Sandricourt,? de [?] [1652], L’ESTAT PRESENT DE LA FORTVNE DE TOVS LES POTENTATS ET DE TOVTES LES PVISSANCES DE L’EVROPE, EN PROVERBES. , françaisRéférence RIM : M0_1301. Cote locale : B_2_24.
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L’ESTAT PRESENT
DE LA
FORTVNE
DE TOVS
LES POTENTATS
ET DE
TOVTES LES PVISSANCES
DE L’EVROPE,
EN PROVERBES.

A PARIS.

M. DC. LII.

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L’ESTAT PRESENT DE LA
Fortune de tous les Potentats & de toutes
les Puissances de l’Europe
en Prouerbes.

Le Grand Seigneur.

IE ne suis pas si Diable, que ie suis noir.

Le Mesme.

Ie ne veux point de bruit si ie ne le fais, & quand
ie remuë tout bransle ; mais ie ne suis guere plus
seurement dans ma Cour, qu’au milieu d’vn bois.

Le Muphti, Grand Prestre de la Loy des Turcs.

Il n’est si grand qui ne trouue par fois son Maistre ;
& il est écrit, Mets raison en toy, ou elle s’y
mettra ; & que doit vouloir le Roy, ce que veut la
Loy.

Le Grand Visir, Lieutenant General de l’Empire
des Turcs.

A tel maistre tel valet ; à qui a bon maistre il a
bon temps.

Le Bassa de la Romanie.

Nous tirons tousiours quelque plume de l’aisle
aux Chrestiens.

Les Chrestiens Grecs.

Nous sommes à nostre dernier maistre, & n’attendons

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secours que de la grace de Dieu.

 

Le Patriarche des Grecs Schismatiques.

En tous pays toute guise, à chaque oyseau son
nid est beau.

Les ieunes Chrestiens Renegats.

Les Honneurs changent les mœurs.

Le Despote de Seruie.

Il vaut mieux ployer que rompre, & necessité
contraint la Loy.

La Vvaiuode de Valachie.

I’ay tout besoin de charrier bien droict, ie suis
éclairé de loin & de prés.

Le Transsyluain.

Vn bon manteau sert bien en Hyuer contre le
froid, en Esté contre la pluye.

La Republique de Raguse.

Ie tiens mieux que par le bout du doigt.

La Hongrie partagée entre le grand Seigneur
& l’Empereur.

Ie suis moitié laine, moitié fil ; moitié figue,
moitié raisin ; moitié farine, moitié son : & fais
mentir le Prouerbe, qui dit qu’on ne peut seruir
à deux Maistres.

La Candie.

Ie ne suis guiere mieux que si le Loup me tenoit.

Ceux des Isles de Cephalonie & corfou.

Nous sommes en tiers & danger.

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Lisle de Malte.

Ie suis vne mauuaise espine au pied des
Turcs, &c.

Les Cheualiers de Malte.

Nous nous trouuons souuent où l’on ne nous
demande pas : Et sans nous & le pain, l’Europe
mouroit de faim.

Les Venitiens Seigneurs des Isles de Candie Cephalonie &
Corfou, & d’vne partie de la Dalmatie.

Nous tirons le diable par la queuë, & nous auons
bon courage, mais les iambes nous faillent.

Le grand Duc de Moscouie.

Ie m’en deffends comme ie puis, & tasche à ne
me laisser pas manger le pain à la main.

Les Tartares Procopenses & cosaques.

Nous aimons à viure sur le commun, & sommes
comme Etourneaux qui sont maigres, parce qu’ils
vont trop en bande.

Le Roy de Pologne.

I’ay perdu la plus belle rose de mon chapeau, &
suis plus vené qu’vn Cerf, qui a trente chiens à
sa queuë.

Kumiclnisky chef des Reuoltez de la Russie.

L’occasion fait le larron, & on rompt souuent
son jeusne pour vn bon morceau.

Les Païsans de Russie reuoltez pour les outrages qu’elles reçoiuent
de la Noblesse.

Qui se fait brebis le Loup le mange : Et Brebis

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qui enragent sont pires que Loups.

 

Les mesmes.

Il vaut mieux mourir vne bonne fois que de
tant languir.

L’Empereur.

Chat eschaudé craint l’eau froide, & quand on
s’est tiré d’vn bourbier on craint à s’y refourrer.

Le Duc de Bauieres.

Ie n’en suis pas sorty sans beste vendre, il y est demeuré
de mon poil.

Le Duc de Saxe.

Ie dois sçauoir quel il y fait, j’ay mangé de la vache
enragée auec les vns & les autres, & j’en quitte
le mestier à qui le veut.

Ceux du haut & du bas Palatinat.

On nous a bien couru nostre Paroisse, mais
nous auons la consolation des malheureux qui est
d’auoir des semblables.

Ceux du traict de Magdebourg.

Nous auons veu le Loup à nos despens.

Les Villes Anzeatiques.

