Anonyme [1649], AGREABLE ET VERITABLE RECIT DE CE QVI S’EST PASSÉ, DEVANT ET DEPVIS L’ENLEVEMENT DV ROY, HORS LA VILLE DE PARIS, par le Conseil de Iule Mazarin. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_55. Cote locale : C_8_43.
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AGREABLE
ET
VERITABLE RECIT
DE CE QVI S’EST PASSÉ,
DEVANT ET DEPVIS L’ENLEVEMENT
DV ROY, HORS LA VILLE DE PARIS,
par le Conseil de Iule Mazarin.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,
Chez IACQVES GVILLERY, ruë des Sept-Voyes,
deuant le College de Fortet, proche Mont-Aigu.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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AGREABLE ET VERITABLE
Recit, de ce qui s’est passé deuant & depuis
l’enleuement du Roy, hors la ville de Paris,
par le Conseil de Iule Mazarin.

 


IE chante d’vn vers satyrique
Les hauts faicts d’vn pique bourrique,
Qui dans la France a tant piqué
Qu’en fin de luy l’on s’est mocqué,
Que pour estre venu de Rome,
N’en est gueres plus honneste homme,
Mais qui ne vaudra iamais rien,
Parce qu’il est Sicilien.
Muse dicte-moy ses proüesses,
Ses artifices, ses finesses,
Ses trahisons, ses laschetés,
Ses larrecins, ses cruautés,
Et ses maudites tromperies,
Aussi bien que ses piperies.
Enfin comment & par quel tour,
Il s’est introduit à la Cour.
Depuis que l’iniuste licence,
Du faux ministre de la France,
Abandonna le paysan,
A la fureur du Partisan.
Partisan Monstre de nature,
Qui des pauures gens fait pasture
Qui ne peut qu’en confusion,
Penser à son extraction.
Partysan qui dés son ieune aage,
Laissa ses parens au village,
Et vint à Paris sans souliers,
Sur la Mule des Cordeliers,
Dans cette florissante Ville,
D’abord il mania l’estrille,

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Seruant dessous le pal-frenier,
En la maison d’vn Financier,
Puis apres montant d’vn estage,
On le mit en bon équipage.
On luy fit porter les couleurs,
De ce grand maistre de voleurs.
On commence de le cognoistre,
Approchant plus souuent du Maistre,
De la maistresse quelquesfois,
Il deuient ainsi plus courtois,
De iour en iour mieux il se dresse,
Enfin son maistre & sa maistresse,
Le prennent en affection,
Ils trouuent qu’il est bon garçon.
Chacun dans la maison murmure,
Que l’on ayme mieux la Verdure,
Qu’on ne fait les autres valets,
A qui l’on donne des soufflets.
Des coups de poincts & des nazardes,
Des coups de pantouffles mignardes,
Et que sans doute il sera mis.
Bien-tost au nombre des Commis.
Voila donc ce porte mandille,
Qui deuient financier habile,
Il roule aussi-tost les deniers,
Comme bled dedans les greniers.
Apres il succede à son maistre,
Il commence à se mescognoistre,
Car trenchant du petit Seigneur,
Il veut que l’on luy face honneur,
Et tient souuent meilleure table,
Qu’vn Mareschal, ou Connestable,
Ayant acquis facilement,
Plus de bien qu’eux en vn moment,
C’est depuis ce temps que nostre hõme
A quitté la Ville de Rome,
Et dans la France a mis le nez,
Dont il en a tant malmenez
Que l’on maudit l’heure premiere
Qu’il mit le pied sur la frontiere,
Mais on maudit bien plus le iour,
Qu’il mit la teste dans la Cour,

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Deslors on ne vit que misere,
S’espandre dessus nostre terre,
Deslors nous auons veu regner,
De nostre temps l’aage de fer,
Car portant l’or en Italie,
Des metaux il laisse la lye :
Rauissant de nostre pays,
Le vif esclat de nos Louys.
Mais raconte moy chere Muse,
La naissance de cette buze,
Raconte à sa confusion,
Ses parents, son extraction,
Si son Pere fut assez riche,
Pour laisser vn morceau de miche,
S’il estoit pasteur de trouppeaux,
S’il ne vendoit point de Naueaux,
Des Concombres ou des Citroüilles,
S’il estoit pecheur de Grenoüilles,
S’il n’estoit point bon Iardinier,
S’il sçauoit enter vn prunier,
S’il n’estoit point batteur en grange,
S’il portoit la hotte en vendenge,
S’il estoit conducteur de porcs,
S’il n’estoit point vendeurs de coqs,
S’il conduisoit au champs les vaches,
Où racommodeur de gamaches,
S’il estoit enleueur de fiens,
S’il n’estoit point chastreur de Chiens,
S’il mettoit pieces aux marmittes,
Aux vieux poillons & lechefrittes,
Et s’il mettoit pour dire tout,
Parfois la piece aupres du trou.
Enfin dy de quelque maniere,
Il emplissoit sa gibbeciere.
Vrayement on ne sçay que trop bien,
Qu’il est natif Sicilien,
Mais on ne sçay de qu’elle face,
On doit enuisager sa race,
Parce que fort differemment,
On marque son commencement,
Pour bien parler de cette affaire,
Il faudroit consulter sa Mere,

