Anonyme [1652], APOLOGIE POVR LA DEFENSE DES BOVRGEOIS DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_120. Cote locale : B_2_17.
SubSect précédent(e)

APOLOGIE
POVR LA DEFFENSE.
DES BOVRGEOIS
DE PARIS.

Sur la derniere Declaration du Roy portant
Amnistie.

Donnée à Mantes.

L’ON ne peut dire le mesme
de la ville de Paris, qui se disoit
anciennement de Rome
& d’Athenes qui n’aymoient
leurs Magistrats souuerains
que durant le temps qu’ils les
iugeoient vtiles à leur Republique & cela
passé ils les mesprisoient, les bannissoient &
les priuoient de leur dignité. Ainsi les Atheniens
traicterent de la sorte Themistocles
& Mitiades, & les Romains, Scipion, Coriolan

-- 4 --

& autres. Il n’en est pas ainsi des Parisiëns
qui ayment naturellement leur Roy sur tous
les autres peuples de France, dequoy l’Histoire
les louë & les estime.

 

Elle ne manque pas aussi de remarquer les
signalez seruices qu’ils ont tousiours renduë
aux Roys en leurs plus grandes affaires : Du
temps de Saint Louys, alors qu’il estoit poursuiuy
de quelque Grands, les Parisiens sortirent
auec douze mille hommes bien armez
& conduits & furent iusques à Mont [illisible]erry.
ou ils le deliurerent & l’amenerent Glorieux
& triomphant a Paris, ayant contraint ses
ennemis à se retirer vers Melun.

Dans le regne du Roy François premier,
les Hannuyers, Flamands & Bourguignons,
ayant passé la riuiere de Somme a Bray, &
entré auec vne grande armée en Picardie,
mirent vn si grand trouble dans la Prouince,
que chacun abandonnoit sa maison, Paris
mesme ne se tenoit point asseuré. Le Roy
n’auoit lors aucune armee sur pied pour repousser
ses ennemis, les parisiens pour se
conseruer en conseruant leur Roy & son
Estat, armerent dix mille hommes, outre
l’argent qu'ils donnerent, & auec ce se ours,
le Roy chassa ses ennemis & les fit repasser

-- 5 --

en leurs pays plus viste qu’ils n’estoient
venus.

 

L’an 1636. les Imperiaux, & les Espagnols
commandez par le Prince Thomas, le
Comte Piceolomini & Iean de Verre, apres
auoir pris la Capelle, le Catelet, Corbie, passerent
la Somme au mesme lieu de Bray, auec
dix mil cheuaux, & dix mil hommes de pied,
prirent Roye ; coururent la Picardie iusques à
Noyon, portant les armes a feu par tout, ce
qui effraya grandement la Prouince, à Paris
mesme le defunct Roy Louys XIII. bien empesché ;
n’ayant point d’armée suffisante pour
la chaster, la Ville de Paris l’assista puissamment ;
car il n’y eut Compagnie Souueraine,
Corps de Marchands, & de Mestiers, n’y
Communautez qu’ils ne se cottizassent pour
faire vn fonds notable au Roy, en Vrgente
necessité de ses affaires, & outre ce fond plus
de dix mille volontaires sortirent de Paris,
lesquels auec les forces de France qui furent
enuoyées, le Roy se trouua auec vne armée
presque de cinquante mille hommes, auec laquelle
il chassa les ennemis hors la Picardie
& reprit Corbie.

Glorieuse preuue de l’amour des Parisiens

-- 6 --

enuers leurs Roy & de leurs fidelité inesbranlable
qu’ils ont tousiours fait voit a son
seruice.

 

L’an 1637. a la naissance du Roy d’apresent,
la Ville de Paris fit des feux de joye
tout extraordinaire, auec des rejoüissance
qui durerent trois iours, & iamais ne s’en virent
de pareille pour la naillance de nos autres
Roys, tesmoignant le grand bon-heur
de voir vn d’auphin apres vingt-trois années
que le Roy estoit marié, quasi hors d’esperance
d’auoir lignée, ce qui fut, comme vn
miracle, qu’il ne pouuoit estre trop solemnellement
reconnu, venir de la bonté de
Dieu.