Les Sages se monstrent ou ils sont, & bien se passe
de l’escot qui rien n’en paye.

La Reyne de Suede.

I’en parle à mon aise, il iuge des coups.

Le Roy de Dannemarc.

Ie me rends sage aux despens de mes voisins.

Les Hollandois.

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Conduite vaut mieux que rente.

Les Anglois.

Il amende de changer.

Les Escossois.

Il est impossible de ruiner vn gueux.

Les Irlandois.

Les morsures du desespoir sont dangereuses.

Les Flamands.

Qui perd & retrouue ne sçait ce que düeil est.

Les Electeurs de l’Empire.

Les Preneurs à la fin se trouuent pris.

Le Roy de France.

Ie porte le faix de tout.

Le mesme.

On veut me rendre comme la Corneille d’Esoppe,
chacun tasche à me tirer quelque plume de
l’Aisle, & qui n’y peut atteindre, y ruë.

Le Roy d’Espagne.

A beau ieu beau retour, ie commence à me remplumer.

Le Conseil d’Espagne.

Nous nous seruons de la patte du Matou à tirer
les chastaignes du feu.

L’Archiduc.

Ie suis à tout ce qu’il y a de ieu : si ie ne remonte
sur ma beste, il y aura de ma faute.

Le Duc de Lorraine.

Ceux qui m’ont baillé la fée, s’en trouueront

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à la fin mauuais marchands.

 

Le Duc de Sauoye.

Ie suis en hazard de demeurer le cul entre deux
selles.

Le Duc de Neuers.

I’ay perdu la meilleure plume de mon aisle, &
suis au pié du mur sans salade.

Les Neapolitains.

Nous pouuons bien nous ranger à nostre lien,
& nous resoudre à baiser le baboüin, si nous en
pouuons estre quitte à si bon marché.

Les Catalans.

Nous tombons de fiévre en chaud mal.

Les Habitans de Barcelone.

Nous sommes abandonnez des Medecins, &
nous nous sommes mis la corde au col.

Ceux de la Comté de Roussillon.

Ce sera bien-tost à nous le dé.

Les Portuguais.

Il y a bien pour nous, garre le heurt, on
nous aura le poil apres les autres.

Les Genois.

Il faut bien regarder à qui l’on se fie, voila vn
beau miroir pour beaucoup d’autres qui n’y songent
à present, non plus qu’à leurs vieilles matines.

Le Duc de Florence.

Les jeux sont faits pour les fautes.

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Les Luquois.

Les Sages se taisent.

Le Duc de Modene.

Il faut faire comme moy, selon le bras la saignée,
& ne rien entreprendre dont on ne puisse
venir à bout.

Le Duc de Parme parlant de la disgrace du
Duc de Neuers.

Les petits demeurent tousiours sous le faix, &
le pain du fol est tousiours mangé le premier.

Le Pape.

C’est moy qui ay la grand’ main, & ie suis le
Meusnier qui doit separer ces Asires ; mais le feu est
tellement aux estoupes, qu’il est impossible de l’éteindre.

L’Empereur en qualité d’Arbitre de la Chrestienté.

Ie suis le chien au grand collier, mais ie sçay
quel il y fait ; c’est pourquoy comme ils l’ont
assemblé, qu’ils le departent.

Les Suisses & Grisons.

Pour de l’argent nous leur ayderons à s’entr’esgorger
s’ils veulent.

Les Geneuois.

Sur les grandes Mers sont les grands orages,
& où la paix est, Dieu est.

Ceux de Strasbourg.

Nous sçauons nager entre deux eaux.

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Les Habitans de l’Alsace.

Qui a bon voisin a bon matin.

Les Lorrains.

Bretagne a reuanche.

Les Liegeois.

Nous faisons nos orges comme il nous plaist
aux dépens des interessez.

Les Habitans de Sedan & de Boüillon où Mazarin
s’est retiré de la France.

Quand on parle du Loup, on en voit la queuë.

Ceux du Luxembourg.

Nous commençons à r’habiller les pots cassez.

Ceux du pays d’Artois.

Nous changerons encor de Maistre vne fois.

Toute l’Allemagne à la France.

Chacun à son tour.

L’Italie à la France.

Il ne faut auoir les yeux plus grands que le ventre,
& qui trop embrasse mal étreint.

La France.

Ie suis la Cour au Roy Ptaut, chacun y est
Maistre.

La Ville de Paris.

Ie croy que i’ay marché sur de mauuais herbe,
ie ne sçay plus ce que ie fais.

La Picardie.

Ie n’ay rien gagné pour sousfrir.

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La Tierrache.

Ie suis à la gueule au Loup.

La Bourgogne.

Ie commence à me sentir de la mauuaise année.

La Franche Comté.

Ie tireray febues du pot.

Les Prouinces éloignées de Paris, & voisines des Alpes,
& de la mer Mediteranée.

Bien nous prend d’estre loin du Soleil.

La Comté d’Auignon.