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Encor ne le sçayt elle pas,
Ayant pris differens esbats,
Le bruit court qu’elle estoit hostesse,
Qui logeoit souuent la ieunesse,
Pendant que son Mary marchant,
Dessus Mer alloit trafiquant,
Qu’on n’auoit pas beaucoup de peine,
A gagner cette belle Heleine,
Et qu’vn Corsaire de renom,
Luy fit par hazard ce garçon.
On tient qu’il estoit d’Arabie,
Ou des confins de la Turquie,
Et que la bourasque des flots,
L’emportant sur les Matelots,
Apres auoir fait grand pillage,
Le ietta dessus le riuage,
Ou nostre Hostesse de renom,
Le receut dedans sa maison,
Et que pendant que la tempeste,
Se calmoit, ils firent grand feste,
Si ce discours estoit certain,
Il seroit vn fils de putain.
Mais laissant à part sa naissance
Et toute sa mauditte engeance.
Voyons ce qu’il a fait depuis,
Et notamment dedans Paris,
Suiuons tout le cours de la vie,
De cette peste d’Italie,
Tous les crimes qu’il a commis,
Et combien il fit d’ennemis,
Laissant ses parents en Sicile,
Il seruit à Rome de drille,
Là ce rude & meschant paillard,
Ioüoit à tous ieux de hazard,
Faisant si bien le tour du rolle,
Qu’il attrappoit mainte pistolle,
President aux fameux brellans,
Pipant comme vn vieux charlattans.
Enfin pres de luy la ieunesse,
Au jeu n’auoit plus de finesse,
Et ne sçauoit plus par quel bout,
Se garder de ce happe tout,

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On commence de le cognoistre,
On s’apperçoit que c’est vn traistre,
Que pour attrapper le teston,
Il pippe comme vn beau demon.
On quitte là sa compagnie,
On le fuit comme vne Harpye,
On le laisse comme vn trompeur,
Où plustost comme vn fin voleur,
Contre luy on crie, on murmure,
Tout le monde luy chante iniure,
Mais le pis, il va se mocquant,
Car il a gaigné leur argent,
Enfin ayant par sa cautelle.
Assez bien garny l’escarcelle ;
Il songe long-temps à part soy,
De quel art, de quel employ
Il pourra bastir sa fortune,
Non pas sur les flots de Neptune,
Car son Pere quoy qu’entendu,
Auoit là tout son bien perdu,
Et puis le traffic de son pere,
Ne les échauffoit encore guiere,
Pour ce qu’il sçait bien qu’vn Marchant,
Ne gaigne iamais qu’en risquant.
Pour luy iamais à la fortune,
Il ne commettra sa pecune,
Il tient pour Maxime d’Estat,
Qu’il ne faut rien mettre au hazard,
Et que dans le temps où nous sommes,
Risquer est le fait d’vn pauure homme,
Que sans hazarder ce qu’on tient,
On peut bien amasser du bien,
Qu’vn Lievre party de son giste,
Difficile à suiure à la piste,
Lasse bien souuent les Chasseurs,
Les Chiens & les meilleurs piqueurs,
Et que quand il bat la Campagne,
Il gabbe le Cheual d’Espagne.
C’est pourquoy voyant ses parents,
Auoir esté reduis au blanc,
Par le traffic & Marchandise,
Il iure qu’il seroit d’Eglise.

