Anonyme [1649], ANTI-REFVTATION DE LA RESPONCE AV BANDEAV DE THEMIS AVEC IVGEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_94. Cote locale : A_2_27.
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ANTI-REFVTATION DE LA
Responce au Bandeau de Themis auec
Iugement.

IE ne puis assez m’étonner, qu’vne
personne qui se picque de passer
pour iudicieuse, puisse asseoir vn
iugement asseuré sur vn discours
qu’il soustient n’en auoir aucune
tainture : & fasse paroistre tant de contradiction
dans ces paroles. Pour moy ie crois qu’vn coup
d’œil ne nuit pas tant qu’vn coup de langue,
& qu’il est moins dangereux de voir les
d’éfaux d’autruy, que de les publier, & de les
faire cognoistre en les rendans publics par des
souspirs inconsiderés. Ie confesse qu’il faut ressantir
les mal’heurs de cette vie à moins que d’estre
priué de raison : Dieu mesme par la bonté
infinie ne nous déffent pas de donner quelque
chose à la Nature, pourueu que ce ne soit point
d’vne maniere qui respugne à ses iustes Loys ;
car (comme vous sçauez) tout homme est iugé

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à ses passions, lesquelles ne sont ny bonnes, ny
mauuaises d’elles mesmes, & ne peuuẽt par consequent
produire aucun effet de bonne où de
mauuaise Nature, si elles ne sont maistrisees
des inclinations, il me semble Monsieur que
ny vous ny moy, n’auons point encore esté reduits
dans vn pareil esclauage que les Iuifs, pour
rapporter à propos de nos mal’heurs que ces miserables
furent contrains d’achepter à beaux deniers
comptens la permission d’vne iuste plainte :
car vous pouuez sçauoir aussi bien que moy
que depuis que la Monarchie est dans ce Royaume,
il n’y a iamais desclaues : sinon ceux qui s’abandonnent
aux vices, lesquels sont seuls estimées
veritables esclaues dans la sainte Escriture.
Vous me permetterez de vous dire que ie crois
qu’il n’est pas necessaire d’estre grand Theologien
pour sçauoir que lors que l’on dit, (que
nous sommes chrestienement obligez de taire
les deffaux d’autruy, que cela se doit entendre
des actions particulieres) puisqu’vn mediocre
Philosophe se peut comprendre auec facilité ;
& puis cela ne vous excuse nullement, car nous
pouuons sans absurdité regarder les actions du
Parlement comme particulieres au respect des
Royaumes estrangers ; car qui me fait dire qu’elles

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ne doiuent point estre divulgées auec tant
d’ardeur & de vehemẽce : d’autant que les bruits
s’estendent iusques aux Prouinces les plus loingtaines,
car comme c’est l’ordinaire de prendre
tout en mauuaise part) les moindres deffaux y
pouroient passer pour vices enormes, ils ne s’ensuit
pas non plus que les Predicateurs de la verité
soiẽt medisans, puis qu’ils ne parlent iamais
contre ces personnes comme vous faites, mais
qu’ils se contentent de blasmer auec iustice les
vices en generale, ie sçay que le fils de Dieu a
parlé contre les hypocrites, mais ça tousiours
esté dans le commun : Comme lorsqu’il dit sans
specifier personnevas phseudo prophetis, & que
quand il parla des meschancetez des Scribes &
Pharisiens, il dit publiquement& fructibus corum
cognoscetis eos : mais il ne les a iamais blasmez
en particulier, se contentant de d’esclamer
contre leurs vices les plus secrets, par ce qu’il
en auoit vne parfaite cognoissance. Ie n’ignore
pas qu’il ne condamne les mauuais iuges, ce
qui nous monstre assez que ce n’est pas à nous
d’en prendre cognoissance de leurs manquemans,
car-il se pourra faire que nous mettrons
quelqu’vn dans le nombre, qui ne se sera iamais
fouruoyé dans les Loix de l’équité, ie veux

