Anonyme [1649 [?]], LA FRANCE ET LES ROYAVMES RVINEZ PAR LES FAVORIS ET LES REINES AMOVREVSES. , françaisRéférence RIM : M0_1429. Cote locale : A_3_66.
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Les Royaumes rinez par les
Fauoris et les Reines
amoureuses.

CE n’est pas d’auiourd’huy que les plus grands
Royaumes du monde ce sont perdus d’eux
mesmes, & que les plus puissantes Monarchies de
l’Vniuers sont tombées dans vne funeste decadence,
par l’insolence des Fauoris qui gouuernoient les
Roys, & leurs Estats ; par la feblesse des Princes qui
se laissoient gouuerner, ou plustost gourmander de
leurs Ministres : & par la passion des Reynes qui se
sont démesurement affectionnées de ceux desquels
elles reçoiuent du soulagement en la conduitte des
affaires importantes de leur Royaume.

Roboam Roy d’Israël perdit son Estat, son honneur,
& sa vie, pour auoir suiuy le malheureux conseil
de quelques ieunes gens desquels il aymoit trop
la conuersation, & de qui les discours aussi bien que
les auis ne tendoient, qu à l’opression & la ruine des
peuples. Et l’Histoire nous assure que la Reine Tomiris
fut cause de la mort de son fils, pris en bataille
& tué par Cyrus pour auoir trop aymé vn Mignon
qui la porta a luy denier le secours, & le laisser perir
entre les mains de ses ennemys parce qu’il n’approuuoit
pas leurs déportemens & qu’il condamnoient

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des actions indignes d’vne Couronne qui ne doit éclatter
qu’en vertu, sagesse, & magnanimité

 

Le Royaume de Barbarie l’vn des plus beaux &
des plus puissans de l’Vniuers fut miserablement
destruict, perdu, ruiné saccagé, reduit en cendre,
& en poussierre par les menées & les artifices d’vn
certain Fauory nommé Carthgenix, homme de
basse naissance, mais d’ailleurs personnage d’esprit,
de science, & de courage ; Ce perfide apres auoir
regné l’espace de 20, ans entiers, sous la faueur, &
le Sceptre du Roy Seythas surnommé Gonas qui
signifie mal aduisé, sousleua les peuples contre l’obeissance
qui estoit deuë à sa Maiesté, & se voyant
assez appuyé pour conspirer la mort de son Prince,
qui de la poussierre l’auoit esleué dessus les Throsnes
& l’auoir fait compagnon de ses grandeurs, il se resolut
de le perdre, & d’vsurper sa Couronne. Le Roy
qui ne préuoit aucunement la malice de ses desseins,
permet qu’il leue vne puissante armée sous pretexte
de faire la guerre à ses voisins, & d’aggrandir les limittes
de son empire ; luy ce pendant visite toutes
les Prouince, & les dispose à receuoir ses ordres, ses
biens faits, ses actions, & les laissant en cet estat retourne
promptement à la Cour, ou apres auoir salué
le Roy, & sans marchander d’auantage le ruë luy
mesme de ses propres mains, & se fait proclamer en
sa place. Iugez combien il est d’angereux pour les
Monarques, & les Royaumes d’auoir des Fauoris
qui manient les Finances, & gouuernent absolument
la Personne du Roy.

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Apres la mort de V desians second Roy de Pologne
la Regence du Royaume estant tombée entre
les mains de la Reyne selon les loix du Pays, cette
imprudente & malheureuse Princesse ne le gouuerna
pas long temps sans mettre bientost sur le bord
du precipice & dans le penchant de sa ruine ; Et voicy
comment elle deuint si esperduëment amoureuse
du Roy de Cracouie, quelle le solicita d’abord à
se deffaire de sa femme, afin de l’epouser. Ce Prince
iugeant bien, comme il estoit vray, que sa passion
estant extresme : estoit par consequent capable de
faire tout ce qu’il voudroit, luy demanda la possession
de tout son Royaume, de mesme quelle desiroit
celle de son cœur ; luy persuada d’autant plus facilement
de luy donner, quelle estoit sans enfans, &
sans heritiers. Elle accorde tout pourueu quelle accomplice
ses desirs, & ne se soucie pas de perdre son
Royaume, si elle peut gaigner vn amant. Mais ce
qui est déplorable en cet affaire c’est que pour l’auoit
il fallut faire la guerre, & respendre le sang d’vn
million d’ames, pour s’en rendre maistre, & ce auec
tant de cruauté, que la Reyne elle mesme tuoit ses
propres subiets, pour obliger le Roy de Cracouie à
vaince sans peril, & sans hazard.

