Saint-Julien,? [?] [1649], LE HVICTIESME COVRRIER FRANCOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_08.
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LE HVICTIESME
COVRRIER
FRANCOIS,
TRADVIT FIDELLEMENT
en Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez CLAVDE BOVDEVILLE, ruë des Carmes,
au Lys Fleurissant.

M. DC. XLIX.

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LE HVICTIESME
COVRIER FRANCOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


LE Mardy second iour de M
La Cour eut lettre du dieu Mars,
Entendez de Condé le ieune,
Et du grand Duc d’Orleans vne ;
C’estoit donc deux lettres qu’elle eut,
Et qu’à l’audience elle leut.
Ils mandoient pour chose certaine,
Que la volonté de la Reine
Estoit de fournir tous les iours
Que la Conference auroit cours,
De bleds vne quantité fixe
Ny plus courte ny plus prolixe :
Surquoy la Cour delibera
Qu’aux Gens du Roy l’on enuoyra
Le contenu de cette lettre
Veu que ces gens vinrent promettre
A leur retour de S. Germain
Bien plus de beurre que de pain,
Et des passages l’ouuerture
Ce qui n’estoit qu’vne imposture,
A donc qu’ils prieront Reine & Roy
De vouloir mieux tenir leur foy ;
Et qu’estant de Dieu les images
Ils deuoient ouurir les passages,
Selon qu’ils auoient protesté,
Puisque Messieurs de leur costé
Deputent pour la Conference :
A faute de quoy font deffence
D’entrer en aucun pour parler
Mais ils commandent d’enroller

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Par les Prouinces & les Villes,
Des soldats tant que tous les milles.

 

 


Les Gens du Roy Mercredy trois,
Vous ont fait entendre leur voix,
Et qu’on ne pouuoit de la Reine
Tirer que quantité certaine
De muids de bleds reduit à cent
Par chaque iour pour nostre argent,
Dont seroit faite deliurance
Pourueu que Dame Conference
Se commençast le lendemain
Sur quoy Messieurs aimant le pain
Et pour témoigner leur hommage
Postposerent leur aduantage
Aux offres d’vne bonne Paix,
Et dirent que se tiendroient prests
Ceux que pour traitter on enuoye,
Et qu’ils seroient le quatre en voye.

 

 


Le trois, Aduis qui n’est pourry
Fut que vers Chastre & Monthlery
Filloient les Trouppes Mazarines,
Surquoy les nostres qui sont fines
Prenant la campagne aussi-tost
Firent ie pense comme il faut,
Depuis aux riuages de Seine
En toute Bourgade prochaine
Elles ont pris leur logement,
Et font continuellement
Vn Pont sur ladite riuiere
Qui n’est ny deuant ny derriere,
Mais droit vers le Port à Langlois,
Pont qui ne sera que de bois
Que pour garder de tout embusche
Et qu’il ne brusle comme busche
Enfin de tout dommage & tort,
Aux deux bouts on a fait vn Fort.

 

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Ce iour nous eusmes asseurance
Que sur vn Mareschal de France,
Rantzau venu dans S. Germain
Des estafiers ont mis la main,
Qu’il a depuis pourpoint de pierre
Par trop estroit & qui le serre
On ne sçait encor bonnement
Si c’est querelle d’Allemant.

 

 


Le Ieudy quatre se botterent
Et pour conferer défilerent,
Le premier President Molé
Homme dont i’ay desia parlé
Monsieur le President de Mesme
Homme dont i’ay parlé de mesme :
Les Nemons & les le Cogneux
Presidens au mortier tous deux ;
Deux Conseillers de la Grand’Chambre
Dont la vertu sent meilleur qu’ambre,
Menardeau, Monsieur de Longueil
Lequel si ie depeins en deuil
C’est vne rime que ie sauue :
Des Enquestes Monsieur la Nauue
Monsieur Bitault, Monsieur le Coq
Violle ou Palluau pour Trocq :
Monsieur le Fevre des Requestes :
Briçonnet Maistre des Requestes :
Auec le premier President
Des Comptes, homme tres-prudent :
Paris & l’Escuyer personnes
Tres-vertueuses & tres-bonnes :
Des Aides Monsieur Amelot
President docte & tres deuot :
Monsieur Bragelonne & Quatrehomme
Qui pourtant ne fait qu’vn seul homme :
Pour la Ville & pour le dernier
Vn Escheuin nommé Fournier :
Qui tous à Ruel arriuerent,