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Pour couurir d’vn titre d’honneur,
Les fourbes qu’il a dans le cœur,
Apres il met son artifice,
Pour attrapper le benefice,
Pour ioüir de gros reuenus,
Sans dire vn seul mot d’Oremus,
Et de fait dedans nostre France,
Il a si bien grossi sa mance,
Aux despens des Moines Claustraux,
Dont il a rogné les morceaux,
Que quand ils se mettent à table,
Ils deuroient le donner au Diable.
Mais il est vray que le Demon,
Le tient desja par le talon,
Car on croit que c’est par Magie,
Qu’il se gouuerne en cette vie,
Si de plus quelqu’vn veut sçauoir,
L’origine de son pouuoir,
Ce qui le mit en hautte estime,
Ce fut en commettant vn crime,
On sçait que d’vn grand Cardinal,
Par la trahison de Cazal,
Il captiua la bien-veillance,
En y mettant soldats de France,
Qu’il fut fait Conseiller d’Estat,
Qu’il paruint au Cardinalat,
Et quoy qu’il eust trompé le Pape,
Que le chappeau rouge il attrappe,
Dont l’auguste & pompeux esclat
Digne ornement d’vn bon Prelat,
Ne doit pas couurir la ceruelle,
D’vn chetif porteur de nouuelles,
D’vn Messager, d’vn Postillon,
Comme ce petit Mirmidon,
D’vn homme de fange & de boüe,
Qui merite pis que la rouë,
D’vn vray bouffon d’vn harlequin,
D’vn franc maraut & d’vn coquin,
D’vne teste folle & marrotte,
Et d’vn valet decrote botte,
Ce sont d’illustres qualités,
Pour paroistre de tous costez.

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Habile à gouuerner la France,
Par sa sagesse & sa prudence,
Et pour estre mis en vn rang,
Qui fait honte aux Princes du Sang :
Cependant c’est le personnage,
Qui trauerse aujourd’huy nostre âge,
Et qui d’vn excés de depit,
S’attaque à des gens de credit
De l’Estat veut tenir les resnes,
D’vn faux conseil preuient la Reine,
Appuyant sa desloyauté
De la Royalle authorité.
Mais quand le Parlement Auguste,
A veu qu’il enleuoit nos Iustes,
Qu’il ruinoit nostre pays
Par le transport de nos Louys,
Aussi-tost les Cours s’assemblerent,
Et de l’vnion protesterent,
Trouuant en fin par leurs trauaux,
Du soulagement à nos maux,
D’abord pour extirper l’engeance,
De la vermine de la France,
Il s’attaquent au Partisan,
Comme à l’auteur du mal present.
Et puis remontant à la source,
D’où ces ruisseaux prenoient leur cource,
Ils viennent à l’Italien,
Remonstrent qu’il ne fait pas bien,
Que iustement on le soupçonne,
De n’auoir pas l’intention bonne,
Qu’il est estranger, & partant
Suspect dans le gouuernement,
Que pour vn sage Politique,
Il erre dedans sa pratique
Qu’il renuerse toutes les loix,
L’appuy des Estats & des Roys,
Qu’ils doiuent prendre connoissance
De ce qu’on fait de la finance,
Puis que tout est reduit au point
Qu’en trouuer plus on ne peut point,
Si ce n’est par les vstancilles
De ce gros voleur de familles,

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Qu’il conuient faire dégorger
Pour tout le peuple soulager,
Qu’il faut changer d’autres maximes,
Qu’estans les Tuteurs legitimes
De nos Roys, il faut qu’auiourd’huy,
De son estat ils soient l’appuy,
Que sans faire tant de leuées,
Ils entretiendront les armées
Et maintiendront en son esclat
Nostre Monarque & son Estat,
Qui sans emprunter par auance
Ne manquera point de finance,
Et qui sans admettre les prests.
Aura tousiours de l’argent frais.
L’Italien ne veut entendre,
Ce discours facile à comprendre,
Il dit que c’est vn attentat,
Que l’on commet contre l’Estat,
Il preuient l’esprit de la Reine,
Dit, que comme elle est souueraine,
Elle doit sans plus raisonner
Les plus mutins emprisonner,
Et de fait cecy se pratique,
Car dans vne joye publique,
Au beau sortir d’vn Te Deum,
On en met in Capharnaum.

 

 


Mais Dieu qui voit ceste malice,
Qu’on veut abolir la Iustice
De qui le souuerain pouuoir
Retient chacun en son deuoir,
Et dont l’agreable harmonie
Fait le doux accord de la vie,
Inspire aussi-tost le Bourgeois,
De joindre les Armes aux Lois,
En vn moment sans Capitaine,
Voila tout le monde en haleine,
Chacun court à son ratelier
L’vn prend vn pieu, l’autre vn leuier,
Le peuple tempeste, menace,
Il se rend maistre de la place,
Iusqu’à ce qu’il eust obtenu,
Le retour du vieillard chenu,

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Qui mettant fin à ses alarmes,
Fit quitter à chacun les armes,
Cependant c’est vn coup du Ciel,
Que plus loin n’alla point le fiel,

 

 


