Saint-Julien,? [?] [1649], LE NEVFIESME COVRRIER FRANCOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_09.
Section précédent(e)

LE NEVFIESME
COVRRIER
FRANCOIS,
TRADVIT FIDELLEMENT
en Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez CLAVDE BOVDEVILLE, ruë des Carmes,
au Lys Fleurissant.

M. DC. XLIX.

-- 2 --

-- 3 --

LE NEVFIESME
COVRIER FRANCOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


Mercredy dixiesme de Mars
Vn Courrier pesant deux cents marcs,
Car il est de taille assez grande,
Nous dit qu’en la terre Normande
Le Baron de Mare leuant
Les soldats qu’il alloit trouuant,
Cauallerie, Infanterie,
Tout pour la Mazarinerie,
Et pour ioindre au Comte d’Harcourt,
Quelqu’vn de nos trouppes y court,
Et que Chamboy guerrier habille
Lieutenant du grand Longueuille,
Poussant apres les Cardinaux
Auec cinq ou six cents cheuaux,
Eut aduis qu’au Chasteau de Chesne,
Tremblants comme fueille de chesne,
Ces soldats auoient rendez-vous,
S’il y fut, le demandez vous ?
Lecteur, tu sçauras que ce braue
Les trancha plus net qu’vne raue ;
Car suiuy de trente cheuaux
Ayant fait faire alte à son gros,
Sans dire qu’il estoit des nostres
Il fut receu comme les autres
Qui beuuoient en tirlarigot,
Leur chef prenant l’air d’vn fagot,
Lors Chamboy qui se fit connoistre
Se rendit aisement le maistre,
Et prit ces pauures Seignors-si
Tant qu’il en voulut à mercy.

 

-- 4 --

 


Ce mesme Mercredy dixiesme
On nous mande du pays mesme
Que Longueuille ayant iugé
Que par Harcour seroit siegé
Dreux qui se tenoit sur ses gardes
Veu que neuf Enseignes des Gardes
Et le Regiment Bourguignon
Luy pouuoient porter ce guignon :
Trouppes qui ioignoient ledit Comte,
Auec de bons canons de fonte,
Que ce beau-frere de Conty
De Roüen bien viste est party
Pour le secours de cette place,
Ce qu’il fit par cette fallace,
Il auoit huict à neuf milliers
Tant fantassins que caualiers
Il mit sur l’eau l’artillerie
Et par cette supercherie
Harcour crût la voyant ramer,
Qu’il alloit à Ponteau de mer
Ce que n’approuuant pas le Comte
Et pour obuier à la honte
D’auoir cette place rendu
Il y courut comme vn perdu,
Ainsi le Duc de Longueuille
Qui n’en vouloit point à la Ville
Mais seulement secourir Dreux
La secourut selon ses vœux,
Et trompa bien ces pauures haires,
Car tirant huict cents mousquetaires
Et quatre cents cheuaux de nuit
Ce qui pour cette place duit
Les nostres partirent & furent
Receus à Dreux qu’ils secoururent,
Le Duc à Roüen de retour.

 

 


Ieudy de Mars vnziesme iour
Le Parlement regla la taxe

-- 5 --


Faite à Paris & non en Saxe
Pour entretenir le soudart,
Auec rabais aux vns d’vn quart,
Ordonnant pourtant que les drosles
Qui seront compris sur les rooles
De cette diminution
Faute de satisfaction
Demeureront décheus d’icelle
Et par vente de leur vaisselle
Par bons exploits & bons recors
Ils seront contraints & par corps
A payer les premieres sommes
Ausquelles on taxa ces hommes ;
Et qu’ainsi tous autres nommez
Sur ces rooles, seront sommez.