Il est vray qu’en l’an 1648. les Parisiens
voyant qu'à l’issuë des prieres publiques, &
des remerciement pour la victoire signalée
de Monsieur le Prince auoit obtenu en Flandre
contre l’Espagnol, sur l’Arrest des personnes
de Monsieur de Broussel, & de Monsieur
le President Blanmesni, les Parisiens
s’esmeurent & se barricaderent en voulant
au Cardinal Mazarin, autheur des mauuais
conseils baillez pour prendre ces Messieurs
& autres. Le tout neantmoins se passa sans

-- 7 --

beaucoup de mal, & des le Samedy au matin
au premier commendement ils rompirent
leurs barricade, & les boutiques furent
ouuertes comme auparauant sans sedition,
pour monstrer leur obeyisance respectueuse
qu’ils ont tousiours renduë au Roy, & aux
Magistrats, c’est le tout estant pacifié, la Cour
alla à Compiegne, les Parisiens qui le desiroient,
y enuoient des Deputez qui supplierent
sa Majesté de venir en sa bonne Ville de
Paris, & de fait le dernier tour d'Octobre
veille de la Toussainct y estant arriue le soir,
ensuitte les feux de joye furent par toutes les
ruës & quartiers de la Ville, & n’entend[illisible]
que coups de mousquets & fusils tirez de
tous costez, ce qui dura iusque sur les onze
heures du soit, marque de la grande ioye
que les Parisiens auoient de voir le Roy dans
Paris.

 

La nuict du sixiesme Ianuier 1649. le Cardinal
Mazarin fit sortir le Roy hors de Paris,
& l’enmena a Sainct Germain en Laye, ce
qui mit les Parisiens comme au desespoir, &
quoy que ce Cardinal fist tour son possible
pour bloquer Paris, & empescher les viures
d’y arriuer ; pour afin que [illisible] portast

-- 8 --

[illisible]
grand nombre du party Mazarin, empescha
tousiours leur sortie & curent cette patience
dans leurs souffrances, que l’accommodement
se fit au mois d’Auril, ensuitte duquel
le Roy vint à Paris, au grand contentement
de tous les Habitans. Lesquels pour empescher
qu’il ne les quittast, garderent quelque
temps les portes, & ainsi il demeura à Paris
iusques au mois de Septembre qu’il alla à
Fontaine-belleau, de-là en Berry, puis à
Potiers.

 

Ce qui fait voir qu’il n’y à peuple au monde
de qui ayme mieux son Roy que les Parisiens.
Aussi les Roys parlant de Paris, disent tousjours
nostre bonne Ville de Paris, ce qu’ils
ne disent point des autres villes du Royaume,
comme sçachant qu’ils regnent dans leurs
cœurs, & qu’ils l ayment auec passion.

Que si cette année le mesme Cardinal

-- 9 --

Mazarin enuoya le Mareschal de Turenne
auec vne forte armée, pour essayer d’y entrer
de force, & d’y faire le mal qu’il pretendoit,
quoy qu’il attaquast le Faux-bourg S.
Antoine, & qu’il eust dans la Ville grand
nombre de son party qui eussent fauorisé son
entreprise, les Parisiens pour cela ne firent
aucune sedition, ils tenderent leurs chaines,
garderent les portes, & ne sortirent que quelque
volontaire qui ioignirent les trouppes
de Messieurs les Princes, & obligerent le
Mareschal de Turenne à se retirer.

 

Que s’il se fist en mesme temps quelque
tumulte au Palais & à l’Hostel de Ville, ce ne
furent point les Bourgeois : mais vne multitude
qui estoit comme la lie du peuple, & qui
ne demandoient qu’a susciter vne sedition, ce
que les Bourgeois empescherent comme ils
ont tousiours faict, estant ennemis de tels
qui n’ayant rien a perdre, ne cherchant qu’à
remuer pour pouuoir piller.

