Anonyme [[s. d.]], APOPHTEGMES DE L’ESPRIT DE VERITÉ, CONTRE LES ECCLESIASTIQVES QVI ABANDONNENT LE GOVUERNEMENT Politique des affaires de Dieu ; pour (sous le masque d’vne pieté simulée) vsurper auec plus de facilité le Gouuernement Politique des affaires d’Estat. , français, latinRéférence RIM : M0_132. Cote locale : B_10_13.
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APOPHTEGMES
DE L’ESPRIT DE VERITÉ,
CONTRE LES
ECCLESIASTIQVES
QVI ABANDONNENT LE GOVUERNEMENT
Politique des affaires de
Dieu ; pour (sous le masque d’vne
pieté simulée) vsurper auec plus
de facilité le Gouuernement
Politique des affaires
d’Estat.

Absalon feignant d’auoir fait vœu, & de vouloir sacrifier
à Dieu, cherche les moyens d’vsurper le
Royaume de Dauid. 2. Roys 15. 7.

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APOPHTEGMES DE
l’Esprit de Verité, contre les Ecclesiastiques
qui abandonnent le gouuernement
Politique des affaires de Dieu, pour (sous
le masque d’vne pieté simulée) vsurper
auec plus de facilité, le gouuernement Politique
des affaires d’Estat.

Absalon faignant d’auoir fait vœu, & de vouloir
sacrifier à Dieu, cherche les moyens d’vsurper le
Royaume de Dauid. 2. Roys. 15. 7.

LES plus grands Philosophes du siecle,
rapellent ordinairement dans leur memoire,
toutes les plus belles pensées
qu’ils se sçauroient figurer, pour en tirer
les matieres les plus conuenables aux demonstrations
qu’ils desirent faire. Mais puis qu’il
nous faut traiter en ce petit discours d’vn Paradoxe
qui semble choquer en quelque façon
toutes les puissances Ecclesiastiques : & qui
semble estre aussi en quelque façon contre la
commune oppinion de la plus part des hommes,
tâchons d’obseruer l’ordre autant qu’il
nous sera possible, & de bien compendre la

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nature du suiet que nous voulons traiter auec
sa propre definition, puis qu’il nous est impossible
de trouuer vn chemin qui nous puisse conduire
plus seurement a la parfaite connoissance
des choses que nous voulons dire.

 

A vray dire, il n’est point de nuée qui se puisse
opposer à la sublime intelligence des hommes,
que ce bel astre de raisonnement ne dissipe : &
nous ne scaurions exprimer par son moyen, aucune
circonstance qui ne conuienne au definy,
comme il n’est rien pareillement à son suiet,
qui ne doiuent appartenir à ce genre d’escrire.

Apres ce fondement posé, concluons donc
que l’Eglise est vne police Monarchique, instituée
pour vne fin surnaturelle & spirituelle,
conduite d’vn gouuernement Aristocratique,
par le souuerain Pasteur de nos ames, qui est
nostre Seigneur, Roy, Monarque, Fondateur,
Pierre angulaire, & Chef essentiel de l’Eglise,
qui a vn empire absolu, purement Monarchique
sur elle, & qui encores que par sa vertu
infinie, il eust peu sauuer les hõmes sans le scandale
de la Croix ; neanmoins pour confondre &
pour destruire la puissance, le fast, l’orgueil, &
la sagesse du monde, & pour enseigner ses Ministres
à estre humbles, & à quiter tous les biens
de la terre pour le suiure, il a voulu sauuer les
croyans par la folie de la Predication, afin que

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nulle chaire ne se peur iamais glorifier en sa
presence.

 

1. Cor. 5

Ou bien selon saint Paul, l’Eglise est vne
congregation de fidelles & d’infidelles, qui habitent
vne mesme maison, où il y a, comme
dans vn grand & superbe Palais, des vaisseaux
d’or & de terre (qui sont les hypocrites & les
gens de bien) & cela est ainsi au dire du Prophete
Royal Dauid, afin que toutes les actions
des meschans puissent tourner à la gloire de
Dieu ; c’est pourquoy selon la suitte du discours
de cet admirable Docteur des Centils, il ne
faut pas s’ébahir s’il y a quelques esprits de cette
troupe sacrée, qui se reculent de la Foy, & des
diuerses administrations qui se doiuent faire
dans le Christianisme, combien qu il n’y ait
qu’vn mesme Seigneur qui les puisse donner à
qui bon luy semble.