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Ou le mesme iour se trouuerent
Le Duc d’Orleans & Condé
Et d’autres que l’on a mandé
Pour y tenir la Conference
Où voulut estre l’Eminence
Et dont nos Messieurs esbahis
D’y voir homme de son païs,
Les mains humblement luy baiserent,
Et de ce pas le renuoyerent.

 

 


Or ce iour pour le bled promis
Passeport en nos mains fut mis
Suiuant lequel l’Escheuinage
Dés ce mesme iour a fait rage,
I’entends Messieurs les Escheuins,
Dont les soings ont mis en nos mains
Tout ce bled qu’ils ont fait conduire
Sur la Seine, & liuré pour cuire,
Aux Patissiers & Boullangers :
Dieu les sauue de tous dangers.

 

 


Le Vendredy l’on eut nouuelles
Qu’auecques des Trouppes tres-belles
Qu’il auoit faites à Quintin
Monsieur le Marquis de Coaquin
Pour le secours de nostre Ville,
A ioint Monsieur de Longueuille.

 

Quintin est
Vn village
En Bretagne

 


Comme aussi l’on a sceu qu’à Rheims
Estant venu des Mazarins
Pour s’emparer de cette place,
La Noblesse & la populace
En ayant peut-estre eu le vent,
Auoient tous mis flamberge au vent,
Et soudain purgé leurs murailles
De maltoutiers & de canailles.

 

 


Samedy six la Ville fit

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Ordonnance qui déconfit
Messieurs de la Boullangerie,
La farine desencherie
Par les bleds que l’on apportoit
Personne ne s’en ressentoit ;
Si bien qu’il conuint faire vn ordre
Que ces appresteurs de quoy mordre
Eussent à mettre sur leurs pains
Combien de liures & de grains
Pesent ceux qu’ils mettent en vente,
Sans qu’aucun y manque, ne mente
Sur peine d’vn amandement,
Et d’exemplaire chastiment.

 

 


Le Dimanche sept vint vn homme
Asseurer que vers Bray sur-Sommo
Monsieur l’Archiduc auoit beu ;
Et que vers Guise on auoit veu
Voltiger des trouppes d’Espagne,
Que le Duc Charles en Champagne
Pres d’Auennes se promenoit,
Et force trouppes qu’il menoit.

 

 


Le Lundy huict a pris sa marche
Et d’vne guerriere démarche
Le regiment Parisien
La terreur du Sicilien,
S’est ioint au corps de nostre armée
Dans Ville-Iuifue retranchée
Et les autres lieux d’alentour.

 

 


Ce mesme iour Lundy la Cour
Sur la Sentence prentenduë
Par le Conseil d’enhaut renduë,
Le decret de prise de corps
Contre Turenne & ses consorts

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Qui n’a voulu seruir la haine
Et la passion de la Reine,
Ains ayant obligé long tems
Par des seruices importans
L’auguste Royaume de France
Offre encore pour sa deffence
Ses trouppes, ses soings, son amour
Et sa personne à nostre Cour :
Qui prenant au mot cet Hercule
Casse & dés à present annulle
Tout Arrest rendu contre luy
Veut la Cour que dés auiourd’huy
S’il se peut, il reuienne en France,
Et que ses trouppes il aduance.
Enioint de le laisser marcher
Et deffence de l’empescher
Ordonne pour sa Subsistance
Que iusques à la concurrence
De cent mille escus il prendra,
Es receptes qu’il trouuera
Ce iour voulut la Cour entiere
Que de la vente iournaliere
Des meubles du sieur Cardinal,
Les deniers fussent à cheual
Portez entre les mains des hommes
Nommez pour receuoir ces sommes ;
Nonobstant opposition
Saisie ou contestation
Que creantiers de l’Eminence
Auroient faite à la deliurance,
Sauf à ces gens de se pouruoir
Sur d’autres biens que peut auoir
Et donc n’aura que trop cet homme
Qu’on ne peut renuoyer à Rome.