Comme quand la tempeste émeuë,
Porte vn vaisseau iusqu’en la nuë,
Puis apres le fait abysmer,
Iusqu’au plus profond de la mer,
Quand les grands éclats de la foudre,
Semblent reduire tout en poudre,
Que la fureur des Aquilons,
Fait d’eau, montagnes & valons,
Que l’air obscurcy de nuage,
Ne represente que l’image
De la plus miserable mort,
Dont on puisse craindre l’effort :
Qu’à tous momens la mer s’entrouure
Pour nous engloutir dans le goufre,
Que nous voyons dedans les eaux,
Les vens qui creusent nos tombeaux,
Alors si le pere Neptune,
Paroist dessus vn char d’escume,
Il calme la fureur des flots,
Chassant les vents dans leurs cachots,
De mesme la chaude bourasque,
De la populace fantasque
Ne faisoit ouyr dans Paris,
Qu’vne confusion de cris,
Quand celuy qu’ils nomment leur pere,
Appaise aussi-tost la colere,
Iettant d’vn regard assez doux,
Des eaux au feu de leur courroux,
Mais pour cela nostre Corsaire,
Ne dépose pas sa colere,
Au contraire il est plus fasché,
D’auoir pris pour auoir lasché.
Creuant de dépit il reserue,
Pour le dessert de la conserue,
Il attend iusqu’au iour des Roys,
A nous enleuer nostre Roy,
Ayant enleué son image,
Auparauant par son pillage,

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Peut estre afin de le loger,
Comme elle au pays estranger.
Mais vn second coup de prudence,
En vn moment arma la France,
Et tous les Parlemens vnis,
Veillent à conseruer Louys.
Le Parisien recourt aux armes,
Chaque Bourgeois deuient Gendarme,
Et l’on proteste hautement,
De se deffendre vaillamment,
Cependant la Cour tres prudente,
Enuoye à la Reine Regente,
A sainct Germain les Gens du Roy,
Mais le Chancelier en esmoy,
Leur respond, la ville est bloquée,
Et si fortement attaquée,
Que l’on a desia fait armer,
Plusieurs soldats pour l’affamer.
Mais pourtant ville florissante,
Ta prudence est innocente,
Et l’on ne peut pas t’imputer,
D’auoir voulu rien attenter,
Mais bien de t’estre deffenduë
De celuy qui comme sangsuë,
N’est rouge auiourd’huy que du sang,
Du miserable paysan,
Dont la viue couleur éclatte,
Dessus ses habits d’écarlate,
Et qui semble auoir reproché,
L’enormité de son peché.

 

 


Mais inexorable à tes plaintes,
Capables de donner atteintes,
Aux courages plus endurcis,
France, il s’est mocqué de tes cris,
Et dedans tes douleurs pressantes,
Etouffant ta voix languissante,
Il a conuerty tes sueurs,
En parfums, en eaux de senteurs,
Mettant plus d’argent en fumées,
Qu’vn Roy ne depense en armées,
Et quand il a tout fait perir,
Il te veut contraindre à mourir.

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Et de la mort la plus farouche,
En t’ostant le pain de la bouche :
Mais Dieu, du Iuste protecteur,
Se monstrera ton deffenseur,
Et les Mazarines cohortes,
Ne pourront assieger tes portes ;
Leur effort ne sera que vain,
Pour t’oster le pain de la main.
Le Parlement par sa conduitte,
A mis les Partisans en fuitte,
Et qui n’a peu se retirer,
N’ose à present se declarer.
Comme l’on void dans la campagne,
Rouler du haut d’vne montagne,
Les eaux d’vn torrent furieux,
Entraisnans & cheuaux & bœufs,
Et descendans dedans la plaine,
Enleuer les troupeaux à laine.
Que l’on voyoit auparauant,
Bondir sur le pré verdoyant,
Le berger qui dedans sa hutte,
Prés de là dessus quelque butte,
Voir emporter tous ses troupeaux,
Par la violence des eaux,
Et que vainement il oppose,
A sa fureur aucune chose,
Est contraint de se retirer,
Dans sa cabane & de pleurer.
De mesme la haute prudence,
Du premier Parlement de France.
A qui plus foible qu’vn berger
Vouloit s’opposer l’Estranger,
Ayant grondé comme vn tonnerre,
Enfin a declaré la guerre,
Aux Partisans & leur Suposts,
Perturbateurs de nos repos :
Elle lance le coup de foudre,
Qui reduit Mazarin en poudre,
Enfin l’Arrest du scelerat,
Fait dans la France vn grand éclat ;
Deslors toute chose s’auance,
Apres on songe à la finance,