Rom. 16

Cor. 16.

Mat. 13.

Psa. 75.

1. Cor. 12.

Ce qui nous fait bien voir que quoy que l’Eglise
soit infaillible, qu elle soit eternellement
inaccessible à toutes les puissances infernales,
& que tout le monde y soit repeu d’vne mesme
pasture de la Parole, elle ne laisse pas d’estre
composée de certains Ecclesiastiques, qui
au lieu de s’exercer au Ministere où Dieu les a
appellez, & de seruir d’exemples à tous les Chrestiens
de la terre, ainsi que leur charge les y oblige,
ne font que s’ingerer dans le maniment

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des affaires des Princes, pour sous vne pieté simulée,
trancher du Souuerain, & sacrifier tous
les Estats à leur estrange ambition, & à leur prodigieuse
tyrannie.

 

Esai. 12.

Mat. 16.

Mais cela ne se sçauroit faire que contre l’intention
de celuy qui les a faits ce qu’ils sont &
ce qu’ils doiuent estre ; puis que celuy sur lequel
l’huile d’Onction a esté espanduë, & duquel les
mains sont consacrées en Prestrise, ne doit point
sortir des lieux Saints, afin qu’il ne contamine
pas le Sanctuaire du Seigneur, ainsi qu’il est porté
au vingt-vniéme chapitre du liure de la lignée
Sacerdotale.

Leu. 21.

Saint Paul dit escriuantaux Philippiens qu’ils
ne doiuent pas chercher leur propre profit : mais
ce qui est de l’honneur du Maistre qu’ils seruẽt :
ce qui ne s’accorde pas mal auec ce que saint
Mathieu leur prescrit, qui est de n’auoir point
des possessions d’or & d’argent, ny deux robes,
ny deux paires de souliers : car l’ouurier, dit-il,
est digne de ses vestemens & de sa nourriture
en quel pays qu’il puisse estre. Et certe s’ils font
autrement ils receuront vn salaire tel qu’ils l’auront
merité par les deportemens de leur vie, selon
que ce diuin Docteur des Gentils nous l’apprend
fort bien, en escriuant à ceux de Corinthe.

Philip. 1.

Matt. 10.

I. Cor 3

Dieu doit estre le seul heritage des Ecclesiastiques,

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& ils ne doiuent viure que des presens
qu’ils leurs sont offerts, sans auoir d’autres biens
sur toute la surface de la terre, & sans se mesler
d’autres affaires que de ceux que le zele, la
pieté, & la Religion Chrestienne, Apostolique
& Romaine, leur fait conceuoir, pour le salut
des ames qu’ils ont en charge. Car il faut qu’ils
sçachent qu’ils ne furent iamais ordonnez de
Dieu, que pour luy offrir des dons, des sacrififices,
& que pour luy presenter des prieres & des
oraisons, pour la purgation tant de leurs pechez
que des pechez des peuples.

 

Deut. 18.

Heb. 5.
Mar. 30.

Celuy qui veut estre le plus grand, dit saint
Mathieu doit estre le seruiteur de tous les autres,
imitant en cela le Sauueur de nos ames,
qui s’est humilié au dessous de tout ce qu’il y
a des raisonnables sur la terre, pour le salut de
tous les hommes.

Luc. 22.

Matt.
20.
Marc.
10.

Mais au contraire, à voir faire ces Ecclesiastiques
qui ne font que s’entremettre des affaires
des hommes, vous diriez que nous n’auons
plus dans toute la Chrestienté que des Sacrificateurs
d’Ophni & de Phinées, dont la seule
impieté est capable de faire trãsgresser les Commandemens
de Dieu à toute sorte de personnes,
& contre lesquels Hieremie fait de si estranges
imprecations, & contre lesquels le Prophete

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Malachie & le Prestre d’Esdras, font de si horibles
menaces.