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bien que vous sçachiez que si ie dis contre Messieurs
du Parlement, quelques chose qui semble
blasmer leur procedé, ce n’a iamais esté
dans le dessein de censurer leurs dernieres actions,
& que ie n’ay point eu d’autre dessein
que de releuer d’auantage leur genereuse resolution,
de laquelle ils se sont armez lorsque les
affaires de la France sembloiẽt le demander pour
la plus grande seureté de l’Estat : vous dites qu’vne
conscience qui se gouuerne selon les mouuemens
du Ciel, ne peut chopper dans des affaires
de si grande importance, comme ont fait
Messieurs du Parlement, qui a donc esté la cause
que S. Pierre vist trois fois son Maistre, luy qui
est lechef du sacré College des Apostre (sinon la
fragilitè humaine) si Messieurs de Parlement ont
imité S. Pierre dans sa faute, ils l’ont aussi imité
dans la repentance : car ils se son plus glorieusement
releuez qu’ils n’auoient chopper dans
ce rencontre, les raisons par lesquelles i’ay fait
voir leur innocence, ne sont que trop plausibles
pour les pouuoir malicieusement reuoquer en
doute : entre lesquelles i’ay premieremẽt soustenu,
qu’ils n’ont iamais eu dessein de choquer le
Roy ny son authorité, mais qu’au contraire ils
se sont tousiours efforcez de la maintenir dés le

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temps qu’elle alloit estre auilliez par les menées
de Monsieur le Cardinal : & vous deuez sçauoir
que ce qu’ils en ont fait, n’a point esté à cause
que le Roy les persecutent comme vous dites,
mais parce que le Roy est persecuté. Vostre
maxime me semble bien ridiculement adaptée,
veu que dans la guerre, tant s’en faut que Messieurs
du Parlement, ayent eu le dessein de choquer
la Couronne, que leur but principal à tousiours
esté d’en maintenir l’authorité en vigeur.
n’ay iamais douté que les Rois fussent les viues
images de Dieu, & que nous fussions obligez
de les honorer en cette qualité, & qu’on leur
deust rendre tous les honneurs deubs à vne Maiesté
terestre : Mais aussi i’ay tousiours tenu pour
constant que le Roy n’a nullement esté choqué
dans le dessein que les Parisiens auoient formé
contre le Cardinal ; puisque c’estoit pour purger
son Estat d’vn mauuais ministre. Vous n’ignorez
pas qu’il ne se faut iamais fonder sur l’apparence,
& que ce que nous mesprisons, à d’ordinaire
des qualitez secrettes, dont nous ne tenons
compte, parce qu’elles nous sont incognuës.
Vous confessez qu’il n’est pas permis de
iuger des actions d’autruy, & vous ne vous pouuez
empescher de contredire à vostre propre

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confession, en iugeant mal des actions du Parlement.
Ie suis de vostre costé, quand vous dites
qu’il faut honorer nos Princes, iusqu’à donner
nos biens, & nos vies, vous iurant que moy ny,
mes semblables n’en feront iamais aucune difficulté,
non plus que nos proches, qui n’ont iamais
choisi d’autres tombeaux que les champs
de batailles, pour monstrer qu’ils estoient veritables
François. Monsieur vous sçauez que ie
ne me suis iamais estomaqué de la verité : mais
ie me choque de ce que vous dites que les maisons
de ces Messieurs, sont cimentées du sang
des pauures miserables qu’ils ont ruynées ; car
ie les croy trop raisonnables, pour sa grandir au
despens d’autruy. Vous vous offencez, que ces
Messieurs ayent des Hostels magnifiques, &
cinq où six carrosses, i’auoüe que c’est superfluité,
si cela est, & pour ne vous point faire de
tort ie crois ce qui en est, encor faut t’il que pour
l’honneur de leur dignité ils entretiennent vn
train sortable au rang qu’ils tiennent. Combien
pensez vous ie vous prie qu’il y ait de ces Messieurs
qui font contre leur gré la depance qu’ils
sont contrains de fournir iournellement, dans
la seule apprehension, qu’ils ont de passer pour
auaricieux ; vous dites qu’apres les Princes, &

