Anonyme [1649], AMBASSADE BVRLESQVE DES FILLES DE IOYE AV CARDINAL. , françaisRéférence RIM : M0_65. Cote locale : C_2_4.
AMBASSADE BVRLESQVE DES FILLES DE IOYE AV CARDINAL
LA Dame au visage si blesme, Qu’on appelle Dame Caresme, Auoit desia veu la moitié De son regne & de son quartié ; Lors que pour celebrer la Feste, Chacune parmy nous s’appreste ; Car à ce voluptueux iour, Toutes nous traitiõs tour à tour : Mais nous fusmes bien estonné, De ne voir dans nostre assemblée Paroistre aucunes males trognes ; Car souuent quantité d’yvrognes Nous y venoient rendre visite, Sans oublier la laischefrite : Ainsi de tous abandonnez, Et de nos galans delaissez, Pas-vne de nous à la dance N’entra, ny ne remplit sa pence ; Car vielles, ny violons, Ny des flûtes point nous n’auiõs ; Et quand Iacques y auroit esté, Qui de nous tous l’auroit payé ? Car d’argent aucune n’auoit, Personne la chose faisoit ; Et tout se commerce interdit, En vain nous attendions au lit, Que quelqu’vn nous vint caresser, Et le dé-jeusner nous payer.
Enfin dans ce piteux estat, Lors que chacun nous laissoit là, L’on se regardoit l’vne l’autre, En disant, où donc est le vostre, Quoy ! personne du tout ne vient ? Quoy ! ne gaignerons nous plus rien ? Quoy ! la fleure est à S. Germain ! L’orange, Deschamps, S. Martin, Quoy ! nous les auons tous perdu Ces galans, ces joüeurs d’hauscul ? Il nous faut quitter le mestier, Et engager iusqu’au tablier ; Car pour moy i’ay desia grand faim : (Dit la Matrone aux rides mains.) C’est bien dit nostre Matronette, (Luy respond aussi-tost Rolette.)
Mais il est temps qu’elle s’ẽ aille, Il la faut adjuster canaille, Et la parer honnestement, Pour s’acquitter du mandement, Tien Denyse prens ce mouchoir, Vrayment il te fera beau voir, Bien haranguer le Cardinal, Ta coëffe ne te sied pas mal, Tien prend aussi cette manchette, Elle sera fort gentillette ; Où trouuerons-je vn cotillon ? Prestes luy le vostre Toinon, Bon, bon, tu n’és que par trop braue, Mais il faut qu’vn peu tu te laue, Car t’a le groüin beaucoup plus sale, Que saloppe qui soit és halle. : Qui n’auroit point de la paumade, Pour luy en frotter la leurade : Tenez ce petit de chandelle, (Dit Rosette) ie m’en fais belle, Et frottez-en bien son museau, Elle en aura le tein fort beau.
Enfin donc paré de la sorte, Deny se s’en va vers la porte : Mais Toinon trop officieuse, Demeura le cul nud en gueuse ;
Desia Denyse est à la porte, Que l’on crie que rien ne sorte, Et pour lors fut bien attrappé ; Et mesme s’en fust retourné Dans le Conclaue de ces Dames, Fort attristé dedans son ame, Du rengaine qu’elle auoit eu ; Si soudain ne s’eust apperceu, D’vn bon, gentil courtois garçon, Qui pour lors faisoit faction ; L’auisant donc elle l’aborde, Il la saluë, & luy accorde ; En cachet la laisser passer. Peut-estre pour recompenser Le bien de la laisser sortir, Elle luy fit d’autre plaisir, Peut-estre oüy peut-estre non, Ie n’estois pas là tout de bon, Pour en dire chose certaine, Mais ie n’en suis pas fort en peine.
C’est assez que grande Denyse, Lors que des champs elle s’auise, Va du pied d’vne telle sorte, Qu’elle n’est plus veu de la porte : Enfin elle trottoit si viste, Qu’elle arriuoit desia à son giste ; I’entends que c’est à S. Germain, Où sans demander Mazarin, Elle va droit au Chasteau Vieu, Et s’on faillir, s’adresse au lieu, Où ce grand Prelat eminent, auoit lors son appartement. Mais vn laquais du Cardinal, (Qui ne la connoissoit pas mal,) Sçachant qu’elle estoit fort courtoise, La voyant faire la bourgeoise, Tout resioüy la borde, & dit, Commerce n’est plus interdit : Ha ! que Venus me fauorise, Par ton arriuée ma Denyse ? Te voyant l’appetit me vient, Et me semble manquer de rien. Ne vous eschauffez mon amy, Ie ne vous cherche pas icy, (Dit elle) & sans plus caqueter, Le Cardinal s’en va treuuer. Entré qu’elle fut dans la Chambre, Qui fumoit de baumes, & d’ãbre ; Elle treuua son homme au lit, Et en le salüant, luy dit.
Ie viens icy, puissant Prelat, Non de la part d’vn Nouitiat, Mais d’vn tres-celebre Conuent, (Des Filles de loye i’entends) Nous sommes ces celebres Dames, Par le nom de putain infames : Vous auez connuë nos conclaues, Qui vous faisoient jadis si braue, Lors qu’autrefois en Italie, vous hantiez la compagnie, De celles qui dans ce Pays Font le mestier, que nous icy ; Tant ost leur menant des galans, Tant ost seruant de truchement, Pour attrapper vn est ranger, Dont la langue sçauez parler : Ainsi entretenant le trafic, Les bonnes gens vous faisoiẽt nic. Ayant qui té l’autre mestier, Auec nous auez pris quartier, Et l’on sçait que Dame Venus, Sale Princesse des culs nuds, N’a pas plus paillard seruiteur, Que vous (nostre eminent Seigneur.)
Ce dit, ny luy rien accorda, Ny toutefois rien refusa, Mais Iule d’vn signe de teste, Vn signe qui n’est pas tant beste, L’aduertit qu’il consulteroit, Ce que faire bon y pourroit : Elle s’en va dans l’anti-chambre, La response de Iule attendre. Mais alors Thulie la quitte, Sans voir le fruit de sa visite.
FIN.
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