La Syrie veit autrefoit auec estonnement vn Fauory
nommé Nacaros que le Roy cherissoit, plus
que sa propre vie, & que les Citoyens adoroiẽt, mettre
l’Estat en combustion, & en guerre, & par vn
aueuglement estrange, comme par vne enuie enragée,
& pour se vanger de quelsques mécontentemens

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qu’il auoit receu des plus illustres seigneurs de
la Cour, qui pour l’ordinaire leur sont ennemys, se
iette du party des Moscouites, & les porter à liurer
la guerre à son Prince, & à son Pays : ce qu’il fist
auec tant danimosité, que s’estant rendu Chef, &
General de l’armée, il combattit si courageusement
& si ardamment, qu’ayant deffait toute l’armée des
Syriens, il enueloppa le Roy, le prist, le tua, & enuahit
son Royaume.

 

L’Egypte fut 20. ans entiers captiue sous le Regne
de Pheuissa femme de Pharaon quatiesme, laquelle
estant deuenuë amoureuse d’vn Grecq nommé
Oxanates, abandonna tellement le soing, & la
conduite des affaires de son Royaume pour suiure
l’impetuosité de ses desirs, & le desreglement de ses
folles amours, qu’en fin ses suiets lassez des iniustices,
violences, exactions, cruauté que l’on exerçoit
contre eux à la solicitation de ce Fauory, se resolurent
de se vanger de l’vne & de l’autre & les faire perir
miserablement. En effect ils prirent cette Reyne
impudique, la despouillerent de ses ornemens Royaux,
& apres luy auoir reproché ses infames déportemens,
en presence de tout le peuple assamblé pour
voir ce spectacle, la ietterent dans le Thibre ; & en
suitte de cette execution condamnerent le Grec à
estre bruslé tout vif.

La Perse ne fut pas moins malheureuse sous l’administration
& le gouuernement d’vn autre Fauory
nommé Sophiata, car l’Histoire Persienne ne descrit
pas la centiesme partie des malheurs, des calamitez,

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des miseres que causa cét homme par ses fourbes,
& ses flatteries, il fit mettre à mort beaucoup de
nobles qui auoient choqué son authorité, & blasmé
ses actions, il fit entendre au Roy qu’vn sien fils
auoit conspiré contre la Maiesté, & fut cause de la
mort de ce ieune Prince : il sousleua par sa mauuaise
conduitte les peuples & les Prouinces, & mit le Roy
en estat de n’auoir presque plus ny Domaine, ny Finances,
ny Couronne.

 

Les Parthes seroient peut estre encor Victorieux
& puissans, s’ils n’auoient point eu de Reyne passionnée
d’amour, mais la penultiesme qu’ils eurent,
affectionnoit si extraordinairement les hommes
biens faits, & de bonne mine que soubliant entierement
de ce quelle estoit, elle negligea tellement
les affaires de son Royaume, que les Anabattes se
seruans de l’occasion, & de ses feblesses, se ietterent
dans son Païs auec vne forte armée, & subiugeurent
sans aucune resistance de la part des habitans qui
estoient ennuiez de la vie de leur Princesse.

Peut on voir sans larmes l’estrange decadence, &
l’horible Catastrophe du Royaume de Mesopotannie
qui fut reduit au dernier periode de sa ruine, par
les legeretés, & les amourettes d’vne fille de sang
Royal legitime heritierre de la Couronne qui s’estẽt
amourachée d’vn Prince d’Esclauonie, mist son hõneur
au hazard, son Royaume en proye, ses suiets à
la besace, ses Finances à sec pour suiure vn Amant
qui apres en auoir abusée l’assasina mechament, &
vint fourrager son Païs, dont la plus grande partye

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se rendit à luy volontairement, & le reconnurent
pour leur Roy.

 

Le Dannemarhc n’auoit iamais esté soumis aux
loix de la Pologne sans les infamies, & les desbauches
de la Reyne Vridalla laquelle au recit de l’Histoire,
ayma mieux perdre son Royaume, que de
quitter l’amitié qu’elle auoit contracté auec vn Indien,
au preiudice de son Estat. Ne pouuons nous
pas dire la mesme chose du Royaume de Saxe qui fut
renuersé par vne Reyne amoureuse d’vn sien page
quelle fit Roy, au preiudice de ses legitimes enfans,
qui se voyant priuez d’vn Sceptre qui leur appartenoit
de Droict, & de Iustice, par la rage d’vne mere
passionnée, la priuerent elle mesme de la vie, &
la rendirent vn obiect d’horreur & de maledictions.

La Hongrie se resent encor auiourd’huy des
meurtres, des malheurs qu’vn perfide Fauory nommé
Buderus y excita l’espace de vingt trois ans ou
enuiron qui gouuerna les Reynes de ce Royaume
auec vne authorité absoluë qu’il fit mettre le Roy en
prison ou il mourut de regret.

Bref lisons les Annales de tous les Empires du
monde, nous ny remarquerons que des Tragedies
sanglantes, des changemens, des reuolutions, des
troubles, des guerres, que les Fauoris, & les Reynes
amoureuses y ont causé, & causeront, si les Princes
ne deuiennent plus sages, & les Reines & les Princesses
moins dissoluë.

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