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quelques Partisans, il n’y a point de bonne
bourse que celles de Messieurs du Parlement :
vous ne trouuez point mauuais qu’vn Marchand
amasse du bien, qu’vn Medecin s’en richisse
(ce n’est pas que ie les comparent à ces gens là :
car leur dignité les releuent trop [2 mots ill.] le
commun pour le faire) & vous trouuez extraordinaire
(qu’vn President ou vn Conseiller)
qui aura par exemple eu quelque honorable
employ, a cause de son merite, comme quelque
Ambassade aux Royaumes estrangers, ou quelque
commission pour le seruice du Roy ait amassé
du bien, de puis trente où quarante ans
qu’il est en charge ; & que ces Messieurs auroient
tels fait des presens qu’ils y ont receuz,
pourquoy leurs donne t’on ces honorables emplois,
si ce n’est pour leur donner moyen de faire
honnestement leurs affaires, sans ruyner le
peuple comme vous dites : mais vous me direz
qu’ils n’ont pas tous eu ces honestes emplois,
ie vous respons qu’ils ne sont pas tous paruenus
ou vous dite. Vous concluez que parce qu’ils
possedent de grands biens, ils en doiuent ayder
le Roy & l’Estat dans ses necessitez (qui en doute.)
Mais non pas dans les superfluitez, ny pour
satisfaire des personnes qui sont insatiables, certainement

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ce Poëte cognoist bien l’humeur de
telles gens qui a dit,Crescit amor nummi quantum
ipsa pecunia crescit. Car apres auoir beu tout le
vin de la France, ils en engloutiroient volontiers
la lie ; I’entens qu’apres auoir tire tout le
plus pur de nos tresors, ils en espuiseroient volontiers
entierement ce Royaume, pour le rendre
aussi desnué de toutes choses qu’il en a autrefois
abondamment fourny ses voisins ; ce qui
fait que i’a prouue ce que dit cet autre Poëte qui
s’escrie, en comparant ces espris à des hydropiques,
quo plus sunt potas plus sitiunte aquæ. i’aduoüe
auec vous que Messieurs du Parlement
sont les tuteurs de nos Rois & qu’ils les doiuent
ayder de tout leur possible ; ne le sont t’ils pas,
peut-estre que non, ils en sont donc empeschez,
& il faut de necessité, qu’ils n’en ayent pas la liberté,
puis qu’ils ne se mettent pas en deuoir de
leur en prendre, vous me demandez, pourquoy
du temps de Monsieur le Cardinal de Richelieu,
(ce grand genie de la France) ils ont passé tous
les Edits qui estoient à la foule du peuple sans
s’opposer à ses volontez : ie vous pourrois respondre,
qu’il auoit la force en main, & que
tant s’en faut qu’il fut content de prendre sur le
peuple, ils retenoit aussi les gages de Messieurs

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du Parlement. Mais parce que cette raison
ne me semble pas valable, ie vous diray en
peu de mots, qu’ils cognoissoient, que Monsieur
de Richelieu, n’auoit que des desseins aduantageux
pour la France, & qu’il ne faisoit rien
sans le consentement du Roy son Maistre ; aux
volontez duquel Messieurs du Parlement ne
pouuoiẽt iustement se rendre refractaires. Pourquoy
donc vssiez vous voulu qu’ils vssent repugné
aux iustes Ordonances de nostre Monarque,
veu que vous dites qu’il faut en passer par
où les Roys veulent, encore bien qu’ils nous
maltraittent, puisqu’ils ont receu leur puissance
du Ciel (qui pourtant ne leur permet d’en
abuser qu’autant qu’il luy plaist) ils le pouuoient
dites-vous, ie le nie, d’autant qu’il n’est
pas encore temps d’employer vn remede si violant ;
& puis le Roy seul est capable de guerir
son estat par vn effet de sa grande prudance :
mais à present que le Roy est encore en sa minorité,
& qu’il est mal conseillé, il ne faut point
trouuer estrange, qu’ils ayent entrepris son
droit auec vne si ardente passion qu’il faudroit
estre tout a fait heleroclytte, pour ne la pas approuué
contre ce qui auroit approuué, que
Messieurs du Parlement vssent remué contre

