Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MESSIEVRS DV PARLEMENT CONTRE QVELQVES Libelles faicts à S. Germain en Laye. , françaisRéférence RIM : M0_125. Cote locale : A_2_12.
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APOLOGIE
POVR MESSIEVRS
DV PARLEMENT
CONTRE QVELQVES
Libelles faicts à S. Germain
en Laye.

A PARIS,
Chez NICOLAS DE LA VIGNE,
prés Sainct Hilaire.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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APOLOGIE
POVR MESSIEVRS
DV PARLEMENT
CONTRE QVELQVES
Libelles faicts à S. Germain
en Laye.

I’ay creu qu’il estoit du deuoir
d’vn veritable François, & méme
i’eusse estimé n’en meriter pas le
tiltre, si ie ne me fusse mis en estat
de repousser les calõnies de quelque
ennemy du repos public, qui
s’efforce de ternir la gloire de ceux qui trauaillent à
remettre la France dans son ancien esclat, & dans
l’abondance des biens qu’elle possedoit cy-deuant :
Certes aucun ne peut douter, que celuy-là ne soit
Partisan du plus detestable de tous les hommes, ie
veux dire de Mazarin, & qu’il ne soit coupable de
beaucoup de crimes, qui tasche par vn crime nouueau

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de diminuer l’authorité de ceux qui le doiuent
condamner. Non, non, que ce lasche ennemy de
sa Patrie, n’estime pas que ses escrits diffamatoires
fassent aucune impression sur les esprits du peuple
de Paris, il connoit trop bien le procedé de Messieurs
du Parlement, pour conceuoir la moindre
pensée d’vn sousleuement contre luy. Le Parlement,
à son aduis, est coupable de n’auoir pas voulu sortir
de Paris, lors que certaines personnes abusant iniustement
du nom auguste de nostre Roy, l’ont appellé
deuers elles, afin qu’estant en leur puissance,
ils pûssent exercer leur colere sur ceux de ce corps
qu’ils estimoient estre les plus gens de bien : mais
helas ! est ce auoir commis vne desobeyssance que
de n’auoir pas suiuy les illicites commandements
des rauisseurs de nostre Roy, & n’auoient ils pas raison
de craindre pour eux, puis que par vn enleuement
criminel, ils n’ont pas mesme espargné sa personne
sacrée. De ce refus doit-on conclure que le
Parlement se soit rendu ennemy de l’Estat ? & qu’il
ait tâché d’abattre la souueraineté de nostre monarque ?
S’il est vray que nous voyons tous les iours que
ses procedures ne tendent qu’a rendre le Roy plus
puissant & son peuple plus heureux : s’il a fait prendre
les armes, ce n’a esté que pour nostre deffense, &
ce qui est vne marque de sa prudence & de sa generosit,
il n’a iamais voulu agir en ennemy, lors mesme
qu’il pouuoit se preualloir de l’occasion. Dans le

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temps qu’il a veu tout le peuple de Paris animé pour
l’enleuement de son Roy ; ne pouuoit il pas luy lascher
la bride, pour le ietter sur les autheurs de cet attentat :
& puis l’on dira qu’il se veut rendre absolu,
qu’il a vsé de mille inuentions pour attirer à soy
l’esprit des peuples, dont l’ardeur sembloit improuuer
la moderation : non non, il n’a iamais en la pensée
de desobeir au Roy, au contraire, il a temoigné
l’extreme affection qu’il luy a tousiours portée en
donnant des Arrests contre l’Auteur de ce rauissement.
N’est ce pas vne imposture bien noire de dire,
qu’il n’a rendu cet acte de Iustice que pour l’exẽpter
d’aller à Saint Germain, & d’entrer en qu’estiõ,
sçauoir, qui du Roy ou du Parlement deuoit estre
obey en France : proposition certes aussi ridicule
que celuy qui l’a proposee, puis que le Parlement a
tant de respect pour le Roy, qu’il auroit creu faire
vn crime d’en auoir conceu la seule pensée, & auroit
monstré, si ceste proposition estoit veritable, par
sa desobeyssance suppozée, qu’il n’a iamais aspiré au
droit de souueraineté, ayant refusé de la disputer auec
celuy à qui le Ciel & la naissance l’ont donnee si
legitimement. C’est donc en vain que l’õ nous veut
faire croire qu’il a mis en ieu le Cardinal, pour se retirer
d’vne contestation que luy mesme condamneroit
pour vn crime. Si c’est de ce pretexte dont on
veut pallier ses fautes, il est à croire que sa cause est
res mauuaise, si c’est là la meilleure de ses deffenses.