 

 


Autre Arrest permission donne
A toute sorte de personne
D’apporter des grains à Paris,
Et de les debiter au prix
Qu’ils presteront leur marchandise ;
Ordre à tout Boulanger qu’il cuise
Toute la farine qu’il a
En pain bis, blanc, qu’il pestrira
Afin que chacun puisse viure,
L’vn de trois, l’autre d’vne liure
Permis d’en cuire iusqu’à six,
Mais passé ce poids, plus permis.
Veut qu’à la halle soit conduitte
Toute la farine non cuitte
Que Paris reçoit chaque iour,
Pour estre à chacun à son tour
Liurée à diuerse mesure
Sçauoir aux hommes de roture
Auecque moderation
Et selon leur condition :
Pour Messieurs de la blutterie
Gent qui fait fort la rencherie

-- 6 --


A qui chacun comme à parquet
Crioit ie suis vostre vallet ;
Appellant durant la famine
Leur femme, comere, ou cousine ;
Ces gros Messieurs, dis-ie en prendront
Autant de septiers qu’ils voudront
Deffences à tout personnage
D’arrester ou mettre au pillage
Les farines ny leur charrois
Commandement fait au Bourgeois
D’empescher cette griboüillette
Qui des charrettes seroit faite,
De courir sus, & d’estriller
Ceux qui voudroient ainsi piller.

 

 


Ce iour parut à l’audience
Auecque lettre de créance
Que dans ses poches il auoit,
Vn Gentil-homme qu’enuoyoit
Monsieur le Duc de la Trimoüille
Qui voulant empescher la roüille
De son courage Martial,
A monté sur son grand cheual
Pour le secours de nostre Ville,
Et fait desia prés de huict mille
La moitié monté sur roussins
L’autre moitié de fantassins
Qu’il n’attend rien pour mettre en voye
Qu’vn ordre que la Cour enuoye
Dont il demande l’vnion
Auecque vne Commission
Pour arriuer en diligence,
Surquoy la Cour à l’audience
Incorpora par son traitté
Ce Duc de bonne volonté,
Qui pour son secours s’interesse,
D’Estissac, & d’autre Noblesse
Qui s’attrouppe en diuers quartiers

-- 7 --


Auec la Ville de Poictiers.

 

 


La nuit les trouppes ennemies
Que nous croyions estre endormies
Vinrent voit ce que nous faisions
Et le pont que nous acheuions
De batteaux dessus la riuiere ;
Cet ouurage ne leur plut guiere
Et ces trouppes qui n’estoient peu
En voulurent faire du feu,
C’estoit du costé de la Brie
Que ladite caualerie
Parut pour allumer ce pont,
Mais leur retour fut aussi prompt
Qu’auoit esté leur arriuée
Heureuse de s’estre sauuée,
Puisque Messieurs nos Generaux
Alloient les tailler en morceaux.

 

 


Vendredy douze retournerent
Et les articles apporterent
Que Nosseigneurs les Deputez
A Ruel auoient arrestez
Il estoit tard quand leur presence
Nous donna beaucoup d’esperance.

 

 


Dés ce iour à tous fut permis
De boire auec les ennemis ;
Et l’on sçait que les deux armées
Depuis ce temps se sont aimées
Il n’est pas resté pour vn grain
De badaut ny de Mazarin.

 

 


Et sur de grands batteaux en suitte
Force farine fut conduitte
Que l’on descharge à l’Arsenac,
Que n’a pas predit l’Almanach,
Luy qui disoit (qu’il aille au diable)
Prise de ville esmerueillable,

-- 8 --


Nous aurions esté bien marris,
Si c’auoit esté de Paris.

 

 


Le Samedy du mois le treize
Le Parlement ne fut pas aise
D’apprendre que nos Generaux
N’estoient qu’en termes generaux
Compris au traitté pacifique,
Sans auoir fourny leur replique
Veu que personne de leur part
N’auoit contesté pour leur part,
Il voulut qu’auant l’ouuerture
Et des articles la lecture
Derechef tous les Deputez
Allassent vers leurs Majestez
Pour y traitter des aduantages
De ces magnifiques courages,
Et de tous les interessez,
Tant les hauts que les rabaissez,
Qu’ils supplieroient le Roy de mettre
En vne seule & mesme lettre.