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celuy qui les maintient en paix, qui auoit sousmis
les suiets rebelles du Roy ; i’entans contre
le Cardinal de Richelieu, le plus grand homme
que la France ait iamais veu, & mesme vn des
plus grands espris de toute l’Europe, quant à ce
que vous dites, que Cesar dit vn iour que les balances
de la iustice se remuoient au gré des Princes,
ie me contenteray de vous dire que Monsieur
le Cardinal de Richelieu n’a pas eu le pouuoir
de le faire : Car il a perdu des procez, contre
des personnes que le seul droit de leurs causes
rendoient recõmandables ; ce qui monstre assez
clairement que les Iuges incorruptibles couseruent
le bon droit a qui il appartient, & que s’ils,
n’ont pas fleschy mal à propos sous l’authorité
du Cardinal de Richelieu, ils ne le doiuent pas
faire inconsiderement pour le respect de Monsieur
Mazarin. Pour les maux & les miseres que
nous auons souffertes durant cette guerre, il
ne faut pas attribuer la cause à Messieurs du Parlement,
qui n’en sont aucunement les autheurs,
Mais seulement aux mauuais Conseillers du
Roy & de la Reyne Regente sa Mere : qui luy
ont persuadé d’enleuer le Roy, hors de cette ville
comme si on l’eust voulu assassiner : car vous
deuez tenir pour vne chose infaillible que le

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Roy hors de Paris, & Paris sans le Roy, n’engendra
iamais rien de bon dans l’Estat. Lors que
ie dis qu’ils ont fait la guerre a leurs despans, ie
veux dire qu’ils y ont bien plus contribué que
les autres, & cela me suffit pour faire passer ma
proposition pour veritable. Vous asseurez que
les Generaux de Paris, ont vescu pour la plus
part sur le domaine du Roy, cela ne vous doit
point estonner puis que c’est pour son seruice &
en sa consideration. Vous sçaurez Monsieur
que quand i’ay parlé de la potance, ie ne dis pas
qu’elle soit duë à l’Autheur, mais à la piece : supplice
qui est deu aux voleurs, ie l’aduoüe, vostre
bandeau ne l’est t’il pas assez puis qu’il desrobe
la bonne renommée de ceux qui ne peuuent
estre blasmez auec iustice. Vous soustenez
que vous estes trop bon Frãçois pour estre Mazarinistes,
vous ne songez pas que vous prenez
vne qualité qui vous est plus desauantageuse,
que celle que vous reiettez : car vous n’auez
point de honte de vous mettre du nombre de
ceux qui ont le cœur double, & qu’on dit auoir
aliud ore prumptum aliud inpectore vt conditum :puisque
vous souslenez euidamment vn party, que
vous desniez absolument. Ie voudrois vous demander
quel priuilege vous auez par dessus les

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autres ; de vous loüer vous mesme, il semble que
vous n’esperiez pas que personne s’en mesle,
puisque vous dites de vous que vous este trop hõme
de bien pour estre sergent, & trop docte,
pour estre Clerc. Comme si c’estoit vn crime,
& qu’il fut impossible de seruir dans ses vacations.
Il ne faut pas estre beaucoup sage pour
vous dire toutes vos veritez, c’est pourquoy ie
n’ay pas besoin de me perfectionner d’auãtage.
Il n’est plus temps de vous expliquer, ny de dire
ce que vous entendez par le bandeau de Themis,
apres l’auoir mis au iour sans vne forme si
desagreables : puis que vous aduoüez qu’il y a
d’honestes gens dans le Parlement, pourquoy
ne voulez vous pas qu’il me soit permis de prendre
la meilleure partie pour le tout ; car vous
sçauez que la denomination se doit faire de la
principale partie. Vous estes trop boüillant : ie
vous conseille de ne pas donner l’aduis de perdre
tout vn Royaume, selon que vostre brutalle
passion vous le dictes. Mettez vn peu d’eau
dans vostre vin, afin qu’vne autre fois vous ne
vous laissiez pas emporter, a de si pernicieux
desseins, le Parlement que vous blasmez, a esté
plus prudent que vous : car il n’a rien fait que
pour le mieux & vous donnés vn aduis le plus

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dangereux, que le malin esprit puisse dicter, à vne
personne dépourueuë de raison. Vostre mauuais
conseil me force d’aduoüer que quoy que
vous soyez loüable, pour vostre bien dire : vous
estes extremement blasmable pour vostre meschanceté,
à la quelle personne ne peut adherer
sans crime.

 

FIN.

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