Anonyme [1649], ADVIS CHRESTIEN ET POLITIQVE, A CHARLES II. ROY DE LA GRANDE BRETAGNE. , français, latinRéférence RIM : M0_496. Cote locale : A_2_28.
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ADVIS
CHRESTIEN
ET
POLITIQVE,
A
CHARLES II.
ROY
DE LA GRANDE
BRETAGNE.

A PARIS,
Chez la Veufue IEAN REMY, ruë S. Iacques, à l’Image
S. Remy prés le College du Plessis.

M. DC. XLIX.

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ADVIS CHRESTIEN
& Politique, à Charles II.
Roy de la Grande Bretagne.

PVIS que Vostre Majesté se dispose
auec vn courage vrayement
Royal à redresser le Trosne de ses
Ancestres, duquel la funeste conjoncture
du temps, & l’obstinée
fureur de quelques maudits rebelles (qui ont
encore les mains empourprées du glorieux Sang
du Roy vostre Pere,) vous tiennent esloigné :
Ie crois que Vostre Majesté prendra en bonne
part les aduis qu’vn de ses plus zelés & plus fideles
Seruiteurs prend la hardiesse de luy donner,
pour aider à esmousser les espines qui se
presentent à vostre aduenement.

Premierement, SIRE, ie crois que Vostre
Majesté sçait fort bien, que la crainte de Dieu
estant le commencement de toute sagesse, il est
necessaire que vous commenciez par la resignation
que vous deuez faire entre ses mains, de
vostre sacrée Personne, de vos Couronnes, &

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de toutes vos entreprises ; Et apres cela, Vostre
Majesté n’aura rien à craindre : car la Pieté est la
plus ferme colomne des Royaumes, & le plus
asseuré fondement des Trosnes. Dieu qui tient
en sa main le cœur des Roys, fortifiera le vostre,
& confondra celuy de vos ennemis.

 

Retuæ sirmal
Pietas.

Et en suitte selon le Conseil du Sage, Vostre
Majesté,vestira Iustice pour cuirace, & prendra pour
Armet le Iugement veritable, la Sainteté de vos mœurs
vous seruira de Pauois inuincible, vous esguiserez
vostre ire cruelle pour espée, & tout l’Vniuers se ioindra
auec vous pour combattre les insensez. En vn
mot, il faut que vostre vertu aussi bien que vostre
bon droict vous restituë vos Couronnes, &
les soustienne auec fermeté sur vostre teste.

Regum Iustitiæ
custes.

Sapien. ch. 5.

Et comme il est moins glorieux, & plus dangereux
de faire par ses Lieutenans ce qu’on peut
faire dignement soy-mesme ; Il faut tout voir,
tout entendre, & pouruoir à tout s’il est possible ;
C’est pourquoy il est bon que Vostre Majesté
se resoluë d’aller en personne en son Royaume
d’Irlande, puis que c’est celuy qui est le
moins infecté de crime & de rebellion : Vostre
arriuée sera semblable à l’apparition d’vn Astre
benin, elle dissipera tous les broüillars qui y
peuuent causer des orages, elle calmera la fureur
des Peuples, & ils seront rauis de reparer
en la personne du Fils, l’horrible & l’execrable

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barbarie que les Anglois ont commis sur celle
du Pere.

 

Mais comme rien ne se doit entreprendre
que par bon Conseil, Vostre Majesté est tres-humblement
suppliée de n’admettre dans son
Conseil d’Estat & Priué, que des personnes dont
la sagesse, l’experience, la probité, l’affection &
la fidelité luy seront bien cognuës ; Et sur tout
ceux qui par leurs vertus & excellentes qualitez
se seront acquis l’estime & l’affection des Peuples ;
Et au contraire chasser & esloigner de vostre
sacrée Personne ceux qui ne s’y maintiennent
que par flateries, ou qui ne sont portez
que par leur interest particulier. Appliquant,
ce que dit sagement vn grand Roy à son
Fils,vos plus grandes finesses à n’estre point trompé,
ny trompeur.

Nil nisi Consilie.

Charles IX. Roy
de Suede, à son
Fils Gustaue
Adolphe.

