Anonyme [1652], AFFICHE, L’ARBITRE DE LA PAIX. AVX PARISIENS. , françaisRéférence RIM : M0_52. Cote locale : B_16_34.
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AFFICHE,
L’ARBITRE
DE LA
PAIX.
AVX
PARISIENS.

A. PARIS,

M. DC. LII.

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L’arbitre de la Paix.

MESSIEVRS,

Vous estes donc resolus d’auoir patience iusques à ce que vos
impatiences ne vous seruiront de rien. Vous attendez defaire vn
effort, iusques à ce que vous n’ayez de force qu’autant qu’il en
faudra pour supporter vos maux. Vous ne voulez rien dire pendant
que vos paroles vous seruiroient beaucoup : pour parler
puis apres, lors qu’il ne sera plus temps, que de vous plaindre.

Detrompez-vous donc enfin, & reconnoissez les fourbes &
les supercheries de la Cour. Ostez le masque trompeur qu’elle a
mis à l’apparence des affaires pour vous amuser. Faites luy voir
qu’elle ne vous a trompé, que parce que vous auez voulu vous
soumettre auec vn respect aueugle. Montrez luy que vous sçauez
bien reconnoistre ses souplesses, lors que vous voulez ouurir
les yeux pour les considerer sans soumission.

Vous attendiez que la deputation des six Corps auroit vn
grand effet. Vous esperiez qu’apres la parole que la Cour auoit
donné au Clergé dans Compiegne, touchant le retour de Sa
Majesté ; Vous ne pouuez plus douter de l’asseurance de ce bõ-heur.
Vous vous promettiez en suitte de cette parole, que ces
dernieres deputations obligeroient infailliblement la Cour à
vous ramener le Roy, & la Paix, & le repos auec luy.

Et bien, Messieurs, Qu’auez-vous obtenu ? Ces deputations
ont elles reüssi à quelque chose de bon ? Auez-vous sujet de
vous louër de la reception qu’on a fait à vos Deputez : Vous a
t’on donné ce que vous demandiez ? Vous l’a ton fait esperer
auec sincerité ? Quelle response en auez vous receu.

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On a respondu que le Roy reuiendroit à Paris, pourueu qu’on
en chassat les Princes & tous leurs Partisans, & qu’on remit
tous vos ennemis dans leurs charges ; Encor ne vous fait-on esperer
auec ses conditions, que fort douteusement le retour de
Sa Majesté. Voyla vne response estonnante ; Voyla vne responce
seditieuse ; Voyla vne responce horrible. Mais la comprenez-vous
bien, Messieurs. Remarquez-vous bien que la Cour, qui
a le cœur d’vn Lion, se couure d’vne peau d’Aigneau. Penetrez-vous
dans son sentiment : si vous ne le voyez pas, ie m’en vay
vous le faire voir par la comparaison d’vne belle fable.

Les Loups traittoient d’vn accõmodement auec les Pasteurs.
Ils se soumettoient à toutes sortes de conditions ; pourueu que
les Pasteurs leur en voulussent accorder vne seulle, qui estoit,
d’esloigner, ou d’egorger tous les chiens qu’ils nourrissoient pour
la garde de leurs troupeaux. Les Pasteurs qui n’estoient pas assez
bons negotiateurs, la leur accorderent : Apres quoy, les Loups
qui n’estoient point esclaues de la parole qu’ils auoient donnée
aux Pasteurs, ne manquérent pas de se jetter sans peur dans le
bercail des moutons, ou des brebis, où ils égorgérent impunément
tout ce qui estoit necessaire pour l’assouuissement de leur
faim.

MESSIEVRS, appliquons cette comparaison : Vous traittez
auec la Cour : Vous luy demandez la Paix : Vous luy demandez
le retour du Roy : La Cour vous promet les deux : Mais auec
quelle condition ? A condition que vous chasserez vos Princes :
A condition que vous remettrez vos ennemis dans le gouuerne
ment : A condition que vous demettrez les Magistrats dont la
probité ne vous est que trop reconnuë : A condition que vous remettrez
la Bastille entre les mains d’vn de vos ennemis.

Voila vne partie des conditions que les Loups exigeoient des
Pasleurs pour leur traicté de paix ? Les Loups ne demandoient
aux Pasteurs que ce qui les empeschoit d’assouuir leur auidité sur

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les troupeaux : La Cour ne vous demande aussi que ce qui
l’empesche de se vanger librement sur vous : Donnez-luy
les Princes & les bons Magistrats qui vous protegent :
Donnez-luy la Bastille qui vous sert de bouleuart ; Elle
vous rendra le Roy & la Paix. Si vous estes mauuais Politiques
faites comme les Pasteurs : Esgorgez vos Princes
& vos bons Magistrats, asseurez-vous qu’elle ne manquera
pas de vous esgorger à son tour. Vn aueugle verroit
clair dans cet affaire.

 

Mais pour vous le faire bien entendre : Respondez-moy,
s’il vous plaist : A qui se doit-on dauantage fier ou
à celuy qui se fie à nous, ou à celuy qui se defie de nous ?
Sans doute c’est à celuy qui se fie à nous. Vous balancez
à qui vous deuez vous abandonner ? A la Cour, ou aux
Princes. Voyez celuy qui se fie à vous ou qui se defie de
vous. Si la Cour se defie de vous gardez vous bien de vous
y fier : Si les Princes se fient à vous ne doutez point de
vous mettre entierement entre leurs mains.