 

1. Sam. 2.
Ier. 2.
Mal. 1.

Ceux là furent cause de la ruine de tout Israël,
& de la mort de trante mil Israëlites, & ceux que
nous auons en France, sont cause de la ruine de
tout l’Empire François & de la perte d’vn nombre
infiny de pauures ames innocentes. Il y en
auoit en la maison de Caïphe Souuerain Pontife
des Iuifs, qui consultoient comment ils feroient
mourir Iesus-Christ, & il y en a dans les Palais
des Princes & des Roys, qui s’estudient nuict
& iour, à sçauoir comment ils feront pour le crucifier
encor vne fois, en la personne de ses pauures
membres viuants, à qui mesme ils ont vsurpé
tous les biens qu’ils possedent.

Roys 4.

Mat. 26.

Ne sçauez vous pas bien, Messieurs, les Ecclesiastiques,
que vous n’auez esté éleuez à cette
adorable dignité, que pour seruir Dieu, &
que pour vous retirer des affaires du monde ?
Qu’il vous est impossible de pouuoir bien seruir
à deux Maistres & de vous pouuoir dignement
bien acquiter de la charge Episcopale qui vous
a esté donnée, plutost par vne grace que vous
reconnoissez fort mal, que par aucun merite
que le donateur ait iamais sçeu remarquer en
vostre personne ?

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C’est pourquoy vous ne deuriez iamais rien
tenter qui nous pust faire conceuoir vne mauuaise
pensée de vous, ny donner vn mauuais
exemple à qui que ce puisse estre ; puis que
l’exemple des bons Prelats porte tout le monde
au bien, aussi bien que celuy des mauuais à mal
faire.

O Ciel ! est-il possible de voir que des mains
qui n’ont iamais esté consacrées qu’à Dieu,
soient maintenant toutes empourprées du sang
de nos freres ? Ne ferez-vous iamais, SIRE, comme
Charlemagne, Louys le Debonnaire, Constantin
& Guillaume Duc de Normandie, qui
reformerent l’Estat des Ecclesiastiques, & les
obligerent comme Ministres de Iesus-Christ à
ne s’entremettre qu’a dispenser les Mysteres de
Dieu, & qu’à prendre la charge des choses spirituelles ?

Que ne les contraignez-vous, SIRE, tous
tant qu’ils sont, sans exception quelconque de
resider sur leurs benefices, ainsi que plusieurs
Roys vos predecesseurs ont fait par quantité
d’Edicts & d’Ordonnances, afin que là se trouuant
hors de l’embarras des affaires des hommes,
ils puissent communiquer le bien temporel
des Eglises aux pauures, & le bien spirituel à
toute sorte de personnes ; & finalement, afin

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qu’ils se puissent mettre en estat de prescher aux
vns & aux autres.

 

Quel droict est-ce que les Eclesiastiques ont
sur les affaires des hommes laïcs ; seroient-ils
bien aises que ceux-cy se meslassent des affaires
de l’Eglise, & s’emparassent de leurs benefices ?
la mesme raison dont ils se peuuent seruir pour
soustenir leur affaire, la mesme raison ne fait-elle
pas contr’eux & pour les autres ? Que peuuent-ils
dire, si ce n’est que c’est pour nous gouuerner
selon Dieu ? & le reste des hommes ne
peut-il pas dire la mesme chose en s’emparant
de leurs benefices ?

Ne sommes nous pas tous enfans d’vn mesme
pere, qui est Iesus-Christ ; & d’vne mesme mere
qui est l’Eglise son épouse, puis qu’il nous a tous
predestinez de toute éternité pour estre adoptez
pour cela ? Ne dit-il pas luy-mesme qu’il
nous a tous faits heritiers de ses graces, & que si
quelqu’vn les reiette qu’il attende son salut
d’ailleurs ? Que nous administrions ces mesmes
graces, qu’il nous a faites les vns aux autres,
comme en estant les dispensateurs ? Que si quelqu’vn
ne les administre pas, soient temporels ou
spirituels, qu’il en sera priué, & ietté dans les
flammes éternelles. Que tout le monde en peut
vser au profit de l’Eglise. Que quand le S. Esprit

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nous conduit en des actions si saintes & si pieuses,
que nous ne sommes pas sous la loy, parce
que nous l’accomplissons. Qu’il faut seruir à
Dieu en nouueauté d’esprit, & faire tout ce que
cét adorable viuifiant nous incitera de faire. Que
saint Paul se réjoüit que l’Euangile soit preché
par quelque occasion que ce soit. Que Iesus-Christ
commande de prescher l’Euangile à toute
sorte de creatures. Et que si ceux qui seruent
à l’Autel doiuent viure de l’Autel, à plus forte
raison que ne doiuent pas faire ceux qui seruent
à l’Euangile.