Vn Conseil d’Estat bien choisi, sera tousjours
agreable aux Peuples qui se tiendront
dans l’obeïssance, & redoutable aux rebelles,
& vostre Majesté tirera plus de seruice par la
moderation & par la douceur de ce Conseil,
qu’il ne fera par la force des armes. Quant aux
personnes dignes de ce chois, ie ne m’émanciperay
pas d’en dire mon sentiment, ce seroit
trop entreprendre, & ie serois iugé temeraire ;
me contentant de dire que tous les Ministres
que Vostre Maiesté choisira pour le Conseil des

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trois Royaumes en general, ou pour le chacun
d’iceux en particulier, se doiuent aimer & vnir
estroitement, & tous ensemble ne respirer que
le bien de vostre seruice & l’affermissement de
vostre Sceptre ; mais sur tout il en faut choisir qui
ayent les mains pures, & qui soient de facile
abord.

 

Et afin que le voyage que Vostre Majesté
premedite de faire en Irlande, (& auec le temps
& le bon plaisir du Roy des Roys, dans vos deux
autres Royaumes d’Angleterre & d’Escosse,)
soit glorieux, vtile, & asseuré ; Il est besoin d’examiner
toutes vos forces, estre certain des secours
qui pourroient estre necessaires, & ne se
fier particulierement qu’aux choses presentes,
& à celles que vous commandez & possedez. Et
sur tout estre asseuré d’y pouuoir regner en toute
seureté, & d’y estre receu & accueilly par les
Peuples auec affection & obeïssance ; lesquelles
il est facile d’obtenir, en faisant publier parmy
eux vn excellent Manifeste, contenant sur tout
vn pardon & amnistie vniuerselle pour tous
ceux qui se remettront dans l’obeïssance legitime ;
pourueu toutesfois qu’ils ne se trouuent
point estre coupables de l’execrable regicide
commis sur la personne du feu Roy, d’immortelle
memoire. La Clemence attire l’amour &
le respect, & la misericorde sans fiel & sans fourberie

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gaigne le cœur des plus farouches ; Il faut
estre doux, affable, gay, veritable, accessible,
& accueillant à tout le monde, & escouter auec
patience les plaintes des foibles & des oppressez ;
mais sur tout tenir inuiolablement sa foy &
ses promesses, recompenser de biens & d’honneurs
les vertueux & les vaillans, & chasser de
vostre Cour, ou punir seuerement les vicieux,
& les flateurs, qui sont la peste des Princes.

 

Prouc 20. v. 28.
Misericordia &
veritas custodiunt
Regem, Pietas
fulcit solium.

Et pour se rendre capable de dompter les rebelles
& les Tyrans de vos Royaumes, il faut
premierement que Vostre Maiesté dompte ses
passions, & qu’il serue d’exemple à tous ceux qui
le contempleront, qu’il tende la main à la vefue
& à l’orphelin qui gemissẽt, qu’il abbatte le sourcil
des orgueilleux, & fasse grace & bien aux
humbles & aux pauures ; qu’il sçache que le
sang de l’innocent respandu, & celui du meschant
conserué crient esgalement vengeance.
Et en vn mot, qu’en toutes vos actions vous
agissiez tellement que vous puissiez estre aduoüé
& beny de Dieu, & satisfait interieurement
par vne bonne conscience.

Ainsi, SIRE, vous attirerez non seulement
le cœur & l’obeyssance de tous vos Suiets, mais
aussi les loüanges de toutes les Nations : & les
meschans s’enfuieront arriere de vostre face, &
trembleront de crainte au seul Nom de V. M.

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Que si quelqu’vn des trois Royaumes vous
offre son obeissance ; il faut qu’il enuoye par deuers
vous ses Deputez authorisez valablement,
& qu’il donne des suffisantes cautions pour l’execution
de ses offres ; Et lors qu’ils vous auront
rendu leurs sumissions telles qu’ils sont obligez
de faire, & que les seuretez & Ostages, s’il est
necessaire, seront donnez à Vostre Maiesté ; La
premiere preuue de leur obeissance paroistra
dans l’acceptation du Vice-Roy que vous y establirez
& enuoyerez, auec tel pouuoir amplifié
ou restraint, que vous & vostre Conseil iugerez
à propos, sans toutesfois rien innouer, diminuer
ou changer aux Loix fondamentales de vostre
Estat.

