Saint-Julien,? [?] [1649], LE SECOND COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_02.
Section précédent(e)

LE SECOND
COVRRIER
FRANÇOIS,
TRADVIT FIDELLEMENT
en Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez CLAVDE BOVDEVILLE, ruë des Carmes,
au Lys Fleurissant.

M. DC. XLIX.

-- 2 --

-- 3 --

LE SECOND
COVRIER FRANÇOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


LE Mercredy mis sur pied fut
Le premier regiment qu’on eut,
Sur pied, non, i’apperçoy que i’erre
Leurs pieds ne touchoient point la terre,
Ces trouppes à cheual estoient
Et de bons roussins les portoient
Ce fut de Ianuier le treziesme
Qu’vn braue Marquis que tant i’aime,
Nommé la Boullaye autrement.
Leua le premier regiment.

 

 


Aussi cette heureuse iournée
Monté sur vne hacquenée,
Ou sur autre cheual monté
Vint le Mars de nostre costé
Beaufort, dont l’illustre presence
Nous rendit beaucoup d’asseurance.

 

 


Dés ce iour Arrest fut donné
Par lequel il est ordonné
Que les meubles Cardinalistes
Dont on a fait de grosses listes,
Tous ses biens & ses reuenus
Seront saisis & retenus :
Que sera faite vne deffence
Aux Receueurs de sa finance
Et ses Fermiers de payer rien
Que la Cour ne le veüille bien.
Et le lendemain furent faite

-- 4 --


Suiuant cet Arrest, l’inuentaire
Vn Conseiller & quelque Huissier,
De la caue iusqu’au grenier
Des meubles trouuez dans la case
Du Cardinal ce Grand…

 

 


Dés ce iour sortir de son lit
La Seine qui des siennes fit
Et se rendit tellement fiere
La belle Dame la Riuiere,
Qui s’estoit laissée engrosser.
Par qui, ie vous laisse à penser,
Ie ne sçay si la desbordée
En auoit receu quelque ondée
D’vn quidam appellé le temps,
Qui fit le mauuais fort long temps,
Mais ie sçay bien la malebosse,
Que la chienne deuint si grosse
Qu’enfin il luy conuint chercher
Vn autre lit pour se coucher.
Elle vsa force bois en couche
Comme ie le tiens de la bouche
De ses Marchands mal satisfaits,
Qui n’en tirerent pas leurs frais.
Monsieur le Pont des Thuilleries
Pour en auoir fait railleries,
Fut par elle fort mal traitté,
Et quelque moulin mal monté
Eut proche du Pont Nostre-Dame
Le croc en-iambe de la Dame,
Duquel saut il tomba dans l’eau ;
Où choisirent pareil tombeau
Vingt cinq mulets par leur cheutte,
Engagez dans sa culebutte :
Et dix-sept malheureux mortels
Qui dans l’eau se trouuerent tels.
Or cessa sa rage & sa haine,
Et promit Madame la Seine

-- 5 --


D’estre plus chaste vn autrefois
Le dix-huictiesme de ce mois,
Qu’elle parut fort auallée
Et s’est du tout escoullée.
Le Ieudy vint au Parlement
Beaufort faire son compliment
Et pour demander la Iustice
De l’impertinente malice
Dont Mazarin auoit vsé
Et dont il l’auoit accusé.

 

 


Ce iour comme Messieurs voulurent,
Les boutiques ouuertes furent
Le traffic a recommencé,
Et le trauail qui fut laissé
Pour prendre la noble cuirasse,
Eut son tour & reprit sa place.

 

 


Le Mercredy quinziesme iour
Fut par vn Arrest de la Cour,
Le Duc de Beaufort rendu quitte
De l’accusation susdite
Sauf à luy s’il veut par apres
De poursuiure ses interests
Contre ceux, & de telle mode
Qu’il iugera la plus commode.

 

 


Ce iour il nous est rapporté
Que l’Hospital est arresté
Par l’Ordre de son Eminence
Sur ce que par sa remonstrance
Il vouloit desiller les yeux
Afin que la Reyne vit mieux
L’insolence & les fourberies
La malice & les volleries
Qu’exerce ledit Cardinal
Qui s’est saisi du Mareschal

-- 6 --


Et tient force gens de sa taille
C’est à dire de la canaille,
Des mouchards qui vont assiegeans
Sa bonne Altesse d’Orleans.