De maniere que les habitans de Paris
pour tout le mal qu’on leur ait fait, ne s’estant
iamais declarez contre le Roy, ny pris
les armes pour esmouuoir des seditions dans
la Ville, au prejudice du seruice qu’ils doiuent

-- 10 --

à sa Majesté, & ne pouuant pas estre tenus
pour criminels, ny rebelles, comme le
party Mazarin le nomme, ils n’ont pas besoin
d'Amnistie, ny d’abolition qui suppose
tousiours le crime à la rebellion, dont ils
n’ont iamais faict les actes, & partant s’ils se
sousmettoient à cette abolition, ce seroit vne
tache que l’Histoire remarqueroit, contre la
gloire de leur fidelié & de leur amour, qu’ils
auroient esté aux occasions prescrites dans
la rebellion, & accusez de crime de desobeyssance
à leur Roy : Infamie qui demeurerois
comme hereditaire à leurs enfans, & dans la
posterité, ausquels on reprocheroit vn iour
que leurs peres ayans esté rebelles à leur
Roy auroient esté obligez de prendre abolition
ou Amnistie, qui est vne grace que le
Prince fait à son sujet de luy pardonner le crime
qu’il a commis contre luy.

 

D’auantage cette Amnistie ou abolition ne
se passe point pour les Bourgeois de Paris,
qui sont innocens, & ne s’estend à Messieurs
les Princes ny au Parlement de Paris, & par
consequent ce n’est point Amnistie qui doit
estre generale, sans condition ny exception :
Dequoy seruira-elle aux Bourgeois si elle ne

-- 11 --

comprend Messieurs les Princes & le Parlement,
que les Bourgeois de Paris ne doiuent
ny ne peuuent abandonner à moins que de
voir leur ville bloquée plus estroictement
que iamais par leurs aimes qui sont puissantes,
puis qu’ils ont declare vouloir demeurer
vnis auec eux, & que Messieurs les Princes
n’ont pris le armes que pour le seruice, &
la conseruation de la ville de Paris, L’esloignement
du Cardinal Mazarin hors de France,
terres & pays de l’obeyssance de sa Majesté,
sans aucune esperance de reuenir, &
paruenir à vne paix generale : que cela estant
ils poseroient les armes.

 

Il semble que l’intention de ceux qui font
ainsi parler le Roy, soit aux fins de des-vnir
& diuiser la ville de Paris d’auec Messieurs les
Princes, puis que cette Amnistie ne regarde
que les Bourgeois, ce qui est conforme aux
billets & placards qui se sont veus ces iours
passez dans Paris, & à l’Assemblée des Bourgeois
qui s'est faicte au Palais Royal. Que si
cela estoit, & que Messieurs les Princes fussent
diuisez auec les Bourgeois qui alors se verroient
abandonnez à la violence des Mazarins,
comment se pourroient defendre dans

-- 12 --

[illisible]
qui n’auroient plus personne pour les
defendre, se verroient comme de pauures
brebis abandonnées aux Loups, apres auoir
esté ainsi abandonnés de leurs Pasteurs Messieurs
les Princes, & Messieurs du Parlement,
pour auoir eu trop de confiance en eux, qui
ont tousiours recherché leur ruyne.