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On nous replique toutefois que Messieurs du
Parlement ne peuuent s’excuser d’auoir failly, parce
que du moins, s’ils n’ont pas cõmis de desobeyssance,
ils ont donné vn Arrest iniuste contre Mazarin,
pour le faire sortir du Royaume, n’ayant pas de
droit de chasser le domestique d’autruy. Celuy qui
nous fait ceste belle replique, est tellement aueuglé,
qu’il ne voit pas que la connoissance des crimes appartient
à Messieurs du Parlemẽt, & que lors qu’vn
feruiteur est tombé en faute, il a droit de le faire
prendre iusques dedans la maison de son Maistre. Il
n’est pas temps de raconter toutes les malices de
Mazarin pour monstrer la Iustice de l’Arrest prononcé
contre luy, mais il nous faut faire voir le
droit qu’il a de punir les ennemis de l’Estat. Lors que
cet illustre Senat reconnoit que dedans quelque
affaire que ce soit, il y va de l’interest de sa Maiesté, il
est obligé, comme representant la Iustice de Dieu,
d’en faire la recherche & d’en punir les autheurs. Il
a veu les mauuaises maximes d’vn Ministre d’Estat,
l’attentat qu’il a commis en la personne du Roy tres-Chrestien,
les intelligences qu’il auoit auec l’estranger,
enfin les cris de toute la France qui se plaint
qu’il luy a tiré iusques à la derniere goute de son sãg
pour s’en saouler comme vne Harpie affamee : &
puis apres auoir eu la connoissance de tous ces excés,
il auroit fermé l’oreille à la Iustice, luy qui fait profession
de la rendre à ceux qui la demandent, & n’auroit

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pas eu le courage d’estoufer tant de maux dont
la pauure France est accablee, & cependant apres
toutes ces vertueuses entreprises, i’aperçois encor
quelque Perturbateur du repos public qui s’efforce
de nous mettre en horreur les genereux trauaux
qu’il prend pour nostre soulagement. Il n’est pas
possible que ce soit vn autre qu’vn demõ qui ait pris
la plume pour blasmer ce iuste procedé, que tous les
Theologiens approuuent, que la Noblesse deffend,
que le peuple reuere, & qu’ẽ fin les ennemis mesme
du Royaume estiment tres-louable. Ce perfide a biẽ
l’audace de publier que ceste Auguste Compagnie a
eu assez d’infidelité pour attaquer vn Roy durant sa
minorité, mettant par ce moyen le Royaume en
proye aux Espagnols. Helas ! ceux qui nous font la
guerre iusques dedans nos portes, donneront vn
tesmoignage bien asseuré du contraire, ne nous
estant seruis des armes contre eux, que pour deffendre
ce qui estoit necessaire à nostre vie. N’eust-ce
pas esté vne grande lascheté à nous, s’il est permis
de repousser les armes par les armes, de voir auancer
les troupes Mazarines iusque dedans nos portes,
piller & brusler nos maisons, esgorger les enfans,
violer iusques aux Vestalles, entrer dans nos Eglises,
briser les Autels consacrez à Dieu, profaner les vaisseaux
sacrez, renuerser & fouller aux pieds la Saincte
Hostie, sans nous mettre en effect de reprimer
leur insolence ? mais si le Royaume eust esté en

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proye aux Espagnols, cela ne fut-il pas arriué par
l’imprudence de ceux qui ont enleué nostre Prince,
qui ont desgarny nos Frontieres de leurs garnisons,
donnant par ce moyen passage à l’Espagnol pour
nous venir faire la guerre iusques au cœur de la
France.