Et pource qu’il semble que les affaires du
Royaume d’Irlande sont en assez bon estat, pour
obliger Vostre Majesté à y aller ; il sera necessaire
pour la seureté de vostre traiect, & pour celuy
de vostre arriuée, & mesme aussi pour la dignité
de vostre personne, & pour imprimer à
l’abord l’amour & la crainte dans le cœur de
vos Suiets, d’y aller accompagné de nombre
suffisant de Nauires & de gens de guerre, afin
que ioignant les forces qui vous accompagneront
auec celles que vous y trouuerez à vostre
deuotion, vous puissiez faire vn corps d’Armée
assez considerable pour estouffer la rebellion,

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& reduire vn chacun dans son deuoir.

 

Comme Vostre Maiesté sera arriuée en Irlande,
elle receura auec affection & tendresse
tous les Ordres du Royaume, & caressera sur
tout la Noblesse, qui y est naturellement vaillante.
Elle conuoquera le Parlement apres auoir
congedié celuy qui n’auoit pas esté conuoqué
par l’Ordre de Vostre Maiesté, ou par celuy du
feu Roy, ou qui auoit esté contraire à ses commandemens.
Apres Vostre Maiesté se fera sacrer
& couronner Roy de la Grande Bretagne,
& presidera en la premiere Assemblée du Parlement,
où elle fera vne Harangue succinte, laquelle
sera dilatée par vostre Chancelier, lequel
representera auec douceur les funestes causes
de tous les malheurs & confusions arriuées dans
les trois Royaumes dependans de vostre Sceptre,
auparauant & apres l’execrable regicide &
les horribles cruautez & barbaries des rebelles
Anglois ; pour la punition desquels il declarera
que Vostre Majesté remet tous ses interests entre
les mains de Dieu, auquel seul appartient la
vengeance & à la Iustice des legitimes Parlemens
de ses trois Couronnes ; Et que vous souhaittez
auec beaucoup plus de passion, la Paix,
le repos & la felicité de vos Peuples, que la guerre,
les troubles, & la ruine qui les ont agité.

Et quant à ce qui concerne particulierement

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vos Suiets du Royaume d’Irlande, d’autant qu’ils
ne sont point coupables d’auoir liuré ny fait
mourir le feu Roy vostre Pere ; & qu’au contraire
les Anglois auoient dessein d’exterminer &
rauir la vie & les biens à ceux qui estoient les
plus affectionnez, & qui y conseruoient encore
le zele & le respect qu’ils doiuent à la Royauté,
& lesquels auoient tousiours paru vaillans & affectionnez
durant la guerre ; Pour cét effect Vostre
Majesté leur tesmoignera qu’elle desire
qu’ils ioüissent tous en general & en particulier
de leurs anciens priuileges, & de l’entiere
liberté de la Religion Catholique Apostolique
& Romaine, comme le Comte d’Ormont leur
a desia accordé, suiuant vostre commandement.
En suitte dequoy Vostre Maiesté ordonnera
qu’elle veut & entend que toutes les Eglises,
Conuens & Monasteres bastis par les Catholiques
leur soient restituez, pour y exercer leur
Religion auec toute liberté & seureté.

 

Outre cela, Vostre Maiesté donnera permission
au Parlement d’Irlande d’eslire trois personnes
de leur Corps, desquels elle en choisira
vn, qu’elle establira Vice-Roy en son absence
durant trois années : à condition toutefois que
ledit Vice-Roy rendra conte de ses actions à la
fin dudit temps pardeuant Vostre Maiesté.

Estant particulierement veritable qu’il seroit

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impossible de s’asseurer de l’Irlande, si l’on n’y
donnoit vne ample liberté de l’exercice de la
Religion Catholique Apostolique & Romaine,
aussi bien que des deux autres Religions ; restituant
à ceux qui les professent tous les Temples
ou Eglises qu’ils auront construites.

 

Cependant que Vostre Maiesté trauaillera à
calmer les troubles & les orages d’Irlande ; Il faut
croire que celuy que vous y establirez Vice-Roy
ou Generalissime, ne manquera pas à y agir
puissamment auec vos fideles Suiets, qui ne soûpirent
qu’apres vostre restablissement. Et que
par ainsi celuy de vos deux Royaumes d’Escosse
ou d’Irlande, qui par la volonté & assistance Diuine
sera le premier reduit sous la legitime domination
de Vostre Maiesté, fournira promptement
les gens de guerre, & autres choses necessaires
pour aider à reduire le second & le
troisiesme.

