Saint-Julien,? [?] [1649], LE SIXIESME COVRRIER FRANCOIS, TRADVIT FIDELLEMENT en Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_2848. Cote locale : C_2_42_06.
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LE SIXIESME
COVRRIER
FRANCOIS,
TRADVIT FIDELLEMENT
en Vers Burlesques.

A PARIS,
Chez CLAVDE BOVDEVILLE, ruë des Carmes,
au Lys Fleurissant.

M. DC. XLIX.

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LE SIXIESME
COVRIER FRANCOIS
EN VERS BVRLESQVES.

 


LE quatorziesme & le Dimanche
Que chacun met chemise blanche
Iour à prier Dieu consacré
Monsieur de Bayeux fut sacré
Dans la Chappelle de Sorbonne.

 

 


Cependant que la Ville ordonne
Aux chefs & maistres des maisons
Nonobstant toutes leurs raisons
De venir eux mesmes en garde
Portans mousquet ou hallebarde
Et d’estre chez leurs officiers
Aux mandements particuliers :
De suiure à beau pied, non sans lance,
Leur Capitaine, & s’il les tance,
Endurer sa correction
Et souffrir iusqu’au morion :
De venir quand on les appelle
En faction ou sentinelle
Selon que veut le caporal
Qui bien souuent est vn brutal,
Tousiours ignorant, parfois yure,
Mais bien qu’il ne sçache pas viure,
Fit-il en commandant vn rot,
Il faut suiure sans dire mot
Et là prendre mainte roupie
Si le caporal vous oublie
S’il cause, s’il dort, ou s’il boit,
Sans oser sortir de l’endroit,

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Ou pour sentinelle il vous pose,
Tant qu’il boit, qu’il dort, ou qu’il cause :
Deffences à tous les soldats
D’auoir entr’eux aucuns debats
Quand ils sont dans le corps de garde ;
Ny fierement s’y mettre en garde
L’espée au poing pour vn duel
Veu que c’est vn acte cruel,
Sur peine de perdre la vie :
Deffence en toute compagnie
De receuoir aucun vallet,
Cocher, Laquais, ny de cadet
Que son peu de seiour sur terre
Rend incapable de la guerre.
Le Lundy le Duc de Boüillon
Prit dés le matin vn boüillon
Et dans le lit s’estant fait mettre
Il receut du Prince vne Lettre
Qu’il fit porter au Parlement :
Le Prince apres vn compliment
Luy tesmoigne par sa missiue
Qu’il veut que la Vallette viue,
Surquoy la Cour par vn excez
De bonté surseoit son procez,
Et veut pourtant que sans attendre
Tous ses meubles on fasse vendre ;
Et que sa vaisselle d’argent
Sous la conduitte d’vn Sergent
Tienne dés ce moment la voye
Et le chemin de la monnoye.

 

 


C’est aussi ce quinziesme iour
Que le grand la Mothe-Houdancour
Au Parlement prend sa sceance ;
Permis d’y dire ce qu’il pense
Et Conseiller ad honores.

 

 


On eut aduis le iour d’apres

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Qu’à Soissons la correspondance
Qu’auoient auec son Eminence
Les Maires & les Escheuins
Ayant induit ces Mazarins
De venir faire de leur Ville
A S. Germain offre ciuille,
Que le Lieutenant General
Qui n’aime pas le Cardinal
S’estant mis tres fort en cholere
A fait eslire vn autre Maire
Et creé nouueaux Officiers :
Qu’ils furent camus les premiers
Lors que la gueulle enfarinée
Par vne belle apresdisnée
Estant à Soissons retournez
On leur ferma la porte au nez ;
Quelqu’vn d’entr’eux prend la parolle,
Mais zeste comme il a pris Dolle,
L’habitant est sourd à sa voix
Et par tout visage de bois.

 

 


Cependant lettre interceptée
Au Parlement est apportée
Sans addresse ou soubscription :
Lettre pleine d’inuention
Pour reuolter toute la France
Que Messieurs par vne Ordonnance
Mardy seize de Fevrier
Commirent pour verifier,
Auec ordre d’arrester l’homme
Qui portoit ces lettres. Or comme
Le Duc d’Elbeuf & ses enfans
Reuenoient tous quatre des champs
Ils trouuerent dans vne plaine
Quelques picorreurs de Vincenne
Qu’ils recogneurent au Chasteau,
Leur chef resté sur le carreau.

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Ce fut cette mesme iournée
Qu’à sept heures la matinée
Messieurs n’estans point assemblez
Il vint de Chatres force bleds
Conduits par le grand la Boullaye,
Homme qui ne cherche que playo
Et bosse auec ses ennemis,
C’est luy qui par ses soins a mis
Malgré la bile Cardinalle
Trois cent muids de bled dans la halle,
Le conte en ayant esté fait
Mercredy du mois le dix-sept.