 

Psal. 44.

Epes. 1.

Tit. 3.

Gal. 4.

Heb. 10

1. Pier. 4.

Matth 25.
I. Thessal. 5.
Gal. 5.

Rom. 7.

Philip 1.

Mare. 16.

I. Cor. 5.

Que pouuez-vous dire, Messieurs les Ecclesiastiques,
apres des Decrets que l’authorité de
l’esprit qui les a prononcez, rend inuiolables à
toute la nature creée ? Apres cela la Noblesse &
le Tiers-estat, ont-ils moins de droict de s’emparer
des reuenus & des dignitez Ecclesiastiques,
que vous en auez de vous emparer des
charges & des dignitez, qui n’appartiennent
qu’aux esprits du monde.

Voyez aprez cela de grace, SIRE, si Vostre
Maiesté n’est pas obligée selon Dieu de reformer
les mœurs, les humeurs, & la vie déprauée
de ces Prelats qui abandonnent les affaires où
Dieu les a appellez, pour s’ingerer contre le
vœu qu’ils ont fait dans les affaires des hommes.

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Voyez si cette reformation est digne de Vostre
Maiesté, & du premier Roy Chrestien de toute
la terre habitable.

 

Theodoric Roy des Goths, & Theodebert
Roy d’Austrasie, furent bien punis de Dieu,
pour auoir esté trop indulgens à la punition des
crimes de cette nature. Vous estes obligé en
conscience de conseruer tous vos Estats en
paix, & de rendre la Iustice à tous vos peuples.
Et ce n’est faire ny l’vn ny l’autre, de souffrir que
ces gens-là mettent le desordre par tout, &
qu’ils imposent vne tyrannie insupportable à
toute sorte de personnes.

Henry III. fit faire vn Edict en l’an mil cinq
cens soixante, où il estoit eniont à tous les Euesques,
Archeuesques, & autres Prelats de faire
leur residence dans leurs Eueschez ou dans leur
Dioceze, afin de les retrancher du nombre de
ceux qui se deuoient mesler des affaires de la
Couronne, ce que les saints Conciles leur preschent
assez, s’ils estoient enfans d’obeïssance.

C’est ce que Vostre Maiesté deuroit faire,
SIRE, si elle vouloit remettre le Royaume en
son ancienne splendeur, & donner la paix à toute
l’Europe. Ne voyez-vous pas qu’ils sont cause
qu’on prophane les Eglises, qu’on démolit les
Autels, qu’on deserte la maison du Seigneur,

-- 13 --

que le culte de Dieu est méprisé, & que l’on
commet mille sacrileges & mille impietez en
cent mille endroits de la terre.

 

Gardez-vous bien SIRE, de les souffrir dauantage
dans la conduitte de vos affaires. Ne souffrez
pas qu’ils approchent seulement d’vn Ministere
où Dieu ne les veut pas souffrir ; & ne les
écoutez iamais, s’ils ne vous font voir qu’ils sont
enuoyez du saint Esprit pour la gloire de Dieu,
& pour le salut des ames, si vous ne voulez irriter
le Ciel & la terre contre vous, & si vous ne
voulez que l’vn & l’autre vous regardent en fureur,
& sans aucune espece de misericorde.

Les grands desordres & les grands malheurs
que les Ecclesiastiques ont causez dans tous les
Estats, vous doiuent assez faire voir combien ils
sont funestes à tous les Souuerains de la terre.

Iean Balue homme de tres bas lieu, & Cardinal
de sainte Suzanne, troubla tellement les
affaires de France, en qualité de premier Ministre,
qu’il faillit à faire perdre la vie & la Couronne
à Louys XI.

Comines 1.
2. ch 15.
P. Æmile 1.
10.

Le Cardinal du Prat n’eust iamais des intelligences
secrettes auec les ennemis de François
Premier que pour mettre tout son Royaume en
desordre.

Meisnerus
institutes
aulicarum
c. 25.

Le Cardinal de Guise, le Cardinal de Bourbon,

-- 14 --

& l’Archeuesque de Lyon, ne voulurent-ils pas
perdre Henry III. Roy de France & de Pologne ?