Tant prés que vous voudrez, pourueu qu’il n’y
touche.

Les Villes qui furent aux Huguenots.

Nous ne disons mot, mais nous n’en songeons
pas moins.

La Guyenne.

C’est à moy que les chiens aboyent, mais ie
sçay témoigner contre fortune bon cœur.

Ceux du pays d’Aunis, Xaintonge, Limoges, &c.

Nous auons toutes nos saulces.

Ceux du Berry.

L’orage vient de creuer en nos quartiers, mais
il n’est pas échapé qui traisne encor son lien.

La Brie, pais Gaulois, & partie du Chartrain.

On nous baille tous nos Sacrements à la fois.

Le Poitou, l’Anjou, le Maine, & circonuoisins.

Nous en sommes quittes à bon marché, si nous

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pouuons en demeurer là.

 

La Normandie.

I’auray mon tour aprés les autres.

La Bretagne.

Tout est Bretagne, & ie suis à la paille iusqu’au
ventre, tandis que les autres ieusnent tout leur fils
de putain de saoul, & s’entrebattent comme cheuaux.

L’Europe.

Dieu m’aime, il me visite en toutes sortes de
façons.

VILLES INTERESSÉES
dans les Troubles de la France.

Compiegne.

Iamais l’vn ne perd que l’autre ne gaigne.

La mesme.

Tant dure le vin, tant dure la feste.

Pontoise.

Ie me mets en rang d’ognon, & suis de la nopce
des plus auants, & des moins prisées.

S. Germain.

Ie suis écoute s’il pleut.

Meulan.

Il n’est si petit buisson qui ne porte ombre.

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Mante.

Ie suis des Conuiez au Festin, mais ie mettray
les escuelles au pannier.

S. Denys.

Ie ne sçais ausquels obeyr, & chacun dits
i’ay bon droit, mais la veuë découure le fait.

Lagny.

On nous presse bien du costé de la bource.

Brie-contre-robert.

On me serre la bride de bien prés.

Villeneuve-le-Roy.

I’en ay plus que ie n’en puis porter, ie me
trouue prise au trébuchet.

Chastres.

Il ne me reste plus rien qui en l’œil puisse
nuire.

Estampes.

I’ay porté de tout la folle encherc.

Orleans.

I’ay sçeu me tenir sur le bon bout.

Gien.

I’ay eu ma part de la peur.

Blois.

Il a plû sur ma Mercerie.

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Angers.

Ie suis sortie par la porte dorée.

Xaintes.

I’ay fait des miennes comme les autres.

La Rochelle.

On m’a rogné les ongles de si prés, que
ie ne sçay plus ioüer que du bec.

Coignac.

I’ay cogné le lard de tel qui ne s’en vante
pas.

Villeneuve en Agenois.

I’ay vaincu l’inuincible, i’ay merité le
Laurier.

Broüage.

Ie fais rage des pieds de deuant, & suis la
pierre d’achoppement des Mazarins.

Bordeaux.

C’est moy qui suis la Capitainesse & la
Mere des braues Iureurs de Cadedious, qui
tiens le pain à la main de toutes les autres, &
qui fais qu’elles prennent cœur à brassées ; c’est
pourquoy m’osant nommer le Bouleuart de la
franchise, & l’écueil de la Tyrannie, ie merite
qu’on me louë par dessus les Montagnes, par

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dessus les Espagnes ; Que chacun me reuere,
& crie à haute voix ; Viue les Genereux &
braues Bordelois.

 

REFLECTIONS DE L’EVROPE
sur ce sujet.

I’Ay tant d’affaires en ma poche, qu’à peine
i’y puis mettre mõ mouchoir, ie pensois estre
la Mere des honnestes Gens, & des Braues, &
ie voy que ie la suis aussi des Etourdis, & des
Broüillons. Iamais ces pauures malheureux
Chrêtiens ne cesseront donc de s’entremanger
comme Loups, tandis que ce Lyon affamé de
Turc est aux écoutes, pour se faire vne gorge
chaude des premiers qui tombẽt entre ses griffes.
Sur tout la Miserable France est toûjours
à couteaux tirez auec ce Sourcilleux
Espagnol, qui sçait prendre son temps pour
l’attraper, aprés qu’elle a ietté son feu qui va
viste comme feu de paille, & qui la laisse
aprés dans le trouble & l’obscurité. Il la tient si
bien encore en ses filets, qu’il luy est impossible

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qu’elle s’en sauue sans qu’il la plume à souhait :
l’en suis certes si fâchée, que ie ne puis à qui
le dire. Mais il n’y a remede, les jeux sont
faits pour les fautes, & tout ce que ie puis
en sa faueur, est de prier Dieu qu’il l’assiste,
& qu’il la mette dans le bon chemin ; Ce qui
ne sera, ie pense, qu’apres qu’elle aura fait
vn Purgatoire d’Hyuer, aussi bien que d’Esté.

 

FIN.

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