La Cour pour auoir subjet de ne vous craindre point,
demande que vous esloigniez vos Princes, que vous esloigniez
vos bons Magistrats pour vous laisser gouuerner par
ses creatures, & que vous mettiez la Bastille a sa discretion :
Manifestement la Cour se defie donc de vous, &
par consequent vous deuez vous defier d’elle. Les Princes
ne vous demandent rien ; Ils conuersent auec vous ;
Ils viuent auec vous, sans armes, sans condition, sans precaution.
Manifestement les Princes se fient donc a vous,
& par consequent vous auez raison de vous fier a eux :
Ce raisonnement, Messieurs, est sans artifice comme vous
voyez bien.

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Au reste, Messieurs, n’apert-il pas que la Cour ne veut
point la Paix, puis que lors mesme qu’on en traitte, &
que vous enuoyez vos Deputez pour la demander, elle
pratique sous main vne sedition dans Paris pour y faire
naistre de nouueaux empeschemens. Ou en estions nous
si les torche-culs du Palais Royal ne se fussent dissipez par
leur propre apprehension : Voyez qu’a mesme temps que
la Cour fait publier des Ordonnances dans Paris pour la
liberté des passages du commerce, elle fait publier des
deffenses dans tous nos voisinages pour empescher ceux
qui voudroient transporter icy des bleds, du foin, du bois,
du vin, &c. Ou si l’on laisse passer quelque bateau pour
vous tesmoigner par ce petit leürre qu’on ne desire que
vostre bien, au lieu de cinquante, ou de cent escus qu’il
auoit coustume de payer, le Milord Igbi qui tient les passages
luy en fait payer mille. Voila le sujet de la cherté.

MESSIEVRS, rendez-vous Politiques, raisonnez
pour iuger si la Cour veut la paix & le retour du Roy : La
Cour c’est le Roy, mais celuy-la est hors de compte, parce
que personne ne luy en veut ; c’est la Reyne, c’est le Mazarin,
quoy qu’absent ; c’est le Prince Thomas, c’est Germain,
c’est Montaigu, c’est Ondedei, &c. Croyez-vous
que ceux-la veullent la paix & le retour du Roy :
Helas Messieurs ! ils voudroient ce qui est contraire à leur
fortune : Si la paix estoit faite, & si le Roy estoit à Paris ;
Mazarin, le prince Thomas, Germain, Montaigu, Ondedei
n’auroient qu’à tirer leurs chausses ; toutes les esperances
de leur agrandissement seroient à cul : il n’y a que
la continuation de la guerre, & l’esloignement du Roy,
qui les puissent faire subsister. Iugez-vous donc, Messieurs,

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que vous puissiez esperer la paix, & le retour du
Roy, pendant que ces Messieurs auront du credit en
Cour : Ie ne pense pas que vous puissiez seulement vous
l’imaginer. D’où vient donc, me direz-vous que la Reyne
& ces Messieurs, font semblant de desirer la paix ?
c’est qu’il est de leur interest de ne paroistre point les autheurs
de la guerre ; & que toutes les communes leur
courroient sus s’ils ne tesmoignoient du moins en apparance
qu’ils ne respirent que le repos des peuples. Au reste
la Cour n’a iamais paru portée à la paix que lors qu’elle
s’est veuë foible, comme pendant que Monsieur le
Prince assiegeoit son armée dans Ville-Neufue. Maintenant
que cette armée s’est sauuée pendant la maladie de
ce Prince, la Cour a renuoyé le Deputé de S. A. R. sans
luy faire aucune response. Iugez si vous pouuez esperer
cette paix de la Cour.

 

Que faut-il donc faire pour obliger la Cour à nous donner
la paix ? En voicy deux moyens infaillibles, Il faut
affoiblir la Cour, il faut fermer les oreilles, ou ne receuoir
pas tout ce qui viendra de la Cour. N’esperons pas
la paix pendant que la Cour aura assez de force pour l’empescher ;
Ne l’esperons pas pendant qu’elle iugera par nostre
simplicité à receuoir aueuglément toutes ses sourbes,
que nous ne sommes pas en dessein de luy ressister.

Que faut-il faire pour affoiblir la Cour ? Il faut nous vnir,
puis que nous pouuons iuger par les efforts qu’elle fait
pour nous diuiser, que nostre vnion est sa perte ? Que
faut-il faire pour fermer les oreilles à tout ce qui viendra
de la Cour il faut voir comme elle nous fait experimenter
que tous ces procedez sont fourbes, & qu’apres

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que nous luy auons donné vne chose, elle nous en demande
vne autre.

 

Si nous sommes bien vnis, & si nous ne sommes plus
capables d’estre amusez par les fourbes de la Cour. Que
peut-elle esperer ? Qu’est-ce qu’elle fera ? Dans nostre diuision
mesme la Cour estoit perduë si la maladie de M. le
Prince ne l’eust sauuée : Lors que M. le Prince sera entierement
remis, comme il commence desja de se bien porter,
& que nous serons parfaitement vnis auec luy, que
fera-t’elle. Corbeil, Melun, Laigny ne nous cousteront
qu’vne iournée chacun : Si Turenne s’y veut opposer,
c’est que nous demanderons pour le combatre : pourra-t’il
resister à des trouppes beaucoup plus nombreuses que
les siennes, & au plus grand Capitaine du monde, auquel
mesme il n’a pû resister lors qu’il n’auoit que deux
contre huict mille hommes dans le Faux-bourg S. Antoine :
La Cour en cét estat, pendant nostre vnion auec
M. le Prince, & pendant qu’elle n’aura plus d’esperance
ny de nous amuser, ny de pouuoir nous incommoder, sera
contrainte à faire de necessité vertu, c’est à dire, de
nous donner la paix, & de proceder sincerement à sa conclusion.

FIN.

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