 

 


Nostre armée est de beaucoup creuë,
Et la leuée est continuë :
Si bien qu’on croit qu’en peu de iours
D’hommes marchans sous les tambours
De cette gent qu’on nomme drille,
Nous aurons bien quatorze mille
Sans comprendre les caualiers
Dont nous aurons six milliers.

 

 


Le Samedy deuant Dimanche
Persan qui boitte d’vne hanche
Et chef des Bandits Mazarins
Ayant par tout vollé les grains,
Surprit par sa supercherie
Lagny, riche Ville de Brie.
Car le déloyal arresta
Le Maire qui parlementa
Sur la parole de ce traistre
Qui menaça de rauir l’estre
Au pauure Maire qu’il retint
N’estoit que le Bourgeois atteint
De compassion pour son Maire
Receut comme vn mal necessaire
Pour sauuer ce vieillard grison,
La Mazarine garnison.

 

 


Ce fut lors qu’vn Abbé tres-digne
Issu d’vne famille insigne
Atcheuesque des Corinthiens
Et l’aide des Parisiens.
Homme qui presche des merueilles,
Dont les vertus sont sans pareilles,

-- 7 --


Au surplus vaillant s’il en est
Quand il y va de l’interest
De sa Majesté Tres-Chrestienne,
Fut faite en audience pleine
Membre de la Cour ayant voix,
Ce fut le seiziesme du mois :
Et du depuis leue & souldoye
Ce Pontife de sa monnoye,
Vn gentil regiment qu’il fait.

 

 


Ce iour du Dimanche dix-sept
Sur l’Ambassade de Prouence
La Cour voulut tenir sceance,
Pour receuoir le compliment
De cet esloigné Parlement
Qui demande de faire ensemble
Contre le Mazarin qui tremble.

 

 


Le Lundy dix-huict fut fait Pair
Le grand Duc de Beaufort sans pair,
Et comme tel il prit sceance
Auec Messieurs à l’audiance,
Où lecture haute se fit
De la lettre qu’on escriuit
Aux Parlements de ce Royaume,>
A Blois, Orleans & Vendosme
Et Villes autres de l’Estat,
Lettre qui portoit l’attentat
De Mazarin fameux corsaire,
Et qu’on appelloit circulaire
Par icelle l’on rencontroit
Qu’vn Estranger conrre tout droit
S’efforçoit de trousser en malle
Toute l’authorité Royalle ?
Qu’il auoit menty puamment
Pour opprimer le Parlement

-- 8 --


Auec la liberté publique,
Que ce Cardinal frenetique
Ce diable d’enfer trauesty
Tenoit tout Paris inuesty
Et que des trouppes Polonoises
Faisoient aux Marchands mille noise
Que Paris craignant ces vautours
Demandoit humblement secours
Contre la fureur Cardinalle
Et la ruyne generalle
Dont le Royaume est menacé
Si Paris estoit fricassé.

 

 


Le soir à cheual trouppes fortes
Sortirent par diuerses portes
Pour la seureté des Marchands
Qui portent des viures des champs,
Dont on a tousiours eu de reste
Graces à la Bonté celeste
Et les soins de nos Senateurs,
Contre le dire des menteurs.

 

 


Le Mardy vinrent quelques hommes
Disant qu’au bas païs des pommes
Monsieur de Matignon leuoit
Toutes les trouppes qu’il pouuoit
Pour Monseigneur de Longueuille
Et le secours de nostre Ville
Dont la vertu doit faire peur
Aux artisans de son malheur.

 

 


Ce iour toute la Cour arreste
Que Meliand à sa requeste
Chez les Comptables & Fermiers
Saisira les publics deniers
Qui de toutes parts feront gille
Aux coffres de l’hostel de Ville ;

-- 9 --


Et non à ceux des creantiers :
Auec deffences ausdits Fermiers
Receueurs, autres gens d’affaires,
Comptables & reliquataires
De payer le moindre teston
Que la Cour ne le trouue bon.
Ce iour auec cauallerie
Sortit du costé de la Brie
Le genereux Prince d’Elbeuf,
C’estoit de Ianuier le dix-neuf,
Qu’ayant rencontré quelque bande
Des volleurs de nostre viande,
Notamment de cinq cens gorets,
Il prit en main leurs interests
Et battant ces oyseaux de proye,
Il les reconquit auec ioye
Que ces animaux par leurs cris
Firent connoistre à tout Paris.