 

 


Ce iour on eut aduis certain
Que le sieur du Plessis-Praslain
Tira des garnisons voisines
Vn gros de trouppes Mazarines
D’enuiron trois mille soldats
Auec lesquelles à grand pas
Il marcha dessus l’asseurance
Que Monsieur l’Archiduc aduance
Entre les deux fleuues vers Han,
Qu’il ne verra pas de cet an.

 

 


Le Dimanche la matinée
Et la quatorziesme iournée
Que la pluspart s’estoient bottez
De nos Messieurs les Deputez,
Lettre de cachet fut receuë

-- 9 --


En termes absolus conceuë,
Portant vne interdiction
De faire deputation,
Que les Articles qu’apporterent
De Ruel ceux qui confererent
N’eussent esté verifiez,
Surquoy Messieurs furent criez.
Par l’insolente populace
Qui les poussoit auec menace,
Et nonobstant ont resolu
Que le lendemain seroit leu
Le contenu desdits Articles
Et qu’auec paire de besicles
Ils examineroient de prés
S’ils portoient vne bonne Paix

 

 


Lundy la teste defublée
Nos Chefs entrez à l’Assemblée,
Lesdits articles furent leus,
Dont la Cour ne fit point refus ;
Ains l’accommodement accepte,
Et veut comme elle trouue inepte
Quelque Article de ce Traitté,
Qu’il soit derechef Deputé,
Pour en obtenir la reforme
Afin qu’en repos chacun dorme :
Ordonné qu’on dira deux mots
Au profit de nos Generaux
Qui pour cela feront escrire
Ce que chacun pour soy desire,
Pour estre au Traitté de Paris
Tous les interessez compris.

 

 


Ce mesme iour Courrier du Maine
A mis nos esprits hors de peine
Où long-temps ils auoient esté,
Si le Diable auoit emporté

-- 10 --


Le grand Marquis de la Boullaye,
L’effroy de S. Germain en Laye,
Car il nous dit qu’il a paru
Et deuers ces quartiers couru
Et que sa demarche guerriere
Ayant fait monstrer le derriere
Au sieur Marquis de Lauerdin
Lequel armoit pour Mazarin,
Aussi-tost toute la contrée
Pour Paris s’estoit declarée.

 

 


Mardy seize nos Deputez
Sous des saufconduits apportez
Ayant tous mangé d’vne souppe,
Se sont acheminez en trouppe
Pour leurs Majestez supplier
Que du mois d’Octobre dernier
La Declaration receuë
Apres tant d’allée & venuë,
Pour le commun soulagement,
Ne souffre point de detriment.

 

 


Ce mesme iour Messieurs de Ville
Firent vne deffence vtille,
De laisser sortir desormais
De Paris, poudre, ny boullets,
Ny tout ce que la Ville enserre
D’autres munitions de guerre,
Et comme disoit la chanson
Ny plomb, ny mesche, ny canon :
Mandement à la gent soldatte
De sortir de la Ville en haste
Tant de pied comme de cheual,
Tant celle pour le Cardinal
Que pour nous : enioint que bien viste
Ils aillent coucher à leur giste
Dans leurs ordinaires quartiers,
Sur peine d’estre tous entiers

-- 11 --


Et non d’vne seule partie
Hachez plus menu que charpie.

 

 


Mercredy le Duc de Boüillon
Ayant pris congé du boüillon
Des medecines, des clysteres
De Messieurs les Apotiquaires
S’estant leué ce mesme iour,
Releua la Mothe-Houdancourt,
Dans le quartier de nostre armée
Ou la pluspart s’est enrhumée.

 

 


Le mesme iour au Parlement
Fut apporté le compliment
De Monseigneur de Longueuille
Dont l’humeur est tousiours ciuille
Disant qu’il se feroit tuer
Plustost que ne continuer ;
A quoy voulut faire responce
La Cour qui pese tout à l’once.

 

Fin du neufiesme Courrier.

-- 12 --

Section précédent(e)


Saint-Julien,? [?] [1649], LE NEVFIESME COVRRIER FRANCOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_09.