 

Que l’on ne reproche plus que les seuls habitans
de Paris ont plus payé en quinze iours que ne mon
te la descharge d’vne année que le Roy leur auoit
accordée, ils ont payé auec tant de facilité, qu’ils
sembloient receuoir plustost que de donner, parce
que du moins ils ont la consolation de ce que cét
argent sert pour la deffense de leur pain, au lieu que
l’autre ne seruoit qu’à assouuir la conuoitize de ceux
qui par mille infernalles inuentions, ont espuisé toute
nostre substance, & leur reste l’espoir, qu’apres
l’auoit employé à faire vne resistance genereuse aux
efforts d’vn Ministre qui pensoit les ruiner entierement,
ils esperent malgré toutes ses intrigues ioüir
d’vne Paix generale, dont la tranquillité leur doit
verser abondamment toutes les felicitez qu’ils attendent
depuis si long-temps.

C’est à vous ? que ie parle maintenant, braues habitans
de Paris ? poursuiuez ceste ardeur martiale,
que vous auez tousiours fait esclatet pour la deffence
de la republique, & puis que vous auez l’honneur
d’habiter la plus puissante ville du monde, faites paroistre
que vous en estes dignes, en exposant vostre

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vie pour la conseruation de ceux qui trauaillent à
vostre liberté.

 

Ie ne doute pas que vous ne vous ressentiez des
oppressions que vous font les ennemis, mais comme
vous vous acquerez tous les iours tãt de palmes,
ie m’asseure que vous en reconnoissez assez la nature
pour l’imiter : Si la palme à la vertu de resister
au poids qui l’opprime, & à la puissance de se releuer
auec plus de vigueur, que plus elle est chargée, pourquoy
ne vous rendrez-vous pas semblables à ceste
plante glorieuse, en resistant à ceux qui vous ont
tellement chargé de tributs & de taxes, qu’à present
vous auez vn iuste suiect de vous en ressentir. Vous
auez veu iusques auiour d’huy l’auantage que nous
auons remporté sur nos ennemis, par la sage cõduitte
de nos Generaux : Faites sur ce suiect vne reflexion,
& considerez de combien de trophées nous
nous fussions signalez, si nous eussions voulu nous
preualoir des rencontres, & ne nous pas tenir sur la
deffensiue, pour donner asseurance à nos ennemis,
que nous ne voulions pas estre les leurs, & leur faire
sçauoir s’ils ont pris quelque village auec la perte de
quantité de leur plus braues hommes, que nous auions
assez de cœur illustre, & de force pour nous illustrer
par des actions bien plus recõmandables à la
posterité que celles dont il tirent tãt de presomptiõ.

Pour vous donner vn esguillon de gloire, que de
vous mettre deuãt les yeux ce grand Prince de Coty,
dont la prudence iointe à la generosité, ne nous
promettent rien moins que l’accomplissement de

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nos proiects ? d’vn autre costé, voyez ce braue Duc
de Beaufort, auec le reste de nos Princes, & de nos
Generaux, qui les premiers dans les occasions vous
donnent des exemples que vous ne pouuez voir
sans admirer, & sans enuie de les imiter.

 

Et puis que l’on nous vante les trouppes de Mazarin,
dont la valeur & la vertu s’estendent à destrousser
vn pauure homme, de qui la plus grande richesse
est seulement de cinq sols, dont il pretend dõner vn
chetif repas à ses enfans, que le soldat enragé faict
mourir de faim que ce sont des personnes qui font
vne guerre bien genereuse, de qui les actiõs les plus
heroïques, sont de voler, & de violer mesme dans les
Temples consacrez à la supreme Diuinité ? quelle
chose pouuez vous trouuer de plus detestable que
le soldat qui se laissant emporter à ses passions brutalles,
sans respect de la vieillesse, violer impunemẽt
les femmes, dont l’aage est si decrepit, & le corps si
cassé, quelles deuroient plustost l’esmouuoir à compassion,
que de leur faire cét opprobre sur le declin
de leur vie.

