Anonyme [1649], APOLOGIE POVR LA DEFFENCE DV CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_121. Cote locale : C_2_10.
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APOLOGIE POVR LA DEFFENSE
du Cardinal Mazarin.

Aliud in ore promptum, aliud in pectore reconditum.

 


ENTRE les passions qui maistrisent nostre ame,
Ie n’en recognois point de plus digne de blasme,
Que le monstre enuieux, qui trouble nostre cœur,
Et qui flatte tousiours nostre mauuaise humeur,
Car si nous médisons, tous nos sens il resueille,
Pour nous persuader que nous disons merueille,
Il entretient si bien ce dessein dangereux,
Que, quoy qu’il soit infame, il paroist genereux :
C’est ce qui fait souuent, que dans nostre colere
Nous ne pardonnons pas à nostre propre pere,
La langue est vn cousteau qu’on ne peut empescher
De couper, d’offencer, de rompre & de trancher.
En offençant quelqu’vn nous en chocquons vn mille,
Chocquant vn Citoyen, nous offençons la Ville,
Ce discours monstre assez que ceux qui parlent mal,
Et qui veulent ternir le nom du Cardinal,
Ne pensant offencer que luy, chocquent la Reyne,
Qui ne reuiendra pas qu’elle ne le rameine.
Lors qu’ils chocquent son nom, ils n’apperçoiuent pas
Qu’on les contraindra tous de reuerer ses pas,

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Ils deuroient penser que sa grande puissance
Pourra bien-tost ou tard punir leur médisance.
Et les faire parler tout d’vne autre façon,
Leur faisant enseigner vne estrange leçon ;
Ie ne puis approuuer qu’vn Royaume s’occupe
A décrier par tout le Cardinal pour dupe,
En faisant vn fatras de mille fictions
Pour le des honorer selon leurs passions.
Ie ne puis consentir qu’vne humeur libertine,
D’vn Laquais, d’vn Cocher, d’vn Valet de cuisine
S’occupe tout vn iour à forger laschement
Quelque mot qu’vn bouffon dira sans iugement,
Ie ne sçaurois penser qu’on dise auec iustice,
Tant d’execrations qui ne sont que malice
N’y qu’on puisse sans tort perdre ainsi le respect,
Qu’on ne peut dénier sans se rendre suspect.
Bref, pour dire en vn mot, ie ne puis condescendre,
Que l’on condamne à mort vn homme sans l’entendre,
Et que pour contenter sa curiosité,
On s’expose dans peu de se voir arresté,
Pour vne occasion qui n’est point honorable,
Et qui par consequent ne doit point estre aimable ;
Ie voudrois bien sçauoir si ces faiseurs de Vers,
(Qui (comme leurs escrits) sont tousiours de trauers)
Ont satisfaction d’inuenter tant de choses
Dont ils n’ont seulement iamais cognu les causes,
Si vous leur demandez qui cause tant de mal ?
Ils diront brusquement que c’est le Cardinal,

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Desirez vous sçauoir qui cause leurs miseres ?
Monsieur le Cardinal auecque ses Confreres,
Si l’on s’informe d’eux, pourquoy manque l’argent ?
Et pourquoy le peuple est maintenant indigent ?
Sans crainte ils vous diront qu’il est en Italie,
Et qu’il n’en reste plus à present que la lie,
Qu’ils sont au desespoir, qu’ils sont tous ruinez,
Qu’ils aymeroient autant estre à iamais damnez ;
Qui leur dicte cela ? que l’excez de leur haine,
Laquelle passion leur donne plus de peine.
Que les calamitez qui leur faut endurer ;
Car ils ne croyent pas auoir droict d’esperer,
Ils ne font que gemir, ils disent que la France
Ne perira iamais que par son Eminence.
S’ils pensoient bien à eux, ils cognoistroient bien-tost,
Qu’ils ne souffrent du mal que par leur seuls deffauts :
Car depuis que la Paix dure dedans la France
Ils nous priuent du Roy en causant son absence,
Par leurs mauuais discours qu’ils font par tout courir
S’exposant librement à se faire perir,
Car des maux, des mal-heurs, ils en donnent le blasme,
A Monsieur Mazarin qu’ils veulent rendre infame.
Par de sales moyens, qu’ils forgent contre luy
Et n’en exemptent par la Reyne nostre appuy.
Ils deuroient penser, que chocquer la Couronne
C’est beaucoup offencer, celuy-là qui la donne.
I’entends qu’on chocque Dieu. En offençant le Roy,
Puis que c’est l’offencer que mespriser sa Loy,

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Tous les Rois sont des Dieux, qui gouuernent la terre,
Il ne leur reste plus qu’à lancer le Tonnerre,
Ce qu’ils font à propos selon leur volonté,
(Lors que par quelque affront leur cœur est irrité)
Ils imitent tous Dieu qui veut la repentance :
Auec l’humilité, plustost que la vengeance.
Mais quand ils les contraints à la punition,
Il punit nos forfaits auec proportion,
Et comme bien souuent il retarde la peine,
Pour nous faire amender, Il augmente sa haine
(Quand nous le mesprisons) par vn grand chastiment,
Il executent en bref son iuste iugement.
Les Rois peuuent vser du mesme priuilege,
Quand on les a chocquez, par quelque sacrilege,
Ils peuuent differer de plaine authorité
Le chastiment de ceux, qui pour leur dignité
Ne sçauroient estre pris sans extremes prudence.
Tels que sont auiourd’huy les mesdisants de France,
Mais quelqu’vn me dira, quoy chocquons nous le Roy ?
Punissant Mazarin qui a faussé sa foy ?
Nous n’auons iamais eu seulement la pensée,
Que pour vn criminel la Reine fut faschée,
Et nous auons tous creu luy faire grand plaisir,
De ruïner Mazarin & le faire saisir,
Pour luy faire payer par le iustes supplices,
Tous ces excez commis & ces enormes vices,
L’Autheur de ce discours, croit se mettre à couuert
Mais son mauuais dessein n’est que trop descouuert,

