Anonyme [1649], APPARITION DE LA VIERGE A LA REYNE REGENTE MERE DV ROY. , françaisRéférence RIM : M0_140. Cote locale : A_2_24.
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APPARITION
DE LA
VIERGE
A LA
REYNE REGENTE
MERE DV ROY.

DANS SA CHAPPELLE DE SAINCT
Germain en Laye.

A PARIS,
Chez CLAVDE MORLOT, ruë de la Bucherie
aux vieilles Estuues.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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APPARITION DE LA VIERGE,
A la Reine Regente Mere du Roy.

Dans sa Chapelle à sainct Germain en Laye

IL est tres-veritable que la Vierge est l’organe
de la volõté de Dieu, la Dispensatrice de ses faueurs,
& la Tresoriere de ses graces ; C’est elle qui
ayant porté le fruict de nostre redemption, est cause
que nous sommes sauuez ; C’est la Mere de misericorde,
& l’Aduocate des pecheurs. D’où
vient que la deuotion que l’on a pour son seruice,
est vne marque de predestination ; Ce qui a fait
dire au glorieux sainct Bernard ces belles paroles.
Si Virginem amauero saluus ero, ni si Virginem amauero
saluus non ero ; & qui a obligé nostre Inuincible
Monarque Louis le Iuste d’heureuse memoire,
& la tres-pieuse Reine son espouse, de luy consacrer
& dedier non seulement leurs sacrées personnes,
& celles de nos Princes leurs enfans, mais
encore leurs Sceptres, leurs Couronnes, & leurs
Royaumes de France & de Nauarre, la suppliant
de vouloir estre la Protectrice de leurs peuples.

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Iamais Rois ny Reines n’ont conçeu de plus juste
desseins ; La Mere de Dieu a agrée leur offrande,
& s’est renduë particulierement la Protectrice de
cét Empire ; & afin de nous en donner vn tesmoignage
tres-euident, la veille du iour que l’Ange
Gabriel luy apparut par vn specieux miracle, elle
apparut aussi à la Reine, lors qu’elle estoit en sa
Chappelle sur les vnze heures & demye dumatin,
& luy dit : le cheris vostre peuple, faites la Paix pour
l’amour de moy, La Reine fut autant troublée que
consolée par le diuin esclat de la presence de la
Vierge, elle tascha de se retirer dans sa chambre,
accompagnée des Dames de sa Cour qui n’auoient
pas eu le bon-heur ny le priuilege que d’auoir
veu la Vierge Marie qui tenoit entre ses bras
le petit Iesus, ce qui les obligea de supplier sa Maiesté
de leur dire le sujet de sa melancolie : Alors
la Reine leur respondit qu’elle n’estoit point dans
cette humeur, mais qu’elle auoit receu vne plus
grande grace, & vne plus grande faueur qu’elle
n’eust pas esperé du Ciel, parce qu’elle auoit veu
la Reine des Reines tenant entre ses bras Nostre
Sauueur qui luy auoit tesmoigné l’amour qu’elle
portoit à son peuple, & qu’elle luy auoit recommandé
de le laisser viure en repos, & de faire la
Paix. C’est vne marque tres-asseurée de la cãdeur

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de l’ame de nostre pieuse Reine, & du zele que la
glorieuse Vierge Marie à pour ce Royaume, aussi
bien en toutes les autres parties du monde on ne
trouueroit point de semblables Estats qui soient
soumis à sa puissance, & qui luy soient consacrées
comme le nostre. O ! que j’admire la sagesse de
nostre grand Roy Louis le Iuste, ce grand Prince
preuoyant bien que cette Monarchie apres son deceds
pourroit tomber entre les mains des peruers
Ministres, qui au lieu d’auoir soin de maintenir
tousiours cét Empire en son estat florissãt, taschent
de le ruiner par des monopoles, & concussions,
quelques ans auant son deceds, fit cette belle
offrande de sa personne & de ses biens à la Reine
des Anges, au mesme temps que ces esprits bienheureux
porterent le corps glorieux de cette tres-saincte
Princesse dans le Paradis : Si bien que, peuple
François, nous n’auons rien à craindre, puisque
la Mere du Dieu des armées prend nostre party, il
est impossible que nous n’ayons la victoire dessus
nos ennemis, & que Mazarin ne soit contraint &
obligé de nous laisser viure en repos, en vain sont
ses ruses & ses stratagemes, à mesure qu’il les conçoit,
la sacrée Vierge les discipes, toutes ses malignes
conceptions ne peuuent point produire les
effects qu’il en espere ; mais au contraire, ses pernicieux