Et pource qu’il est impossible que dans l’Angleterre
mesme, il n’y ait encore plusieurs Seigneurs,
Gentils hommes, & autres gens de bien
qui souspirent apres la douceur de la Royauté,
& qui en leur cœur detestent, & ont en horreur
la rebellion & la felonnie de ceux qui taschent
d’y establir le Gouuernement Democratique ;
Il sera tres-bon, & mesme absolument necessaire
que Vostre Maiesté fasse publier & courir vn

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Manifeste tres-authentique, comme nous auons
dit, par lequel tous vos Suiets de quelle condition
qu’ils soient, puissent voir & sauoürer vos
raisons, vos volontez & vos iustes plaintes. Et
par lequel vous les conuijez amiablement à embrasser
vos interests, & se venir ioindre à vous,
& inciter les Peuples à prendre les armes dans
les Villes & dans les Prouinces, pour secoüer
vne si iniuste, si extraordinaire & si cruelle tyrannie,
que celle qui s’exerce à present dans
l’Angleterre.

 

Vostre Maiesté doit par ce Manifeste prier
& tacher de persuader tous les Monarques de
la terre, & notamment ceux de l’Europe de quelle
Religion qu’ils soient, de vous secourir contre
les Anarques de vos Royaumes, & pour cét
effet vous fournir l’argent, les hommes, & les
munitions qui vous seront necessaires pour
maintenir vostre droict, & venir à bout de vos
iustes desseins,

Il sera bon aussi d’alleguer les puissantes raisons,
& les dangereuses consequenses qu’il est
facile de faire voir, que tous les Monarques sont
interessez en vostre restablissement ; & que les
Republiques mesmes de Hollande, de Venise,
& d’Allemagne doiuent estre jalouses, & tenir
pour suspecte celle qui commence de se former
en Angleterre, laquelle vray-semblablement

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seroit plus puissante, & plus considerable que
les autres, si d’vn commun consentement l’on
ne luy empeschoit de prendre racines. Le Roy
de France y ayant particulierement le plus notable
interest, non seulement à cause de l’estroite
Alliance, & du parentage si proche qu’il a
auec Vostre Maiesté ; qui engagent son honneur ;
mais aussi par l’apprehension qu’il doit
auoir que les rebelles Anglois venans à s’establir
en Republique, ne fassent des brigues & des
Ligues auec ses Suiets qui professent la mesme
Religion, & ne les incitent à troubler l’Estat, &
à tascher de faire comme eux.

 

Et pource que les diuerses sectes & opinions
en la Religion causent les diuorses, les Ligues,
les partialitez, les souleuemens, & les rebellions
des Peuples, qui bien souuent entraisnent apres
eux la ruine des Estats, & causent le changement
des dominations ; Le Manifeste que Vostre
Maiesté fera publier doit porter, que pour
le regard des Religions, vous ne voulez rien innouer
aux trois principales qu’on professe dans
vos trois Royaumes, mais que par l’aduis de
vostre Conseil, confirmé par ses trois Parlemens
legitimes, vous consentés de donner pour le repos
& la tranquillité de vos Peuples, la liberté
ausdites trois Religions principales des trois
Royaumes, à sçauoir à la Religion Catholique

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Romaine, à la Religion Protestante, & à la Religion
Reformée. Que le Parlement legitimement
conuoqué par vostre permission & authorité
dans le chacun des trois Royaumes, choisisse
pour sa principalle Religion, celle qu’il
voudra sans toucher ny deteriorer la liberté &
l’exercice des autres. Et de plus, que Vostre Majesté
promette que lors que Dieu luy aura fait
la grace de ioüir paisiblement de ses trois Couronnes,
suiuant le Conseil de ses Parlemens, elle
conuoquera vn Synode particulier en chacun
des trois Royaumes, pour en iceluy conferer
en toute liberté de sa premiere Religion,
& pour élire d’icelle trois ou quatre Deputez,
pour se trouuer & demeurer en la ville Principalle
du seiour de Vostre Maiesté, & pour là seuls
au nombre de douze conferer ensemble, comme
en vn Synode General de leur Religion, le
plus doucement qu’il sera possible, & auant toutes
choses, refuter les mauuais principes & fondemens
de toutes les autres sectes & opinions
qui se sont voulu esleuer en Angleterre & ailleurs.