 

 


Iour que les Gens du Roy marcherent
Sous les passeports qu’enuoyerent
Leurs Majestez pour le chemin,
Ils s’en alloient à S. Germain
Dire à la Reine en bonne amie
Que par haine ce ne fut mie
Que l’on renuoya son Herault
Et qu’on cria sur luy harault,
Et la prier qu’elle n’en grogne
Quand deuers le bois de Boulogne,
Ils virent arriuer d’amont
Ce vaillant Mareschal Grammont
Qui venoit leur offrir main forte
Et qui leur fit tousiours escorte
Tant qu’arriuez à S. Germain
Ils eurent traittement humain.

 

 


Ce iour vne bande ennemie
Vint sonder quelque Infanterie
Que nous auions dans Charenton
Et si par composition
On pourroit derechef destruire
Le pont que l’on a fait construire
Et rendu derechef tout neuf
Par l’ordre du Prince d’Elbeuf :

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Mais considerant nostre mine
Ladite trouppe Mazarine
Et nos profonds retranchemens,
Apres beaucoup de complimens,
Ausquels porterent nos responces
Certains canons mal plaisans nonces,
En fin elle doubla le pas
Hors du Bourg, & ce ne fut pas
Sans auoir ioüé de son reste
Et laissé pour marque funeste
Le feu dans deux pauures maisons
Qui ne sont plus que des tisons :
De là vers Montreüil elle aduance,
Montreüil qui pour leur subsistance
C’estoit iusqu’icy cottisé,
Et que sçachant estre espuisé
Elle courut mettre au pillage
Ce qui restoit en ce village.

 

 


L’on eut aduis Ieudy dixhuict
Que sur vn Regiment qui nuit
Qui pille, qui fait rage en Brie,
Regiment de Cauallerie
Iadis au Prince de Conty
Et dont le nom est conuerty
Depuis en celuy de Bourgogne,
Sur luy, dis-je, vn nommé Bourgogne
Gouuerneur vigoureux & vert
Sortit de Brie Comte-Robert
Auec quelque caualerie
Et des trouppes d’infanterie
(Si le Courrier n’est point menteur)
Il le rossa d’vne hauteur
Qu’il ne se peut pas dauantage,
Vangeant ainsi, par le carnage
De six vingt tuez sur le champ
Leur ancien Mestre de camp,

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Soixante prisonniers resterent,
Les autres le taillis happerent.

 

 


De Rouen il nous est mandé
Que le beau-frere de Condé
Longueuille l’inébranlable
Refuse d’estre Connestable :
Que son cœur est tousiours esgal
Quoy que tante le Cardinal
Qui croit le pouuoir par cet offre
Remuer comme on fait vn coffre,
Malgré sa generosité,
Et l’attirer de son costé :
Mais l’Eminence est abusée
Elle en aura Mardy fusée.

 

 


Ce iour au Parlement on lût
La lettre qui surprise fut
De Cohon à son Eminence
Sa lettre leuë à l’Audience,
La Cour dit qu’on l’obserueroit
Et gardes on luy donneroit,
Comme on feroit à son confrere
Certain quidam Euesque d’Aire.
De plus qu’on prendroit au collet
Vn Conseiller du Chastelet
Homme d’vne mesme farine
Launé dont l’ame est Mazarine :
Mais chacun fut bien estonné
Qu’on ne trouua plus de Launé,
Il eut le vent de cette affaire,
Tandis que quelque Commissaire
Suiuant cet Arrest prit son vol
Chez Cohon Euesque de Dol
Pour apprendre ses monopoles,
Mais il n’en eut que deux paroles,
Assauoir que les Iuges Lais
Pouuoient retourner au Palais,

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Qu’il ne connoissoit que le Pape,
Et comme mordant à la grappe
Il repetoit souuent cela,
Quand doctement le regoula
Le Iuge qui l’alla confondre
Si bien qu’il ne pût rien respondre :
Car apres auoir rapporté
Qu’aux faits de cette qualité
Qui n’est qu’interroger vn homme,
On se passoit d’aller à Rome,
Et qu’il demandoit ce renuoy
Contre l’authorité du Roy
Qui sur les Euesques de France
Garde tousiours pleine puissance,
Sans courir à sa Saincteté
Sur tout en leze Majesté,
Il luy cita quelque Concile,
D’exemples plus de quatre mille,
Et trop puis qu’il demeura sot
Sans pouuoir respondre vn seul mot ;
Sinon, Messieurs, au Pape au Pape,
Ie vais disner, on met ma nappe,
A dieu ne m’importunez pas
Laissez moy prendre mon repas
Surquoy ces Messieurs emporterent
Certains papiers qu’ils rencontrerent
Et quelqu’autre brinborion
Au cabinet dudit Cohon ;
Et vinrent chez l’Euesque d’Aire
Qui ne fit pas tant de mystere,
Mais apres auoir protesté
Pour ceux de cette qualité
Leur franchise & leur priuilege,
Il respondit dessus vn siege.