 

 


Du Mereredy vingt on nous mande
De la capitalle Normande,
Que Harcour vint gaillardement
Pour prendre le Gouuernement
Du Seigneur Duc de Longueuille,
Mais que Messieurs de cette Ville
S’assemblerent tous pour peser
Ce qu’il leur venoit proposer,
Et que pendant la Conference
Le Comte eut belle patience
Pour vn esprit vn peu fougueux
D’attendre au Conuent des Chartreux
Hors des faux-bourgs de cette Ville,
Et de deuenir plus tranquille
Cependant que ce Parlement
Ordonna d’vn consentement
Qu’on prieroit la Reine Regente
D’estre si bonne & complaisante

-- 10 --


De laisser Roüen tel qu’il est
Deffendre seul son interest :
Sans receuoir de la milice
Pour estre pleine de malice :
Que le Bourgeois se gardera
Et qu’audit Sieur Comte il plaira
De dresser autre part sa marche
Si bien qu’il vint au Pont de Larche
Monté sur vn cheual roüen
Sans auoir entré dans Roüen,
A deux postes de cette Ville.

 

 


Ce iour Monsieur de Longueuille
Partit escorté de Paris
Par des Caualiers aguerris,
Pour conseruer la Normandie
Terre belliqueuse & hardie
Qui nous promet en peu de iours
Vn considerable secours.

 

 


La Cour fit deux Arrests en suitte
Dont l’vn porte que sur la fuitte
De beaucoup de particuliers
Sous des habits de Cordeliers
De gueuses & de chambrieres,
De païsannes & de laittieres,
On deffendoit à tous mortels
De prendre plus des habits tels,
Ny de changer leur Seigneurie
Ne fust-ce que par raillerie,
Et que la Cour traitteroit mal
Tous les masques du Carnaual
Qui voudroient sortir de la Ville
Permis seulement à Virgille
De paroistre ainsi trauesty
La Cour par l’autre a consenty
De garder la vieille Ordonnance
Par les gens de guerre, & deffence

-- 11 --


A tous soldats de violer,
De brusler, ou de rien voller :
Et celle du dernier Octobre
Qui leur commande d’estre sobre
Et de se contenter des mets
Que les hostes leur tiennent prests
De leur pain, & de leurs estappes,
Sans leur donner de grandes tappes
Sans les battre ou les exceder
Ny de l’argent leur demander,
Sur peine d’en perdre l’enuie
Auec leur miserable vie,
Et que les biens en respondront
Des Chefs qui les commanderont.

 

 


Ce iour les trouppes Polonoises
Qui ne sont nullement courtoises,
Au bourg de Sevre & de Meudon
(Dieu veüille leur faire pardon)
Commirent trente violences
Et plus d’vn quarteron d’insolences
Ils pillerent les Sacrez lieux,
Et ces vilains luxurieux
Dénicherent les pucelages
Des ieunes filles de villages :
Ils firent les maris cocus,
Ils prirent plus de dix escus.
Bruslerent vne pauure femme,
Emporterent ses bas d’estame,
Mirent le feu dans les maisons,
Plumerent quantité d’oisons,
Polluerent plusieurs Eglises,
Laissant les Curez sans chemise
Et qui monstroient leurs nuditez
A leurs Trouppeaux espouuantez,
Enfin telle fut la ruyne
Que fit la trouppe Mazarine
Qu’apres les meubles les meilleurs

-- 12 --


Qui furent pris par ces volleurs
Ils rompirent auec rage
Les reliques dé ce naufrage,
Entr’autres plusieurs pleins tonneaux
Tant de vins viels que de tonneaux
Quand ils furent saouls comme dogues
Aussi deux de leurs Chefs tres-rogues,
Furent enuoyez deuant Dieu
Par les habitans de ce lieu.

 

Fin du second Courrier.

Section précédent(e)


Saint-Julien,? [?] [1649], LE SECOND COVRRIER FRANÇOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_02.