 

Vostre Manifeste portera vne estroite deffense
à tous les Parlemens des trois Royaumes,
establis ou soufferts durant & apres la vie du
feu Roy, de s’assembler & de faire aucune fonction,
& leur ordonnera de se separer, & de se

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retirer chacun chez soy, dés l’heure de la publication
dudit Manifeste, qui les declarera sans
pouuoir, & leur deffendra de s’ingerer, ny resoudre
aucunes affaires publiques, de leuer des
gens de guerre, ny faire aucunes impositions
ou leuées de deniers sur vos Suiets, sur peine d’estre
declarez rebelles & criminels de leze-Maiesté
au premier Chef, Perturbateurs du repos
public, & ennemis de l’Estat, Commandement
& permission estant donnez à tous vos fideles
Suiets de courir sus les contreuenans, de les
prendre, saisir, emprisonner, & leur parfaire leur
procez. Vostre Maiesté declarant pareillement
rebelles tous ceux qui leur obeïront, qui les
receuront ou leur donneront secours, ou qui
leur fourniront d’armes, d’argent, de munitions
ou autres choses necessaires.

 

Vostre Maiesté commandera pareillement
à tous Generaux d’Armées, Mareschaux de
Camp & autres Officiers, Caualiers & Soldats,
de quelque qualité & condition qu’ils soient,
de quitter les armes, excepté qu’auec icelles, ils
se voulussent venir ranger à leur deuoir prés de
vostre Personne, ou du moins prẽdre vostre party
& y obliger les autres. Ledit Manifeste portera
le mesme commandement à tous les Admiraux,
Vice-Admiraux, & autres Capitaines, Officiers,
& Soldats de la Marine, leur ordonnant à

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tous de quitter le party des Rebelles, & de venir
trouuer & recognoistre Vostre Maiesté, & de
prendre de sa main de nouuelles prouisions,
Commissions & Lettres patentes, seellées du
grand Sceau de vostre Chancelerie sur peine de
perdre leurs Charges & Offices, & de se rendre
incapables d’estre à l’aduenir receus en aucun
d’iceux.

 

Et pource que tous les Cheualiers des Ordres
de Vostre Majesté, & mesme generalement tous
les Gentils-hommes & Nobles de vos Royaumes,
sont obligez par leur serment, ou par celuy
de leurs peres, à estre fideles à Vostre Maiesté, &
à tous les Roys qui succedent les vns aux autres
legitimement, il sera necessaire autant comme
il est iuste, de declarer par vostredit Manifeste,
que si dans vn temps prefix ils ne se rangent à
leur deuoir, comme ils y sont obligez au peril
de leur vie, de leur ame, & de leur honneur, Vostre
Maiesté fera proceder contre eux selon les
formes ordinaires, & les fera honteusement degrader
de Noblesse & de Cheualerie. Que si par
le sentiment de leur deuoir, ou de l’affection particuliere
qu’ils auront pour Vostre Maiesté, ils
se vïennent ranger prés de vostre personne, il les
faudra receuoir tres-amiablement, les caresser
auec des tesmoignages de ioye, & leur donner
des Charges dans vos Armées ou ailleurs, à chacun

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selon son merite & sa condition. Declarant en
suitte de toutes ses choses le pardon vniuersel que
Vostre Maiesté promet de donner à tous ceux qui
quitteront le party ennemy de la Royauté, & qui se
sousmettront volontairement à vous qui estes leur
Roy legitime. Et quant à la Iustice qui doit estre renduë
en tel cas, V. M. la renuoyera aux Parlemens qui
seront conuoqués legitimement par vostre Ordre,
& leur donnera tout pouuoir.

 

Quand Dieu vous fera la grace de pouuoir partir,
il sera bon que le Duc d’Yorc demeure prés de la
Reine d’Angleterre mere de Vostre Maiesté & la
sienne : car en se conseruant il vous pourra rendre de
tres bons seruices dans la Cour de France, outre qu’il
aidera à tenir en consideration les Anarques Anglois,
lesquels dans l’esperance qu’ils auroient de
vous pouuoir prendre tous deux, ioüeroient de leur
reste, & employeroient toutes leurs forces auec plus
d’obstination.