 

 


Ce iour de Paris est sorty
Ce vaillant Prince de Conty
Pour reconnoistre nostre armée

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Qui dans Ville-Iuifue est campée :
Il en admira les trauaux
Escorté de six cent cheuaux
Et suiuy de force Noblesse
Qui cherche par tout qui la blesse,
Sur qui tirer ses pistolets
Et mesmes plusieurs du Palais,
Qui non contens par leur prudence
Veulent payer de leur presence,
Et quand il faut nous obliger,
Se battre aussi bien que iuger.

 

 


Le Mardy la Cour estonnée,
Sur la Remonstrance donnée
Par le Procureur General
Qu’auoit Monsieur le Cardinal
Soubs l’authorité de la Reine
Fait deliurer l’autre sepmaine
Des Commissions à plusieurs
Pour leuer guerroyants Messieurs,
Auec vne pleine puissance
En vertu de quelque Ordonnance
Du Mareschal Surintendant,
Depescher par tout cependant
Dedans les Bureaux des receptes,
Et d’y prendre les sommes faites
Pour employer à leurs soldats,
Tant de pied comme de dadas :
Notamment aux Sieurs de Courcelles
Doüez de Commissions telles,
Les Gallerandes, Lauerdins,
D’Amillys qui font les badins,
Dont l’vn dans l’Anjou soldats cherche,
Vn autre au Maine & l’autre au Perche
Ausquels & tous autres deffend
Haute & puissante Cour qui pend,
Ceux qui sa volonté violent,
Que plus de soldats ils n’enroolent,

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Sans vn Royal commandement,
Approuué par le Parlement.
Deffences à tous Gentils-hommes
Roturiers & tous autres hommes
De prendre employ ny s’enroler,
A peine de degringoler
En bas de l’estat de Noblesse,
Et de n’entendre iamais Messe
Ains mourir en punition
Peut-estre sans confession :
Deffence aux Receueurs des Tailles
D’aider d’argent à ces canailles ;
Ny leur liurer aucuns deniers
Que la Cour n’ait dit volontiers :
Veut la Cour que si l’insolence
Contreuient à cette Ordonnance,
Communautez, Villes & Bours
Courent dessus eux comme à l’ours
Qu’ils s’assemblent à son de cloche
Qu’à pied, qu’à cheual, ou par coche
Ils aillent apres tels soldats
Et qu’ils les mettent tous à bas.

 

 


Ce Mardy neuf c’est chose vraye
Que le Marquis de la Boullaye
Se promenant par desennuy,
Et trois cent cheuaux auec luy
De ses ordinaires carosses,
A rendu ses trouppes si grosses
Deuers le Comté de Dunois,
Que malgré tous les Polonois
Les Allemans & tous les diables
Il fait des Conuois effroyables
Qu’il est prest d’amener icy,
Et douze cents hommes aussi.

 

 


L’on a nouuelles de Bretagne
Que ce Parlement en campagne

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Instruit de nostre intention
Delibere la ionction,
Ce qu’il auroit desia pû faire
Si par malheur quelque Emissaire
Enuoyé là de S. Germain
N’auoit fait arrester soubs main
Les lettres que nous escriuismes
Et fait ietter dans des abismes
Des retraits, riuieres ou puits,
Dont elles n’ont paru depuis.

 

Fin du huictiesme Courrier.

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