Si ie voulois icy monstrer le reuers de la Medaille
n’admireroit on pas la vertude nos soldats, qui zellé
pour le seruice du public, au lieu de piller comme
les Mazarinistes, s’efforcent d’apporter chaque
iour à Paris, ce qu’ils estiment y estre necessaire.

Si pour mespriser nostre armée, l’on nous dit qu’il
s’ẽ desbãde tous les iours pour se ietter dans le party
cõtraire : Ie responds que ce ne sont que des perso[4 lettres ill.]
de sac, & de corde, lesquelles ayant veu [1 mot ill.]

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estroicte de nostre discipline Militaire, pour
receuoir double payement, se retirent en l’armée de
Mazarin, où ils peuuent, auec leur semblables tuer,
iurer, & commettre les excez sans chastiment, que
l’on punit auec seuerité dans nostre armée par la vigilance
continuelle de nos Officiers.

 

C’est assez parlé de nos soldats pour vous apprẽdre
qu’ils sont mieux commandez, & que leur generosité
est mieux employee que ne voudroient
nos ennemis, que leur Monstre ne fut iamais mieux
payee qu’elle est à present, & qu’en fin ils ont des
Generaux, qui n’ont pas si peu monstré de courage
dans les hazards de la guerre qu’ils ne sçachent aussi
bien le mestier de vaincre & de triompher que celuy
de combatre.

Prenez la peine de reflechir vos yeux, iusques dessus
la Normandie, où vous verrez le grand Duc de
Longueuille, au milieu d’vne armee, qui fait des exploicts
si dignes de luy, que la renommee à trop peu
de langue pour les exprimer selõ leur merite ? voyez
le dãs le Senat de ceste Prouince, & vous aduoüerez
que son conseil & sa prudence ne cedent en rien à
sa force, & la Iustice estant de son party que c’est vne
personne telle que Seneque l’a desiree pour auoir
toutes les perfections dignes d’vn homme. N’admirerez
vous pas aussi la conduite de ce sage Parlement
de Roüen, qui s’est porté auec tant d’ardeur
pour le salut de la cause publique, & dont l’adionction
à celuy de Paris, a fait que les affaires ont tourné
si heureusement à nostre auantage.

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Ne vous laissez dont point abuser, apres auoir veu
tant de personnes illustres, qui prennent en main la
deffence de nostre cause, & n’adioustez point de
croyance à des discours iniurieux & des libelles diffamatoires
qui tâchent de noircir la prise de nos armes,
par vn lâche titre de rebellion dont vous estes
autant incapables, que vous estes susceptibles de
l’amour de vostre Roy.

Ie ne doute point de l’affection que vous portez à
Messieurs du Parlement, mais ce n’est pas assez de
l’auoir continuée iusques à ce iour, il la faut auoir inuiolable
aussi biẽ que celle qu’il vous porte est eternelle :
en effet n’estes vous pas obligé de cherir particulierement
ceux qui prennent l’interest de vostre
Roy, qu’vn Ministre estranger opprimoit durant sa
minorité, diminuant les forces de son Royaume, &
ne deuez vous pas accroistre dautant plus ceste affection
que plus ils trauaillent pour vostre soulagement
exposant leur vie & leur biens à la barbarie de
Mazarin, s’il eust acquis quelque auãtage de sur eux.
ce que Dieu n’a pas permis pour monstrer qu’il vous
ayme & qu’il n’a peu souffrir que ce tiran regnast
plus long temps ? faites donc des vœux pour la conseruation
de ceste auguste Compagnie, apres en auoir
fait pour la protection de vostre Monarque,
afin que le Ciel estende sur luy autant de benedictions
que sa personne vous doit estre chere.

FIN.

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