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Ie voudrois bien sçauoir qui auroit bonne grace ?
Allant baiser le Roy luy cracher à la face.
Que pourroit-il souffrir pour vn tel manquement ?
Qui pourroit inuenter vn digne chastiment,
Pour iustement punir vn si sanglant outrage ?
Sinon que le brusler tout vif dans vne cage.
Qui auroit fait cela, chocqueroit-il le Roy ?
Respond esprit subtil ? respond donc ? parle à moy ?
Tu ne le puis nier en coupant sa main dextre,
Dis moy le chocque on, tu me diras peut estre,
Tu és bien mal-heureux, quoy ? peux-tu bien douter
Que Monsieur Mazarin que tu fais detester.
Soit le bras droict du Roy ? il soustient sa Couronne,
Il maintient ses Estats, il garde sa personne,
Il luy donne conseil auec fidelité,
Il luy monstre à souffrir toute difficulté,
Il est tout son support, il gouuerne la France,
Tout le bien qui se fait vient de son Eminence.
Si l’on gagne vn combat dessus les ennemis,
Nous deuons tous penser qu’il nous les a sousmis,
Comment me diras-tu ? est-ce par sa prudence ?
Est-ce par son esprit ? ou par sa diligence ?
Ie te responds qu’oüy, & ie dis que l’Estat,
Le perdant se verroit renuersé tout à plat,
Et puis tu voudrois destruire ce Ministre ?
Quiconque y pansera, passera pour belistre.
Si tu priuois l’Estat d’vn tel soulagement,
Aurois-tu bien le cœur de viure seulement ?

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Apres auoir destruit le bras droict de la France,
Il te faudroit choisir la mort pour recompense,
Car de viure icy bas dedans le des honneur,
On ne le pourrois pas si tu as de l’honneur.
Tu chocquerois bien plus la dignité Royalle,
Ostant le Cardinal que personne n’esgalle,
Que ne feroit celuy, dont ie parlois tantost,
Bien qu’aucun de vous d’eux n’agiroit comme il faut,
Vous chocqueriez tous deux vne mesme puissance,
Mais vos crimes seroient de mesme difference,
L’vn du Roy seulement obscurciroit l’esclat,
Et toy monstre inhumain tu ruinerois l’Estat,
Mais tu ne viendras pas à bout de tes pensées,
L’on empeschera bien tes funestes brisées,
Et l’on sçaura punir ce cruel attentat,
Que ferment les Suiets du Roy dans son Estat,
Croyez-vous auoir droict de contraindre vn Monarque,
Qui est par dessus tout ne cedant qu’à la parque,
D’esloigner celuy là que sa Mere cherit,
Il voit tous vos efforts neantmoins il s’en tit.
Il les croit impuissans pour le pouuoir demettre,
Il les employera afin de vous soubmettre,
Et les cruelles morts dont on l’a menacé,
Feront voir clairement qu’il a tout surpassé,
Les dangers euidens qui panchoient sur sa teste,
Et qu’estant dans le port il braue la tempeste,
Taschez donc seulement d’euiter le danger,
Auquel vos adherans l’eussent voulu plonger.

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Tout ainsi comme Aman eut la teste attachée,
Au poteau qu’il auoit dressé pour Mardochée.
De mesme, vous pourrez peut-estre bien mourir
Dans le lieu preparé pour le faire perir,
Vous sçauez que les Roys peuuent tirer vengeance,
De la temerité d’vne pareille offence,
Tesmoing cét Empereur lequel fit esgorger
Tout le Peuple innocent qui vouloient l’outrager.
Non pas en l’attaquant : car l’affaire impreueuë
Fit voir à descouuert la verité cogneuë.
Mais n’importe, croyant auoir esté mocqué
Il se fascha si fort pensant estre picqué,
Que pour la mort d’vn seul de ses Valets de chambre,
Il fit souffrir au Peuple vne sanglante esclandre,
S’il fist ainsi vanger la mort d’vn seruiteur,
Que fera nostre Roy pour vn tel protecteur ?
Que Monsieur Mazarin qui maintient la Couronne,
Et qui n’a point d’esclat que ce qu’il luy en donne,
Il ne faut pas douter qu’il purge cét affront,
Qui dans l’eternité luy terniroit le front,
Enfin si depuis peu l’on souffre tant en France,
Ce n’est que pour vanger vne telle insolence,
Messieurs de Paris ne soyez point honteux,
Faut vous humilier & vous serez heureux.
Si ce n’est de bon gré vous le ferez de force,
La Paix que vous auez y seruira d’amorce,
Quand vous serez surpris toutes sousmissions
Passeront dans la Cour pour des illusions,

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L’humilité pour lors n’estant que par contrainte,
Tout le monde dira, qu’il n’y a que la crainte
Qui vous a fait ranger dedans vostre deuoir,
Que vous n’estes soubmis, que manque de pouuoir,
Suiuez donc mon conseil, allez trouuer la Reine,
Demandez-luy pardon & coniurez sa haine,
Voyez le Cardinal, appaisez son courroux,
Autant qu’on la choqué, vous l’esprouuerez doux,
Il vous pardonnera, il suppliera la Reyne
Qu’enuers ses bons subjets, elle n’ait plus de hayne,
A moins que de cela, n’y a point de pardon,
Cette seule action sauuera vostre nom.

 

 


Pour conseiller cela, ie n’en voudrois rien taire :
C’est pourquoy mon discours ne vous doit pas d’éplaire.

 

FIN.

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