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desseins enfantent & produisent sa propre
ruine, s’il eust esté bien aduisé, il auroit vescu en repos
dans la France, sans vouloir aneantir l’authorité
du Parlement, & rabaisser la gloire de nos Princes
pour s’esleuer aux plus grandes charges & dignitez
de la Couronne, son ambition sera cause
que sa grande fortune ne sera pas de longue durée,
& que la bonne destinée ne sera pas tousiours sans
doute de son costé, dont quelques-vns en voulant
faire le portraict moral, l’ont peinte sans pieds, &
non pas sans mains & sans aisles, & d’autres l’ont
representée de verre, pour nous monstrer qu’il n’y
auoit rien de plus beau, mais qu’il n’y auoit aussi
rien de plus fragile.

 

 


Ce qu’on voit qu’elle esleue, elle l’abbat par terre,
Vne extréme rigueur soit tousiours sa bonté,
Elle fait la paix & la guerre,
Et monstre assez estant de verre,
Quelle en a le defaut auecque la beauté.

 

Si Mazarin eut eu autant de prudence que de veine
gloire, il auroit mis vn clou à la rouë de sa bonne
fortune, il se deuoit contenter que la France
pour les petits seruices qu’il luy auoit rendu, auroit
fait en sorte que sa Saincteté l’auroit honoré du

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bonnet de Cardinal, sans doute qu’il n’auoit iamais
ambitionné vne telle dignite, dont l’esclat au
lieu de l’esclairer l’a aueugle mais de telle sorte
qu’il n’a iamais plus depuis sçeu se conduire, quel
pesant fardeau à celuy qui n’en est pas digne, sa malice
le porte à ses extremitez que de vouloir persuader
à la Reine que cette glorieuse apparition
de la Vierge n’est autre chose qu’vne illusion, comme
si s’estoit la premiere fois que Nostre-Dame
paru à de semblables Princesses. Neantmoins la
Reine Mere du Roy, ne laisse pas que d’en croire &
asseurer la verité de ce miracle : Ce qui l’oblige
d’autant plus volontiers à condescendre à vne
bonne paix, telle que son peuple souhaitte, qu’il
est de droict & de justice : Heureux sera le iour où
elle nous ramenera le Roy dans Paris, dont la
Royale presence mettra fin à nos peines, & à nos
trauaux, quelles acclamations, & quels feux de
ioye ne feront pas tous les Parisiens, quelles benedictions
receura cette grande Reine de son cher
peuple, quels hommages le Parlement luy rendra,
son arriuée produira le retour du Siecle d’or, dans
lequel nous viurons contens, nous verrons le
souuenir de nos maux passez dans vn Occean
de bon-heur les plaisirs que les Habitans de Paris
receuront de reuoir leur Roy, sera cent fois

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plus grand que tous les trauaux qu’ils ont endurez :
Courage François, il est veritable que
nous auons vne grande Reine, mais nous auons
encore vne plus grande Protectrice, qui pour escraser
la teste de la rebellion, a miraculeusement
parlé à sa Majesté ; Nous deuons esperer vne bonne
issuë de la Conference, les Princes de sa Cour à
son imitation seront touchés de compassion pour
cette florissante Ville de Paris, Prions cette supréme
Imperatrice du Ciel & de la terre, qu’elle
veuille tousiours nous proteger, & conseruer
l’honneur de la France, sa tres-saincte Bonté nous
accordera cette grace ; Ainsi nos cœurs contents
& satisfaicts seront remplis des vœux pour sa Majesté
supréme, & nos lévres publieront eternellement
ses loüanges.

 

FIN.

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