 

Il est tres iuste d’obeyr au Roy, les Loix
& les Ordonnances diuines & humaines nous
y obligent, il le faut aymer, le seruir, & luy
rendre tous deuoirs de vrays subjects, puis
qu’il nous est donné de la main de Dieu. Ie ne
croy pas qu’il y ait François de bon naturel
qui confesse cette verité & qui refuse le seruice
& l’obeyssance au Roy, à moins que de
passer pour vn traistre, vn subiect bastard &
illegitime digne de ressentir les peines que
les Ordonnances veulent estre employées
contre de tels meschans & infidelles subjets,
Mais chacun cognoist que le Roy encore ieune,

-- 13 --

ne, & n’ayant encore atteint l’aage qui peut
discerner les bons subjets [illisible]
& qu’il est comme obsedé & gouuerné
par vn conseil estranger & corrompu que le
Cardinal Mazarin luy a donné, & qui le rient
comme captif Il ne se faut pas attendre d’auoir
d’vn tel conseil des asseurances autentiques
de ce qu’il fait publier contre la pure &
innocente intention du Roy, & ayant en ce
qu’ils font tousiours quelque ambiguité en
leurs paroles, qui ne sont point conceuës en
termes clairs & nets, comme est cette Amnistie
defectueuse, au lieu qu’elle deuroit
estre generale, pour Messieurs les Princes, le
Parlement, & pour toutes sortes de personnes,
oubliant generalement tout ce qui s’est
commis, fait, entrepris, & attenté par qui que
ce soient durant ces presens mouuements
sans estre subjects à estre recherchez à l’aduenir,
& auoir toutes ces offenses pretenduës
pour oubliées & non aduenuës. Telle est la
forme en laquelle toute Amnistie qu’on veut
faire passer pour generale doit estre pour l'establissement
d’vne bonne & stable pai[1 lettre ill.], qui
est le vray chemin & le plus asseuré pour y
paruenir, chacun relaschant quelque chose

-- 14 --

de son droict & interest pour vn si grand bien
qui regarde le public, & la fin d'vne si malheureuse
guerre.

 

Il n’est pas croyable que tout esprit bien
fait desinterresse & non passionne, ne demeure
d’accord de cette verite si pleine de justice
& de sincerité, & qui ne [1 mot ill.] reflexion sur
cette Apologie, qui n’a autre but que le seruice
du Roy, le bien & le repos de sa bonne
Ville de Paris, & la seureté de ses Habitans
pour se garder de [1 mot ill.] & de trahison, non
point du costé du Roy qui est trop bien né
pour vouloir mal a vne Ville qui luy a tousiours
esté tres fidelle obeyssance : mais de la
part des Estrangers qui font vne bonne partie
de son Conseil, ce qui [1 mot ill.] & font
ce qu’il leur plaist sans informer, sa Majesté
du contraire de ce qu’ils mettent en auant au
lieu de le porter [illisible] bonne Ville
de Paris, où elle sera [illisible]
ouuerts, auec loys & protestation de seruice
& d’obeyssance, [1 mot ill.] la Masson Roy[illisible]
auec les Princes du Sang, Poser les armes,
congédier les armee, faire receuoir à la Iustice
son compte ordinaire, & remettre l’Estat
en la mesme splendeur & felicité qu’il

-- 15 --

estoit sous le regne du Grand Henry ayeul
de sa Maiesté, de memoire jmmortelle, &
estre l’vnique objet de l’amour de ses peuples.

 

Entre ces grenades, bombes & artifices,
dont Monsieur le Prince se veut fournir pour
contraindre le Mareschal de [1 mot ill.] quitter
Ville-neufue Sainct Georges, la resolution
est prises auec le Duc de [1 mot ill.], de
le forcer dans ses retranchement [Illisible]
endroits, & en mesme temps n’ayant plus de
deux mille d’infanteries dedans assez [1 mot ill.]
faits auec sa Cavalerie, dont les [1 mot ill.]
meurent [1 lettre ill.]ournellement faute de fourrage.

Depuis trais iours ce mesme Mareschal
voulut sortir auec sa Caualeries pour se sauuer
mais il fut aussi repoussé, contraint de
rentrer dans ses retranchement.

Maintenant que M. le Prince commence à
se bien porter, il montera a cheual, & se rendra
à l’armée pour executer sa resolution de
forcer les ennemis.

FIN.

SubSect précédent(e)


Anonyme [1652], APOLOGIE POVR LA DEFENSE DES BOVRGEOIS DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_120. Cote locale : B_2_17.