 

Duplex histoire
de
France
tome 4.

Le Cardinal de Pelué Archeuesque de Sens,
ne se rebella-t’il pas contre Henry IV.

Du Peyras
1. 2.

Salonie Archeuesque d’Embrun, & Sagitaire
Euesque de Gap, ne conspirerent-ils pas contre
Gontrau Roy d’Orleans, quoy qu’il fut vn des
plus sages Princes de la terre ?

Greg. Turon.
1. 5.

Gilles Archeuesque de Rheims, ne fut-il pas
atteint & conuaincu du crime de leze Maiesté
contre Clotaire, qui pour cela le bannit à perpetuité
du Royaume de France ?

Baron. an.
4. 7.

Genebrard Archeuesque d’Aix, & plusieurs
autres, dont le recit seroit trop long à déduire,
ne furent ils pas chassez de leurs pays, pour auoir
voulu attenter contre leurs Princes ?

Belle Forest.

La mauuaise vie du Ministre est imputée au
Souuerain qui la souffre, & il sera obligé d’en
rendre compte vn iour à Dieu comme de son
propre crime.

Qui sunt authores & causa malorum pastorum,
participes erunt panarum quas ipsimali paftores in stricto
Dei iudicio patientur.

Le fardeau temporel des affaires duquel vous
auez à rendre compte est assez grand, sans vous
charger encore du fardeau spirituel, qui n’est
deu qu’aux Ecclesiastiques. Le mauuais exemple

-- 15 --

qu’ils donnent aux peuples, est cause qu’il y
a si peu de gens de bien dans le monde, parce
qu’ils ne disent presque pas vn mot pour les
porter à la vertu, & font continuellement des
actions qui les induisent mille fois plus au vice,
que tous les discours de la terre.

 

Que Vostre Maiesté leur fasse donc obseruer
le saint & sacré Concile de Trente, qui est de
les faire resider dans leurs Dioceses, de leur faire
detester l’auarice, & de leur empescher la pluralité,
la vente, l’achapt, & la confidence des
Benefices. Et si elle le fait, elle verra que ses sujets
(incitez au bien à leur exemple, & par
leur bonne vie,) ne feront plus que benir sa
Maiesté, & qu’à luy rendre toute sorte d’obeïssance,
quelques rebelles qu’ils puissent estre.

Commencez donc par là SIRE, & considerez
que le Sceptre Royal ne vous a esté donné de
Dieu, que sur la promesse que vous luy auez faite
de n’en estre iamais ingrat à sa sainte & sacrée
Prouidence, luy ayant iuré par vn serment solemnel
& public, de le faire honorer, de le faire
craindre & de le faire seruir, sur toute l’estenduë
de vostre Empire.

Sa diuine bonté ne demande pour rendre le
plus heureux Monarque de la terre, sinon que
comme l’Eglise est la colomne de sa verite, le

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domicile de sa foy, & le Temple de son inmortalité,
vous luy donniez des sacrificateurs qui
soient destachez de tous les affaires des hommes.

 

Comment voulez vous que la France soit bien
conduite, si à l’imitation du Roy saint Louys,
vous ne retirez tous les Ecclesiastiques du precipice
où ils se sont iettez si vous ne les obligez
à seruir Dieu, ainsi qu’ils s’y sont obligez par le
vœu qu’ils ont fait, en se mettant au nombre de
ses Apostres.

Où sont ceux qui se peuuent veritablement
qualifier tels, & qui se sont iamais ingerez d’entrer
chez les Grands, que pour y prescher Iesus-Christ
& que pour y faire des conuersions, toutes
miraculeuses ?

Le moyen de remettre vostre Estat malade en
sa premiere santé, c’est de nommer les meilleurs
Ecclesiastiques aux premieres dignitez, comme
on faisoit en la primitiue Eglise, où il n’y auoit
que le martyre à gagner, & de despoüiller vn
nombre infiny de Cardinaux, d’Euesques, &
d’Abbez, de cette grande quantité de benefices
qu’ils possedent auec tant d’iniustice, contre
les decrets des saints Conciles, & les conferer à
ceux de qui la vertu ne vous sçauroit estre inconnuë.
Ainsi Dieu benira vos actions, ses esprits

-- 17 --

bien-heureux prieront pour vostre prosperité
& pour vostre santé, & tout le monde ensemble
vous considerera comme vn Prince enuoyé du
Ciel pour faire le salut de ses peuples.

