temps

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Partit de Paris auec l’acte,
Qu’aucun de nos Chefs ne retracte,
Pour le donner aux Deputez,
Auec nouueaux ordres portez
De faire vne eternelle instance,
Pour l’exil de son Eminence.

 

 


De Rouën nous auons aduis
Que le Parlement du pays
Auec le Duc de Longueuille
A nommé seize de la ville
Pour le pourparler de Ruel,
Ayant pouuoir perpetuel
De traitter de toutes affaires
Bref des Plenipotentiaires,
Qui sont desia sur le chemin,
Et qui pourront venir demain.

 

 


Ce iour ordonnance Royalle
Dessus la plainte generale
Qu’auoient faite nos Escheuins,
Qui ne sont pas des Quinze-vingts,
Mais qui voyent plus loin que leurs fesses
Qu’au preiudice des promesses
Qu’ils auoient de leur Majesté
On auoit fait difficulté,
Et que quelque Ville sur Seine
Et Marne, faisoit l’inhumaine
Et des autres lieux Mazarins,
De nous deliurer aucuns grains,
Disans qu’ils n’auoient point eu d’ordre
De laisser passer dequoy mordre,
Sur cette plainte nostre Roy
A fait vne espece de Loy
De fournir à Paris des viures
Auec vin dequoy nous rendre yures,
Et boire en diable à la santé
De sa Chrestienne Majesté ;
De toutes parts par eau, par terre,

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Librement comme auant la guerre,
Le commerce estant restably,
Et le reste mis en oubly ;
Nonobstant laquelle Ordonnance,
Nos ennemis font resistance,
Et nous n’auons iamais vn pain
Qu’ils n’en retiennent vn lopin ;
Mais quoy qu’ils prennent tant de peines
I’en auons pour trente sepmaines
Et nous pouuons bien nous mocquer
Puisque nous n’en sçaurions manquer.

 

 


Le Prince d’Elbeuf le Dimanche
Mangea d’vn iambon vne tranche,
Et fut plus gay qu’vn papillon
Releuer le Duc de Boüillon,
De nostre camp de Ville-Iuifue
Où nostre armée a fait la Iuifue,
Et poursuit encor ses trauaux
Par l’ordre de ses Generaux,
Trauaux la pluspart en deffence.

 

 


Lundy vingt & deux en l’absence
Du vaillant Prince de Conty,
Que la fiévre auoit inuesty,
Vint au Parlement l’ame sainte
De l’Archeuesque de Corinthe,
Dire que le iour precedent
L’Archiduc homme tres-prudent
Escriuit au Prince malade,
Qu’ayant fait vne caualcade,
Et dit au Mareschal Praslain
Ie suis sur ta terre vilain :
Bref qu’estant entré dans la France
Il veut leuer la deffiance,
Qu’on pourroit prendre de ses pas
Que n’y portant point le trespas,
Ains ne respirant que simplesse,

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Dont il luy donnoit sa promesse,
Il estoit prest à retourner
Si la Reine pour terminer
Les differents des deux Couronnes,
Vouloit nommer quelques personnes,
Et dit le sieur Coadiuteur
Que le Prince ayant pris à cœur
L’occasion aduantageuse
De conclurre vne paix heureuse,
Auoit à Ruel deputé,
Pour derechef estre insisté
Sur cette chose proposée,
Qu’on croit vne billeuesée,
Mais qu’il prie ardamment la Cour
Par son zele & par son amour
De considerer cette affaire,
Et la paix qu’elle pouuoit faire,
Et qu’il estoit tout prest pour luy
De remettre dés auiourd’huy
Tout ce qu’il auroit pû pretendre,
Si Messieurs y veulent entendre :
Qu’au contraire si Leopol
Par supercherie & par dol
Se preuaut de la concurrence
Des factions qui sont en France,
Il declare dés à present
Qu’il ne le trouue pas plaisant ;
Que luy-mesme sur les frontieres
Ira luy tailler des crouppieres,
Et l’accommodant de rosty
Se monstrer Prince de Conty.
Surquoy la Cour se prit à dire
Qu’il faut enregistrer son dire,
Et que l’ayant fait coppier,
Il est besoin d’en enuoyer
A Messieurs de la Conference,
Afin que par eux grande instance
En soit faite à leurs Majestez

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Maistresses de leurs volontez.

 

 


Le mesme iour lettre fut leuë
Du premier President receuë,
Que la surseance poursuit,
Iusqu’au iour du Ieudy qui suit.

 

 


Nous eusmes lettre de Tourrainne
Qu’a Tours le sieur de la Follainne
Et le Cheualier de Cangé,
Y fut d’importance chargé ;
Car soit qu’on connût à leur mine
Qu’ils auoient l’ame Mazarine,
Soit par vne inspiration
De leur mauuaise intention,
On voulut sonder leurs pochettes ;
Eux n’ayants pas leurs bragues nettes,
Gagnerent viste Marmoustier,
Mais les Bourgeois & de crier
Aux Mazarins, arreste arreste,
L’espée au cul, le casque en teste,
Bastons ferrats, & non ferrats,
Et boutte apres ces scelerats,
Cette guerriere populace
Inuestit d’abord cette place,
D’où l’on tira nos fugitifs,
Roüez de coups, pasles, craintifs,
Et l’on trouua pleines leurs malles
De Commissions Cardinalles,
Pour faire trouppes au païs,
Pourquoy nos drosles furent pris,
Et depuis ces premiers vacarmes
Les Bourgeois sont dessous les armes.

 

 


Nous auons sceu qu’à S. Germain
L’on a fait traittement humain,
Aux Deputez de Normandie
Qui pour chasser la maladie

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Dont les François sont menacez,
Y viennent comme interessez
Pour deliberer du remede ;
Nous guerirons si Dieu nous aide.

 

 


Mardy la Ville de Poictiers
Escheuins, Maires, Officiers,
Par son Deputé fit entendre
Au Parlement qu’ayant fait prendre
Les armes pour le secourir,
Elle a voulu le requerir,
Que pour enrooller gens de guerre,
Pour la seureté de la terre,
Et saisir les publics deniers
Pour l’entretien de ses guerriers,
Des Commissions on luy donne.

 

 


Ce mesme iour la Cour ordonne
Qu’on continuera tous les iours
A vendre en public les atours,
Et les bijoux de l’Eminence
Poudre, pommade, fard, essence :
Et que les biens du sieur Pety,
Deserteur de nostre party,
Soy disant Receueur des rentes,
Seront dés ce iour mis en ventes.

 

 


Le Mercredy Monsieur Molé
Par lettre à la Cour a parlé
Et fait entendre que la Reine
N’auoit point tesmoigné de haine
Pour Dame generale paix,
Et que pour remplir nos souhaits,
Monsieur le Comte de Brienne
Priera de la part de la Reine,
Le Nonce de sa Sainteté,
Et l’Ambassadeur deputë

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Des Venitiens, qu’il escriue
Al’Archiduc, qu’en paix il viue,
Et que s’il luy plaist arrester
Vn lieu conuenable à traitter,
Au mesme instant nostre Ambassade
Partira : fut-elle malade.

 

Fin du dixiesme Courrier

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