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Qui se trouue assez promptement,
Car chacun donne gayement,
Selon sa petite portée,
Pour mettre sur pied vne armée.
Qui dans peu, sous ce grand Beaufort,
Du Parisien noble support,
Auec quantité d’autres Princes,
Et de Gouuerneurs de Prouinces,
Sort en campagne & met à bas,
Tout ce qui resiste à son bras,
Rien ne fait teste à son courage,
Aux conuois il donne passage,
Il s’expose dans le danger,
Faisant la guerre à l’Estranger,
Et quant on sçait qu’aupres de Fresne
Il combat d’vn courage extresme,
Aussi-tost le zelé Bourgeois,
Prend les armes, & le harnois,
Il se jette dans la campagne,
Mais dés qu’il fut sur la montagne,
L’Ennemy qui void ce secours.
D’vn autre costé prend son cours,
Auecques honte il se retire,
Apres auoir bien eu du pire,
Et fuyant il disoit ces mots,
Quoy sont-ce là de ces badots.

 

 


Mais pour mieux marquer leur defaite,
Leur fuitte & honteuse retraitte,
Il en passa dedans Paris,
Plusieurs blessez, qu’on auoit pris,
L’vn auoit la teste cassée,
L’autre la jambe fracassée,
L’vn sans bras, & l’autre sans nez,
Furent dedans Paris emmenez,
Et puis sur la brune serrée,
Nostre Prince fit son entrée,
Qui paroissoit comme vn Soleil,
Au milieu de cét appareil,
On entendit du haut des dosmes,
Viue le Roy, viue Vendosme,
Viue le Roy, viue Beaufort,
Il est demeuré le plus fort,

 

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O belles trouppes Mazarines,
Vous voyla cheutes en ruynes,
La pluspart de vos regimens,
Sont descendus au monumens,
Vous auez ressenty marmailles,
Le rude choc de nos batailles,
Vous auez ressenty les coups,
De nostre tres iuste courroux,
Toutes vos entreprises vaines,
N’ont rien rauagé que des plaines,
La fureur de vos Escadrons,
Ne sçait rien rompre que des ponts,

 

 


Si de Charenton la bourgades,
Fut surprise par escalade,
Vous y receustes plus de coups,
Vous y perdites plus que nous,
On tua de nos Capitaines,
Dont le sang coula dans la seine,
Aussi le Prince de Condé,
Vit bien qu’il auoit hazardé,
Quand vn grand Seigneur de remarque
Qui trouua la fatalle parque,
Se voyant au lit de la mort,
Se plaignit ainsi de son sort,
Et luy fit la triste peinture
De sa miserable aduanture.
Illustre Prince de Condé,
Faut-il pour t’auoir secondé,
Faut-il en la fleur de mon aage,
Faire vn si mal-heureux naufrage,
Faut-il descendre au monument,
Sans sçauoir pourquoy, ny comment ?
Ha ! ie ne plaindrois point ma vie,
En la perdant pour ma Patrie,
Non, non, ie mourois glorieux,
Dans le Tombeau de mes ayeux,
Mais dedans ces sottes alarmes,
Des mains mesmes de nos gens-darmes,
Mourir pour vn ie ne sçay qui,
Ha Prince il faut finir icy !
Aussi-tost dessus son visage,
La mort vint tracer son image,

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En effaçant par fa pasleur
Ce qui luy restoit de couleur.
On dit que la douleur pressante,
De cette affliction presente,
D’vn Prince troubla le repos ;
Qu’il repeta ces derniers mots,
Et qu’il ne peut dans la cholere,
Qu’il n’enuoyast Mazarin faire :
Mais Paris se maintient tousiours,
Sans emprunter d’autre secours,
Que ce qu’il a dans ses murailles,
D’hommes pour dresser ses batailles,
Et quoy qu’on veille l’assieger,
Il a tousiours dequoy gruger,
On a beau tenir quelques postes,
Il vient plus de pain dans des hottes,
Qu’il n’en venoit par l’appareil,
De ce grand batteau de Corbeil,
Et si quand il n’en viendroit mie,
Nous aurions tousiours de la mie,
Car nous auons dans nos greniers,
Dequoy passer dés ans entiers,
Dequoy Mazarin se despesse,
Car quoy que le pain de Gonesse,
Ne passant plus par sainct Denys,
Ne vienne plus guere à Paris,
De cela peu l’on se soucies,
On n’en feroit que des roties
Qu’il vienne, ou qu’il ne vienne pas,
Pour cela nous n’en mourrons pas,
Car Dieu prend en main nostre cause.
L’homme raisonne & Dieu dispose,
Et Dieu r’enuerse en vn moment,
De l’homme le raisonnement.

 

FIN.

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