 

A quelle raison est ce, SIRE, que ces illustres
reprouuez possederont les charges de Dieu,
puis qu’ils s’en rendent indignes par celles qu’ils
imposent aux hommes. L’vsage, l’experience,
la tradition, les Loix, les Canons, & les Constitutions
fondamentales de vostre Estat, ne
leur permettent pas de les posseder indignement,
ou du moins de les posseder en si grand
nombre.

Il n’y a qui que ce puisse estre au monde, qui
ne sçache parfaitemẽt bien que cela leur est deffendu,
tant par l’ordre ancien du Vieil Testament,
que par les nouueaux Decrets des Apostres
& des Conciles, qui sont les vrays Oracles
d’vn Souuerain, tres espouuentable aux infracteurs
de sa parole.

Puis qu’ils sont infidelles à leur Createur, de
qui ils ont receus des biens faits que tous les plus
grands Monarques de la terre ne leur sçauroient
faire, ie vous laisse à penser, SIRE, ce qu’ils
feront contre vous, qui n’estés qu’vn petit ver
de terre en comparaison de celuy qui a donné
l’Estre ? s’ils n’õt point de foy, pour luy, vostre Maiesté

-- 18 --

se peut-elle imaginer qu’ils en ayent pour
elle ?

 

Vsez donc, SIRE, de l’aduis que ie vous
donne, ainsi que l’Ange de Dieu vsoit de l’Angelique,
afin d’empescher que ce mal-heureux
poison n’infecte pas dauantage l’esprit d’vn peuple,
qui n’est armé que pour appuyer vos interests,
& que pour se deffendre de leur estrange
tyrannie. Et lors vous aurez vn Royaume de
paix, vn Empire de grandeur, & vne Monarchie
d’vne felicite toute diuine.

Les premiers François, selon le tesmoignades
Histoires plus anciennes, auoient des Druides
qui pulluloient en toute sorte de vertus, &
nous auons des Ecclesiastiques qui foisonnent
en toute sorte de vices.

Il est vray qu’il y a eu autrefois des Prestres,
dont la pureté estoit aussi parfaite qu’on la pouuoit
desirer pour le salut d’vne Monarchie : mais
depuis que les dignitez Ecclesiastiques ne sont
données qu’a des Denis, qu’a des Bu[2 lettres ills.]res, qu’à
des Diagoras & qu’à des Theodores, l’on ne void
plus que tout l’ordre renuersé, & toute la nature
dans vne confusion, qui n’en eut iamais de pareille.

I’aduoüe que ce n’est pas vn petit bien
aux Roys & aux peuples, quand il se trouue

-- 19 --

des Ecclesiastiques qui prennent le soin d’assister
les Souuerains de leur conseil, selon Dieu,
& sans y estre portez que par le seul interest de
sa gloire, ainsi que fit saint Remy Euesque de
Rheims, qui baptisant & sacrant Clouis premier
Roy Chrestien, luy inspira dans l’ame vne pieté
en vertu de laquelle il fit tant de merueilleuses
conquestes, si cela se peut dire sans offenser les
merites de sa chere Clotilde.

 

Charlemagne, surnommé le Grand, tant à
cause de sa pieté & de sa doctrine, que de sa grande
suffisance au fait des armes, auoit saint Arnoul
& saint Gilles, qui ne luy parloient iamais
que comme des esprits enuoyez du Ciel, afin
que son Empire fut conduit selon la volonté du
Dieu de paix, & du Dieu des armées, aussi estoiẽt-ce
deux prototipes de sainteté, puis que l’vn quitta
le Throsne de ses peres, pour viure parmy les
deserts, & que l’autre aima mieux souffrir le martyre,
que la vanité, l’auarice & le luxe des Ecclesiastiques.

Charles le Victorieux, auec quelle passion se
rendit-il le protecteur des loix, sinon afin que
l’on n’esleuât aux dignitez Ecclesiastiques, que
des hommes d’vne vie tres exemplaire ?

Louis XI. a esté tousiours grandement soigneux
d’auoir pres de sa personne des Ecclesiastique
aussi sacrez que des intelligences Celestes.