 

 


Ce iour l’Archeuesque regla
Et par son reglement sangla
Messieurs de Ieusne & de Caresme
Qui s’en venoient à face blesme

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Victorieux du Carnaual
Pour seconder le Cardinal
Et nous oster la bonne chere,
Mais la farine estoit trop chere,
Ce qui fit que nostre Pasteur
Vsant enuers nous de douceur
Par vne forme d’Indulgence
Et sans tirer à consequence
Nous accorda de manger œuf,
Poullet, mouton, goret & bœuf,
Fromage, veau, perdrix, esclanche
Ieudy, Mardy, Lundy, Dimanche,
En reseruant les Mercredis,
Les Vendredis & Samedis
Et toute la Sainte Semaine,
Temps qu’il laisse sous le domaine
D’vn Caresme tres-rigoureux
Qui sera le reste aux Chartreux.

 

 


Le Vendredy vinrent d’emblée
Les Gens du Roy dans l’assemblée
Dire qu’allez pour descharger
Ce dont on les daigne charger
Aux pieds de la Reine Regente
Qui ce iour fut d’humeur plaisante
Elle leur fit ciuilité
Et promit vne infinité
De faueurs & de bien-veillance
Dés que par leur obeyssance
Messieurs de la Cour prouueroient
Les respects dont ils l’asseuroient

 

 


Or fut ce iour bien ébahie
Son Eminence d’Italie
Quand elle apprit que son argent
N’auoit pû destourner l’Agent
Lequel l’Archiduc, de Bruxelle
Enuoye à Monsieur de Brousselle
Comme au reste du Parlement

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Faire vn honneste compliment :
Ce fut ce iour là que le drolle
Nous fit voir sa trogne Espagnole,
Et que recreu de son trauail
Il ne prit qu’vne gousse d’ail,
Car il n’eut point de patience
Qu’il ne fut en pleine audiance
Et que la main sur le rognon
Il ne fit tomber vn oignon
Comme il tiroit de sa pochette
Vne missiue tres-bien faite,
Dattée à Bruxelle du dix,
Et quatre iours apres le six
Du Lieutenant du Roy d’Espagne,
Qui voyant que rien il ne gagne
A faire la guerre aux François
Leur faisoit offre par sa voix
De la paix qu’ils ont souhaittée,
Et par Mazarin rejettée,
Remettant tous ses interests
Dans les mains des donneurs d’Arrests,
Auec ceux du Duc de Lorraine,
Qu’on ne peut separer sans peine :
L’agent finit en disant mal
Contre Monsieur le Cardinal,
Blasmant son mauuais ministere
Et dés qu’il luy plûs de se taire
La Cour voulut qu’il escriuit
Ce qu’il auoit dit, ce qu’il fit :
Cependant que dans la sepmaine,
On deputeroit vers la Reine
Pour l’instruire de tout cela,
Et prier par ce moyen là
De ne pas faire la Normande
Ains comme la Cour luy demande,
Et qu’à Messieurs les gens du Roy
Elle donna Ieudy sa foy
De nous estre vne bonne mere,

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La prier de vouloir la faire
Esloignant l’importun blocus
Que Paris trouue super flus.

 

 


Samedy vingt-cinq cent charettes
Tant bleds comme farines faites
Renforcerent nos magazins
Au grand depit des Mazarins
Qu’amena du costé de Brie
Au nez d’vne trouppe ennemie
Le grand Marquis de Noirmonstier,
Homme qui sçait bien son mestier
Qui sauua toute sa farine
Du Gouuerneur de Graueline
Appellé Comte de Grancé,
Où le combat fut balancé :
Mais nous eusmes victoire entiere
Peu de no ; gens au cimetiere
Encor quc le choq fut tres-chaud
Monsieur de la Roche-Foucaud
Et Monsieur de Duras le ieune
Blessez par mauuaise fortune.

 

 


L’on eut aduis en mesme temps
Que de Melun les habitans
Ont défait sans misericorde
Toutes les trouppes de la Borde
Et fait rentrer auec roideur
Au Chasteau ledit Gouuerneur.

 

 


L’on a des seize Colonelles
Enroollé des trouppes tres-belles
Et cent de chacune on a pris
Pour le Regiment de Paris,
Que conduira le Duc de Luyne
Duc, dont l’on battoit en ruyne
Le Chasteau Lesigny, qu’ont pris
Le Dimanche les ennemis.

 

Fin du sixiesme Courrier.

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