Vostre Maiesté estant au reste tres-humblement
suppliée de prendre garde soigneusement à tous
ceux qui ont l’honneur d’approcher de sa Personne,
& ne se fier que bien à propos & seulement à ceux
qu’elle cognoistra luy estre entierement fideles &
affectionnés, & qui ont le moins d’interest & de parentage
auec les Rebelles & Anarques d’Angleterre ;
mais sur tout de tenir pour tres-suspects ceux qui
directement ou indirectement voudroient obliger

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Vostre Maiesté de commettre en d’autres mains
l’Admirauté qu’en celles du vaillant & genereux
Prince Robert, qui l’a commande à present auec tant
de gloire, & qui seul conserue & conduit tres-courageusement
vos dernieres esperances ; Il a l’honneur
d’estre Cousin germain de Vostre Maiesté, & vos interests
& les siens sont ioints si estroitement, qu’il
est impossible que vous puissiés trouuer plus de valeur
ny plus de fidelité en vn autre ; Outre, qu’ayant
esté aimé & chery du feu Roy vostre Pere comme il
a esté, il y auroit de l’iniustice & de l’ingratitude tout
ensemble de songer seulement à luy diminuer le
pouuoir qu’il a sous vostre authorité ; au contraire
nous sçauons que Vostre Maiesté est trop genereuse
pour en demeurer là, & que si vn iour vous estes
remonté sur vostre Throsne, (comme les vœux & les
prieres de tous les gens de bien en coniurent le Ciel)
vous ne luy conseruerés pas seulement les Charges
qu’il a euës du feu Roy & de vous, mais vous le comblerez
tous les iours de nouueaux honneurs ; Il est aimé
& reueré de vos plus fideles Suiets, & craint &
redouté des rebelles ; Les Irlandois sur tout (desquels
il s’est particulierement seruy aux occasions les plus
perilleuses, recognoissant en eux beaucoup de valeur
& de fidelité) le cherissent passionnément & luy rendent
en vostre absence tous les tesmoignages qu’ils
peuuent d’affection & d’obeïssance ; Voyans bien que
tous les genereux trauaux & les continuelles inquietudes

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de ce Prince ne tendent, qu’à frayer vn chemin
facile & asseuré à V. M. pour prendre la glorieuse place
de vos Ancestres, & donner en proye à vos Leopards,
tous ceux qui ne se voudront pas sousmettre
à vostre legitime & Souueraine puissance, laquelle
estant establie de Dieu, ceux qui y resistent ne sont
pas seulement rebelles, mais aussi heretiques & refractaires
aux diuins Commandemens de la bouche
du Fils de Dieu, qui s’est assuietty luy-mesme à la domination
Monarchique, & a commandé aux Peuples
de s’y rendre suiets & d’y obeïr.

 

Finissant les aduis que ie prens la hardiesse de
presenter à V. M. par la tres-humble priere que ie luy
fais, d’apporter le plus de diligence qu’il se pourra
en l’execution de ses desseins, & de preuenir s’il est
possible vos ennemis, en paroissant à la teste de
vostre Armée, auparauant que les forces qu’on
prepare contre l’Hirlande, ne l’a contraignent
de ployer le col sous la tyrannie ; Il y a tousiours
du danger au retardement, & les Conseils trop
lents & executez trop tard font auorter les plus
glorieuses entreprises ; Outre qu’il est à craindre
qu’en temporisant & consommant les moyens qui
vous restent, vous ne demeurassiez court en vos
mesures, & ne fissiez perdre à tous vos fideles Suiets
& Seruiteurs l’esperance qu’ils ont en vous.
Hastez vous donc braue & genereux Prince d’aller
gagner vne couronne de Laurier, en reuindicant

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celles qui vous sont acquises par vostre naissance ;
& soyez asseuré queDieu & vostre droict,selon
la deuise de vos Predecesseurs, vous donneront la
Victoire sur vos ennemis, si vous agissez auec le
courage, la constance & la fermeté qui sont necessaires
pour l’execution & le Couronnement d’vne
si heroïque entreprise : En tout cas vostre Maiesté
doit estre asseurée que la querelle estant si noble
& si iuste, vaingueur où vaincu, vous triompherez
ou mourrez glorieux.

 

FIN.

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