-- 20 --

Ie dis aussi sacrez, parce que selon saint
Augustin, les Prestres sont si cheris de Dieu, que
Iesus-Christ s’incarne tous les iours de nouueau
dans leurs mains, comme si c’estoit dans le flanc
Virgnal de son adorable Mere.

 

C est pourquoy ce bien heureux Prince, enuoyoit
chercher de toutes parts des hõmes d’vne
vie tres agreables à Dieu, afin de prendre conseil
d’eux, & afin de ne rien faire contre ses peuples
qui ne fut approuué par ces bien aymez de
sa toute puissance, & non pas des tyrans & des
sangsuës publiques.

Si nos Rois vos predecesseurs ont honnoré
les bons Prelats, aussi ont-ils extremement hay
tous ces Antropophages qui deuorent leurs subjets,
& tous ces inuenteurs de simonies, & de
pluralitez Beneficiales, tres abominables à Dieu
& aux hommes. Est il iuste que les Ecclesiastiques
espousent plusieurs Benefices, & que nous
ne puissions espouser qu’vne femme. Si Dieu
dit par la bouche de saint Paul, qu’il est bon à
l’homme d’auoir seulement vne femme pour
euiter fornication, & qu’il ne soit pas mesme
permis aux Rois d’en auoir qu’vne, de crainte
qu’il ne destourne son cœur de Dieu, pourquoy
sera t’il permis aux Ecclesiastiques d’auoir plusieurs
Benefices, puis que les Benefices qu’ils

-- 21 --

ont, leur tiennẽt lieu de femme, il faut qu’ils sçachent
que le bien de l’Eglise n’est que le bien
des pauures, & que l’intention de ceux qui l’ont
donné, n’a esté ny ne sera iamais autre deuant
Dieu & deuant les hommes : & cependant il
n’est à present qu’entre les mains des meilleurs
maisons de France, contre l’intention de ces
pieux Testateurs qui l’ont donné, & si non contens
de le posseder iniustement, ils veulent auoir
plusieurs Benefices, qui est le bien de plusieurs
miserables, cependant qu’vn nombre infiny de
pauures mourans de faim en sont frustrez, &
qu’ils en entretiennent quantité de carosses, de
cheuaux, de chiens, de putains, & de domestiques.

 

Cor. 7.

Deut. 17.

Apres cela, pouuons nous dire que des Ecclesiastiques
de cette nature soient Chrestiens,
Disciples de Iesus-Christ, & imitateurs de cet
adorable Sauueur de nos ames. Apres cela, pouuons
nous dire que les Roys le soient, de souffrir
le bien de l’Eglise entre les mains leurs iniustes
possesseurs, de souffrir des libertins, des tyrans
& des impies dans les dignitez de l’Eglise, &
des demons incarnez dans les Ministeres de
leurs Empires.

Songez y de grace, Sire, si vous n’en voulez
respondre en vostre propre & priué nom deuant

-- 22 --

le Tribunal de son adorable Iustice. Chassez
de l’Estat ceux qui pillent vos pauures subjets,
& qui causent tant de desordres à toute
l’Europe, & faites demettre par le Saint Pere
tous ces abominables Simoniaques. Apliquez
le fer & le feu à la paillardise, aux rapines, aux
sacrileges, aux ambitions, aux luxes, & aux
impietez de quelques Ecclesiastiques du siecle,
si vous voulez que Dieu benisse vos
Estats & vostre posterité iüsques à la fin des siecles.
L’honneur que vous deuez à celuy qui vous
a mis la Couronne sur la teste vous le commande,
le peuple vous en coniure au nom de celuy
qui vous a crée ; & l’Eglise Vniuerselle vous l’ordonne,
pour la gloire de Dieu & pour le salut de
toutes ses Creatures.

 

FIN.

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Anonyme [[s. d.]], APOPHTEGMES DE L’ESPRIT DE VERITÉ, CONTRE LES ECCLESIASTIQVES QVI ABANDONNENT LE GOVUERNEMENT Politique des affaires de Dieu ; pour (sous le masque d’vne pieté simulée) vsurper auec plus de facilité le Gouuernement Politique des affaires d’Estat. , français, latinRéférence RIM : M0_132. Cote locale : B_10_13.